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Béatrice Akissi BOUTIN, Oreste FLOQUET

Regards ivoiriens, nigériens et béninois sur le français:

éléments pour une typologie des francophonies en Afrique de l’Ouest

 

 

 

Béatrice Akissi Boutin
Sapienza, Università di Roma
béatriceakissi.boutin@uniroma1.it

Oreste Floquet
Sapienza, Università di Roma
oreste.floquet@uniroma1.it

 


Résumé

Cet article a deux objectifs. D’une part, nous voulons décrire trois situations différentes par rapport à la langue et à la culture françaises (Niger, Côte d’Ivoire, Bénin) en recueillant des discours de jeunes qui n’ont pas connu la période de la colonisation. Notre but est d’approcher leurs représentations envers le français. Le deuxième point de notre recherche consiste à proposer une vision herméneutique de la francophonie qui intègre aussi la description des attitudes, positives ou négatives envers le français et tout ce que cette langue peut véhiculer.

Abstract

This article has two objectives. On the one hand, we want to describe three different situations in relation to the French language and culture (Niger, Ivory Coast, Benin) by collecting the discourses of young people who did not experience the period of colonization. Our goal is to approach their representations of French. The second point of our research consists in proposing a hermeneutic vision of the Francophonie which also integrates the description of attitudes, positive or negative, towards French and all that this language can convey.


 

1.  Les francophonies en Afrique de l’Ouest [1]

 

C’est un fait notoire combien il est difficile de saisir la notion d’espace francophone ainsi que celle de locuteur francophone. Partant du constat que ce domaine est loin d’être homogène, plusieurs chercheurs ont proposé des typologies dans le but de décrire et de classer les différentes situations et dynamiques dans lesquelles se trouve le français dans le monde. Nous sommes encore loin d’avoir un tableau exhaustif car les situations sont multiformes et changeantes, si bien que ces descriptions sont plus un instrument pour commencer à s’orienter dans des réalités toujours complexes qu’une représentation fidèle des pratiques des communautés francophones dans le monde. Parmi les tentatives les plus récentes et complètes on peut citer celle de GADET et al. (2009) qui prend en compte: (1) la diatopie, en distinguant aussi les différences entre la ville et la campagne, les États avec leurs frontières très nettes face aux aires communicatives aux contours plus flous; (2) le type de contact de langues, la famille de celles-ci (indoeuropéenne ou pas, par exemple) et leur statut plus ou moins scriptural; (3) les multiples situations de l’interaction (p.e. famille, travail, etc.); (4) la tendance à l’expansion ou bien à la rétraction (ou obsolescence). Plus récemment, l’idée qu’on ne peut dessiner un tableau de la francophonie sans convoquer plusieurs facteurs de nature différente a été reprise par REUTNER (2017: 58) pour qui:

« […] on pourrait créer une matrice complexe qui permettrait de développer une typologie pluridimensionnelle en réunissant les sous-typologies qui se dessinent dans les sections sur la situation démolinguistique, le survol historique, l’aménagement externe et interne ainsi que les particularités du français. Il serait certes complexe de réaliser une typologie aussi exhaustive, établie sur la base de sous-typologies de différentes natures, mais cette option serait la seule qui permette de fournir une classification précise des francophonies ».

Ces typologies partagent le fait de se baser essentiellement sur des paramètres qui sont avant tout démographiques, sociologiques, politiques et linguistiques: âge, lieu, niveau de scolarisation, statut, contact, etc. Mais comment atteindre aussi un niveau plus intime, plus psychologique? Est-ce que le rapport au français, à la culture que véhicule cette langue, est partagé par l’ensemble de la population dite francophone? Comme le rappelle MAURER (2015: 100): « l’ensemble que l’on considère comme celui des représentations des langues constitue un volet important de la connaissance d’ensemble d’une situation » et ne peut donc pas être exclu à priori d’une typologie de la francophonie qui se veut vraiment “pluridimensionnelle”.

Le travail sur les représentations linguistiques des locuteurs francophones, domaine d’études qui ne cesse de se définir et redéfinir, n’est pas en soi nouveau (voir, entre autres, HOUDEBINE (1995) et CANUT (2000)). La terminologie est parfois assez floue. Concernant l’Afrique en général, les chercheurs utilisent souvent les mots suivants comme synonymes: perception, représentation, attitude et imaginaire. Cette utilisation, peut-être à tort peut-être à raison, s’applique à des domaines différents qui ont trait à l’insécurité linguistique, à la dimension identitaire, au rapport avec les autres langues, aux perspectives sociales, etc.[2] Deux caractéristiques nous semblent communes à ce genre d’études. D’abord il s’agit toujours d’enquêtes à l’échelle d’un seul pays. Qui plus est, chaque investigation a adopté sa propre grille d’analyse, sans tenir compte de ce qui avait été fait ailleurs, ce qui limite parfois la possibilité de comparer et faire dialoguer les résultats. Pour ce qui est de l’Afrique de l’Ouest, qui est le terrain qui nous intéresse ici, plusieurs recherches ont déjà été menées par l’Observatoire de la langue française de l’Organisation internationale de la Francophonie[3] dans le but de décrire la dimension affective qu’entretiennent les francophones avec leur langue; elles concernent cinq pays de la sous-région (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Conakry, Sénégal et Benin). L’enquête qualitative de l’équipe de MAURER (2015: 122-125) a essayé de faire émerger le rapport à la langue française moyennant un questionnaire qui est composé d’énoncés (français langue de la France, français langue des pays francophones, français langue véhiculaire, français langue des affaires, français langue compliquée, etc.) que l’on doit classer suivant une échelle de valeurs (pas d’accord, neutre, tout à fait d’accord, etc.). En dépit des différences sociolinguistiques, pourtant considérables, les locuteurs de différents pays convergent dans des représentations communes, parfois inattendues. Il est par exemple surprenant de découvrir que les appréciations des Ivoiriens d’Abidjan s’harmonisent plus avec celles des Sénégalais de Tambacounda qu’avec les opinions des Béninois en contexte urbain. Cela est d’autant plus imprévu qu’en Côte d’Ivoire et au Bénin, contrairement au Sénégal qui est dominé par le wolof[4], le français est souvent une L1, apprise donc dans le milieu familial. En effet, chez les Abidjanais et les Sénégalais c’est plutôt un sentiment d’éloignement qui domine car les appréciations plus fréquentes ont une coloration disons négative: langue de France ou langue du colonisateur. À l’opposé, dans les grandes villes du Bénin (qui a une situation sociolinguistique proche de la Côte d’Ivoire) l’adhésion au français est plus solide puisqu’on constate une dominance des valeurs positives telle la modernité et la réussite. Ce cadre sommaire se complique car le nord du Bénin fait partie d’un système culturel et économique particulier aux pays sahéliens et se rapproche notamment du Burkina Faso et du Niger. Qui plus est, l’enquête en Guinée-Conakry montre qu’aux facteurs géopolitiques on doit ajouter des facteurs sociodémographiques, car les plus jeunes sont plus favorables au français que les plus de 40 ans. Ce résumé on ne peut plus schématique montre toutefois assez bien, nous semble-t-il, jusqu’à quel point la francophonie vue à travers les attitudes puisse être différente de la francophonie décortiquée par le filtre institutionnel, sociologique ou géolinguistique. Le propos de notre contribution s’inscrit dans cette optique qui représente finalement tout un programme de recherche qui est en train de se construire. Nous voudrions mettre en vis-à-vis trois attitudes à priori différentes: la réalité de Bouaké (Côte d’Ivoire), celle de Niamey (Niger) et celle d’Abomey-Calavi (Bénin). Dans un souci d’homogénéité méthodologique, nous allons les traiter avec les mêmes outils interprétatifs que SINGY et ROUILLER (2001) ou encore CANUT et KEITA (1994), CANUT (1996), BOUTIN (2002: 93-120); cela parce qu’à juste titre MAURER (2015: 108) préconisait que « la généralisation d’une enquête de ce type [scil. de Singy et Rouiller 2001] à plusieurs pays francophones donnerait des éléments de comparaison intéressants. Leur reproduction à quelques années d’intervalle, dans les mêmes conditions permettrait de connaître l’évolution des mentalités ».

 

2.  Trois rapports complexes avec la France

 

La complexité des rapports que nombre de pays francophones africains entretiennent avec la France tient à plusieurs facteurs historiques, économiques et sociopolitiques. Les trois pays de l’étude partagent plusieurs événements avec toute l’ancienne Afrique Occidentale Française (AOF), mais se différencient sur plusieurs autres points.

Historiquement, le Bénin est le pays le plus anciennement en contact avec la France: depuis que la Compagnie française des Indes Occidentales a établi une loge à Ouidah vers 1670, les Français y ont entretenu un commerce important (SINOU 1995: 10). Après la Conférence de Berlin, malgré l’impressionnante résistance à l’armée française de Gbéhanzin, roi du Dahomey, le pays devient une colonie en 1893 et fait partie de l’AOF dès sa création en 1895. Durant l’époque coloniale, les efforts de la France pour diffuser sa langue et sa culture dans ce pays lui ont valu le surnom de « Quartier latin de l’Afrique »[5].

La Côte d’Ivoire a moins connu le commerce avec les Français durant la traite atlantique, mais a été conquise à la même époque. Même après la difficile « pacification » qui s’achève officiellement en 1918, la Côte d’Ivoire est restée une colonie réfractaire à la colonisation et était peu estimée des gouvernements de l’AOF. Après la conférence de Brazzaville (1944), qui avait pour objectif principal de discuter des réformes et de l’avenir de l’empire colonial français, on note un certain changement de la politique coloniale sur l’enseignement et la reconnaissance des droits des planteurs (café et cacao). Néanmoins, jusqu’à la fin de l’époque coloniale, le français s’est répandu davantage dans ses variétés pidginisées que dans son modèle académique (BOUTIN 2002: 26-42).

Le Niger a été la colonie la plus tardive de l’AOF (1922) et celle où le gouvernement colonial s’est le moins investi pour promouvoir le français et la culture française. La forte islamisation du pays a joué comme un symbole et un facteur de mobilisation anticoloniale. Le pourcentage de scolarisation n’a jamais dépassé 3% avant l’indépendance et le français était davantage enseigné dans l’armée et les milieux administratifs que dans les écoles[6].

Les Indépendances de ces trois pays (1960) et les années qui ont suivi ont été vécues dans une relation étroite avec la France et dans le maintien, certes sous des rapports différents, de son contrôle économique, politique et administratif[7]. Ce sont les événements des années 1970 qui ont contribué à diversifier encore les trois pays. Alors que la Côte d’Ivoire connait le « miracle ivoirien » et devient la « vitrine de l’Afrique francophone » du fait de la coopération avec la France, le Niger et le Bénin connaissent des coups d’Etat qui ont conduit, pour le Bénin, à l’avènement de la République populaire du Bénin (1972-1990) et, pour le Niger, à une succession de gouvernements militaires (1974-1984). Ces périodes ont été propices à une augmentation du sentiment critique d’une partie la population envers la politique, la culture et la langue françaises, sentiment encore très présent aujourd’hui dans ces deux pays. Dans les faits cependant, tout comme il était difficile au moment des Indépendances de concevoir un modèle de développement autre que le modèle occidental (BOUTIN 2002: 45), il est toujours difficile aujourd’hui de s’éloigner de ce modèle et du pays qui le représente.

L’influence française et l’effort que fait la France pour maintenir et accroitre sa présence en Afrique ne baissent pas. Les institutions officielles de promotion de la langue et la culture française comme l’Institut français, les Alliances françaises, les Services de coopération et d’action culturelle, les Centres culturels français, les établissements scolaires français ou internationaux ou encore les établissements scolaires privés qui préparent aux diplômes français à l’aide du CNED, sont très actifs, sans compter de nombreuses ONG et associations humanitaires ou culturelles indépendantes. Campus France, l’organe de sélection et d’orientation des étudiants du monde qui veulent venir étudier en France, multiplie les actions de communication sur le système français d’enseignement supérieur, les programmes de partenariats en Afrique, les bourses et coopérations. L’Institut français en Afrique porte différents projets culturels et artistiques, et les institutions officielles soutiennent des projets innovants auprès des jeunes, tels que des concours de slams, des festivals autour du français (comme le marathon des mots). La France promeut des projets de développement agricole et d’infrastructures durables, accompagne les politiques africaines sur le respect des normes de lutte contre le réchauffement climatique, le travail des enfants ou pour l’égalité des genres. L’organe public officiel l’AFD (Agence française de développement) apporte un soutien financier et de coopération technique aux pays africains pour promouvoir les politiques publiques définies par le gouvernement français. A travers l’IRD (Institut de recherche pour le développement), elle est un partenaire de recherche privilégié des universités et des institutions de recherche dans tous les domaines scientifiques. Elle relaie aussi les programmes internationaux (USA) de renforcement de la recherche, tels ceux du GDN (Global Development Network) pour ladite Afrique francophone[8]. L’OIF (Organisation internationale de la francophonie) et l’AUF (Agence Universitaire de la Francophonie) sont de loin les meilleurs soutiens de la recherche universitaire dans les pays africains francophones.

Le paradoxe de telles situations postcoloniales, où le processus d’indépendance n’est toujours pas achevé, a clairement un lien avec l’ambiguïté du rapport à la langue et à la culture française en Afrique sub-saharienne actuelle (BOUTIN et FLOQUET 2020). Le français occupe nombre de débats intellectuels, conjointement au développement des langues africaines qui sont jusqu’à aujourd’hui presqu’à l’écart de la vie publique officielle, de l’enseignement et des activités sociales modernes et/ou prestigieuses. Dans les discours quotidiens, en même temps que la dénonciation de l’aliénation culturelle due au monolinguisme officiel en français, à l’écriture d’une histoire de l’Afrique à partir de l’extérieur du continent et au monopole occidental de la pensée scientifique, apparait toujours une certaine appréhension d’une prise de distance de l’ancienne puissance tutélaire et de l’échec socioéconomique qui pourrait s’ensuivre.

 

3.  Méthode et corpus

 

Dans la ligne des enquêtes qualitatives de CANUT (1996), SINGY et ROUILLER (2001) et BOUTIN (2002) les questions portaient sur la représentation des langues et des cultures ; elles peuvent être regroupées en 4 grands thèmes. Premièrement, les participants ont-ils la perception du français comme une langue unique à travers les continents, ou à travers l’Afrique, ou au contraire de plusieurs français, se différenciant selon les pays, les peuples/ethnies, les régions ? Deuxièmement, comment se représentent-ils la façon dont le français et les langues africaines partagent les espaces sociaux: à quelle langue attribuent-ils le rôle d’outil de réussite sociale et professionnelle d’une part et d’insertion sociale d’autre part? conçoivent-ils la possibilité d’autres langues officielles, ou partageant certains espaces publics? Troisièmement, quelle est leur attitude envers la langue ou le parler qui concurrence le plus le français? Quatrièmement, comment perçoivent-ils la présence de la culture française dans le pays ou la ville? Quel accueil lui font les plus jeunes ? Dans quels domaines se manifestent le plus culture française et cultures africaines ? Ce quatrième grand thème, représente une nouveauté par le fait même de joindre l’aspect linguistique à l’aspect culturel.

Pour finir, il faut rappeler que tous les entretiens se sont ouverts avec une présentation sommaire des enquêteurs ainsi que de leurs intérêts de recherche. Par ailleurs, il a été répété plusieurs fois qu’il n’y avait pas une bonne ou une mauvaise réponse et que le but était plutôt d’avoir une opinion libre et argumentée.

Le corpus nigérien est constitué de dix entretiens semi-directifs avec des étudiants de l’École Normale Supérieure (ENS) de l’Université Abdou Moumouni de Niamey d’une moyenne d’âge de 36 ans. Ces étudiants proviennent de diverses disciplines et parlent tous le haoussa. Il nous a paru important de restreindre notre recherche aux haussaphones parce que d’une part cette ethnie est historiquement la moins ouverte à la France (notamment en comparaison aux Zarma), d’autre part qu’elle parle une langue qui tient lieu de véhiculaire pour une partie des Nigériens. Les enregistrements ont eu lieu en septembre 2021 dans les locaux de l’ENS en présence du professeur Amadou Saïbou, de langue zarma, qui était un de leurs enseignants et n’est intervenu que sporadiquement dans la discussion.

Le corpus ivoirien est constitué du même type d’entretiens avec treize étudiants de Lettres Modernes de l’Université publique Alassane Ouattara de Bouaké (UAO), d’une moyenne d’âge de 25 ans. Ils sont originaires de toutes les régions de Côte d’Ivoire, y compris Abidjan, puisque l’orientation après le baccalauréat dépend du Ministère. Le choix s’est porté sur Bouaké, deuxième ville du pays en nombre d’habitants, pour diversifier les sources des recherches sociolinguistiques qui proviennent en majorité d’Abidjan dans les travaux antérieurs. Les entretiens ont eu lieu en deux fois: 7 locuteurs ont été enregistrés en janvier 2019 et six autres en juillet 2021. Ils se sont déroulés dans les locaux de l’UAO, en présence de leur professeur René Ehouman Koffi, et sont d’une durée de 20 minutes environ.

Le corpus béninois vient compléter les précédents avec onze entretiens de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). Ces entretiens ont été réalisés par des étudiants de troisième année de sociolinguistique, sous couvert du professeur Moufoutaou Adjeran, en application d’un cours de méthodologie de la recherche donné par l’un des auteurs de ce texte. Ils sont d’une durée moyenne de dix minutes. Les étudiants enregistrés proviennent de diverses disciplines (Maths, Sciences de l’éducation, Philosophie, Histoire, Anglais, Droit, Géographie), à l’exception des Sciences du Langage et des Lettres de façon à recueillir des discours plus spontanés; la moyenne d’âge des participants n’est pas connue. Les entretiens ont eu lieu en juin 2022 dans divers lieux libres sur le site de l’UAC.

 

4.  Les réponses nigériennes, ivoiriennes, et béninoises

4.1 Un français ou des français

Dans les trois pays, les participants sont unanimes pour dire que le français est le même partout, mais avec des différences d’accents.

A Niamey, par exemple, les personnes enquêtées affirment reconnaitre les accents des ressortissants des différents pays (surtout provenant du Bénin et de la Côte d’Ivoire), sans jamais pouvoir montrer où se situe une telle différence ni fournir un exemple concret. Un seul locuteur parle d’un usage différent de la liaison, sans plus. Deux affirment que la compétence en français des Nigériens serait moindre par rapport à celle des autres communautés africaines. Par rapport aux deux autres populations étudiées, il semblerait que le rapport des haoussaphones interviewés face au français soit plus tendu et ressenti comme moins naturel (Quand vous prenez des pays comme Sénégal, un peu le Bénin, ils maîtrisent dès le bas âge la langue française).

Les jeunes de Bouaké perçoivent le français comme une langue unique (le français est le même; la langue française, elle est universelle), à l’extérieur comme à l’intérieur de la Côte d’Ivoire (chaque ville n’a pas sa manière de parler c’est le même français que nous tous on parle), mais la plupart assure aussi pouvoir reconnaitre le pays d’un locuteur africain de français par son accent (c’est très facile à reconnaître, à son accent; le français est le même mais on reconnait les accents des ressortissants des différents pays). De plus, si le français n’est pas la première langue du locuteur, on peut reconnaitre la langue maternelle du locuteur; on peut reconnaitre la langue d’origine de quelqu’un par son parler. La langue maternelle d’un locuteur se reconnait donc plus facilement que sa région ou sa ville d’origine.

Pour les étudiants d’Abomey-Calavi aussi, les accents, les tons, des locuteurs de français permettent de connaitre leur langue maternelle mais cela ne remet pas en cause l’unité du français (le français n’est pas différent seulement que c’est l’accent; oui c’est différent mais à l’écrit c’est le même). Un témoin remarque qu’inversement, l’accent français se retrouve aussi dans le fon[9].

4.2 Langues française et africaines dans la société

Les trois groupes de participants se distinguent quant à la répartition des langues dans l’espace social mais, alors que le français est souvent perçu comme indispensable pour la réussite socioprofessionnelle, il ne l’est pas toujours pour l’insertion sociale.

Langue ressentie encore comme imposée, pour la majorité des futurs enseignants haussaphones de Niamey interrogés, le français est néanmoins un atout pour réussir son insertion sociale. On retrouve ce type de contradiction dans la plupart des discours nigériens. Reste que dans trois d’entre eux, c’est plutôt le haoussa qui ouvre le plus de possibilité dans le monde du travail (Pour réussir? je pense que c’est dans sa propre langue). Mais la question qui hantent le plus ces enseignants, et qui n’est pas sans rapport avec le métier qu’ils exercent, est que le français est une entrave à l’apprentissage des matières qu’ils enseignent (à cause du semi-linguisme d’une bonne partie de leurs étudiants qui ne le parlent pas couramment) et au bon fonctionnement des institutions, surtout dans le milieu rural (car les administrations, les hôpitaux et les tribunaux utilisent cette langue somme toute encore étrangère).

Les étudiants de Lettres de Bouaké attendent du français leur réussite professionnelle et ils montrent leur attachement pour cette langue par le style soigné de leur discours. Pour la plupart c’est la langue dans laquelle ils sont le plus à l’aise, conjointement à leur langue maternelle. Pour autant, ils ont conscience qu’un grand nombre de personnes ne connait pas suffisamment le français pour interagir dans les administrations, notamment dans les hôpitaux (Parler les langues africaines dans l’administration est une nécessité). Pour la majorité d’entre eux, le français n’est pas remis en cause dans le rôle de véhiculaire officiel. Une langue africaine pourrait difficilement accéder à ce statut: Cela pourrait être possible mais avec beaucoup de difficultés. Vu que le pays comporte plusieurs langues, il serait peut-être profitable de continuer parler la langue française. En revanche, pour une étudiante, les langues africaines doivent rester hors des situations officielles: Je pense que les langues africaines, on devrait pas les parler dans les lieux, je sais pas, sur un lieu public, ou bien dans les structures. On peut parler à la maison les langues locales, à la maison, au marché… La même étudiante affirme pourtant que le baoulé, sa langue maternelle, lui est indispensable, même pour la compréhension de textes en français: quand on est confronté à un texte, bon, je traduis d’abord dans ma langue maternelle pour plus apporter la compréhension en fait à ce texte-là, pour savoir si j’ai vraiment compris le texte. Le français autant que les langues africaines ont un rôle dans l’intégration sociale. Un témoin ressent son monolinguisme français comme une frustration depuis l’enfance: Bon socialement je pense que j’ai à regret de ne pas pouvoir bien maitriser ma langue maternelle, parce que au niveau familial et tout, ça pose un véritable problème d’intégration.

Les étudiants d’Abomey-Calavi sont au moins bilingues et certains connaissent six ou sept langues. La plupart affirme être le plus à l’aise dans leur langue maternelle. Parallèlement, la plupart présentent le français comme la langue nécessaire pour réussir: au Bénin c’est la première langue de communication, donc ça permet partout où tu passes de communiquer avec des gens. Même si ce n’est pas la nôtre, on essaye de faire avec. Pour les autres, c’est leur langue maternelle qui permettra leur réussite, l’espace du français étant limité à la Fonction Publique (Le français est nécessaire au niveau des études, pour faire des trucs de la Fonction en fait). L’un d’eux est conscient que ce genre d’affirmation est plus identitaire que réaliste (On ne peut jamais doigter ta maison par une main gauche), car la domination du français s’étend sur la majeure partie de l’espace public (le français est la langue importée qui nous domine, les autres langues complètent). Tous les participants trouvent normal que les langues africaines soient aussi utilisées dans les administrations (pour permettre de mieux échanger avec ceux qui viennent chercher le service; on s’exprime mieux on est à l’aise). Une étudiante souligne le dynamisme économique et social des personnes non francophones: Nous ne pouvons pas dire que c’est seulement ceux qui sont instruits qui auront des problèmes pour aller voir les juges, aller dans les bureaux, notaires, non. Peut-être je vais payer un terrain, j’aurai besoin de légalisation. Pour les légalisations, il y a les illettrés, les femmes, les marchands...

4.3 Le français face à la langue ou au parler qui lui fait le plus concurrence

Dans chaque point d’enquête, une des langues (ou parler) en concurrence avec le français dans diverses activités sociales a été proposée aux enquêtés comme pouvant partager avec le français, le statut de langue officielle. Ces langues ont des caractéristiques sociales variées et les réponses des participants le sont aussi.

Concernant les Nigériens, il n’est pas anodin de souligner que la plupart d’entre eux affirment que le haoussa pourrait (ou devrait) devenir la langue officielle du Niger (Je pense que le haoussa peut remplacer le français, l’anglais et les autres langues pour tous les Nigériens), en dépit du fait que sa distribution dans la population, certes dominante, n’est pas vraiment majoritaire. La plupart d’entre eux, d’ailleurs, est d’accord pour une politique qui favorise au moins une expansion des langues nationales à des niveaux institutionnels généralement réservés au français et cela souvent pour des raisons plus pratiques qu’idéologiques, le français n’étant pas suffisamment maîtrisé surtout dans le milieu rural (il se trouve que ces derniers temps cette langue là [scil. le français] cause beaucoup de difficultés notamment dans ce pays où l’éducation de base est vraiment- je suis désolé – nous avons beaucoup raté l’éducation de base).

A Bouaké, l’enquête a proposé aux participants de s’exprimer sur le nouchi qui concurrence le français jusque dans les salles de classes. Le nouchi est une langue mixte émergente de Côte d’Ivoire, fruit de manipulations diverses opérées sur le français populaire ivoirien, les langues ivoiriennes et d’autres. Considéré comme un argot, il n’a pas l’avantage parmi les étudiants de Lettres de Bouaké: Le nouchi est à la défaveur de l’étudiant que je suis. Puisque je suis étudiant en Lettres Modernes, parler cette langue serait être freiné dans la perfection de la langue que j’étudie.

Plusieurs d’entre eux nient connaitre le nouchi et refusent d’en parler. D’autres soulignent ses défauts (c’est le français mal maitrisé et mal compris; les élèves qui parlent nouchi sont indexés; le nouchi c’est une langue qu’on parle en Côte d’Ivoire juste pour camoufler un peu le français). Un étudiant remarque que l’expansion du nouchi ne dépasse pas certaines villes: Puisque j’ai grandi à Abidjan jusqu’à mes seize ans j’étais à Abidjan. Voilà dans les quartiers franchement c’est le nouchi qu’on parlait. Mais depuis que j’ai quitté Abidjan, voilà à l’intérieur du pays le nouchi n’est pas aussi parlé, donc du coup j’ai perdu un peu le contact avec le nouchi.

A Abomey-Calavi, les participants devaient s’exprimer quant au statut d’officialité de la langue fongbè. Le fongbè fait partie des langues gbè, répandues au sud, du Nigeria au Togo. Il est très présent dans le sud-est du Bénin, où se trouve Abomey-Calavi, mais inconnu au nord où d’autres langues sont dominantes. Les étudiants étaient pour ou contre, mais le plus intéressant dans les deux cas est leurs argumentations. Les principales difficultés soulevées sont le choix d’une langue co-officielle parmi d’autres, le besoin de développer les langues africaines (pour enseigner, il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas dire nous-mêmes dans nos langues, en mathématiques, en physique), et la nécessité d’une politique linguistique à la hauteur d’un tel changement (c’est possible si un dirigeant décide de changer tout et que nous devenons nous mêmes indépendants, nous pouvons prendre la langue fon comme majeure quoi).

4.4 La présence de la culture française et des cultures africaines

Les discours des étudiants des trois pays sur l’influence de la culture française et sur les cultures africaines les amènent à se positionner diversement sur les liens entre langue et culture française.

Pour les normaliens de Niamey, qui pourtant étudient dans une institution de tradition française, le rapport à la culture française s’avère problématique et contradictoire. Celle-ci serait véhiculée par le web, le sport et surtout la façon de s’habiller (Est-ce que vous pensez que la culture française est présente ici au Niger? Vous-même vous devriez le constater à travers nos habillements, à travers nos gestes, tout ce que nous faisons, le quotidien donc du Nigérien même le démontre). Toutefois ils ne font pas de différence entre culture française et culture occidentale (Quand vous regardez beaucoup de nos habillements ils ne reflètent pas l’image de notre culture notamment celle de la culture nigérienne). Pour eux, le berceau de cette culture serait l’école dite traditionnelle (de langue française, par opposition aux écoles arabes et bilingues) qui ferait la promotion de modèles exogènes. Ceux-ci restent très mal définis par les participants, mais ils sont à rejeter puisqu’ils éloigneraient la population des modèles autochtones. Émerge donc de ces témoignages une certaine stigmatisation des comportements qui sont importés et qui, de manière discordante, sont considérés comme assez répandus. Certains d’entre eux arrivent jusqu’à parler d’une imitation mal vue qui témoignerait d’un déracinement (Si quelqu’un adopte toutes les manières de faire de la France qu’est-ce que son entourage va dire? On va le traiter d’acculturé, de renégat[10]).

Pour les étudiants de Bouaké, c’est l’habillement français ou occidental qui est le plus saillant: costume, cravate, la mode des jeans déchirés. Le divertissement est souvent associé à la culture française: les médias, notamment les comédies, les films de banlieues, les retransmissions sportives (foot) et la chanson (rap) sont cités. Cependant, ils remarquent une baisse de l’intérêt des jeunes d’aujourd’hui: mes petits frères ils s’intéressent moins aux chaines françaises et quand on leur demande pourquoi ils disent non je comprends pas ce qui se passe de l’autre côté. Plusieurs locuteurs sont conscients de l’omniprésence de la culture française, à travers les institutions: l’école, la monnaie, la politique (du copié collé de celle de la France), les fêtes nationales: Je veux dire l’aspect cérémoniel l’organisation des fêtes des Indépendances, vous le verrez même dans presque tous les pays africains francophones: c’est la même manière de faire. La façon de parler aussi (on veut parler comme eux) est citée. Les participants soulignent que les cultures ivoiriennes ne sont pas oubliées: nourriture, fêtes, chansons. Un jeune qui délaisserait complètement sa culture africaine pour vivre selon la culture française serait jugé très bizarre.

Pour les étudiants d’Abomey-Calavi la présence de la culture française est évidente au Bénin : comme dans tous les pays africains colonisés par la France. Qui parle de colonisation parle de l’imposition du copiage des cultures. Ils donnent en premier exemple la mode vestimentaire (l’habillement, c’est pas notre propre culture c’est la culture occidentale; on va porter sans manches pour sortir, laisser nombril ouvert), puis la langue comme véhicule de tout le reste, enfin la cuisine, le sport, le design, la musique. Toutefois, certains soulignent une distance avec la culture française (la colonisation a été politique, sociale mais pas culturelle) ou certains de ses aspects (politique là nous on n’en a rien à faire) et manifestent leur attachement à la mode vestimentaire et aux mets africains. Les participants pensent que quelqu’un qui adopterait entièrement les coutumes françaises serait vu par l’entourage comme un voyou, délinquant, déréglé, sauf si cet entourage est habitué à ces pratiques.

 

5.  Discussion et perspectives futures

 

Cet article a poursuivi deux objectifs. D’une part nous avons voulu décrire trois «postures» différentes par rapport à la langue et à la culture françaises et vérifier si les résultats des enquêtes précédentes étaient confirmés ou non; d’autre part, nous avons voulu montrer combien une typologie de la francophonie qui se veut exhaustive gagnerait à incorporer dans son architecture les points de vue des locuteurs, leurs attitudes, leur stéréotypes.

Concernant le premier volet, notre enquête cherchait à analyser des discours de jeunes qui n’ont pas connu la période de la colonisation ni celle juste après les Indépendances, à propos des fonctions sociales de la langue française et des langues africaines et à propos du lien entre langue et culture. Le but était d’approcher leurs représentations envers le français sous différents rapports. Le fait que les termes employés dans les questions (langue, culture) étaient simples, non scientifiques et non définis explicitement, facilitait l’affirmation de stéréotypes, tout comme le fait que les interviews aient lieu dans des cadres institutionnels, souvent en présence du professeur. Ainsi à Niamey, la distance envers la langue et la culture françaises était maximale, minimale à Bouaké, et Calavi représentait un cas différent et, par certains côtés, intermédiaire.

A Niamey, aucun discours n’a prévu l’expansion du français dans un avenir plus ou moins lointain, alors que le nombre de francophones pourrait de fait augmenter, du moins si l’on considère le facteur démographique et scolaire (AA. VV. 2019). Une certaine contradiction règne entre les pratiques et leurs représentations, ce qui est pour l’instant le propre des discours nigériens que nous avons recueillis par rapport à ceux de la Côte d’Ivoire et du Bénin. En effet la présence de la culture française a été niée alors que les entretiens avaient lieu à l’ENS, une institution d’inspiration on ne peut plus française. Nous pouvons attribuer leurs réponses à un refus d’être affilié à une identité francophone telle qu’elle apparait dans les discours officiels internationaux. Par ailleurs, hormis l’insistance sur le rôle potentiel du haoussa en tant que langue nationale, aspect qui mériterait d’être étudié davantage, ces réponses sont assez en accord avec les tendances relevées il y a déjà vingt ans par SINGY et ROUILLER (2001). Finalement, un dernier point soulevé nous a semblé important: il concerne la vexata quaestio de l’insécurité linguistique qui est souvent évoquée. S’agit-il ou pas d’un effet de population car nous avons eu affaire à des adultes, enseignants, haoussaphones? La question reste ouverte puisque d’autres recherches auprès de populations plus jeunes et de langue zarma ont donné des résultats différents[11].

A Bouaké, tout comme à Abidjan il y a un peu plus de 20 ans (BOUTIN 2002: 93-120), les participants affichaient une certaine passivité face à la diffusion du français et des modèles occidentaux, mais leur façon de parler était totalement ivoirisée. En comparaison avec les deux autres points d’enquête, leur français était le plus distant du français européen. Nous comprenons que, forts de l’hybridation réussie du français, les Ivoiriens peuvent tenir des discours plus conciliants parce que la crainte de perdre leur identité culturelle est moindre.

A Calavi, et dans un pays, où l’affirmation des langues et des valeurs culturelles africaines s’est faite haut et fort, les étudiants expriment leur identité culturelle, non seulement par opposition à une autre culture, mais en s’appuyant sur ces valeurs. En outre, de par leur habitude d’une complémentarité entre français et langues africaines, ils donnent à leur francophonie un caractère pragmatique.

Le deuxième volet de notre recherche consistait à proposer des pistes pour une compréhension des francophonies qui intègre aussi la description des attitudes, positives ou négatives, envers le français et tout ce que cette langue peut véhiculer. Notre démarche s’est inscrite dans un domaine de recherche plus vaste et encore assez hétérogène de type herméneutique. Tout en nous basant sur le principe que « ce sont les personnes qui vivent les situations interprétées, à travers leurs expériences diversifiées et une tension à être, qui font émerger les langues » (FEUSSI 2017: 186), nous avons essayé de montrer combien ce regard « intérieur», qui peut être saisi de plusieurs façons, peut diverger des approches classiques (historiques, institutionnelles, démographiques et sociolinguistiques) donnant des résultats apparemment plus objectifs. Cet aspect subjectif que nous avons essayé de mettre en exergue, n’est pas sans remettre en question le classement de QUEFFÉLEC (2008)[12]. Concernant le Niger, on aurait du mal à le ranger aussi bien du côté du groupe 1, car le haoussa, tout en étant un véhiculaire, ne l’est que pour une partie de la population, que côté du groupe 2 car le français n’est pas aussi bien répandu qu’en Côte d’Ivoire, pour ne citer qu’un exemple. Le Bénin, qui possède au sud un véhiculaire très répandu, le fon, mais fait aussi une large utilisation du français depuis longtemps, est difficilement catégorisé dans l’un ou l’autre groupe. La question se complique en Côte d’Ivoire, pays classé par Queffélec dans le groupe 2 (malgré la pénétration atypique du français, à la fois tardive et populaire), car les langues africaines font l’objet d’une revalorisation autant pour des motifs sociaux qu’individuels. Somme toute, le développement des langues africaines dans un pays ne sont pas forcément un obstacle à l’utilisation du français, et la diffusion du français n’est pas toujours perçue comme un empêchement à celle des langues africaines.

A travers ces quelques éléments de réflexion, nous espérons ouvrir des pistes pour mieux comprendre les francophonies africaines. Il ne s’agit pas seulement d’adopter une vision moins catégorielle et plus nuancée, car, nous espérons l’avoir montré, « le rapport intime » vis-à-vis du français n’est pas indexé sur les catégories classiques avec lesquelles les Européens ont décrit l’Afrique de l’Ouest. Elles présentent des contours qui leur sont propres et qui, pour le moment, n’ont pas encore été suffisamment tracés.

 

Bibliographie

 

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[1] Cet article est le fruit d’un travail commun des deux auteurs; Béatrice Akissi Boutin a écrit les parties concernant la Côte d’Ivoire et le Bénin ainsi que la partie 2. Oreste Floquet s’est occupé du Niger, de l’introduction et de la partie méthodologique. La Partie 5 a été écrite à parts égales.

[2] Voir par exemple BILOA et FONKOUA (2010) et SOL (2010) pour le Cameroun et de BAGOUENDI-BAGÈRE BONNOT (2007) pour le Gabon.

[3] Que l’on peut consulter dans AA.VV. (2019: 75-84).

[4] Voir entre autres SCHIAVONE (2022).

[5] Les guillemets ici et dans les paragraphes suivants indiquent des expressions connues de l’époque, maintes fois reprises.

[6] Actuellement, malgré les progrès réalisés, l’alphabétisation reste un problème majeur, avec un écart important entre les hommes et les femmes (BARRETEAU et SOULEY 1997, GOZA et al. 2010, SITA, à paraître).

[7] Le Niger se distingue très tôt des autres pays pour ne pas avoir approuvé la proposition communautaire de la France, lors du référendum de 1958 avec l’écrasante majorité qui s’est manifestée ailleurs.

[8] L’expression Afrique francophone ne fait référence à aucune entité africaine et ni l’appartenance à l’OIF, ni le fait d’avoir le français pour langue officielle ne regroupent les pays concernés. En revanche, les pays africains se regroupent au sein de huit Communautés économiques régionales reconnues par l’UA (Union Africaine, https://au.int/fr/cers), dans lesquelles plusieurs langues sont partagées et ne constituent pas des frontières.

[9] Le fon ou fongbè est une langue de grande diffusion dans le sud, voir 4.3.

[10] Il est raisonnable de se demander si cette attitude n’est pas en relation avec la critique de la laïcité en tant que telle (et de la langue française qui en est le véhicule), faite par certains courants islamiques, plus étroitement liés à la tradition arabe radicale (PIGA 2008/2021, SOUNAYE 2009). On sait d’ailleurs que le pouvoir politique a progressivement commencé à s’éloigner du modèle occidental; un exemple est le fait que le premier ministre prête désormais serment sur le livre sacré de sa confession, le Coran (MOUMOUNI 2014, 207).

[11] Voir par exemple FLOQUET (2018) et BOUTIN & FLOQUET (2020).

[12] Dit très schématiquement, dans le groupe 1 on range les francophonies africaines où la colonisation a été moins intense et où il existe un véhiculaire africain (p.e. le sango au Centrafrique) qui peut concurrencer le français. Dans le groupe 2, en revanche, la colonisation a été plus profonde et le français a fait l’objet d’une appropriation, en même temps que sa véhicularisation a empêché la diffusion d’un véhiculaire africain.


Per citare questo articolo:

Béatrice Akissi BOUTIN, Oreste FLOQUET, « Regards ivoiriens, nigériens et béninois sur le français : éléments pour une typologie des francophonies en Afrique de l’Ouest », Repères DoRiF, n. 27 – 2021 l’Odyssée des langues. La distance dans la dynamique des plurilinguismes, DoRiF Università, Roma, luglio 2023, https://www.dorif.it/reperes/beatrice-akissi-boutin-oreste-floquet-regards-ivoiriens-nigeriens-et-beninois-sur-le-francais-elements-pour-une-typologie-des-francophonies-en-afrique-de-louest/

ISSN 2281-3020

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