Carole CONTI
La criminalisation des navires humanitaires
Carole Conti
Università di Torino
carole.conti@unito.it
Résumé
Cet article examine, à partir de la polémique sur la légitimité des opérations des navires humanitaires opérant dans la Méditerranée, la variété des opérations langagières employées par la droite populiste française et italienne afin de délégitimer et de criminaliser les ONG. En nous appuyant sur l’analyse de différents types de discours médiatique orientés à droite − tweets de représentants de la Ligue et du Rassemblement National, articles de Valeurs Actuelles et de Libero, commentaires issus des lecteurs − nous nous proposons de dégager le lien qui s’établit entre le discours disqualifiant et les sous-genres discursifs examinés.
Abstract
Taking as a starting point the controversy over the legitimacy of the operations of humanitarian ships operating in the Mediterranean, this article will explore the argumentative phenomena used by French and Italian populist right-wings to delegitimize and criminalize NGOs. Based on a corpus of different types of right-wing media discourses (tweets of representatives of the Lega and the Rassemblement National, articles of Valeurs Actuelles and Libero and comments from their readers) we will study the connexion between these subgenres and disqualifying discourse.
Introduction
Le présent article vise à étudier l’évolution de la polémique qu’ont suscitée les paroles du procureur général de Catane, au printemps 2017, au sujet de l’illégitimité des opérations des navires humanitaires opérant dans la Méditerranée. Amossy définit la polémique comme un « débat autour d’une question d’actualité, d’intérêt public, qui comporte des enjeux de société plus ou moins importants dans une culture donnée » (AMOSSY 2014 : 51). Caractérisé par une tendance à la dichotomisation de deux positions antithétiques, le discours polémique a une visée pragmatique bien précise : discréditer l’adversaire (et/ou sa thèse) par un arsenal de procèdes rhétoriques et argumentatifs. Cette étude s’intéresse en particulier au discours disqualifiant tenu par la droite populiste française et italienne, afin de délégitimer et de criminaliser les ONG. Pour cela nous nous proposons d’analyser différents types de discours médiatique orientés à droite : des tweets de représentants de la Ligue et du Rassemblement National, des articles de Valeurs Actuelles et de Libero et les commentaires à ces articles.
Dans les énoncés sur lesquels s’appuie notre analyse on peut aisément constater que le locuteur fait fréquemment appel aux émotions afin d’accroître l’efficacité d’une argumentation portant sur des opinions ou sur des dispositions d’actions. L’émotion peut être clairement exprimée (dite et/ou montrée, visée explicite) ou provoquée sans pour autant être désignée par des termes de sentiment (visée implicite) (MICHELI 2014). En particulier « [l]orsque l’émotion est visée de façon implicite le locuteur postule ainsi que l’auditoire sera capable, même en absence de thématisation, d’associer ladite émotion à la représentation discursive d’une situation » (MICHELI 2014 : 145). L’inscription du pathos dans le discours confère à la polémique un caractère excessif qui exacerbe la dichotomisation, la polarisation et la dévalorisation de l’adversaire. En même temps, l’engagement émotionnel du locuteur dans le conflit peut parfois provoquer chez lui une aversion extrême pour l’adversaire. Le discours polémique peut ainsi aboutir au discours haineux. Il existe de ce dernier plusieurs définitions adoptées par les organismes internationaux[1] qui varient considérablement quant aux éléments définitoires. Nous nous appuyons sur la définition de Raphael Cohen-Almagor (2011 : 1-2) qui, à notre avis, prend en compte l’hétérogénéité des manifestations affectives et linguistiques de ce type de discours :
Le discours de haine est défini comme un discours malveillant, motivé par des préjugés, visant une personne ou un groupe pour leurs caractéristiques innées réelles ou perçues. Il exprime des attitudes discriminatoires, intimidantes, désapprobatrices, antagonistes et/ou préjudiciables à l’égard de ces caractéristiques, notamment le sexe, la race, la religion, l’appartenance ethnique, la couleur, l’origine nationale, un handicap ou l’orientation sexuelle. Le discours de haine a pour but de blesser, déshumaniser, harceler, intimider, affaiblir, dégrader et victimiser les groupes ciblés, et de fomenter l’insensibilité et la brutalité vis-à-vis de ces derniers[2].
Ces thématiques peuvent être accompagnées de formulations violentes, d’actes de condamnation et/ou d’injures, il s’agit alors de discours de haine directe[3] (LORENZI-BAILLY et MOÏSE 2021). Cependant, à l’encontre de ce discours de haine directe, caractérisé par une violence verbale fulgurante (LAFOREST et MOÏSE 2013), il existe un discours de haine qui paraît plus dissimulé, argumenté et complexe à saisir. En effet ‒ tout en gardant sa performativité ‒ le discours de haine dissimulée (BADIER et COSTANTINAU 2019) masque l’incitation à la haine, à la violence et/ou à l’exclusion de l’autre à travers l’emploi de l’humour, l’ironie ou l’hyperpolitesse et la dissimulation derrière d’autres discours (nationaliste, populiste, scientifique…)[4].
En prenant en considération ces variations du discours disqualifiant, nous étudierons ce qui les relie aux sous-genres discursifs pris en compte. Après une brève présentation du moment discursif (MOIRAND 2007) dans lequel se situe notre corpus et d’une description de ses critères constitutifs, nous examinerons, dans une perspective comparative, les mécanismes rhétoriques mobilisés.
Contexte polémique et corpus
Au printemps 2017 Carmelo Zuccaro, le procureur général de Catane, annonce l’ouverture d’un dossier d’enquête cognitive sur l’activité des ONG qui, selon lui, « prolifèrent » dans la Méditerranée. Selon Zuccaro, non seulement certaines ONG seraient financées par des trafiquants, mais leur but serait de déstabiliser l’économie italienne afin d’en obtenir un gain personnel. Le procureur général affirme avoir des preuves de la collusion entre les ONG et les passeurs, mais celles-ci ne seraient pas utilisables en justice. Ces affirmations ont néanmoins provoqué un débat acharné en Italie et de nombreuses enquêtes ont été ouvertes. Bien que ces enquêtes aient toutes été classées sans suite dès le mois d’août 2018, les déclarations du procureur ont influencé de manière irréversible l’opinion publique.
En France, quoique le pays ne soit pas directement touché par les débarquements des navires des ONG, la polémique se déclenche surtout sous l’impulsion de Marine Le Pen, qui exprime son soutien à la politique des « porti chiusi » (« ports fermés ») de Salvini. La controverse atteint son apogée avec la déclaration du ministre de l’intérieur Christophe Castaner en avril 2019 pendant le G7. Castaner parle d’une réelle collusion entre les ONG et les passeurs s’appuyant, comme l’avait fait Zuccaro (ainsi que Di Maio), sur des rapports de l’agence européenne Frontex, dans lesquels il y aurait eu des preuves de cette complicité. Ces faits ont été immédiatement démentis par l’Agence Frontex elle-même[5].
Dans cette étude nous nous intéressons en particulier à l’importance prise par cette polémique dans les discours de la Ligue, du Rassemblement National (dorénavant, RN) et de leurs partisans, qui se sont avérés être les détracteurs les plus acharnés des ONG. En Italie, Matteo Salvini a fait de la lutte aux « débarquements de clandestins » un des points forts de sa politique, en l’utilisant aussi bien pendant sa campagne électorale de 2018 que pendant son mandat en tant que ministre de l’Intérieur[6] (à partir de juin 2018). En France, c’est Marine Le Pen qui, en exprimant maintes fois son soutien à Matteo Salvini (avec qui elle partage la lutte à « l’invasion »), a donné de l’ampleur à la question dans le panorama français.
Pour analyser le discours des membres de la Ligue et du RN nous avons décidé d’en étudier les tweets[7]. En effet, ces personnages politiques emploient massivement les médias sociaux numériques comme outil de communication politique pour leur dimension moins conventionnelle, plus informelle, leur permettant ainsi un rapport direct avec leur électorat (ROGINSKY et DE COCK 2015 : 132). Les tweets ont été sélectionnés, parmi ceux qui ont été publiés par les comptes officiels des principaux représentants des deux partis[8], entre avril 2017 et janvier 2019, sur la base de la présence du mot clé ONG, du nom du navire ou encore du nom de l’ONG (Open Arms, Vikings, etc.).
Afin d’observer l’évolution de la polémique dans la presse orientée à droite, nous avons choisi de nous pencher sur les articles du quotidien Libero[9] et ceux du magazine Valeurs Actuelles[10] (dorénavant, VA). Il s’agit en effet de deux journaux ayant une orientation éditoriale qui se déclare explicitement de droite[11].
Enfin, nous avons choisi de constituer un corpus de commentaires en repartant des articles analysés, de manière à étudier le discours des partisans de la droite. Plus précisément, les commentaires aux articles de VA proviennent du site, tandis que ceux de Libero proviennent de Twitter : il s’agit en effet des réponses aux tweets du compte @Libero_official affichant les articles en question[12].
Nous avons exploré notre corpus (balisé selon le type de texte, la date et, dans le cas des tweets, le locuteur) à l’aide des logiciels lexicométriques Lexico3[13] et TXM[14].
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Un des traits distinctifs de la polémique est son aspect monstratif, c’est-à-dire que la confrontation entre les deux adversaires est toujours destinée à un public. Cela fait donc des médias le support idéal du discours polémique.
Le journaliste, selon un contrat de communication médiatique (CHARAUDEAU 2006), devrait idéalement donner une représentation impartiale des événements. Toutefois, cette neutralité n’est qu’un « jeu de l’objectivité par l’effacement énonciatif » (ibid.) et certains journaux qui − comme ceux formant l’objet de notre analyse − ont un engagement politique assez marqué, prennent part à la polémique de manière assez directe. En effet, le positionnement du journaliste, lequel peut déjà être révélé par sa façon de présenter, nommer et éclairer les faits et les dires qu’il perçoit et rapporte, devient encore plus évident lorsque ce dernier use de formules d’appropriation et de désapprobation ou encore de marqueurs de personne inscrivant le conflit sur un axe nous/vous (MOIRAND 2006). On assiste à une dramatisation des événements en particulier par la mise en scène du « portrait de l’ennemi » à l’aide de différents procédés discursifs parmi lesquels l’amalgame (CHARAUDEAU 2006).
Les réseaux sociaux numériques (blogues, forums, Twitter, Facebook…), qui sont des dispositifs à « forte dominante captatrice », renforcent une mise en scène discursive « à visée pathémique » (CHARAUDEAU 2000 cité par MONNIER 2019a : 1). En effet la spontanéité et la simplicité de publication facilitent l’affectivité qui s’inscrit dans le discours même par l’emploi d’une syntaxe et d’une ponctuation relâchée et par une surenchère dans l’outrance verbale. En particulier, le discours politique natif de Twitter, par ses contraintes matérielles et technologiques (280 caractères maximum et l’emploi de signes technolangagiers) est caractérisé par un processus de condensation sémantique et décontextualisation partielle qui « favorise la formation et la circulation de petites phrases » (LONGHI 2013 : 4) de nature fortement polémique. La principale différence entre le corpus des personnages politiques et celui des commentaires réside principalement dans l’emploi, dans ces derniers, d’une identité masquée sous un avatar[15] qui réduit sensiblement l’inhibition et donne un sentiment d’impunité, ce qui rend les commentaires le terrain idéal pour l’émergence et la prolifération du discours de haine directe.
La délégitimation des ONG
Dans l’ensemble des corpus examinés on assiste principalement à une « disqualification adressée à un tiers ». La visée de cet acte de langage se manifeste, sur le plan perlocutoire, de deux manières : persuader la personne tierce de la validité de la qualification péjorative (les ONG sont des organisations pas sérieuses ou même criminelles) et la convaincre d’agir en conséquence (il ne faut pas les aider et leur permettre d’accoster aux ports) (VINCENT et BERNARD BARBEAU 2021 : 6). Cette disqualification publique est obtenue par le biais d’une tentative d’établir une autre vision du monde où les ONG ne seraient pas vraiment des organisations humanitaires : elles feignent de l’être. Cette restructuration du réel ‒ re-framing, en employant l’expression forgée par Lakoff (2004) ‒ est obtenue, comme nous le verrons, grâce à une variété d’arguments de cadrage (BRETON 2006 : 77-94) : la définition, la présentation et l’association. Cette dernière prend souvent la forme de l’argument ad hominem de la culpabilité par association visant à « discréditer l’adversaire en le rendant responsable d’une action supposément répréhensible commise par une autre personne à laquelle on relie l’opposant » (GAUTHIER 2019, paragraphe : 30).
Comme nous l’avons rappelé ci-dessus, la polémique a pris son essor à la suite des accusations de collaboration entre ONG et passeurs. Les journaux, eux, se limitent à rapporter les soupçons et l’avancement des enquêtes sur une possible collusion, bien que parfois ils ne marquent pas clairement la distance entre leurs énoncés et les dires qu’ils recueillent. Les tweets et les commentaires donnent au contraire pour acquise leur complicité[16].
[1] Marine Le Pen (MLP officiel) :
Derrière le vernis humanitaire, les ONG ont un rôle objectif de complices des mafias de passeurs. La réaction de Salvini est salutaire.
Accepter que les bateaux de #migrants accostent crée un appel d’air irresponsable ! Il faut qu’ils retournent d’où ils viennent. MLP #Aquarius
(Twitter, 12.06.2018)
L’association devient parfois même une assimilation.
[2] Laurent Jacobelli (@ljacobelli) :
Nous le disons depuis des années : les “humanitaires” sont avant tout des passeurs responsables de la mort des migrants en Méditerranée !
https://www.leparisien.fr/politique/migrants-en-mediterranee-les-ong-complices-des-passeurs-accuse-castaner-05-04-2019-8047137.php
(Twitter, 05.04.2019)
Dans son tweet Jacobelli, par le biais d’une définition argumentative[17], déclare que les ONG ne sont pas des sauveteurs, mais qu’elles sont, bien au contraire, la véritable cause de la mort des migrants dans la Méditerranée. Cet argument est en outre renforcé par l’emploi du mot humanitaire entre guillemets ce qui souligne une mise à distance de ce terme par le locuteur qui met ainsi en question le caractère approprié du nom (AUTHIER-REVUZ 1981 : 132). Cela est repris aussi par l’expression « derrière le vernis humanitaire » de Le Pen (ex.1).
On observe dans les corpus des tweets et des commentaires un grand recours à des nominations fortement dépréciatives, telles que : « marchands d’esclaves », « esclavagistes », « trafiquants d’êtres humains » et « négriers » renvoyant aux navires ONG. Le mot négrier, en particulier, est présent presque exclusivement dans le sous-corpus des commentaires[18].
[3] couler le bateau navires négriers
(Comm. VA, 2.10.2019)[4] Buonisti a parole, negrieri nei fatti!
#tantebellecose[19]
(Comm. Libero, 3.09.2019)
et dans un tweet de Jean Messiah :
[5] Jean Messiah (@JeanMessiha) :
#Migrants #Macron aime plus que tous les ONG complices des trafiquants de migrants libyens.
La preuve ?
À leur demande, il renonce à livrer les vedettes promises à la marine libyenne pour lutter contre ces nouveaux négriers.
Honte à ce « président » !
(Twitter, 2.12.2019)
On peut constater que J. Messiah et les commentateurs établissent un parallèle entre les navires négriers qui sillonnaient la mer au XVIe et XIXe siècle et les bateaux des ONG. Cette association diachronique assume la valeur argumentative d’un exemple historique, un dispositif qui propose une analogie entre un élément appartenant à la mémoire collective (le phore) et un deuxième élément lui ressemblant (le thème) afin de lui attribuer « une propriété générale, dont le phore constitue une manifestation empirique antérieure » (PAISSA 2016a : paragraphe 6).
Dans le discours médiatique l’exemple historique présente une morphologie et une ampleur variables, pouvant se développer sur plusieurs lignes ou se réduire à une simple allusion. En effet, si dans les ex. 3, 4 et 5 il n’y a qu’un simple renvoi aux navires négriers (par la nomination), dans l’ex. 6 l’exemple historique est développé par l’articulation de prémisses suivies de l’explication de leurs conséquences.
[6] Au milieu du 19 ème siècle, les marines de guerre anglaise et française qui combattaient le trafic d’esclave, avaient des instructions très précises :
-Prendre, militairement, le contrôle des navires négriers.
-Pendre, immédiatement, “haut et court” tout l’équipage et autres “accompagnants” du navire négrier.
-Echouer le navire négrier, sur la côte africaine la plus proche
et en faire débarquer toute la “cargaison humaine”.
-Couler et bruler les restes du navire négrier, afin qu’il ne puisse plus servir.
De pareilles instructions données aux marines de guerre européennes mettraient fin,
en 48 heures, au trafic de migrants et aux “négriers modernes” !!!
(Comm. VA, 03.06.2019)
Par l’assimilation aux négriers (ou plus largement aux passeurs) les ONG deviennent l’ennemi contre lequel il faut « lutter » (ex. 5), dont il faut « couler » le navire (ex. 3 et 6) et même en « pendre » l’équipage (ex. 6). La création de la figure de l’ennemi, comme elle est décrite dans les chapitres suivants, permet non seulement d’envisager l’opposition dans un axe nous/eux, mais autorise (et même légitimise) la destruction symbolique et/ou physique de l’autre (LORENZI-BALLY 2021).
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Un argument d’association semblable est aussi présent dans le corpus italien où les équipages des ONG sont agrégés aux membres des « centri sociali[20] ». On assiste à un amalgame[21] de ces deux réalités et les préjugés qui pèsent sur les uns basculent sur les autres : c’est ainsi que les bénévoles et les professionnels travaillant pour les ONG sont traités de gauchistes fils à papa qui jouent aux sauveteurs[22]. Salvini emploie même la nomination « abusivi[23] », dénomination dépréciative renvoyant aux membres des « centri sociali ».
[7] Matteo Salvini (@matteosalvinimi) :
Gli abusivi della Ong mi querelano???
Uuuhh, che paura 😊
Per gli scafisti e i loro complici, i porti italiani sono e rimangono CHIUSI[24] .
https://t.co/qHj1orC3Nn?amp=1
(Twitter, 13.06.2019)
Dans l’ex. 7 à l’emploi dénigrant du mot « abusivi » viennent s’ajouter : la question rhétorique achevée par la triple ponctuation (« ??? ») et la phrase « che paura » (« quelle peur ») accompagnée d’une interjection référentielle (« uuuhh ») et de l’émoticône souriante, qui confère à l’ensemble une valence ironique et qui souligne la déconsidération du personnage politique envers les ONG.
[8] Matteo Salvini (@matteosalvinimi) :
Le autorità marittime maltesi hanno dato alla nave dei centri sociali indicazione di dirigersi verso il porto di La Valletta, dove potranno attraccare. Incredibilmente, la ONG si sta rifiutando di andare a Malta, Paese europeo sicuro! #Mediterranea[25]
https://pbs.twimg.com/media/D-sRUqRWkAACllL?format=jpg&name=medium
(Twitter, 05.07.2019)
L’expression « nave dei centri sociali » (ex. 8) revient 5 fois dans les tweets de Salvini et elle est à plusieurs reprises citée par Libero. Toutefois, on observe deux fois son emploi aussi hors des guillemets et sans référence explicite à Salvini. Cet amalgame connaît rapidement une telle diffusion qu’on peut en trouver des exemples dans les commentaires aussi :
[9] Le ONG altro non erano che i centri sociali comunisti travestiti da Salvatori che in odio al paese volevano farlo invadere a mo ‘di dispetto[26]
(Comm. Libero, 09.08.2019)
Dans cet exemple, on retrouve une définition argumentative qui reprend le thème de la mise en question de la légitimité des ONG par l’emploi de l’expression « comunisti travestiti da salvatori » (« communistes déguisés en sauveteurs »).
Cette argumentation n’existe pas dans le corpus français. Toutefois, les ONG sont ‒ dans le corpus italien ‒ délégitimées par le biais de l’association avec les « centri sociali », tout comme elles sont ‒ dans les deux corpus (it. et fr.) ‒ criminalisées par le biais de l’association avec les passeurs.
Du procès aux intentions à la thèse du complot
Les arguments de cadrage, en plus de décrire les ONG comme n’étant pas réellement des organisations humanitaires, visent à faire passer l’idée qu’elles ont des intérêts personnels : celles-ci ne seraient pas vraiment intéressées au bien-être des migrants, mais plutôt au profit politique et/ou économique qu’elles pourraient tirer de leur (massive) arrivée en Europe.
Cette stratégie de re-axiologisation des ONG est présente dans tous les corpus, même dans la presse :
[10] Ong, il dossier della Guardia costiera: tutti i trucchi illegali con cui riempiono l’Italia di clandestini[27]
(Titre de Libero, 21.06.2018)
L’énoncé a une visée argumentative axiologiquement négative (GALATANU 2007 : 6) qui est inscrite dans l’emploi du syntagme nominal « trucchi illegali » (« stratagèmes illégaux») et qui est étayée par l’emploi d’un argument d’autorité reposant sur l’existence d’un dossier prouvant leurs crimes. Par cet énoncé, le journaliste vise, implicitement, à provoquer l’indignation auprès du lectorat, en faisant ressortir le caractère scandaleux des actions des ONG.
Il n’est pas rare que les griefs formulés à l’encontre des ONG prennent des airs conspirationnistes : selon certains, les ONG reçoivent des financements douteux provenant « de puissances étrangères » qui espèrent déstabiliser l’économie et les sociétés européennes à travers l’arrivée d’un flux incontrôlable d’immigrés.
[11] Steeve Briois (@SteeveBriois) :
Ne donnez pas de leçons de morale à propos d’ingérences extérieures quand on sait que des ONG, financées par des puissances publiques étrangères, servent des intérêts politiques contraires à ceux des Nations, sous couvert de défense des droits de l’Homme !” #PlenPE
(Twitter, 14.11.2018)
Cette thèse s’inscrit dans la théorie du « Grand Remplacement », formulée par Renaud Camus dans son pamphlet Le Grand Remplacement (2011), selon laquelle des « élites mondialistes » soutiennent une invasion migratoire ayant le but de se substituer à la population européenne. Cette théorie est fort semblable au « Kalengi Plan », du nom du philosophe autrichien (1894-1972), qui est populaire en Italie. Les thèses complotistes, typiques des discours populistes et de la droite (ANGENOT 2019 : ch. VI), sont en effet très répandues dans les discours de la Ligue (BRAIDER et SINI 2021, ATTRUIA et SINI 2021) et du RN (ALDUY et WAHNICH 2015 : 114-155). Les textes sur lesquels s’appuie notre analyse reprennent implicitement ces thèses à travers l’emploi des substantifs invasion, remplacement, substitution, submersion[28].
[12] Antonio M. Rinaldi (@Rinaldi_euro) :
Ormai le Ong organizzano l’invasione dell’Italia – Secolo d’Italia[29]
https://secoloditalia.it/2019/08/le-ong-sono-la-nuova-opposizione-allitalia-che-sognano-invasa-dallafrica/
(Twitter, 19.08.2019)[13] Marine le Pen (MLP_officiel) :
“C’est l’effet d’une soumission aux dogmes mondialistes qui conduit l’Union à condamner ceux qui défendent l’Europe de l’invasion migratoire, en même temps qu’elle finance les ONG et les fondations qui conduisent une véritable guerre contre la souveraineté des Nations.” #OnArrive https://pbs.twimg.com/media/D4NUg3yW0AEiFgx?format=jpg&name=900×900
(Twitter, 15.04.2019)
En particulier, comme on peut le remarquer dans l’ex. 14 ci-dessous, on fait souvent référence à George Soros, entrepreneur et philanthrope d’origine juive qui, selon les complotistes, est en train de financer les ONG opérant dans la Méditerranée dans le but d’affaiblir l’Europe.
[14] L’ONG SOROS MEDITERRANEE est une organisation criminelle trafiquant et marchant d’esclaves pour les lobbies financiers européens qui ont réussi à placer leurs VRP Macron, Merkel, Junker et autres. Ils sont de facto complices de cette nouvelle forme de trafic d’humains ainsi que des nombreux crimes et délits qu’une partie de ces derniers commettent sur leurs territoires d’accueil. […]
(Comm. VA, 13.06.2018)
Dans cette définition argumentative (ex.14), par un jeu de mots, le nom de l’ONG « SOS Méditerranée », devient « ONG SOROS Méditerranée ». Il s’agit ici d’un mot sandwich (c’est-à-dire un mot valise formé par l’inclusion d’un mot dans l’autre, BONHOMME 1998 : 28) ou d’une déformation paronymique (GARAVELLI 2006 : 206) qui joue sur le lien supposé entre l’ONG et l’entrepreneur. On trouve quelques tweets et de nombreux commentaires faisant allusion à ces théories et cela n’est pas surprenant, étant donné que les réseaux sociaux numériques servent de caisses de résonnance des rumeurs et des complots (LEWANDOWSKY et al. 2017 : 28). Cependant, on peut observer que ces théories trouvent leur place même dans la presse :
[15] George Soros, il complotto contro l’Italia sovranista: Ong, le prove schiaccianti sulla sua vergogna[30]
(Titre de Libero, 24.11.2019)[16] Comment les lobbies immigrationnistes utilisent la cause des « migrants » pour diaboliser l’identité nationale et l’Occident.
[…] Arrêtée par la police italienne, le capitaine du bateau Sea Watch, Carola Rackete, semble être devenue l’héroïne de toute une gauche européenne dont l’activisme humanitaire et victimiste pro-migrants sert en réalité une idéologie anti-nationale, anti-frontières et viscéralement hostile à la civilisation européenne-occidentale assimilée au Mal et dont les « fautes » passées et présentes ne pourraient être expiées qu’en acceptant l’auto-submersion migratoire et islamique…
(Titre et extrait d’un article de VA, 01.07.2019)
Dans les exemples 15 et 16 les journalistes sortent de leur rôle de simples médiateurs et prennent ouvertement position dans la polémique, assumant donc un rôle de porte-parole (YANOSHEVSKY 2003 : 61) des détracteurs des ONG. L’emploi des désignations qualifiantes « l’activisme humanitaire et victimiste pro-migrants », « lobbies immigrationnistes » et des expressions « anti-frontièriste » et « auto-submersion » s’inscrivent sémantiquement dans le discours de la droite. De plus dans l’ex. 16 l’auteur reconstruit l’argumentaire de l’autre envers qui il prend ses distances, ce qui est souligné par l’emploi du mot « faute » entre guillemets.
L’acte de menace
Le phantasme conspirationniste, qui s’appuie sur la désignation d’un ennemi qui incarne le mal absolu opérant dans les ténèbres, porte à une polarisation antagonique eux/nous. L’endogroupe, se considérant comme victime, transforme cette peur irrationnelle en discours haineux, qui se mue souvent en incitation à passer à l’action afin de défendre sa propre liberté (BAIDER et SINI 2021 : 17 et TAJFEL et TURNER 2010 : 176). C’est ainsi que l’on observe fréquemment un passage de l’appel à l’action (ex. fermer les ports) à l’appel à la violence (ex. couler les navires). À la violence polémique (LAFOREST et MOÏSE 2013 : 13) s’ajoute donc la violence fulgurante caractérisée par « des marqueurs discursifs de rupture (durcisseurs, mots du discours, effets syntaxiques) et des actes de langage dépréciatifs directs (harcèlement, mépris, provocation, déni, insulte…) à visée de domination » (ibid.). En effet, les commentaires que nous avons réunis dans notre corpus sont semés de messages menaçants, que Laforest et Vincent (2006) définissent comme « l’expression d’une intention, ou à tout le moins d’un désir de causer la mort, d’infliger des lésions corporelles à une personne ou un animal, ou de détruire ce qui appartient à une ou plusieurs personnes ». Le propos le plus fréquent est celui de couler les bateaux des ONG[31], mais on retrouve aussi des commentaires qui voudraient attaquer directement les bénévoles.
[17] Queste navi andrebbero affondate a suon di sottomarini [32]
(Comm. Lib, 20.09.2017)[18] Il y a parfois des bateaux que nous prendrions plaisir de les voir couler, surtout lorsque que ces bateaux sont les auteurs d’une déportation organisée d’Africains vers l’Europe.
(Comm. VA, 26.08.2018)[19] il faut tirer à vue sur ces connards
(Comm. VA, 26.08. 2018)
Même Matteo Salvini s’unit au chœur des intimidations :
[20] Matteo Salvini (@matteosalvinimi) :
Sequestrare le navi delle ONG che hanno chiamato, aiutato e protetto gli scafisti? No, non sequestrarle : AFFONDARLE[33]
(Twitter, 04.08.2017)
Dans les ex. 18 et 20 on peut remarquer que la menace est accompagnée d’une sorte de justification des propos violents : l’adversaire s’est taché de crimes tellement honteux que la punition envisagée paraît légitime. En particulier dans le tweet de Salvini cette légitimation est obtenue par un argument d’amplification plus exactement par l’énumération des fautes des ONG. De plus, comme dans l’ex. 19, les intimidations sont très souvent doublées d’insultes.
En général, la haine n’est que très rarement adressée directement aux migrants, mais presque exclusivement aux ONG et aux politiciens réputés complices de « l’invasion ». Toutefois on peut constater peu de considération pour les migrants dont la dimension humaine n’est jamais prise en compte. Dans l’ex. 21 le sort des migrants est passé sous silence. Les sujets des verbes sont « ce bateau », « ce bâtiment », puis « le flux de clandestins ». La formulation « Lorsque ce “bateau” sera vide » est de ce point de vue très violente, on met l’accent sur une réalité matérielle, concrète tout en passant sous silence la dimension humaine[34] : au lieu de « quand les migrants auront quitté le bateau » on a « quand le bateau sera vide [de migrants] ».
[21] Lorsque ce ” bateau ” sera vide, peut-on lui faire bénéficier du sort du ” rainbow warrior ” ? Qui paye son équipage qui n’est certainement pas fait de bénévoles ? Si ce bâtiment n’existait pas le flux de clandestins se serait tari.
(Comm. VA 13.07. 2018)
Dans cet exemple on trouve également le mot-événement (MORIAND 2007) Rainbow Warrior I : le navire de l’ONG écologiste Greenpeace qui contrastait les essais nucléaires français en cours dans le Pacifique, pendant l’été 1985, et qui a été coulé, le 10 juillet de la même année, par des agents du service secret français[35]. Les internautes français ont recours à un exemple historique en établissant un parallèle entre le navire de l’ONG Greenpeace (le phore) et les bateaux ONG (le thème). Les accusant d’être impliqués dans « la traite d’êtres humains », on leur souhaite un destin semblable à celui du Rainbow Warrior.
[22] Rappelez-vous que Mitterrand avait fait couler le Rainbow-Warrior à quai…
(Comm. VA, 28.08. 2018)[23] Remember Rainbow Warrior. Que de bons souvenirs.
(Comm. VA, 28.08.2018)
Comme nous l’avons déjà dit plus haut, l’exemple historique peut se présenter sous la forme d’une simple allusion, un « rappel bref et concis suffisant à justifier l’orientation adoptée par le commentateur » (PAISSA 2016b : 5). Ces analogies (ex. 22 et 23) ne présentent que le phore puisque le thème est sous-entendu : dans l’ex. 22 les points de suspension créent une tension entre ce qui est dit et ce qui n’est pas énoncé (mais qui n’est pas passé sous silence) : ceci instaure une sorte de connivence avec les autres commentateurs auxquels on laisse terminer la phrase (MONNIER et SEOANE 2019) ; dans l’ex. 23 par l’énoncé « Que de bons souvenirs. » l’auteur nous informe clairement de l’orientation axiologique de son sous-entendu. Cet exemple historique, qui n’apparaît que dans le corpus des commentaires français, est fort récurrent. Ce qui témoigne que cet événement est encore bien gravé dans la mémoire collective française.
Conclusion
Si les débarquements des migrants peuvent apparaître comme une question concernant uniquement l’Italie, la polémique, au contraire, a eu de l’ampleur au-delà des Alpes aussi. Tandis que les deux corpus mobilisent les mêmes stratégies discursives, les références socio-culturelles recèlent des différences intéressantes : dans le corpus italien on fait référence aux « centri sociali » renvoyant à une réalité socio-politique bien connue en Italie, qui n’a pas de correspondant dans la culture française ; dans le corpus français, on mentionne, en revanche, le Rainbow Warrior, un événement appartenant à la mémoire collective française.
Cependant, les différences les plus significatives se situent au niveau des sous-genres discursifs et sont transversales aux deux corpus examinés : italien et français.
Le sous-corpus des tweets des politiciens présente beaucoup de ressemblances avec le sous-corpus des commentaires. Les deux ensembles non seulement mobilisent les mêmes procédés discursifs (l’argumentation ad hominem, l’amalgame, la dénomination dépréciative), mais ils sont aussi caractérisés par des énonces très pathétiques. Toutefois, dans le corpus des commentaires la véhémence des propos est plus acharnée et aussi bien plus fréquente. Cela est sans aucun doute dû au fait que le discours politique est étroitement lié à la responsabilité énonciative des propos rapportés (MOIRAND 2006). Les messages des politiciens se retrouvent donc plutôt dans une zone grise, qui peut être assimilée à un discours de haine dissimulée. En revanche, dans les commentaires, le sentiment d’impunité garanti par l’anonymat et le sens de communauté qui se forme chez les internautes facilite la diffusion du discours de haine directe. De plus, c’est uniquement dans le corpus des commentaires (à exclusion d’un tweet de Messiah) qu’on peut remarquer la présence de l’exemple historique qui, par l’évocation d’un phore négativement connoté − les navires négriers et un bateau d’une ONG s’opposant à l’État (vraisemblablement coulé pour cette raison) – participent au processus de criminalisation des navires humanitaires.
Le discours de la presse se révèle être assez brouillé. En effet, les accusations envers les ONG sont souvent présentées entre guillemets et il n’y a pas d’exemples de violence verbale. Néanmoins, les désignations qualifiantes axiologiquement négatives y sont fort courantes et visent à dépeindre les navires humanitaires comme des ennemis de la nation, les inscrivant même dans des théories conspirationnistes. On assiste à une surdramatisation (CHARAUDEAU 2006) de la polémique et à la dichotomisation entre les deux axes en conflit. Les articles sont riches en pathos et leur engagement émotionnel est doublé d’une tentative de toucher les lecteurs et de susciter en eux un sentiment d’indignation, colère et/ou peur (AMOSSY 2011). C’est par ces biais que les journalistes prennent une part active dans la confrontation. Ils sont ainsi à la fois metteurs en scène et acteurs.
En conclusion, les corpus examinés, bien que relevant de deux systèmes linguistico-culturels différents, présentent un trait commun : celui-ci est d’ordre générique et se manifeste dans la gradualité du recours au pathos et à la violence verbale.
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[1] Par exemple https://www.echr.coe.int/documents/fs_hate_speech_fra.pdf.
[2] Traduction de l’anglais de Monnier (2019a : 1).
[3] Lorenzi-Bailly et Moïse identifient trois conditions indispensables afin qu’un discours puisse être défini comme discours de haine directe : il doit s’appuyer sur une dimension discursive pathétique, mobiliser des marques de négation de l’altérité et avoir recours à des actes de condamnation (2019 : 12).
[4] Le numéro 47 de la revue Semen est entièrement consacré à l’exploration des stratégies discursives qui caractérisent la dissimulation du discours de haine. https://doi-org.ezproxy.u-pec.fr/10.4000/semen.12230.
[5]https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/naufrage-a-lampedusa/des-ong-sont-elles-complices-des-passeurs-de-migrants-en-mediterranee-comme-l-assure-christophe-castaner_3271135.html (consulté le 10.01.2021).
[6] Matteo Salvini est aussi le signataire des décrets « Sicurezza » et « Sicurezza bis ». Ce dernier en particulier, qui date du mois d’août 2019, accorde au ministre de l’Intérieur des pouvoirs élargis lui permettant d’interdire les eaux territoriales aux navires ayant secouru des migrants, de confisquer les bateaux des ONG et d’imposer à leurs commandants des amendes pouvant aller jusqu’à 1 million d’euros. https://www.nouvelobs.com/monde/20190806.OBS16873/le-decret-de-salvini-contre-les-ong-qui-aident-les-migrants-definitivement-adopte.html (consulté le 10.12.2021).
[7] Il est important de préciser que dans le cadre restreint de cette étude nous nous intéressons purement à l’élément langagier du tweet et aux émoticônes. Nous n’ignorons pas les limites que ce choix entraîne, mais il nous semble le compromis idéal nous permettant d’analyser les trois corpus et de repérer les relations entre eux, tout en respectant leurs particularités et différences. C’est en suivant donc un principe d’homogénéisation que nous préférons recopier les tweets (plutôt qu’une capture d’écran) afin que la mise en page soit la même que celle des exemples tirés des deux autres corpus.
[8] Pour le RN : Marine Le Pen, Jordan Bardella, Steeve Briois, Laurent Jacobelli, Sanchez Julien, Sébastien Chenu, Bruno Bilde et Jean Messiha. Pour la Ligue : Matteo Salvini, Lorenzo Fontana, Luca Zaia, Attilio Fontana, Claudio Borghi, Alberto Bagnai et Antonio Rinaldi.
[9] Les articles ont été repérés manuellement dans l’archive de leur site officiel https://www.liberoquotidiano.it/ .
[10] Les articles ont été récoltés sur la plateforme Europresse. Dans les deux cas les articles ont été sélectionnés avec les mêmes critères que les tweets.
[11] VA, dans la biographie de son compte twitter (et dans le sous-titre de son site internet), se décrit comme : « L’hebdo de la droite qui s’assume ». Pour ce qui concerne Libero le journal n’a jamais fait de déclarations explicite à propos de son orientation politique. Toutefois l’encyclopédie Treccani le décrit comme un journal qui « se positionne politiquement dans la scène politique de droite » (https://www.treccani.it/enciclopedia/libero_res-0e81e9cc-cfa6-11df-8719-d5ce3506d72e/).
[12] Les deux groupes de commentaires sont donc de nature un peu différente : ceux de Libero sont des réponses à un tweet présentant un bref texte de remarque et un aperçu de l’article (titre, quelques lignes de l’article et une image), il est donc fort possible que les personnes qui répondent à ces tweets n’aient pas lu l’article. En revanche, dans le cas de VA, la section commentaire se trouve juste sous l’article dans la page du site du journal. On peut par conséquent supposer que les commentateurs ont lu l’article situé au-dessus.
[14] https://txm.gitpages.huma-num.fr/textometrie/.
[15] Dans le site de VA la majorité des commentaires sont anonymes, tandis que les tweets de réponse aux articles de Libero ont été postés par des comptes utilisant principalement des pseudonymes.
[16] Il est intéressant d’observer que Marine Le Pen déclare explicitement la complicité entre ONG et passeurs dans 19 tweets sur 25.
[17] « La définition argumentative est bien distincte de la définition normative ou descriptive, qui suppose une identité contrôlable entre le défini et le définissant, alors qu’il s’agit ici de présenter le défini sous un jour propice à l’argumentation, sans pour autant leurrer l’auditoire » (Breton 2006 : 79)
[18] 22 fois dans le corpus français et 9 dans l’italien.
[19] « bien-pensants à parole, négrier dans les faits ! #tantdebelleschoses ». « Buonista » est un mot péjoratif, difficilement traduisible, qui indique une personne affichant une excessive bienveillance (et/ou tolérance) envers ses adversaires.
[20] C’est-à-dire des « centres sociaux ». Il faut souligner, toutefois, qu’en Italie le terme a progressivement gagné une connotation négative, surtout dans les médias et dans le discours de la droite. Il s’agit habituellement de lieux occupés et autogérés par des groupes minoritaires de jeunes gens, tendanciellement d’extrême gauche, qui sont socialement, politiquement et culturellement très engagés.
[21] Nous nous appuyons sur la définition de Oléron (1987 : 110), selon qui l’amalgame « présente comme lié, participant d’une même nature, ce qui peut ne comporter qu’une ressemblance ou des liens superficiels ou accidentels ».
[22] Cette association naît probablement du fait que des missions de l’ONG Mediterranea Saving humans ont été confiées à Luca Casarini : un personnage qui dans sa jeunesse a été fortement lié aux milieux des « centri sociali ». Toutefois aucun des navires opérant dans la Méditerranée n’appartient à des associations rattachées aux « centri sociali ».
[23] Substantif difficilement traduisible qui indique une personne qui fait une action interdite, qui se trouve dans l’illégalité. Cette dénomination est systématiquement employée, en particulier par la droite italienne, pour se référer aux membres des centri sociali qui occupent souvent abusivement des lieux privés. Dans le contexte d’origine le terme est un synonyme de « squatteurs ».
[24] C’est nous qui traduisons. « Les squatters de l’ONG portent plainte contre moi ??? Oh là là comme ils me font peur. Pour les passeurs et leurs complices les ports italiens sont et restent fermés ». Dans tous les exemples reproduits nous avons décidé de laisser l’orthographe originelle, y compris les erreurs.
[25] « Les autorités maltaises ont donné au bateau des centre sociaux l’indication de se diriger vers le port de La Vallette, où ils pourront accoster. Incroyablement, la ONG refuse d’aller à Malte, Pays européen sûr ! #Mediterranea ».
[26] « Les ONG sont des centres sociaux communistes déguisés en sauveteurs qui par haine contre leur pays voulaient le faire envahir pour faire enrager ».
[27] « Ong le dossier de la garde côtière : tous les stratagèmes illégaux à travers lesquels elles remplissent l’Italie de clandestins ».
[28] Dans le corpus français, les substantifs invasion et submersion reviennent 21 fois chacun, presque exclusivement accompagnés par l’adjectif migratoire. L’expression « le Grand Remplacement » est employée dans 4 commentaires seulement. Dans le corpus italien le mot invasione renvient 19 fois.
[29] « Désormais les ONG organisent l’invasion de l’Italie »
[30] « George Soros, le complot contre l’Italie souverainiste : ONG, les preuves écrasantes de sa honte ».
[31] 22 fois dans le corpus français et 21 fois dans l’italien.
[32] « Ces bateaux devraient être coulés à coup de sous-marin ».
[33] « Confisquer les navires des ONG qui ont appelé, aidé et protégé les passeurs ? Non pas les séquestrer : LES COULER ».
[34] Dans le corpus entier on retrouve souvent une tendance à la déshumanisation des immigrés auxquels on se réfère souvent avec des désignations comme cargaison, renvoyant à un univers matériel.
[35] Pour les événements liés au sabotage du Rainbow Warrior nous renvoyons à la section consacrée à l’événement sur le site de Greenpeace (https://www.greenpeace.org/new-zealand/about/our-history/bombing-of-the-rainbow-warrior/ consulté le 10.06.2020) et à l’article de Véronique Laroche-Signorile présent dans les archives de Figaro.fr (https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2015/07/09/26010-20150709ARTFIG00240-le-10-juillet-1985-le-sabotage-du-rainbow-warrior.php consulté le 10.06.2020).
Per citare questo articolo:
Carole CONTI, « La criminalisation des navires humanitaires », Repères DoRiF, n. 26 – Les discours de haine dans les médias : des discours radicaux à l’extrémisation des discours publics, DoRiF Università, Roma, novembre 2022, https://www.dorif.it/reperes/carole-conti-la-criminalisation-des-navires-humanitaires/
ISSN 2281-3020
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