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Béatrice FRACCHIOLLA

L’euphémisme, macrofigure discursive du discours haineux. L’exemple du débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen et ses reprises dans la presse francophone

 

 

Béatrice Fracchiolla
Université de Lorraine, CREM EA3476
Délégation CNRS UMR 8238 – LEGS
Beatrice.fracchiolla@univ-lorraine.fr

 


Résumé
Cet article analyse la manière dont vingt et un media de presse francophones ont rendu compte du débat présidentiel d’entre deux tours du 3 mai 2017 entre Emmanuel Macron et Marine le Pen dans les deux jours qui l’ont suivi. Tout en s’appuyant sur le discours source, l’analyse tient plus particulièrement compte de la deixis énonciative des différents titres et chapeaux de leur mise en réseau dialogique et polyphonique fondée sur l’euphémisme et l’interdiscursivité pour rendre compte au mieux de la violence décalée du débat par rapport au genre attendu d’un « débat présidentiel ». L’euphémisme est utilisé à divers degrés par les débattants et par la presse pour rendre compte de la violence des interactions. Il est en particulier abordé et explicité ici dans le cadre de l’analyse de discours et d’un point de vue pragmatique comme figure discursive macrostructurale hyper contextuelle qui inclut ou avoisine d’autres, plus classiques, telles que la litote ou la métaphore.

Abstract
This article analyzes the way in which twenty-one French and French-speaking press titles reported on the presidential debate between two rounds of May 3 2017, where Emmanuel Macron and Marine le Pen where face to face. We will analyze a corpus of articles published in the two days that followed the debate, especially article headlines. While relying on the source discourse, the analysis focuses more specifically on the enunciative deixis of press titles and their dialogical and polyphonic networking based on euphemism and interdiscursiveness to best reflect the violence which does not correspond to the expected genre of the “presidential debate”. Euphemism is used by debaters and the press to represent the violence of interactions. It is in particular analyzed and examined here within the framework of discourse analysis and from a pragmatic point of view as a macrostructural discursive figure, context dependant, neighboring or including other, more classic ones such as understatement or metaphor.


 

Introduction[1]

 

Cette contribution se situe dans le cadre des analyses de la violence verbale et de ses prolongements en discours de haine (MOÏSE et al. 2008, FRACCHIOLLA et al. 2013, MOÏSE et LORENZI 2021) et de la manière dont elle se manifeste sur le plan interactionnel, en particulier dans le débat politique. Elle est dans le prolongement de mes travaux sur la nécessité, pour les politiques qui s’affrontent dans un débat pour le pouvoir – et, en particulier, présidentiel – d’adopter des processus d’attaque verbale indirects et « courtois » (FRACCHIOLLA 2008, 2011, 2013 ; FRACCHIOLLA et ROMAIN 2015), au risque sinon de se trouver disqualifiés. Fondée sur ces précédents travaux, l’analyse porte sur le débat d’entre deux tours des élections présidentielles françaises qui a eu lieu le 03 mai 2017 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen (désormais EM et MLP). Ce débat présentait a priori des caractéristiques exceptionnelles dans le cours d’une série de débats historiques qui, organisés sur le même modèle[2] depuis les élections présidentielles de 1974 (SANDRE 2010 ; KERBRAT 2017), entretiennent de facto des liens interdiscursifs les uns avec les autres (CHARAUDEAU et MAINGUENEAU 2002 : 324). Pour la première fois, aucun des deux grands partis traditionnels de droite ni de gauche n’y figurait et une candidate représentant l’extrême droite historique française, MLP, du Front National[3], y participait[4], face à EM, leader d’un nouveau mouvement nommé La République en Marche. Au-delà, le débat s’est déroulé, dans sa tenue et d’un point de vue discursif, d’une manière que l’on peut qualifier de non conventionnelle – au sens propre où le débat d’entre-deux-tours est conventionnellement ritualisé, en référence au modèle existant, fondé sur les autres débats l’ayant précédé. En cela il a mis à maintes reprises les journalistes et les téléspectateurs au défi, par sa forme interactionnelle (interruptions, chevauchements, digressions…) (FRACCHIOLLA 2019). Il confirme la nécessité de cette dimension courtoise indirecte du discours politique “à la française” (en vertu du terme “courtois” et de l’univers des premiers romans et de chevalerie des XIIème-XIIIème siècles auxquels il réfère) pour être crédible et fédérateur en termes de votes. Comment, dans la presse, le “discours sur” ou rapporté, commenté, fait-il état et restitue-t-il les éléments de violence verbale (attaque ad personam, insulte, injures, diffamation, mensonge, menaces, harcèlement, etc.) présents tout au long du débat[5] ? Et comment, par leur répétition, ces éléments participent aussi, ensemble, à la construction globale d’un discours de haine (LORENZI et MOÏSE 2021) ? Cela, sachant que la presse, pour être crédible, doit elle aussi faire preuve d’une certaine distance sur la forme comme sur le fond et se soumettre aux caractéristiques du commentaire et de la synthèse, dans un langage qui soit lui-même policé. En m’appuyant sur certains éléments d’analyse (FRACCHIOLLA 2019), je m’intéresserai ici, et avant que le prochain débat attendu pour mai 2022 n’ait lieu, à la question de la frontière entre ce qui est ou non acceptable dans un tel débat d’entre deux tours, en relation avec la dimension plus ou moins directe réelle et perçue des attaques publiques à l’encontre de l’adversaire. A cette fin, je m’attacherai à l’analyse spécifique, et au moins partiellement représentative en termes d’échantillonnage, de la manière dont vingt-et-un journaux et magazines francophones ont rendu compte de ce débat, à son lendemain. Je travaillerai plus particulièrement pour cela la figure de l’euphémisme[6], comprise ici comme figure macrostructurale sur le plan discursif.

Selon les travaux existants, en effet, l’euphémisme en tant que macro figure d’atténuation est liée à une interprétation diverse qui le rend très souvent difficile à distinguer ou à départir d’autres figures de rhétorique, dont la litote (HORAK 2010, JAMET et JOBERT 2008 : 9, 19-20 ; JAUBERT 2008, 2011). Son interprétation se trouve par ailleurs toujours totalement co-dépendante du contexte, et peut même ne reposer que sur un geste ou une intonation, sur le plan interactionnel (KERBRAT-ORECCHIONI 1994, DRUETTA 2012). A ce titre, la position et le cadre théorique adoptés pour cette contribution se fondent plus particulièrement sur JAMET et JOBERT 2008[7] :

L’euphémisme fait fi des classifications établies, et recourt à de multiples procédés : litote, hyperbole, périphrase, circonlocution, allusion, métaplasme, antiphrase, etc. En ce sens, c’est une figure macro-structurale qui n’obéit à aucune structure particulière, comme le signale P. Bacry [1992 : 106] : L’euphémisme, bien qu’il consiste en somme à remplacer un mot par un autre, n’est pas toujours considéré comme une véritable figure. En effet, au contraire d’une métaphore, d’une métonymie, d’une périphrase, il ne met pas en œuvre des moyens techniques qui lui seraient propres. Usant ainsi de moyens variables pour remplir son rôle, l’euphémisme s’appuie en fait sur diverses figures, en particulier sur celles du voisinage (JAMET et JOBERT 2008 : 3).

Nous considérerons pour cette démonstration qu’il est une figure globale et englobante, qui tend à reposer sur d’autres figures et procédés plus clairement définis linguistiquement – qui ne feront pas ici l’objet d’une étude spécifique. A ce titre, l’euphémisme sera étudié d’un point de vue pragmatique comme figure discursive macrostructurale plus particulièrement en relation avec les notions d’indirection, de violence verbale et d’attaque courtoise déjà évoquées – ce qui sera explicitée dans la continuation de l’analyse du corpus lui-même. Les analyses ciblent plus particulièrement les unes éphémères de la version électronique de chaque média, et titres, chapeaux internes à chaque média, dans la mesure où ils ont pour caractéristiques communes de chercher à rendre compte de manière synthétique du contenu de l’article rédigé tout en cherchant à attiser la curiosité du lectorat. La rhétorique condensée qui leur est intrinsèque est par nature propice à la formulation euphémistique. Nous distinguerons ainsi au cours de notre étude les éléments microdiscursifs, qui portent sur un élément sémantique ou syntagmatique facilement identifiable, des éléments que nous nommons macrodiscursifs, dans la mesure où ils portent sur un développement euphémistique plus complexe. La méthodologie consistera à proposer des allers retours triangulés entre le débat lui-même (sa retranscription, ses citations dans la presse), les titres des articles, et leur contenu. A cette triangulation s’ajoutera une réflexion sur l’énonciation en temps réel et différé dans les comptes rendus en fonction des éditions numériques ou papier de certains médias, et des évolutions, transformations remarquées dans le passage de l’une à l’autre édition (déixis propre à la presse). Sans aucune prétention exhaustive, cette approche qualitative axée sur certaines caractéristiques et micro-analyses énonciatives de compréhension de la construction des discours se veut aussi, en amont, dans sa dimension pragmatique, une réflexion sur une forme de cartographie des erreurs à ne pas commettre lorsque l’on recherche la crédibilité électorale. Au centre de cette crédibilité l’affirmation de ses compétences et qualité propres fait clairement partie des requis. A l’inverse, la recherche systémique d’une mise en défaut de l’adversaire pour le décrédibiliser, reconnue et retenue comme agressive et violente, constitue une stratégie vouée à l’échec – nous rejoignons en cela DRUETTA et PAISSA (2020) sur leur traitement de l’ethos discursif. Or, la question de la réception amène de fait à s’intéresser à la question des représentations et donc à illustrer et expliciter les points de vue convergents sur la manière dont le débat a été perçu, mais aussi à analyser certains processus considérés comme typiques dans la construction publique des discours de haine. La haine, en effet, ne saurait se dire publiquement pour un·e candidat·e à l’élection, a fortiori présidentielle, sans relever d’un discours performativement disqualifiant. Il s’agit donc, ainsi que nous l’avons déjà explicité dans des publications antérieures, d’avancer d’abord masqué·e·s si l’on veut toucher le plus grand nombre. Cela, afin que les propos tenus soient reconnaissables et lisibles par les partisans déjà acquis (ne pas se trahir auprès de son électorat historique) ; d’autre part, avancer « masqué·e·s » permet de ne pas choquer par des propos extrêmes ou ambigus un électorat potentiel, mais non acquis – il faut donc séduire sans choquer (FRACCHIOLLA et ROMAIN 2015 ; FRACCHIOLLA 2011).

 

1 Présentation et analyse du corpus

 

1.1 Tissage du corpus et méthodologie d’analyse

L’objectif est d’illustrer comment la presse a rendu compte de ce débat, à la fois dans ses caractéristiques rituelles et dans sa totale singularité, dès sa conclusion et dans les deux jours qui ont suivi, soit entre le 03 mai 2017 à 23h30 et le 5 mai matin, dans les titres. Le choix des vingt-et-uns titres de presse a été opéré afin de restituer une représentativité nationale (presse quotidienne : Le Monde, le Figaro, Libération, et dix-huit autres titres dont : cinq hebdomadaires français Marianne, Le Nouvel Observateur, Challenges, les Echos, l’Express, et deux quotidiens régionaux) et, au-delà, d’une représentativité francophone (sept médias québecois, deux suisses, deux belges – cf. tableau récapitulatif ci-après). La comparaison entre des articles parus dans des journaux français, belges, suisses et canadiens et le choix des titres de presse sont co-dépendants des modalités de recueil du corpus (via l’abonnement au portail europresse de mon université). Cette méthode de travail a permis de recueillir à la fois les articles papiers parus et, parfois, directement via les sites eux-mêmes, les articles mis en ligne. La recherche a été faite via l’expression « débat Macron Le Pen ».

Le recueil du corpus, et ici le corpus lui-même, sont co-dépendants des possibilités technologiques : tous les journaux ont désormais un site web sur lesquels sont commentés, en direct, les faits d’actualités majeurs. Aussi, la notion de quotidien ou d’hebdomadaire n’a-t-elle plus vraiment de sens quand il s’agit d’étudier les réactions immédiates de la presse à un événement important d’actualité. Ces commentaires et analyses en ligne ont la particularité d’être traçables, d’un point de vue énonciatif, grâce aux indications co-textuelles qui les accompagnent (jour, heure de mise en ligne, mises à jour, signatures…). Cela permet dès lors d’observer en quoi les réactions sont justement plus ou moins immédiates (à chaud, vs les analyses distanciées qui constitueront la version imprimée et officielle du journal) et, en fonction de tous ces éléments énonciatifs constitutifs de leur mise en discours (niveau micro-discursif), dans quelle mesure elles se constituent en réseau polyphonique sur un même sujet (dimension macro-discursive). Ainsi, sans que l’analyse porte précisément sur la prééminence temporelle ou la réactivité (qui a dit quoi en premier), dans la mesure où le moment de la mise en ligne ne constitue pas la certitude en soi d’une primauté d’écriture[8], elle s’intéresse au tissage du dialogue polyphonique et interdiscursif entre les différents articles – et avec le discours source. Dans cette perspective, nous nous intéresserons d’une part aux manières dont les éléments saillants du débat ont été repris dans la presse (citation à proprement parler des candidats) et, d’autre part, à la façon dont les manières de qualifier, désigner, dénoter et connoter le débat sont reprises.

1.2 Analyse du corpus

1.2.1 Les trois grands quotidiens français[9]: Libération, Le Monde, Le Figaro

a) Libération, jeudi 4 mai 2017

Titre (p.3) : Avec Le Pen, l’impossible débat

Sous-titre : « D’agressions en invectives démagogiques, la candidate d’extrême droite aura plombé l’échange, obligeant souvent Emmanuel Macron, plus précis, à rester sur la défensive. »

Dans la mesure où Libération est connu comme le quotidien national le plus modérément à gauche[10], le discours est direct, accusateur : MLP y est clairement désignée comme la « candidate d’extrême droite », la violence verbale est nommée (en sous-titre) : « agressions », « invectives démagogiques » rendant le débat « impossible ». Le titre résume le débat, le sous-titre les causes. Le journal n’a rien à gagner ni à perdre à dire les choses comme elles sont : son public, de gauche, est acquis et ne votera pas MLP. Les valeurs portées par le journal sont antithétiques avec celles de la candidate. Il n’y a donc aucune raison pour ce titre de ne pas être direct dans ses propos. En ce sens, le recours à un discours masqué de type euphémistique n’est pas non plus nécessaire.

b) Le Monde,  Vendredi 5 mai 2017, La Matinale du Monde, 3338 mots, article signé « les décodeurs »[11](en ligne)

Titre : Dix-neuf intox de Marine Le Pen dans son débat avec Emmanuel Macron

La réputation du journal est celle de neutralité, teintée néanmoins légèrement à gauche. Le titre s’appuie ici sur des faits annoncés comme faux et vérifiables comme tels (des hyperliens sont associés à chaque élément dénoncé). Sa visée est d’accuser MLP d’avoir menti sous le couvert du mot « intox », qui remplace avantageusement « mensonge ». Le titre invite donc à une disqualification objective, mais sans appel. Tout en se concentrant sur des éléments de types « mensonges et vérités », le titre implique une incompétence de MLP à être élue Présidente de la République, à la fois parce qu’elle est impréparée et parce qu’elle ment. « Intox » peut être lu ici comme un euphémisme lexical pour « mensonges » sur le plan microdiscursif, mais aussi comme un aveu de faiblesse sur le plan macrodiscursif, au sens où l’idée d’intoxication du débat correspond ici à une volonté délibérée et plus large de l’émailler de fake news, rumeurs, et autres stratégies à visée discursive de désinformation dans leur ensemble[12]. La définition contextuelle de « intox » est donnée dans l’article même : « GPA : MLP reprend les intox de La Manif pour tous [elle] a déformé la vérité sur ce sujet en usant [des] arguments de La Manif pour tous. ». Le terme signifie finalement «  mentir en transformant (réduisant, schématisant, déformant) le discours d’autrui » ; il est ainsi discursivement polyphonique (superposition de plusieurs voix et strates de sens), à la fois parce qu’il cite les propos d’autrui de manière condensée ; parce qu’il les transforme (manipulation) à des fins de valorisation de son propre discours (il s’agit d’attaquer le discours adverse pour valoriser ses propres propos, stratégie choisie par MLP pendant ce débat) ; et renvoie aussi en écho aux autres titres de presse, voir ci-après Le Figaro. Notons que dans le titre de l’édition papier du 5 mai du Monde « intox » devient « mensonge ». Un jeu existe ainsi entre édition numérique et édition papier : le ton global, parfois le titre sont différents, plus familiers, ou parfois plus directs dans les éditions numériques. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cela : d’abord, les réactions y sont formulées à chaud ; ensuite, le lectorat n’est pas nécessairement le même et l’édition papier circulera, sera archivée dans les bibliothèques. Aussi y a-t-il peut-être derrière cette réécriture une forme d’inconscient collectif fixé sur l’idée que les écrits (papier) restent, alors que les écrits numériques seraient soumis à une certaine volatilité. Pour « mensonge » qui vient remplacer « intox », je fais simplement l’hypothèse que « mensonge » est choisi pour éviter un anglicisme à l’écrit, dans un journal distribué dans le monde entier comme référence pour rendre compte de l’actualité française, ou bien simplement parce qu’après réflexion et comparaison avec les autres titres de presse, aussi, l’expression semble peu appropriée au Monde.

c) Le Figaro, Jeudi 4 mai 2017, 00:03 UTC +02:00, Lefr, 1951 mots (en ligne)

Titre : Débat présidentiel : les quinze intox de Marine Le Pen et Emmanuel Macron 

Si la proximité des deux titres du Monde et du Figaro est évidente (les deux sont en ligne), les nuances sont claires. Au regard du titre de la matinale du Monde, le « et » qui associe ici EM aux intox semble placé là juste comme atténuateur de tous les doigts qui désignent MLP, et sous-entend que les deux candidats ont généré des « intox » à parts égales. Mais dans le corps de l’article, treize « intox » sont attribuées à MLP et seulement deux à EM ; et dans les deux de EM, l’une concerne quelque chose qui existe déjà et qu’il dit vouloir créer (ce n’est donc qu’à moitié faux) ; l’autre concerne un chiffre assez ambigu, et pas totalement faux dans la présentation qui en est faite. Par comparaison, les faux de MLP sont d’un ordre supérieur car ils concernent des erreurs et imprécisions portant sur des sujets fondamentaux. Dans cette mesure, l’expression « et EM » est ici interprétable comme une tournure syntaxique euphémisante qui vise à dédouaner MLP par une présentation avantageuse des faits dans le titre, voire comme le support d’une forme macrostructurale d’euphémisation polyphonique. Or, Le Figaro est le seul journal officiellement marqué à droite, reconnu légitime. Son lectorat est aussi composé de personnes susceptibles de voter MLP au second tour. Il s’agit donc d’une certaine façon par ce titre de ne froisser personne en condamnant également les deux candidats pour leurs « intox ». Néanmoins, sérieux, le journal fait état des éléments retenus de la manière la plus objective qui soit : aux lecteur·ice·s de se faire leur propre idée. Par ailleurs, il est également lu par des personnes du centre voire de gauche. Le dialogisme se manifeste à travers cette manière d’adresse duelle (via le titre, et via l’article ensuite), et permet au Figaro de respecter l’ensemble des attentes de son lectorat potentiel, plus ou moins à droite ou au centre. On peut également se demander si le fait que Le Monde ait relevé dix-neuf intox et le Figaro seulement treize pour MLP relève également de cette stratégie d’adresse à plusieurs publics, visant pour le Figaro à atténuer les erreurs ou mensonges de MLP. La dimension polyphonique est ici présente au niveau des titres (entre les deux journaux) et dans l’adresse au lectorat à travers les titres, puis les articles. Cela, contrairement au titre du Monde qui est entièrement à charge contre MLP. L’article du Figaro joue donc sur l’objectivité faux/vrai, avec une accumulation de faux qui renvoie nécessairement à un discours faux, où la notion de faux (objectivement) se trouve discursivement associée à non digne de confiance, qui ment, et donc non présidentiable. L’accumulation à charge de MLP transforme pour Le Figaro la dénonciation du faux en euphémisme d’une accusation générale, à laquelle le titre ne veut pas se risquer, car contrairement au Monde, le lectorat du Figaro est plus ancré à droite, au sens large. La dimension polyphonique apparaît également dans l’atténuation accusatrice que constitue le titre du Monde (les titres se lisent en écho). La comparaison de ces trois titres de presse montre comment ils se répondent et se citent les uns les autres, en fonction de leur place les uns par rapport aux autres, mais aussi des publics (y compris internationaux) à qui ils s’adressent et de leurs lecteurs.

1.2.3 Tableau récapitulatif des dix-huit autres titres du corpus

Le tableau ci-dessous présente les articles de presse recueillis via le portail europresse avec les éléments de parution indiqués tels que sur le .pdf généré automatiquement (octobre 2017).

 

 

 

2. Les spécificités énonciatives du corpus (presse)

 

2.1 Deixis

Les articles compilés en corpus proviennent des éditions papier et/ou web du 4 et du 5 mai. En fonction de l’heure de mise sous presse et de publication, voire du décalage horaire, les commentaires du débat, qui a eu lieu le soir du mercredi 3 mai sont plus ou moins décalés. Pour le Canada, les titres du 3 ou 4 mai sont examinés ; pour le continent européen, qui ne peut bénéficier du décalage horaire pour la sortie des titres, sont examinés les 4 ou 5 mai en fonction de l’heure et du média en question (avec parfois une mise à jour sur internet à minuit, le 4). Ainsi l’article de La Tribune de Genève (4/5/17) note : « A l’heure où nous mettons sous presse, MLP et EM débattent du chômage et des retraites. Après plus d’une heure de débat, la tension est toujours aussi vive. On ne sent aucun respect ni estime réciproque entre les adversaires, qui sont souvent dans l’invective. MLP est clairement en difficulté sur les dossiers et se montre très agressive. EM risque de se montrer arrogant face aux faiblesses de sa rivale ». Les versions papier des journaux du 4 mai ne font pas état de véritables commentaires du débat, qui a été largement commenté en ligne, souvent en direct, par chacun des principaux médias. Le Monde, à cet égard, a forcément un avantage sur les autres puisqu’il paraît en milieu d’après-midi du 4, ce qui laisse largement le temps de commenter le débat.

2.2 Le genre en débat

2.2.1 Le débat du 3 mai et les principales infractions au genre attendu

Le débat d’entre deux tours est un débat où la parole est normalement triangulée par les deux journalistes, qui posent à chacun des candidats, en alternance des questions sur des thèmes précis, définis au préalable. L’objectif est de permettre aux dit·e·s candidat·e·s de défendre leur programme et ses particularités par rapport à celui de l’adversaire à travers leur mise en regard simultanée et les solutions qu’ils défendent et préconisent. En ce sens, l’apostrophe directe de l’adversaire n’y est pas attendue. Or, MLP en fait, dès ses premiers énoncés, l’une de ses principales modalités discursives, en particulier pour porter des attaques ad personam à EM visant à le disqualifier auprès des électeurs :

« Monsieur Macron est le candidat de la mondialisation sauvage, de l’uberisation, de la précarité de la brutalité sociale de la guerre de tous contre tous, du saccage économique […], du dépeçage de la France […]  le vrai Macron […] le sourire étudié se transforme en rictus au fur et à mesure des meetings, […]  on a vu les choix […] cyniques d’utilisation d’arguments de campagne qui sont honteux euh et qui révèlent peut-être la froideur du banquier d’affaires que vous n’avez probablement jamais cessé d’être donc »[13].

La réponse d’EM n’est pas en reste : aux attaques ad personam il répond sur le même mode : « écoutez, vous avez démontré que vous n’êtes en tout cas pas la candidate de l’esprit de finesse […] alors vous allez continuer votre logorrhée puisque c’est ce que vous faites à longueur de rassemblements et autres […] ce que vous portez c’est l’esprit de défaite ». Puis MLP continuera, jusqu’à la fin, sur la modalité constante de l’accusation polémique en « vous » :

«  les T.P.E. P.M.E. qui réclamaient qu’on aille euh leur alléger leurs difficultés leur donner de l’oxygène vous avez fait comme s’ils n’existaient pas […] vous avez refusé de […] ça vous horrifie […] tout ce qui vise à donner un avantage dans la commande publique à nos entreprises françaises, vous êtes contre parce qu’il faut se soumettre, vous êtes en fait la France qui se soumet ».

Par une série continue d’invectives et d’accusations-attaques en « vous », qui renvoient également plus ou moins implicitement à des références connues du discours d’extrême droite, MLP maintient un cap discursif « haineux », car hyperbolique, au point que nombreuses sont les personnes à avoir renoncé à écouter le débat jusqu’à la fin : or, c’est de cela que la presse a dû rendre compte, à travers des titres nécessairement euphémistiques par rapport à la dimension excessive et véhémente des prises de parole sur les deux heures trente. Néanmoins, sur le même modèle explicité par ROSIER à propos de l’insulteur qui, par le fait même d’insulter, se classe comme raciste, sexiste, etc. (2006), MLP se classe ici elle-même en attaquante, et non en défenseure de ses propres propositions. MLP transforme le genre « débat » en un échange essentiellement polémique. Cette stratégie rhétorique induit un brouillage catégoriel. Elle constitue dès le départ un biais structurel qui va lui porter préjudice dans la mesure où elle ne joue pas le jeu de l’interaction attendu pour ce type de débat (GRICE 1979). Aussi, lors de ses prises de parole, la dimension monologale en vient à primer sur le dialogue – elle n’a cure de répondre, véritablement, aux questions[14], mettant toute son énergie dans la quête du procès et de la mise en défaut de l’autre : « Pour qu’on puisse véritablement parler de dialogue, il faut non seulement que se trouvent en présence deux personnes au moins qui parlent à tour de rôle, et qui témoignent par leur comportement non verbal de leur « engagement » dans la conversation, mais aussi que leurs énoncés respectifs soient mutuellement déterminés » (ADAM 2011 : 187). Par ailleurs, les nombreux chevauchements, ruptures de tours de paroles, empêchements et injonctions de réponses à son adversaire[15] – qui se trouve in fine obligé de répondre afin de ne pas donner plus de prise au discours infâmant – viennent brouiller encore plus ce cadre énonciatif déjà détourné (DRUETTA 2012), ce dont témoignent les réactions et commentaires des journalistes. Aussi, par rapport à la question du genre (dans une perspective typologique) l’objet dont il est question étant un débat (KERBRAT-ORECCHIONI 2017, SANDRE 2010), l’attendu des articles de presse est qu’ils en rendent compte. Pourtant, en raison de tous les éléments explicités ci-dessus, un biais s’est introduit. Du fait que le discours source a priori classé dans la catégorie « débat » déroge lui-même aux attendus de sa catégorie – la manière d’en rendre compte est elle aussi biaisée, plurielle, diverse. C’est ainsi que deux types d’articles de presse se dessinent. Les premiers cherchent à rendre compte de l’évènement comme d’un vrai débat, avec des points de vue contradictoires – ce qu’a fait dans une certaine mesure le journal le Monde dans son choix d’une retranscription du débat, centrée sur le fond et non sur la forme, en « traduisant » les propos des débattants à cette fin[16] ; ce faisant, il prétend ignorer ce biais initial par rapport au format « débat ». Les seconds tentent au contraire de restituer ce biais, c’est-à-dire le fait que précisément le discours source ne répondait pas à la typologie attendue. Or cadrer le genre de discours est un « caractère pragmatiquement nécessaire des genres : la catégorisation générique […] d’un objet discursif en permet la production autant qu’elle en guide la lecture » (ADAM 2011 : 187). La stratégie rhétorique de MLP dénote dès lors clairement la recherche d’un brouillage cognitif et montre les limites du discours extrême (et haineux) lorsqu’il n’a d’autre objectif que le déploiement de sa propre stratégie (MOÏSE et LORENZI 2021).

 

3. Rendre compte d’un débat dans la presse : la notion de dialogisme en question

 

Ce cadrage d’un genre discursif se réalise également à travers la manière dont dialogisme interdiscursif et polyphonie sont tissés ensemble dans la restitution que la presse fait de ce débat : via des reprises presque lexicalisées, comme le « débat présidentiel », qui renvoie par exemple ici à tous les autres débats d’entre deux tours ayant déjà eu lieu depuis 1974. Il s’agit donc de rendre compte d’une activité dialogique qui s’inscrit elle-même sur le plan formel dans le cadre d’un débat, comme activité déjà typifiée et typologisée (ibidem). La notion de dialogisme est ici prise au sens de Bakhtine[17] repris par DETRIE et al. comme la « capacité de l’énoncé à faire entendre, outre la voix de l’énonciateur, une (ou plusieurs) autre(s) voix qui le feuillettent énonciativement » (2001 : 83). Tout énoncé répond en effet à des énoncés qui l’ont précédé et suscité et anticipe sur des énoncés ultérieurs qu’il suscite (DETRIE et al. 2001 : 84, WAGENER 2019). Cette structuration est elle-même constitutive du jeu de construction euphémistique qui se tisse à travers les réponses et reprises en réseaux de certains termes ou expressions pour rendre compte du débat, selon deux points de vue distincts. Comme évoqué ci-dessus, certains titres de presse, sur le modèle du Monde, adoptent un point de vue politique qui tente de rendre compte de manière factuelle d’un débat d’idées (par exemple Ouest France : « Débat présidentiel. Ce qu’il faut retenir de l’affrontement entre Macron et Le Pen »); d’autres, en revanche, adoptent un point de vue plus critique et métalinguistique orienté sur la valeur démocratique et explicitante de leurs commentaires, portant sur l’ensemble des éléments du débat, y compris formels (L’Avenir : « Moi, opposante »). Dans ce sens la notion d’interdiscours est directement associée au phénomène dialogique.

Des réseaux de sens, des superpositions de sens par associations de termes en réseaux se créent dans les titres, avec des effets citationnels divers. Ainsi, Moi, opposante renvoie au fameux « moi, Président » utilisé en tirade par François Hollande dans les mêmes circonstances, face à Nicolas Sarkozy, en 2012. Mais cela réfère aussi à la manière globale caractérisée dont MLP a pris la parole au cours du débat. Dans ce sens « opposante », qui renvoie au champ politique, est à lire comme une manière euphémisante de désigner la violence verbale dont elle a fait preuve et que l’on trouve par ailleurs qualifiée comme telle à d’autres endroits (LExpress: « Bêtise, à plat ventre, parasite… Les mots violents du débat d’entre-deux tours » ou dans les articles développés eux-mêmes). Ici, l’euphémisme de certains titres ressort également de la lecture en réseaux des autres titres qui font, eux, état de la violence du débat. Le terme « débat », voire « débat présidentiel » lui-même se lit comme un euphémisme comparé à d’autres tires qui usent d’images ou métaphores pour le désigner : « un duel à couteaux tirés », « deux heures sous très haute tension », « l’affrontement », « choc virulent », « choc » ou « collision frontale » (citation directe de l’AFP où un jeu est fait sur « frontal » qui  signifie de face et violent, mais aussi à MLP représentante du « Front National »). Les autres manières de désigner et qualifier le « débat » se font par des adjectifs : « acrimonieux », « ultra-tendu », « confus » et « pénible », « houleux », « tumultueux », « crucial » ou encore l’apposition « 2h30 de naufrage ». Parmi tous ces dénotatifs, certains renvoient aux discours produits (« confus »), d’autres au ressenti des spectateur·ice·s (« pénible »), d’autres encore aux conséquences, avec la métaphore du naufrage. Le fait est que chacun contribue à donner une certaine vision, image, partielle et, en ce sens, relativement euphémistique, de l’événément qui, précisément, peine à être qualifié comme « débat »,  parce qu’il n’a pas été perçu comme en étant un. La production euphémistique se trouve ici liée à l’impossibilité de faire entrer cet échange dans le cadre du genre « débat présidentiel ». La pluralité des voix, la profusion des recherches sémantiques pour nommer le débat (dont nous ne produisons ici qu’un aperçu) génèrent des liens, un réseau de sens qui crée une matérialité discursive et une figuration macrostructurale de l’euphémisme : ce n’est en effet qu’en reliant l’ensemble de ces qualifications qu’une idée globale rendant compte du débat émerge. Le fait que le débat ait eu lieu sur un mode et un ton inattendu a pour conséquence que les journalistes ne sachent plus comment le nommer, ce qui génère un surplus de représentations, pour lesquelles une créativité sémantique devient nécessaire. La quête du signifiant semble demeurer en suspens, comme si tous les termes utilisés ressortaient finalement comme insuffisants. Dans ce sens, euphémisme irait ici de pair avec une sorte de débordement du sens par rapport à la réalité, ce débordement se manifestant dans le rebond et la prolifération des formules pour le désigner et en parler dans la presse. Enfin, certains titres sont originaux avec parfois un intertexte, « France, les mensonges et la colère », qui renvoie au roman de Steinbeck Les raisins de la colère. D’autres effets dialogiques se tissent sur les trois jours (3, 4 et 5 mai) et s’inscrivent dans une perspective polyphonique de synthèse du débat. En particulier, l’Agence France Presse est citée dans trois des journaux québécois de manière plus ou moins intégrale, avec parfois des modifications sur un mot, sur une phrase, ou de manière totalement entrelacée avec un apport créatif. La voix de l’est reprend presqu’intégralement mot pour mot l’article de l’AFP alors que Le Droit et le Nouvelliste en sélectionnent certains passages et le remanient légèrement ; La Tribune de Sherbrooke s’appuie clairement sur certains éléments pour écrire un article différent, avec des paragraphes repris mais aussi des réécritures partielles ou intégrales.

A la lecture de ces titres et articles, nous pouvons formuler plusieurs remarques qui vont dans le sens du fait que l’euphémisme fonctionne sous le régime de la polyphonie convergente, à travers laquelle le je-dis du locuteur est en écho avec le on-dit de la doxa environnante (BONHOMME 2005). Comme nous l’avons déjà mentionné, le style, le contenu du compte-rendu du débat et le focus du titre varient entre presse nationale et presse francophone, en fonction des enjeux plus ou moins directs ou lointains et des sujets qui occupent intéressent l’une ou l’autre (presse nationale et francophone) ? les uns les autres, dans une perspective qui est ici dialogique par rapport à leur lectorat. Ainsi est-il par exemple question de « trumpisation » du débat dans Le Devoir, nord-américain, avec une reprise synthétique des différents moments clef en discours rapporté au style direct. Ensuite, des décalages apparaissent dans les éditions entre le 4 et le 6. Le premier, temporel : le décalage horaire de six heures dont bénéficient les titres francophones outre atlantique leur donne la possibilité de titrer dès le 4 mai matin avec le sujet, alors que dans les titres européens – exceptés en ligne – rien ne sort avant le 5 mai. Les réactions affichées y sont également plus directes et figuratives (métaphore, comparaison) et donc, beaucoup moins euphémisantes, dans certains titres comme dans la chronique du Soleil où on est plutôt dans l’hyperbole : les deux candidats « ressemblaient à deux lutteurs qui viennent de s’affronter dans la boue. Ou dans la graisse de rôti. […] [La stratégie de MLP] consistait à faire sortir l’adversaire de ses gonds, sans jamais se départir de son sourire carnassier […][EM] a encaissé plus de coups qu’un punching ball lors d’une journée portes ouvertes, dans un club de boxe ».

La question du politiquement correct, de la courtoisie, qui sont directement associés comme processus discursifs atténuateurs à l’euphémisme (KERBRAT-ORECCHIONI 1994 ; FRACCHIOLLA et ROMAIN 2015), se pose dans la restitution du débat comme elle s’est posée directement dans le débat (FRACCHIOLLA 2019). Dans les premières réactions numériques les formules imagées, familières (« scud »)[18], sont proches de l’oralité en lien avec les émotions. Comme nous l’avons déjà noté avec Le Monde, des différences d’écriture apparaissent plus particulièrement dans la presse hexagonale aussi entre les réactions à chaud et l’édition papier postérieure. La dimension plus policée, réfléchie, de l’écrit est visible aussi dans le verbatim du débat retranscrit après le nettoyage de nombreux passages au bénéfice des propos à contenu politique. Dans la perspective pragmatico-discursive, pertinente par rapport au corpus étudié et à sa mise en abyme (visée du débat, visée de la presse dans la restitution qu’elle en fait, réduction en entonnoir du contenu général dans le titre), il est ici évident que « [chaque titre] euphémise toujours en fonction de ses destinataires qu’il faut ménager ou persuader, dans une communication qui se donne comme consensuelle même si elle est en fait manipulatrice » (HORAK et al. 2012 : 10). Au sein des articles, la citation directe de l’un ou de l’autre candidat est une constante ; et parfois apparaît également ainsi la citation d’autres collègues journalistes (rédacteurs) dans d’autres journaux, comme Schneider, qui cite directement dans La Tribune de Genève, une phrase du politologue Stéphane ROZES, publiée dans Le Figaro. Dialogisme interdiscursif, polyphonie et euphémisme, fonctionnent ainsi de conserve, de manière stratifiée et à plusieurs niveaux.

3.1 L’euphémisme en discours

Comme évoqué en introduction et développé dans l’analyse, l’euphémisme est une figure macrostructurale d’atténuation de la pensée qui emploie de nombreux procédés sans obéir à aucune structure syntaxique particulière, d’autant que ce qui porte l’euphémisme, dans le discours, peut être également extralinguistique et relever d’une intonation, d’un sourire, etc. L’euphémisme agit toujours, quel que soit son sens, positif ou négatif, en se défaisant du signifiant ou en marquant un écart par rapport à celui-ci ; c’est pourquoi un ancrage situationnel (culturel) est nécessaire pour qu’il existe en tant que tel, et il n’existe que par et dans la construction dialogique : il serait autrement impossible d’expliquer la disjonction entre contenu mentionné et contenu à interpréter, alors que cette disjonction est au fondement de l’euphémisme :

Dire He’s linguistically challenged est intéressant car l’acte locutoire est clairement euphémique alors que l’acte illocutoire est de nature dysphémique. Dire de quelqu’un qu’il ne maîtrise pas une langue est un constat, que l’on peut déplorer, mais qui n’est pas dysphémique. Le fonctionnement de l’euphémisme se rapproche de celui de la litote qui suggère plus qu’elle n’en dit. Cet euphémisme ne fonctionne que si le co-énonciateur le décode comme suggérant plus, donc comme un dysphémisme. L’euphémisme est souvent utilisé à des fins humoristiques ou ironiques et la valeur dysphémique de l’énoncé passe alors au second plan. Il est socialement plus acceptable de critiquer avec humour ou par le biais de l’ironie car la distance ainsi créée absout du dysphémisme ad hominem. Dans le même ordre d’idées, on sait que la force illocutoire d’un énoncé est souvent contenue dans l’intonation ou le ton de la voix et les marques prosodiques de l’ironie ont donné lieu à de nombreuses études. Dans de tels cas, on assiste à une dissociation du locutoire et de l’illocutoire. Le contenu propositionnel d’un énoncé peut être euphémique ou non marqué alors que sa force illocutoire, transmise par l’intonation ou les phénomènes paralinguistiques, appelle à une interprétation dysphémique. En interaction verbale naturelle, c’est la force illocutoire transmise qui est retenue pour l’interprétation globale de l’énoncé. Néanmoins, l’auteur du dysphémisme peut toujours se retrancher derrière le sens littéral de son énoncé. Ces exemples montrent à quel point l’euphémisme est intimement lié au fonctionnement de la langue ainsi qu’aux relations sociales qui unissent ou séparent les individus. Dans une perspective sociale et linguistique, l’étude de l’euphémisme constitue donc une porte d’accès privilégiée à une culture donnée. (JAMET et JOBERT 2008 : 19-20).

Et, ici, nous le pensons, l’euphémisme donne accès à la compréhension des titres de presse. Dans ce sens, le courant pragmatique, auquel nous nous référons ici plus spécifiquement a mis en évidence les procédures d’adoucissement de l’euphémisme, avec les actes de langage indirects ou les moyens détournés du dire (ALLAN et BURRIDGE 1991, CRESPO-FERNANDEZ 2007) ; et Catherine Kerbrat-Orrechioni l’a rapproché des stratégies de politesse :

tout comme la litote, l’euphémisme est par excellence un softener : ces deux figures ont pour fonction commune et principale de tenter d’adoucir les Face Threatening Acts que l’on est constamment amené à effectuer au cours du développement de l’interaction, et de désamorcer au moins partiellement ces menaces potentielles (1994 : 67).

L’euphémisme participe donc de l’indirection et ressort sur le plan pragmatique comme un atténuateur de violence verbale potentielle. D’après JAUBERT :

l’euphémisme relève du dialogisme interdiscursif, [car] il reprend à chacune de ses nouvelles énonciations des discours lénifiants antérieurement produits. [Ainsi] « reconduction aux frontières » […] pour désigner l’expulsion des immigrés illégaux est une reformulation par le journaliste de tout l’interdiscours technocratique officiel. La responsabilité de cette expression est diluée dans une voix plurielle anonyme, formée de l’ensemble des énonciateurs […] (2008 : 10).

Le dialogisme interdiscursif, qui renvoie à la doxa, à l’idée circulante, est structurel dans la construction de l’euphémisme. Cela est manifeste dans notre corpus, d’une part sur le plan microdiscursif, où l’euphémisme se matérialise à travers des figures condensées qui apparaissent parfois à la limite entre euphémisme et dysphémisme dans l’usage en contexte, par exemple « Hollande Junior » (avec une valeur illocutoire attribuée par MLP, mais non reçue comme telle par le destinataire) ; et d’autre part, sur le plan macrodiscursif, où l’euphémisme consiste dans l’utilisation d’un champ de références de l’ordre du renvoi implicite : par exemple, l’utilisation du syntagme « extrême droite » – qui se feuillète en échos avec des termes comme totalitarisme, nazisme, camp, etc. sans que ces termes soient eux-mêmes employés)[19] ; ou encore « rictus », « banquier d’affaires » – qui renvoie à l’univers stéréotypique associé à la judéité (ROSIER et ERNOTTE 2000). Nous dirons ainsi qu’à travers l’euphémisme le dialogisme interdiscursif est implicitant dans le discours source dit de niveau 1 (le débat lui-même), et explicitant dans celui de niveau 2 (le discours de la presse, qui cherche à en rendre compte). Syntaxiquement, l’euphémisme peut être appréhendé comme une dilatation, voire une dilution du signifiant en discours : l’énoncé modalisé est alors discursivement plus long que l’énoncé d’origine non modalisé (« He is a thief » vs « He is a bit of a thief », JAMET et JOBERT 2008 : 19) ; ce qui nous mène à penser qu’un lien existe entre dire mieux (ou dire poli) qui relève du qualitatif (discours de niveau 1), et dire plus qui relève du quantitatif (discours de niveau 2). C’est dans la perspective de cet écart et de l’atténuation mentionnés ci-dessus que nous avons interprété les éléments discursifs d’euphémisation dans notre corpus : nous les classifions en 1/ microdiscursifs lorsqu’ils portent sur un élément sémantique ou syntagmatique facilement identifiable, ou 2/ macrodiscursifs, lorsqu’ils portent sur un développement euphémistique plus complexe, comme l’est par exemple l’ensemble de la retranscription « nettoyée » du débat par Le Monde.

 

Conclusion

 

Au cours du débat, l’euphémisme est dénoté du fait que l’on perçoit être toujours un cran en dessous de la violence ressentie, en raison du cadre de courtoise politesse obligé (FRACCHIOLLA et ROMAIN 2015). Ainsi quand EM dit : « Madame Le Pen, vous êtes en train de lire une fiche qui ne correspond pas au dossier dont vous parlez, c’est triste pour vous » ; ou « je ne tombe pas dans le piège des sauts de cabri » ; ou qu’il emploie à plusieurs reprises l’expression : « ne dites pas de bêtises » ou celle de « poudre de perlimpinpin » (qualifiée par Libération et L’express en ligne, du 3 mai comme « l’expression la plus inattendue »), on perçoit aisément, relativement au contexte, que « triste, bêtise, poudre de perlimpinpin, saut de cabri » sont des atténuateurs de la part d’EM. Ils s’inscrivent d’ailleurs en réseau dans le cadre d’un registre de langage que l’on utilise de manière privilégiée pour s’adresser aux enfants, ce qui connote la relation interdiscursive créée par EM lorsqu’il s’adresse à MLP. En ce sens, EM parvient, au contraire de MLP, à maîtriser ses attaques par divers procédés rhétoriques et discursifs fondés plus particulièrement sur l’indirection, la modalisation et l’euphémisation – en réponse à la stratégie de discours extrême de son adversaire, mise en exergue par une presse précisément obligée de l’euphémiser pour cette raison, au moment d’en rendre compte. Le débat ne se résume pas à la confrontation de deux discours partisans et programmatiques. Il est ici avant tout une confrontation entre deux personnes, l’une représentante de la démocratie, l’autre soupçonnée de ne pas l’être. Le système polyphonique y est multiple. Il s’agit donc pour les journaux qui ne sont pas d’extrême droite, de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas et de ramener si possible au champ des realia les propos du débat. Ce marquage se fait à travers des éléments de discours, comme lorsqu’il est dit dans l’un des articles qu’Obama, sans surprise, soutient EM[20]. Qu’en est-il alors de MLP ? qui la soutient ? L’implicite en creux, construit par l’explicitation d’un seul versant du discours, fonctionne lui aussi comme l’un des principaux ressorts rhétoriques de l’euphémisme. Les discours de presse se répondent ou se complètent plutôt qu’ils ne se répètent et, tendant tous dans une même direction, quoiqu’y tendant différemment, ils permettent par un effet de tir groupé et d’accumulation de dénonciations des procédés de MLP de montrer comment elle s’est elle-même disqualifiée, sans pour autant l’attaquer directement. Nulle part il n’est en effet directement question de la violence verbale de MLP, mais le « débat » se trouve lui-même qualifié de violent. Le procédé discursif d’indirection euphémistique consiste donc ici en un déplacement de l’attention de la personne vers l’objet – ce qui correspond exactement au schéma inverse de la montée en tension qui aboutit la plupart du temps à une violence verbale (MOÏSE et al. 2008 ; FRACCHIOLLA et al. 2013), et qui consiste à déplacer un conflit portant initialement sur un objet à un conflit sur la personne (MOÏSE et LAFOREST 2013).

 

Bibliographie

 

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[1] Ce texte s’inscrit dans les travaux du groupe de recherche international Draine, Haine et rupture sociale : discours et performativité, qui réunit une trentaine de chercheuses et chercheurs dans une perspective interdisciplinaire, autour de l’étude du discours de haine et de ses caractéristiques spécifiques.

[2] Qui a évolué avec les évolutions technologiques et les pratiques journalistiques.

[3] Devenu, depuis, le parti du Rassemblement National pour, entre autres, se différencier historiquement du parti fondé par son père.

[4] Jacques Chirac avait en effet refusé de rencontrer Jean-Marie Le Pen sous cette forme en 2002.

[5] Par exemple, MLP : « J’espère qu’on n’apprendra pas que vous avez un compte caché aux Bahamas » insinuation-menace, qui sous-entend : vous seriez disqualifié.

[6]Du grec euphèmismos, dérivé de l’adjectif euphèmos, « de bon augure » (de –eu, bien, et –phémi, je dis), l’euphémisme « dit bien ». Utile pour éviter un terme perçu comme négatif, il constitue une figure générale d’atténuation.

[7] Qui cite également MOUNIN 1974 : « Le Dictionnaire de linguistique de G. MOUNIN [1974] est plus précis, et le [l’euphémisme] classe clairement dans les figures de rhétorique: Rhét. – Atténuation de la pensée. L’euphémisme emploie de nombreux procédés qui vont de la litote* à l’hyperbole* en passant par la périphrase*, la circonlocution*, l’allusion*, les métaplasmes*, etc. Quand l’euphémisme va jusqu’à exprimer le contraire de ce qu’on veut dire, c’est une antiphrase*. L’océan dit Pacifique est un euphémisme, comme remercier quelqu’un pour le congédier. [Dictionnaire de la linguistique, MOUNIN] » (JAMET et JOBERT 2008 : 3)

[8] Des textes peuvent être mis en ligne de manière presque simultanée ; ou encore un texte peut avoir été rédigé avant un autre mais posté après celui-ci, etc.

[9] On accorde, de fait, pour cette raison (ce sont les titres les plus connus lus par le plus grand nombreen France comme à l’international), une attention plus importante à leurs publications.

[10] Par rapport à L’Humanité.

[11] « Les décodeurs » est une rubrique du site du Monde rédigée à partir du travail d’une dizaine de personnes incluant des journalistes, des data journalistes, des infographistes et des spécialistes de réseaux sociaux dont l’objet est de vérifier des informations données sur des thématiques variées.

[12] Voir le Colloque International « Fake news, rumeurs, intox… Stratégies et visées discursives de la désinformation », qui s’est tenu à Pise sur ce sujet les 4 et 5 octobre 2018, https://www.unipi.it/index.php/unipieventi/event/3995-fake-news-rumeurs-intox-strategies-et-visees-discursives-de-la-desinformation.

[13] Une retranscription collégiale, intégrale, du débat à laquelle j’ai participé a été réalisée sous la direction de Christophe Benzitoun, à l’université de Lorraine entre 2017 et 2018.

[14] 11’20″ et suivantes.

[15] Par exemple entre 17’20″ et 18’09″ ou 58’15″ à 59’.

[16] Contrairement aux précédents, ce débat n’a pas fait l’objet d’une restitution intégrale dans Le Monde : sa version retranscrite y est (sans doute par nécessité sémantique) nettoyée de toutes les digressions, attaques ad personam, familiarités et autres survenues pendant son déroulement. Seules y sont consignées les propositions effectivement discutées du programme de chacun en termes de contenus – qui sont les éléments politiques censés fonder objectivement le choix de l’électorat.

[17] « Toute énonciation, même sous forme écrite, figée, est une réponse à quelque chose et est construite comme telle. Elle n’est qu’un maillon de la chaîne des actes de parole. Toute inscription prolonge celles qui l’ont précédée, engage une polémique avec elles, s’attend à des réactions actives de compréhension, anticipe sur celles-ci etc. » (1929/1977 : 105).

[18] https://www.marianne.net/politique/debat-2017-marine-le-pen-face-macron-2h30-de-naufrage

[19] Ce qui s’exprime par exemple dans le discours 1 par les propos de EM sur MLP : « la véritable héritière de l’extrême droite française, un système qui prospère sur la haine » « grande prêtresse de la peur » ; « vous êtes un danger pour les institutions ».

[20] Suite à la déclaration faite par Obama dans une vidéo diffusée le 04 Mai 2017, la presse a repris cette information dans les jours qui ont suivi.


 

Per citare questo articolo:

Béatrice FRACCHIOLLA, « L’euphémisme, macrofigure discursive du discours haineux. L’exemple du débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen et ses reprises dans la presse francophone », Repères DoRiF, n. 26 – Les discours de haine dans les médias : des discours radicaux à l’extrémisation des discours publics, DoRiF Università, Roma, novembre 2022, https://www.dorif.it/reperes/beatrice-fracchiolla-leuphemisme-macrofigure-discursive-du-discours-haineux-lexemple-du-debat-entre-emmanuel-macron-et-marine-le-pen-et-ses-reprises-dans-la-presse-francophone/

ISSN 2281-3020

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