Anca-Marina VELICU, Oana-Ilinca MOLDOVEANU
Les personnes juridiques en français et en roumain : remarques contrastives
Anca-Marina Velicu
Université de Bucarest
anca.velicu@lls.unibuc.ro
Oana-Ilinca Moldoveanu
Université de Bucarest
oana.moldoveanu@lls.unibuc.ro
Résumé
Dans cet article, nous entreprenons une analyse fondée sur le corpus des relations qui articulent le système conceptuel-terminologique des personnes juridiques en français et en roumain. Le corpus à l’étude comprend des textes normatifs numérisés français et roumains et, puisque le terme personne juridique n’est pas attesté dans les textes normatifs français (seulement ses hyponymes le sont), des textes de doctrine et de divulgation pédagogique aussi, où il est attesté. La principale visée de notre contribution est de mettre en évidence les difficultés que l’absence d’un correspondant roumain direct pour l’hyperonyme personne juridique pose au traducteur spécialisé.
Abstract
In this article, we undertake a corpus-based analysis of the relationships structuring the conceptual-terminological system of legal persons in French and Romanian. The corpus comprises digitized French and Romanian normative texts and, since the French normative texts typically don’t document the term personne juridique, but only its hyponyms, French doctrinal and educational texts as well, which do document it. The main aim of our contribution is to highlight the difficulties that the absence of a direct correspondent for the hypernym personne juridique in Romanian poses for the specialized translator.
1. Considérations liminaires
En droit, le terme personne désigne un concept spécifique, opposé au concept de bien :
Le droit privé est fondé sur la summa divisio entre les personnes et les biens. On trouve une manifestation de cette distinction au sein du Code civil dont le livre premier est consacré aux personnes et le livre II aux biens (et aux différentes manières dont on acquiert la propriété). Ainsi, on distingue les personnes et les choses. On distingue les sujets de droits des objets de droits. (DELAVAQUERIE 2017 : 9, nous soulignons)
Le concept juridique de personne n’est pas identique à la notion de sens commun, puisque ce n’est pas nécessairement un être humain, mais une entité capable d’exercer des droits et d’assumer des obligations, que ce soit un individu réel, doué d’existence corporelle (un être humain né[1] – ce que les juristes appellent une personne physique), ou bien un groupement de personnes et/ou[2] de biens, dépourvu d’existence corporelle, distinct des individus réels qui le composent (ce que les juristes appellent une personne morale).
Cornu (2022) définit la personne comme « être qui jouit de la personnalité juridique » (p. 763), et la personnalité juridique, comme « aptitude à être titulaire de droits et assujetti à des obligations » (p. 762).
Selon le même dictionnaire, ce sont les termes nus personnalité et personne qui seraient investis des sens juridiques pleins, et l’ajout de l’adjectif relationnel juridique ne serait qu’une sorte d’explicitation – de toute manière, mentionnée pour le seul terme personnalité (« on spécifie volontiers personnalité juridique » – idem). Cette prise de position du lexicographe est sans doute motivée par le fait que le législateur français n’emploie que le terme personne et ses hyponymes (dont notamment les hyponymes directs personne physique et personne morale). Pourtant, d’autres dictionnaires juridiques explicatifs (GUINCHARD, DEBARD 2018 : 794), recensent le terme personne juridique, selon l’usage dominant dans les textes de doctrine, ainsi que dans les textes de divulgation juridique pédagogique (ou d’information citoyenne).
Maintenant, en roumain, le terme persoană juridică (‘personne juridique’) signifie « personne morale » et non « personne juridique ». Il n’y a pas de terme roumain qui désigne directement le concept générique français. L’article 25 du Code civil roumain définit les personnes physiques et les personnes morales comme espèces de sujets de droit :
(1) Subiectele[3] de drept civil
Subiectele de drept civil sunt persoanele fizice şi persoanele juridice.
Persoana fizică este omul, privit individual, ca titular de drepturi şi de obligaţii civile.
Persoana juridică este orice formă de organizare care, întrunind condiţiile cerute de lege, este titulară de drepturi şi de obligaţii civile.[4] (CCiv-ro, Art. 25)
Les sujets de droit civil
Les sujets de droit civil sont les personnes physiques et les personnes morales.
Une personne physique est un être humain, considéré individuellement, titulaire de droits et d’obligations de caractère civil.
Une personne morale est toute forme d’organisation qui, remplissant les conditions requises par la loi, est titulaire de droits et d’obligations de caractère civil. (Traduction en français DeepL[5])
Ce trou lexical pose un réel problème à la traduction en roumain des textes français de doctrine ou de divulgation juridique, en particulier s’ils comportent des occurrences et de l’hyperonyme personne juridique et de l’hyponyme personne morale.
2. Objet et méthodologie de la recherche
L’article est pour l’essentiel axé sur l’analyse des relations entre concepts juridiques de personne, personnalité, personne physique, personne morale et de leurs désignations en français et en roumain – prérequis au traitement des incidences traductionnelles de l’absence d’un correspondant direct de l’hyperonyme personne juridique, en roumain.
Comme méthodologie de la recherche, nous avons opté pour une analyse fondée sur le corpus. Un premier corpus à l’étude comporte des textes normatifs français et roumains numérisés (codes civil, pénal, de procédure pénale[6]), surtout exploités pour illustrer les relations entre les concepts mentionnés et identifier les tendances d’usage de leurs désignations (analyse contrastive des microsystèmes terminologiques) ; un second corpus est constitué de textes français de doctrine et de divulgation juridique qui, contrairement aux codes français analysés, attestent et le terme de personne juridique et son synonyme[7] sujet de droit. Ce corpus-ci a été compilé manuellement par des recherches de mots clés et par des recherches guillemetées, sur Google. Des échantillons textuels présentant ou non le cumul des termes personne juridique et/ou sujet de droit avec personne morale ont été traduits en roumain (traduction automatique par DeepL – version libre – suivie de post-édition commentée). Des ressources lexicographiques explicatives roumaines (Dexonline) ainsi que les textes normatifs roumains du premier corpus ont été exploités comme corpus de référence pour la validation et/ou la révision des traductions automatiques. Le recours à la traduction automatique vise à mieux cerner et à mettre en vedette les problèmes pratiques que soulève le trou lexical roumain.
La section §4. de notre article illustrera ce type de difficultés et dressera un inventaire des principales stratégies permettant au traducteur humain de suppléer à l’absence d’équivalent direct, en roumain, pour l’hyperonyme des termes français personne physique et personne morale. Mais auparavant, les sections §3.1 et §3.2 apporteront des précisions sur les relations entre termes de personne et de personnalité, et sur le synonyme sujet de droit du terme français personne juridique – l’existence de telles relations lexicales étant un prérequis pour les modulations interlinguales[8]. Sous §3.3 nous allons interroger les relations entre personne et personne juridique : hyperonyme/hyponyme ou bien synonymes ?
La section §5 sera vouée à de brèves conclusions.
3. Le concept juridique de personne et ses désignations
3.1. Personne vs personnalité
Les dictionnaires juridiques distinguent le plus souvent les concepts de personne et de personnalité : le terme personnalité juridique désigne une qualité, une aptitude à jouir de droits et à subir des obligations, et le terme personne désigne un être humain ou une entité abstraite doués de cette qualité (voir CORNU 2022 : 762-763 ; GUINCHARD, DEBARD 2018 : 794).
Mais cette analyse ne fait pas l’unanimité. Certains auteurs traitent au contraire les deux termes comme de vrais synonymes, et définissent d’emblée la personne morale comme « aptitude d’un groupement de personnes ou d’un ensemble de biens à être sujet de droit » (PAYNOT-ROUVILLOIS 2003 : 1153, nous soulignons). Ce serait là « une acception neutre » du terme de personne morale (ATTAL 2005 : 363).
Puisque cette appréhension de la personne (vs personnalité) est contraire aux relations entre signifiés des deux noms[9], nous nous en tiendrons, dans ce qui suit, à l’analyse conceptuelle qui opère la distinction entre aptitude (qualité) et entités qui en sont porteuses.
L’usage (dans les textes numérisés accessibles sur Internet) semble confirmer notre position, l’acception contre-intuitive qui neutralise la différence entre individus (ou groupement d’individus) et aptitude dont ils sont porteurs étant moins bien attestée que le terme désignant l’aptitude en tant que distincte des entités qui en sont porteuses. Une recherche verbatim sur Google, de « doté de la personnalité juridique » produit 72.000 résultats et celle de la forme de féminin (« dotée de la personnalité juridique »), plus de 60.000 résultats, dans des textes législatifs, de doctrine ou de divulgation juridique. En revanche, « doté de la personne juridique » ne produira que 10 résultats (voir exemple sous (2) ci-après, dans un texte de doctrine). La forme de féminin « dotée de la personne juridique » connaît quand même plus de 4.000 attestations[10], y compris dans des textes normatifs. Nous reproduisons sous (3) et (4) ci-après des extraits d’une loi française et d’un décret belge) :
(2) […] création d’une société filiale ou d’un établissement stable non doté de la personne juridique. (GÉRARD 2003 : 496, texte de doctrine)
(3) La création d’une commune associée entraîne de plein droit : […] La création d’une section du bureau d’aide sociale dotée de la personne juridique à laquelle est dévolu le patrimoine du bureau d’aide sociale ayant existé dans l’ancienne commune et dont les conditions de fonctionnement sont fixées par décret. (Loi Marcellin 1971, Article 9)
(4) Il est créé une agence autonomisée externe de droit public dotée de la personne juridique, telle que visée à l’article 13 du décret cadre […], dénommée « VlaamseDienstvoorArbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding », en abrégé « VDAB ». Tous les actes officiels […] émanant de l’agence, reprendront la dénomination de l’agence, précédée ou suivie immédiatement des mots écrits de manière lisible et en toutres [sic ! toutes] lettres : « agence autonomisée externe de droit public dotée de la personnalité juridique ». (Ministère de la communauté flamande 2004, Article 3)
Le texte belge est très intéressant, dans la mesure où les deux séquences y coexistent : « dotée de la personne juridique » y est reprise (corrigée ?) par « dotée de la personnalité juridique » quand il y va de la formule à employer dans les écrits officiels. Le tour contre-intuitif y présente donc toutes les caractéristiques textuelles des erreurs de performance.
Mais, à un niveau plus profond, on peut penser que, si les textes juridiques français témoignent d’une certaine confusion entre personnalité juridique comme qualité abstraite des individus réels qui en sont porteurs, d’une part, et la notion de personne, de l’autre, c’est que l’évolution menant à l’abstraction de la qualité a abouti à l’avènement de la notion de personne comme entité abstraite :
La personnalité juridique comme concept indépendant, qualité détachable de l’individu à laquelle elle est attribuée, est le fruit d’une évolution progressive. À l’origine (en droit romain et sous l’ancien droit), la notion de personne est concrète, elle désigne l’individu. Elle va devenir de plus en plus abstraite, se dégager de l’individu concret, de la personne réelle qu’elle servait à désigner, jusqu’à acquérir une autonomie suffisante pour devenir une qualité que l’on peut considérer en elle-même, indépendamment de la personne concrète qui la reçoit. C’est un détachement progressif jusqu’à l’abstraction ultime qui fait de la personnalité juridique une notion tellement bien détachée des individus qu’elle peut être attribuée à d’autres qu’eux (personnes morales). L’on est ainsi arrivé à la notion juridique de personne, abstraction pure, construction intellectuelle. (BERTRAND-MIRKOVIC 2003 : §511, nous soulignons)
En terminologie conceptuelle (dans la lignée de Wüster 1966, 1974, 1979), la qualité que désigne le terme de personnalité juridique sera envisagée comme caractère distinctif du concept de personne (dans le domaine du droit – le domaine étant en soi un élément pertinent à la définition des concepts spécialisés) : c’est là un exemple caractérisé de définition (par compréhension) associative[11].
Pour le traducteur spécialisé, cette relation associative est source d’ambiguïté, à la lecture de textes tels (2) ou (3), mais elle représente aussi une ressource à exploiter au gré de modulations interlinguales qui sont symétriques aux modulations (intra-linguales) que pratiquent, en discours, les experts du domaine, quand ils utilisent le terme de personne en lieu et place du terme de personnalité juridique (reprise par un terme associé traité alors comme un quasi-synonyme) :
(5) Le législateur, en refusant d’accorder la personnalité juridique à l’embryon, a consacré une définition volontariste et « autonomiste » de celle-ci [NIORT 1998 : 473][12]. En effet il a confirmé l’idée d’une personnalité juridique tellement bien détachée de la personne réelle qu’elle ne coïncide pas nécessairement avec elle.
Cette évolution est, peut-être, regrettable. En effet, « la “personne juridique” […] a) est une notion purement abstraite, un nomen juris ; b) elle est créée par la volonté de l’État, et par conséquent, c) elle est attribuée ou enlevée sans limites par le législateur à toutes sortes d’entités (humaines ou non-humaines) » [ANDORNO 1996 : 60][13], ce qui signifie que la personnalité juridique est […] affranchie de toute référence à la réalité. La personne réelle s’efface derrière le concept juridique (BERTRAND-MIRKOVIC 2013 : §512-§513).
Il faut en outre noter que, si les reprises pronominales (elle = la personne juridique) sous (a) et sous (b), dans le texte reproduit en (5) sont parfaitement réversibles (voir (6) et (7)), celle qui ouvre (c) ne l’est plus (8)[14] :
(6) La personne juridique est une notion purement abstraite, un nomen juris.
(7) La personne juridique est créée par la volonté de l’État.
(8) *La personne juridique est attribuée ou enlevée sans limites par le législateur à toutes sortes d’entités (humaines ou non-humaines) [terme attendu : personnalité juridique]
Pour le traducteur vers le roumain, c’est la possibilité de remplacer, en discours, personne juridique par personnalité juridique qui est pertinente : un texte comme (6), qui permet cette substitution en français, se laissera rendre en roumain au prix d’une telle modulation en changement de perspective depuis l’entité, vers l’aptitude dont elle est porteuse. Mais cette option n’est pas ouverte pour la traduction de (8) – preuve que la synonymie des noms juridiques personne / personnalité qu’implique la définition de la personne morale par Anne Paynot-Rouvillois (2003) n’en est pas vraiment une. Rappelons que les synonymes doivent pour le moins partager leur signification propositionnelle (vs expressive) (CRUSE 1986 : 273[15]), et que les contextes du type de (5c) / (8) sont des contextes discriminants qui permettent justement de dissocier, en langue naturelle, deux significations propositionnelles distinctes – l’être et l’aptitude.
Si en droit, les termes français personne juridique et personne morale étaient, de fait, susceptibles de désigner les deux, la traduction en roumain suggère fortement qu’il faudrait y voir un cas de polysémie – le discours actualisant tantôt l’une tantôt l’autre de ces acceptions, et la synonymie avec personnalité ne valant que de l’une d’entre elles (celle qui jouit de l’implantation la plus problématique aussi).
3.2. Sujet de droit, sujet du droit, sujet de droits
Les règles juridiques définissent des droits, des obligations et des interdictions. À partir du contenu des règles juridiques, on distingue, dans la littérature, personnalité active (droits) et personnalité passive (obligations)[16], droit objectif (ensemble de règles) et droit subjectif (ensemble de droits vs obligations vs interdictions).
Sujet de droit désigne le concept juridique d’entité titulaire de droits et d’obligations. Une formulation plus exacte serait en l’occurrence : titulaire de droits et assujetti à des obligations (ou : tenu d’obligations). Ce terme complexe est employé dans des énoncés définitoires et peut apparaître avec l’article indéfini sans qualification de la branche du droit concernée (un sujet de droit vs un sujet du droit national, français, roumain, international, etc.).
Si sujet du droit est pour le moins orienté vers (connote) la personnalité passive (que dénote l’adjectif assujetti) et sujet de droits dénote la seule personnalité active – les deux étant des collocations (plutôt que des termes), qui renvoient (plus ou moins directement) à des catégories distinctes de droits subjectifs, sujet de droit est un terme complexe (et non une collocation), étroitement associé à la notion de droit objectif, et donc neutralisant l’opposition entre personnalité active et passive : il désigne en effet le même concept que le terme de personne juridique.
3.3. Personne vs personne juridique
Est-ce que, dans les codes français de notre corpus, le terme personne est vraiment une désignation du concept de personne juridique ? Pour répondre à cette question nous allons examiner les contextes où le nom personne fonctionne comme anaphore nominale : est-il employé aussi comme substitut de personne morale ? Le cas échéant, personne juridique (terme de doctrine) ne serait qu’une expansion du terme législatif personne – comme le suggèrent les articles personne et personnalité de CORNU 2022 dont nous venons de faire état plus haut. La terminologisation, en droit, du nom de langue commune personne (un « nom général » au sens de SALLES 2022) précéderait et sous-tendrait l’émergence du terme complexe créé par composition (nom + adjectif)[17].
Rappelons que « les NG [noms généraux] se distinguent des hyperonymes par leur inaptitude à définir seuls des classes, et, ainsi, à former des SN génériques sans spécification ou contraste », et que leur emploi comme anaphores infidèles[18] est typiquement accompagné d’un « effet de distance » et d’une « dépréciation du référent », effets discursifs encore plus forts avec les noms personne ou individu « qui peuvent devenir aussi péjoratifs et insultants que des noms de qualité » (SALLES 2022 : 8 ; 12). Rien de tel dans les emplois anaphoriques de personne, dans les textes normatifs de notre corpus, lorsque son antécédent est un syntagme désignant un être humain (occurrences les plus proches de l’usage commun) :
(9) Lorsque la recherche d’identité mentionnée au 3° concerne soit un militaire décédé à l’occasion d’une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées, soit une victime de catastrophe naturelle, […] des prélèvements destinés à recueillir les traces biologiques de cette personne peuvent être réalisés dans des lieux qu’elle est susceptible d’avoir habituellement fréquentés. (CCiv-fr, Art. 16-11, p. 19)
Nous remarquerons que dans ce type d’occurrences, personne a un antécédent à référence générique (contrairement aux exemples analysés dans SALLES 2022[19]).
Le Code civil français (2024) comporte 9 occurrences de cette personne, et 4 occurrences de ces personnes, toutes avec antécédent [+humain]. Des 28 occurrences de la personne, 27 ont des antécédents [+humain] ou se réfèrent directement à des êtres humains (sans fonctionner comme des anaphores), et 1 est incluse dans le terme complexe personne morale. Le sens de « personne humaine » (statut juridique de personne physique), consistant avec le sens du nom de langue commune représente donc l’acception dominante.
Le même code ne comporte aucune occurrence de personne(s) juridique(s) ni de sujet(s) de droit, et personnalité n’y apparaît que trois fois, dans la collocation jouir de la personnalité morale.
C’est dans les Codes pénal et de procédure pénale français que nous avons puisé des exemples où la personne ou cette personne ont des antécédents de l’ordre des personnes morales (anaphores fidèles) :
(10) La réhabilitation est acquise de plein droit à la personne morale condamnée qui n’a, dans les délais ci-après déterminés, subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle : […] Les délais prévus au présent article sont doublés lorsque la personne a été condamnée pour des faits commis en état de récidive légale. (CP-fr, Art. 133-14, p. 65)
(11) À peine de nullité, le procureur de la République notifie à la personne morale mise en cause l’interruption de l’exécution de la convention lorsque cette personne ne justifie pas de l’exécution intégrale des obligations prévues. (CPP-fr, Art. 41-1-2, p. 55)
Dans le Code civil roumain, nous avons déjà vu que la notion de personne juridique est désignée par le terme subiect de drept (‘sujet de droit’). Le plus souvent, le nom persoană (‘personne’) y désigne une personne humaine, étant même explicitement opposé, dans maint contexte, à persoană juridică (‘personne morale’) :
(12) (4) Dacă hotărârea este atacată de toţi administratorii, persoana juridică este reprezentată în justiţie de persoana desemnată de preşedintele instanţei dintre membrii persoanei juridice, care va îndeplini mandatul cu care a fost însărcinată până când organul de conducere competent, convocat în acest scop, va alege o altă persoană. (CCiv-ro, Art. 216)
(4) Si la décision du tribunal fait l’objet d’un recours de la part de tous les administrateurs, la personne morale est représentée en justice par la personne désignée par le président du tribunal parmi les membres de la personne morale, qui remplit le mandat qui lui a été confié jusqu’à ce que l’organe de gestion compétent convoqué à cet effet élise une autre personne.
C’est la reprise intégrale plutôt que l’anaphore fidèle ou infidèle qui est préférée par le législateur roumain quand il y va de personnes morales (persoane juridice) :
(13) Dacă reprezentantul sau reprezentatul este persoană juridică, puterea de a reprezenta încetează la data la care persoana juridică îşi încetează existenţa. (CCiv-ro, Art. 1.307)
Si le représentant ou l’agent est une personne morale, le pouvoir de représentation prend fin à la date à laquelle la personne morale cesse d’exister.
Persoană ne reprend jamais persoană juridică ni d’autres SN dont les référents soient des personnes morales, dans le CCiv-ro[20]. Si la modulation par le synonyme (ro) subiect de drept (‘sujet de droit’) est certes une stratégie à privilégier, pour la traduction en roumain du terme français de personne juridique, la modulation par persoană (‘personne’) ne devrait donc pas en être une (sauf qualification).
4. Questions de traduction
Nous avons soumis à DeepL (version libre) un échantillon de textes français de doctrine et de divulgation juridique (pédagogique) traitant des personnes juridiques, afin de mettre en vedette les problèmes pratiques que soulève l’absence d’équivalent roumain direct pour le terme personne juridique, problèmes aggravés par le choix du calque persoană juridică comme désignation de l’hyponyme personne morale.
Il faut d’abord noter que la traduction automatique des textes français ne comportant pas de cumul personne juridique / personne morale mais uniquement le terme de personne morale s’avère non problématique :
(14) TS fr :
En pratique, on peut distinguer deux types de personnes morales :
– les personnes morales de droit public […] ;
– les personnes morales de droit privé […]. (ESNEU 2018 : §42)
TC ro (DeepL) :
În practică, există două tipuri de persoane juridice:
– persoane juridice de drept public […]
– persoane juridice de drept privat […].
Se sont avérés problématiques (pour la traduction en roumain) les textes français qui attestent les deux termes à la fois. DeepL rend alors systématiquement en roumain aussi bien personne juridique que personne morale par persoană juridică, produisant des textes cibles contradictoires, incompréhensibles. Les exemples (15) à (19), avec leurs traductions automatiques et les post-éditions commentées illustrent ce cas de figure. En (15) et en (16), la post-édition a pu exploiter directement la synonymie terminologique personne juridique / sujet de droit :
(15) TS fr :
On peut distinguer deux grands types de personnes juridiques qui, à partir de leur existence, vont pouvoir disposer de la personnalité juridique […].
Section 1 – Les personnes physiques […].
Section 2 – Les personnes morales […]. (ESNEU 2018 : §1-§2 ; §41)
TC ro (DeepL) :
Putem distinge două tipuri principale de persoane juridice [!] [‘On peut distinguer deux types principaux de personnes morales’] care, din momentul în care există, vor putea avea personalitate juridică [‘qui, dès qu’elles[21] existent, pourront avoir (la) personnalité juridique […]
Secțiunea 1 – Persoanele fizice [‘Les personnes physiques’] […]
Secțiunea 2 – Persoanele juridice [!] [‘Les personnes morales’] […]
Post-édition :
Putem distinge două tipuri principale de subiecţi de drept [‘On peut distinguer deux types principaux de sujets-MASC de droit’] care, din momentul în care există, vor putea avea personalitate juridică […]. [‘qui, dès qu’ils existent, pourront avoir (la) personnalité juridique]
Secțiunea 1 – Persoanele fizice [‘Les personnes physiques’] […]
Secțiunea 2 – Persoanele juridice [‘Les personnes morales’] […]
(16) TS fr :
[16a] Appréhender la notion de personne juridique
Distinguer personnes physiques et personnes morales […]
La personne, au sens du droit, est une entité dotée de la personnalité juridique et cette entité peut ou non être une personne humaine. [16b] Considérer que la personne juridique est ou non un être humain signifie qu’il n’existe pas de corrélation absolue entre la personne humaine et la personne juridique.
(DELAVAQUERIE 2017 : 13, nous soulignons)
TC ro (DeepL) :
[16a] Înțelegerea[22] conceptului de persoană juridică [!] [‘La compréhension du concept de personne morale’]
Distincția între persoanele fizice și persoanele juridice [‘La distinction entre les personnes physiques et les personnes morales’]. […]
În scopuri juridice, o persoană este o entitate cu personalitate juridică, care poate fi sau nu o ființă umană. [‘Dans des buts juridiques[23], une personne est une entité avec personnalité juridique, qui peut être ou non un être humain’]
[16b] A considera că o persoană juridică [!] poate fi sau nu o ființă umană înseamnă că nu există o corelație absolută între persoana umană și persoana juridică [!] [‘Considérer qu’une personne morale puisse être ou non un être humain signifie qu’il n’y a pas de corrélation absolue entre personne humaine et personne morale’].
Post-édition :
[16a-bis] Reprezentarea[24] conceptului de subiect de drept [‘La représentation du concept de sujet de droit’] /
(16a-ter) Reprezentarea conceptului juridic de persoană [‘La représentation du concept juridique de personne’]
Distincția între persoanele fizice și persoanele juridice [‘La distinction entre les personnes physiques et les personnes morales’]. […]
În scopuri juridice, o persoană este o entitate cu personalitate juridică, care poate fi sau nu o ființă umană. [‘Dans des buts juridiques, une personne est une entité avec personnalité juridique, qui peut être ou non un être humain’]
[16b-bis] A considera că un subiect de drept poate fi sau nu o ființă umană înseamnă că nu există o corelație absolută între persoana umană și subiectul de drept [‘Considérer qu’un sujet de droit puisse être ou non un être humain signifie qu’il n’y a pas de corrélation absolue entre personne humaine et sujet de droit’]. […]
La modulation par le synonyme juridique persoană (‘personne’) est rendue plausible en (16a-ter) par la spécification du domaine de spécialité du concept, sinon la lecture par défaut aurait été « personne humaine ». Mais, comme il est exclu de substituer conceptul juridic de persoană [‘le concept juridique de personne’] à subiect de drept [‘sujet de droit’], également dans la dernière phrase[25], cette variante violera le critère d’uniformité terminologique et ne sera donc pas retenue : le même concept (ici, le concept de personne juridique) doit être désigné, autant que possible, dans un texte donné, par le même terme (il faut éviter la variation terminologique). A fortiori dans une traduction, si le TS est, lui, uniforme (voir NILSSON 2018 : 371-372 ; 381) – où sont au contraire envisagées la variation, indue, en rédaction de textes spécialisés – et la stratégie d’uniformisation terminologique par le traducteur, devant un TS à terminologie non uniforme.
La modulation par le synonyme terminologique subiect de drept (‘sujet de droit’) semble être, en l’occurrence, la meilleure option.
Mais tel n’est plus le cas pour la traduction en roumain de (17) :
(17) TS fr :
Tous les êtres humains, les personnes physiques, ainsi que certains groupements, les personnes morales, sont des personnes juridiques (dotées de la personnalité juridique) et donc des sujets de droit capables d’assumer des obligations. [ASP (s.d.) – texte de divulgation juridique pédagogique d’enseignement secondaire]
TC ro (DeepL) :
Toate ființele umane, persoane fizice și anumite grupuri, persoane juridice, sunt persoane juridice [!] [‘tous les êtres humains, des personnes physiques (,) et certains groupes, des personnes morales, sont des personnes morales’] (dotate cu personalitate juridică) și, prin urmare, subiecte de drept capabile să își asume obligații. [‘(dotées de personnalité juridique) et, par conséquent, des sujets de droit capables d’assumer des obligations’]
Post-édition :
Toate ființele umane, persoane fizice și anumite grupuri, persoane juridice, sunt dotate cu personalitate juridică și sunt, deci, subiecţi de drept capabili să își asume obligații. [‘tous les êtres humains, des personnes physiques (,) et certains groupes, des personnes morales, sont dotés de personnalité juridique et sont donc des sujets de droit capables d’assumer des obligations’]
En effet, ce texte-ci comporte les trois termes personne morale, personne juridique et sujet de droit, ainsi que le terme personnalité juridique. Ni la substitution de sont des personnes juridiques par sont dotées de la personnalité juridique, ni la modulation du terme personne juridique par son synonyme sujet de droit n’y sont possibles sans redondance. La seule stratégie alternative dont dispose le traducteur (vers le roumain) est alors l’omission de la séquence sont des personnes juridiques pour n’en garder que la définition (reformulation paraphrastique à marquage paralinguistique, dans le TS – les parenthèses – qui seront enlevées dans le TC révisé) et la conséquence qui en est tirée, concernant la personnalité passive.
L’exemple (18) (qui reprend (5) et (6) supra) permet[26] la modulation en changement d’éclairage depuis l’entité, vers la qualité dont elle est porteuse (substitution de personne par personnalité permise en français aussi), mais celui d’après, non – d’où la nécessité d’une autre stratégie de révision – les périphrases définitoires (variété d’expansion[27]).
(18) TS fr :
La « personne juridique » […] est une notion purement abstraite, un nomen juris […]. Elle est attribuée ou enlevée sans limites par le législateur à toutes sortes d’entités (humaines ou non-humaines) (ANDORNO 1996 : 60).
TC ro (DeepL) :
« Persoana juridică » [!] […] este un concept pur abstract, un nomen juris [la ‘personne morale’ est un concept purement abstrait, un nomen juris’] […]. Acesta este atribuit sau eliminat fără limită de către legiuitor pentru tot felul de entități (umane sau non-umane). [‘Celui-ci est attribué ou éliminé sans limite par le législateur pour toutes sortes d’entités (humaines [!] ou non humaines)’]
Post-édition :
« Personalitatea juridică » […] este un concept pur abstract, un nomen juris. [‘la personnalité juridique est un concept purement abstrait, un nomen juris’]. Este atribuită sau retrasă fără limită de către legiuitor pentru tot felul de entități (umane sau non-umane). [‘elle est attribuée ou retirée sans limite par le législateur à toutes sortes d’entités (humaines ou non humaines)’]
(19) TS fr :
Les personnes juridiques doivent obéir au droit objectif. (Studocu, QCM)
TC ro (DeepL) :
Persoanele juridice [!] trebuie să respecte dreptul obiectiv [‘Les personnes morales doivent respecter le droit objectif’]
Post-édition :
(27-bis) Persoanele fizice și juridice trebuie să se supună dreptului obiectiv [périphrase définitoire : définition en extension. ‘Les personnes physiques et morales doivent se soumettre au droit objectif’]
(27-ter) Toate entităţile cu personalitate juridică trebuie să se supună dreptului obiectiv [périphrase définitoire : définition par compréhension, associative. Litt. ‘Toutes les entités avec personnalité juridique doivent se soumettre au droit objectif’]
Pour résoudre les diverses configurations textuelles tenant en échec la traduction automatique, le traducteur humain recourt à plusieurs stratégies de traduction indirecte du terme français personne juridique :
(i) la modulation par le synonyme terminologique subiect de drept – une équivalence virtuellement systématique, que peuvent recenser les dictionnaires bilingues (une équivalence terminologique) ;
(ii) la modulation en changement d’éclairage par l’équivalent roumain direct du terme associé personnalité juridique (une équivalence de traduction non systématique, fortement dépendante du contexte, possible seulement sous réserve que la collocation ne soit pas trop spécifique – là en fait où la substitution par personnalité juridique est une option en français d’abord) ;
(iii) la substitution par une périphrase définitoire (extensionnelle ou intensionnelle), si aucune des stratégies précédentes n’est licite (que ce soit pour des raisons stylistiques – répétition fâcheuse du signifiant droit bloquant le recours à sujet de droit, ou pour des raisons logico-syntaxiques – collocation interdisant la substitution de l’entité par l’aptitude dont elle est porteuse) ;
(iv) l’omission enfin (dans les textes sources à taux de redondance notionnelle le plus élevé, qui cumulent les termes personne juridique, personne morale, personnalité juridique et sujet de droit).[28]
5. En guise de conclusion
Même entre langues-cultures juridiques aussi proches que le roumain et le français, il subsiste des anismorphismes (au sens de ZGUSTA 1971 : 294-296[29]) du type relevé ici, qui posent des problèmes non triviaux de traduction.
Notre étude a montré que l’interrogation des relations intralinguales entre termes du microsystème conceptuel est un prérequis pour l’analyse des contrastes et des convergences interlinguales que pourra exploiter le traducteur juridique. Corrélativement, l’épreuve de la traduction tire au clair certaines relations lexicales entre termes de la langue source, mettant à nu des polysémies cachées sous des raisonnements doctrinaires trop nuancés (voir le cas des termes personne juridique et personnalité juridique).
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[1] La limite initiale de la personne (physique) est la naissance, mais il faut que ce soit un enfant né viable (en roumain : copil născut viu – ‘enfant né vivant’).
[2] Il existe pour le moins une catégorie de personnes morales qui ne sont que des groupements de biens : les fondations.
[3] Cette forme neutre (singulier homophone au masculin et pluriel homophone au féminin) n’est pas unanimement acceptée par les experts en droit : elle ne respecte pas les normes de la langue commune – le DOOM (Dictionnaire orthographique, orthoépique et morphologique), dictionnaire normatif de la langue roumaine, impose en effet le masculin subiect, subiecţi quand il s’agit de personnes (humaines). Or les personnes physiques constituent l’espèce la plus saillante de sujet de droit de nos jours encore, donc la désignation neutre, qui en pratique les exclurait de l’extension du concept juridique de personne, devrait être évitée. Pour une discussion des arguments à proprement parler juridiques en faveur de ce choix linguistique, voir Neculaescu (2018 : 19-20), qui avance même un exemple de texte normatif en droit pénal : « părţile sunt subiecţi procesuali […] » (CPP-ro, art. 32). D’autres auteurs en revanche s’en tiennent à la lettre du CCiv-ro et n’emploient que la forme neutre subiecte de drept (en dépit de l’homonymie fâcheuse avec le terme signifiant « thèmes de droit », cf. POPESCU, GHEORGHE 2012, IGNĂTESCU 2014).
[4] www.codulcivil.ro/tag/persoana-juridica/ (consulté le 10 mai 2024).
[5] Sans post-édition. Nous aurions préféré sujets du droit civil, mais la traduction littérale a le mérite de mettre en évidence le fait qu’en roumain la collocation puisse être analysée comme constituée des termes complexes subiecte de drept (base) et drept civil (collocatif) respectivement (fonctionnant comme une sorte de raccourci pour ‘sujets de droit, en droit civil’).
[6] Les renvois à ces textes feront désormais état de leurs abréviations fournies en bibliographie.
[7] Cette synonymie est en général reconnue par la doctrine juridique, mais il y a des voix qui proposent d’y voir deux concepts minimalement distincts. Nous souscrirons ici à l’hypothèse de l’équivalence notionnelle entre personne juridique et sujet de droit (un seul concept juridique, deux désignations), suivant en cela Carbonnier (2000 : 94 ; pour commentaire, voir BERTRAND-MIRKOVIC 2003 : §521).
[8] La définition et classification des modulations dans Velicu (2022 : 73-75) constitueront nos hypothèses d’observation, ici.
[9] Les conceptualisations naturelles de langue commune opposent systématiquement la qualité ou la fonction à l’être qui en est porteur : citoyen (individu) vs citoyenneté (aptitude, qualité), amiral (individu) vs amirauté (charge, fonction), etc.
[10] Cela s’explique sans doute par le fait que typiquement la séquence donnée porte sur des SN désignant des personnes morales, or les personnes morales sont typiquement désignées en français par des noms féminins : société, filiale, association, fondation (personnes morales de droit privé) ; institution, section (d’un établissement, d’un bureau – personnes morales de droit public), les désignations masculines (établissement, bureau) étant moins nombreuses.
[11] Définition d’un concept qui est basée sur une relation associative établie avec un autre concept. C’est une définition par compréhension (une définition intensionnelle) qui pose un concept générique, suivi de caractéristiques distinctives indiquant la relation thématique entre les concepts associés. Voir ISO 704 : 2022, §6.3.3.6.
En terminologie conceptuelle et normative wüstérienne, les relations associatives ne sont pas désignées ni décrites en tant que telles, mais celles-ci constituent le plus clair des relations « ontologiques » : ce sont les relations de contiguïté spatiale non partitives, les relations de contiguïté temporelle et les relations causales. De même, les seules définitions par compréhension (Inhaltsdefinitionen) de vraiment prises en compte dans la TGT sont les définitions qui reposent sur des relations d’espèce à genre prochain, sans prise en compte explicite des caractères distinctifs formulés en référence à un concept thématiquement associé. Voir Wüster (1966 : 11 ; concepts superordonnés et subordonnés, définitions par compréhension et par extension) ; (1979 : 12, relations ontologiques ; et 29-31, définitions par compréhension).
[12] Référence en note de bas de page dans Bertrand-Mirkovic (2013 ; les crochets marquent notre intervention dans le texte).
[13]Idem.
[14] Sauf à adopter la définition juridique contre-intuitive qui met un signe d’égalité entre personne et personnalité en langue (vs en discours).
[15] Ce sont là les synonymes dits « cognitifs ».
[16] Distinction qu’opère la théorie relative de la personnalité juridique qui pose qu’il n’y aurait « ni symétrie, ni parallélisme, ni correspondance logique entre les deux » (RUIZ-FABRI 2005 : 67).
[17] Alternativement, on peut y voir des procès de création terminologique parallèles.
[18] L’anaphore (nominale) infidèle est la reprise par un syntagme nominal dont la tête n’est pas identique à celle de son antécédent : reprise par un hyperonyme, par un synonyme ou anaphore infidèle attributive (Pierre… ce musicien inexpérimenté…). À ce titre, elle est à distinguer à la fois de la reprise intégrale et de l’anaphore dite fidèle (reprise par un syntagme nominal dont la tête est identique à celle de son antécédent), (LE PESANT 2002 : 39-40).
[19] En particulier : l’exemple (24), à la p. 12, sur Donald Trump.
[20] Comme en français, nous retrouverons un exemple d’anaphore infidèle renvoyant à des personnes morales (mais un seul), dans le CP-ro : persoanele prevăzute în art. 176 (‘les personnes prévues dans [« à »] l’article 176’) – (Art. 317). Les personnes en question sont autorităţile publice, instituţiile publice sau alte persoane juridice care administrează sau exploatează bunurile proprietate publică (‘les autorités publiques, les institutions publiques ou d’autres personnes morales qui administrent ou exploitent les biens [en] propriété publique’). Le CPP-ro n’en comporte, lui, aucune. L’acception clairement dominante du nom juridique roumain persoană est personne humaine, personne physique.
[21] De fait, le roumain étant une langue à sujet nul, c’est l’interlocuteur qui décidera du genre : puisque tipuri (types) est neutre, et persoană juridică, féminin, et que ce n’est pas le type, mais la personne juridique même qui se voit assigner la personnalité juridique, la lecture préférée sera « elles ».
[22] Infinitif long roumain, à valeur nominale (nom d’action) : comprendre-N fémsg. + art. déf(enclitique).
[23] Sens véhiculé en bon français par le tour « pour toutes fins juridiques ».
[24] Infinitif long roumain, à valeur nominale (nom d’action) : représenter-N fémsg. + art. déf(enclitique).
[25] Le « concept juridique de personne » ne peut pas « être ou non un être humain ».
[26] De fait, (18) oblige à opérer cette substitution, pour éviter une modulation par l’hyponyme, contradictoire de la suite du texte (les personnes morales n’étant jamais des êtres humains). Mais nous avons voulu souligner la prédétermination de la stratégie de traduction interlinguale par les possibilités de paraphrase en langue source.
[27] Terminologie de Chesterman (1997 ; Dilution, pour VINAY, DARBELNET 1972 [1958]).
[28] Ces options sont hiérarchisées et peuvent être envisagées/représentées comme un arbre de décision (si la première n’est pas viable, essayer la seconde, etc.).
[29] Les contrastes interlinguaux n’en sont que le cas le plus saillant, à pertinence directe dans une perspective de traduction. Velicu (2024) met en vedette de tels anisomorphismes dans la conceptualisation des noms prévenu et accusé en droit français, suisse, et canadien (concepts juridiques distincts malgré l’identité de signifiants/signifiés au travers les variétés géographiques de français analysées).
Per citare questo articolo:
Anca-Marina VELICU, Oana-Ilinca MOLDOVEANU, « Les personnes juridiques en français et en roumain : remarques contrastives », Repères DoRiF, n. 32 Le droit e(s)t la langue, DoRiF Università, Roma, aprile 2025.
ISSN 2281-3020
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