Catherine PENN
Entrées dans la forêt des images calviniennes
Catherine Penn
Università degli studi Roma Tre – Université de Genève
catherine.penn@uniroma3.it
Résumé
Cet article présente un travail d’analyse des deux traductions françaises du roman Il barone rampante d’Italo Calvino (J. Bertrand, 1960 ; M. Rueff, 2018) et plus particulièrement des modalités de traitement du réseau métaphorique de la forêt comme livre, image métatextuelle qui soutient toute l’architecture du texte. Suivant la méthode de critique des traductions d’A. Berman à laquelle sont intégrés des éléments théoriques plus récents sur l’influence du domaine éditorial, nous examinons comment les traducteurs ont restitué les métaphores créées par Calvino. Les métaphores littéraires sont identifiées sur la base des travaux de M. Prandi. Dans la traduction de 1960, nous trouvons plusieurs stéréotypes métaphoriques entérinés par une longue tradition littéraire et culturelle. La re-traduction de 2018 présente en revanche des métaphores vives et sémantiquement proches des images du texte de départ, devenant ainsi vectrice d’une possible nouvelle réception du Barone rampante en France. L’étude tente de montrer que les deux textes d’arrivée sont sous-tendus par des conceptions différentes du texte littéraire et de ses images.
Abstract
This article presents an analysis of the two French translations of the Italian novel Il barone rampante by Italo Calvino (J. Bertrand, 1960; M. Rueff, 2018). More specifically, the aim of this work is to examine how the network of metaphors that represent the forest as the book itself, a metatextual image that sustains the text’s entire architecture, is recreated. The analysis relies on A. Berman’s method for a critical approach to translations while also considering more recent theoretical notions about the editorial field’s impact on translations, in order to investigate how the translators rendered Calvino’s original metaphors. The literary metaphors are identified on the basis of M. Prandi’s works. In the 1960 target text, we find several metaphorical sterotypes, endorsed by a long literary and cultural tradition. On the contrary, the 2018 re-translation shows non-conventional images that are semantically close to the source text’s metaphors, thus becoming a vector of a potential new reception of the Barone rampante in France. This study tries to demonstrate that the two target texts are underpinned by different conceptions of the literary text and its images.
Introduction
Les images qui naissent dans son esprit sont pour Italo Calvino la source de tout récit[1]. Suivant l’élan d’un garçon qui grimpe dans un arbre, puis dans un autre, pour y rester finalement toute sa vie, l’écrivain italien laisse courir sa plume sur le papier le temps d’un hiver, de décembre 1956 à février 1957. Les fines lignes noires qu’il trace sur les pages blanches prendront peu à peu la forme d’un paysage : Ombrosa, sa côte, son port, mais surtout l’immense forêt à la végétation foisonnante qui recouvre son territoire. C’est ainsi que voit le jour Il barone rampante, roman fantastique, politique, autobiographique, multiforme, rebelle au carcan des genres[2].
Publié par Einaudi en 1957, Il barone rampante rencontre très vite un vif succès auprès des critiques et des lecteurs italiens. Et il ne tarde guère à arriver en France : séduit par le roman, François Wahl, un des dirigeants des éditions du Seuil, rencontre Calvino durant l’hiver 1957-1958[3]. C’est décidé, le Seuil publiera la traduction du roman en français. C’est à la traductrice Juliette Bertrand que F. Wahl confie ce travail, J. Bertrand s’étant déjà occupée de la première version du Visconte dimezzato[4]. Cette traduction du Barone, soigneusement révisée par F. Wahl et relue par l’auteur, paraît en 1960. Le Baron perché des éditions du Seuil obtiendra un accueil très favorable de la part du public et contribuera à faire connaître le jeune écrivain italien en France. Ce roman deviendra en fait le point de départ d’une longue collaboration entre Calvino et son éditeur français, avec la publication des traductions de nombreuses œuvres de l’auteur[5]. D’après Mario Fusco, si Albin Michel avait publié une version du Visconte dimezzato en 1955 et la maison Delpire avait fait paraître une traduction partielle des Fiabe italiane en 1959, « c’est le passage aux éditions du Seuil qui a marqué le vrai début de la présence de Calvino dans le paysage éditorial français, sous la houlette de François Wahl ».[6]
Une collaboration fructueuse, mais non sans nuages. Après la mort de l’écrivain en 1985, des tensions ne cessent de croître entre la veuve de Calvino et la maison d’édition. En 2009, après cinquante ans d’histoire, Esther Singer Calvino décide de rompre avec le Seuil ; elle transfère l’œuvre de son mari chez Gallimard en 2012.
Dans un courrier envoyé au journal Le Monde en janvier 2013, Giovanna Calvino, la fille de l’auteur, explique les motivations familiales de ce transfert[7]. Elle rappelle notamment qu’en France les livres de son père ont été traduits par une « dizaine de traducteurs qui travaillaient tantôt seuls, tantôt à quatre mains » et fait allusion au refus du Seuil de publier certains livres du vivant de l’auteur (parmi lesquels les romans et les nouvelles néo-réalistes engagées, édités par d’autres maisons), mais aussi aux nombreuses manipulations éditoriales dont le Seuil se serait rendu coupable, ainsi qu’à l’ « infidélité » des traductions publiées par la maison d’édition. Le Seuil avait pourtant tenté de remédier à certaines fautes commises par le passé, en faisant réviser les premières traductions (celles de J. Bertrand, de M. Javion et de J. Thibaudeau) par Mario Fusco au début des années 2000 – des révisions demandées par la famille Calvino qui ne s’en estima toutefois pas satisfaite. Le transfert des droits chez Gallimard répond donc au besoin de la famille Calvino de remédier à la cacophonie éditoriale à laquelle l’œuvre de l’écrivain a été soumise en France mais aussi à la volonté que les écrits de l’auteur soient retraduits et que, dans ce travail de re-traduction, l’édition italienne de référence soit respectée par les éditeurs étrangers.
C’est ainsi qu’à partir de 2015, Gallimard a commencé à publier de nouvelles versions des œuvres de l’écrivain dans la collection étrangère « Du monde entier », parmi lesquelles Le baron perché en 2018. Le travail de re-traduction des romans a été confié à Martin Rueff, traducteur, mais aussi spécialiste de l’histoire des idées, philosophe et poète – traducteur choisi par la veuve de l’auteur[8]. C’est donc lui qui s’est occupé du Barone rampante, presque soixante ans après la première version.
Après ce bref excursus, il apparaît clair que les deux traductions françaises du roman italien s’inscrivent dans des contextes éditoriaux et historiques très différents. Si en 1960, l’éditeur F. Wahl aspirait à faire connaître l’œuvre et l’auteur au lecteur francophone, la version de 2018 est une re-traduction du roman qui vise à faire découvrir au public francophone d’aujourd’hui un Baron perché plus proche du texte de départ (TD), quand Calvino est désormais devenu l’un des auteurs italiens les plus connus en France. En outre, à la différence de la version de 1960, la re-traduction de 2018 est réalisée après plusieurs décennies d’études critiques sur Calvino[9], mais aussi après la publication de plusieurs essais de l’auteur exposant ses idées sur la langue, la littérature, et de nombreuses interviews à l’écrivain italien : des documents susceptibles d’aider le traducteur dans son travail. Enfin, la version de 1960 et la re-traduction de 2018 s’inscrivent dans des moments profondément différents de l’histoire des traductions d’œuvres étrangères en français.
Par « re-traduction », nous entendons, dans le sillage d’Enrico Monti, un texte où le traducteur a traduit de nouveau un écrit qui avait déjà été traduit par le passé[10]. D’après les traductologues Özlem Berk Albachten et Şehnaz Tahir Gürçağlar, la « retraduction peut constituer un instrument conceptuel permettant d’analyser les changements et l’évolution des images et de la mémoire, culturelles et littéraires »[11]. C’est précisément cette évolution des images, et en particulier des métaphores littéraires qui nous semblent mériter réflexion dans un texte aussi « visible » que l’est Il barone rampante[12]. Le critique Domenico Scarpa souligne qu’il s’agit de la première œuvre de l’auteur où le mouvement de la plume occupe le premier plan de l’histoire ; cette plume raconte à la toute fin du roman, la disparition de la forêt d’Ombrosa, l’encre sur le papier ne faisant plus qu’un avec la forêt dans une merveilleuse et vertigineuse métaphore finale[13]. Omniprésent dans le récit, le réseau métaphorique de la forêt-livre n’est explicité que dans l’épilogue ; ailleurs, il est esquissé par petites touches, disséminées tout au long des pages, de petites touches qui correspondent aux moments-clé de l’histoire, aux zones signifiantes de l’œuvre, et qui en articulent les thèmes fondamentaux.
Nous avons déjà consacré un mémoire à l’analyse des traductions françaises du Barone rampante[14], ainsi qu’un article, dans lequel nous nous sommes penchée sur la restitution des passages métatextuels de l’œuvre[15]. Nous souhaitons ici aller plus loin. En nous appuyant sur la méthode de critique des traductions d’Antoine Berman[16] ainsi que sur les réflexions plus récentes d’Ö. Berk Albachten, Ş. Tahir Gürçağlar[17], E. Monti et Peter Schnyder[18] autour de la complexité du phénomène re-traductif, nous nous proposons d’analyser les modalités de traitement d’un réseau métaphorique significatif dans Il barone rampante, dans la traduction de 1960 et dans la re-traduction de 2018 : le réseau des métaphores végétales[19].
Nous partirons de la définition de métaphore vive proposée par Michele Prandi dans ses nombreux travaux : il s’agit du transfert d’un concept dans un domaine qui lui est étranger. « [De ce] transfert naît une situation de conflit potentiel et d’interaction : deux concepts incompatibles se disputent la spécification d’un même objet et sont contraints à négocier, donc à interagir »[20]. La métaphore construit ainsi un signifié complexe où tous les éléments gardent leurs sens. Dans cette optique, le contenu de la métaphore est « l’issue contingente et réversible d’un acte d’interprétation textuel ou discursif »[21]. Dans notre enquête, nous nous sommes basée sur le critère de conflictualité et d’interaction entre deux concepts incompatibles pour repérer les métaphores dans le texte calvinien et dans ses traductions françaises ; nous en avons identifié huit dans le TD. Le recours aux données lexicographiques du Vocabolario Treccani et du TLFi a été constant dans ce travail, à la fois pour saisir les différents signifiés enregistrés en langue des unités lexicales étudiées, et pour vérifier si les métaphores recensées dans les TA sont effectivement conflictuelles, non-enregistrées en langue, ou se rapprochent davantage de stéréotypes métaphoriques[22].
Il convient de préciser que certains choix de traduction peuvent avoir été influencés par les différents acteurs éditoriaux : dans le cas de la traduction de 1960, on sait que le texte de J. Bertrand a été révisé par Wahl, et dans le cas de la re-traduction, Giovanna Calvino a relu attentivement le texte de M. Rueff. Tout en gardant à l’esprit que le texte traduit s’inscrit aussi dans ce jeu d’interactions, nous ne diminuerons toutefois pas l’importance du rôle et de la sensibilité du traducteur : même si le champ éditorial dans lequel il opère restreint dans une certaine mesure sa liberté d’action, c’est bien lui l’auteur du texte d’arrivée, l’instance subjective et créative qui donne naissance au texte traduit. Par souci de synthèse, nous désignerons la version de 1960 de J. Bertrand par texte d’arrivée A, et la re-traduction de 2018 de M. Rueff par texte d’arrivée B.
Nous verrons comment les métaphores végétales du Barone rampante ont été traitées dans les deux textes d’arrivée (TA) et si ces TA font bien œuvre de traduction au sens où l’entend A. Berman[23], autrement dit s’ils enrichissent la langue traduisante de formes et de significations nouvelles[24].
Traitements de la métaphore du livre comme forêt
La métaphore de la forêt-livre, de la forêt-récit surgit très tôt dans le roman, le jour où Cosimo monte pour la première fois dans les arbres, au chapitre II :
[…] ed avvolgeva il ragazzo in un profumo fresco di foglie, come il vento le muoveva, voltandone le pagine in un verdeggiare ora opaco ora brillante. » (p. 98)
A : L’arbre enveloppait le jeune garçon du frais parfum des feuilles que le vent agitait, tournant des pages d’un vert tantôt terne et tantôt brillant. (p. 26)
B : […] et l’arbre enveloppait le garçon dans un frais parfum de feuilles, tandis que le vent les agitait, tournant leurs pages dans un verdoiement tantôt mat tantôt brillant. (p. 30)
Il est intéressant de souligner, d’emblée, que l’arbre dont il s’agit est le magnolia du jardin des D’Ondariva, lié à la première rencontre de Cosimo et Viola, mais aussi à leurs retrouvailles, une fois adultes : nous verrons que l’image de la forêt s’étend également au thème du désir amoureux. La métaphore conflictuelle des feuilles-pages de livres que le vent tourne est ici recréée dans les deux TA et il en est de même en ce qui concerne la traduction de deux autres apparitions de cette image. Au chapitre VI, le narrateur offre une description merveilleuse du jardin des D’Ondariva :
Nel giardino dei D’Ondariva i rami si protendevano come proboscidi di straordinari animali, e dal suolo s’aprivano stelle di foglie seghettate dalla verde pelle di rettile, e ondeggiavano gialli e lievi bambù con rumore di carta. (p. 128)
A : Dans le jardin des Rivalonde, les branches se tendaient comme des trompes d’éléphants fabuleux ; on voyait sur le sol s’ouvrir en étoiles des feuilles découpées à grands pans dans une verte peau de reptile : des bambous jaunes et légers ondulaient avec un froissement de papier. (p. 66)
B : Dans le jardin des D’Ondariva, les branches se tendaient comme des trompes d’animaux extraordinaires, et du sol s’ouvraient des étoiles de feuilles dentelées comme la peau verte d’un reptile, et ondoyaient de frêles bambous jaunes avec des froissements de papier. (p. 76)
Là encore, les arbres du jardin de Viola résonnent aux oreilles du lecteur, produisant des sons inhabituels pour des végétaux : dans leur mouvement, les bambous sont bambous et, simultanément, pages de livre ; une image maintenue dans les deux TA mais restituée de manière légèrement différente. La traduction de « foglie seghettetate » offerte par le texte B apparaît sémantiquement très proche du TD, avec l’équivalent « feuilles dentelées ». Dans le texte A, nous trouvons en revanche l’adjectif « découpées », dont le sens recouvre partiellement celui de « seghettate », suivi d’un ajout : la locution adverbiale « à grands pans », qui souligne l’aspect grossier du découpage. Le texte A semble ici mettre en valeur la métaphore des feuilles des arbres comme feuilles de papier découpées, lui donnant plus de visibilité que dans le TD. Nous retrouvons la même image au chapitre X :
Amava anche i tronchi bugnati come ha l’olmo, che ai bitorzoli ricaccia getti teneri e ciuffi di foglie seghettate e di cartacee samare; ma è difficile muovercisi perché i rami vanno in su, esili e folti, lasciando poco varco. (p. 152)
A : Il aimait le tronc bossué de l’orme, dont chaque loupe pousse, avec de tendres rejetons, des touffes de feuilles dentelées et des samares de papier. Mais on n’y circule pas facilement ; les branches remontent si fines et si serrées qu’elles ne permettent guère de passer. (p. 96)
B : Il aimait aussi les troncs bosselés comme celui de l’orme, qui, à chaque protubérance, offre de tendres rejets et des touffes de feuilles dentelées et des samares qui semblent de papier ; mais il est difficile de s’y déplacer, parce que les branches remontent, minces et touffues, laissant peu de passage. (p. 111)
Les deux TA conservent la métaphore des arbres-livres. Le texte A ne contient ici aucun ajout : l’adjectif « seghettate » est traduit par son équivalent « dentelées ». Nous retrouvons également cet adjectif dans le texte B, « dentelées » ayant déjà été sélectionné dans le passage précédent : l’adjectif y est donc rendu systématiquement par le même traduisant, révélant une volonté de cohérence de la part du traducteur. Dans le texte B, toujours très proche de la syntaxe du texte italien, nous observons toutefois un ajout : la relative « qui semblent ». Cet allongement paraît ici effectué à dessein : on peut supposer qu’afin de restituer l’adjectif épithète « cartacee » antéposé au substantif « samare » dans le TD, M. Rueff procède à une mise en relief de la locution prépositionnelle « de papier ».
Dans les deux textes, il semble donc qu’un soin tout particulier soit accordé aux unités lexicales renvoyant aux champs sémantiques de la végétation et du papier. Cependant, un passage du texte B révèle que cet aspect du Barone rampante a été mis en lumière de manière inédite dans la re-traduction :
Stanchi, cercavano i loro rifugi nascosti sugli alberi dalla chioma più folta: amache che avvolgevano i loro corpi come in una foglia accartocciata, o padiglioni pensili, con tendaggi che volavano al vento, o giacigli di piume. (p. 245)
A : Quand ils étaient las, ils allaient dans certains refuges cachés au sein des arbres les plus touffus : hamacs qui les enveloppaient comme un cornet de feuilles, pavillons suspendus aux tentures flottant dans le vent, couches de plumes. (p. 213)
B : Fatigués, ils cherchaient leurs refuges cachés dans les arbres aux feuillages plus touffus : hamacs qui enveloppaient leurs corps comme une feuille de papier froissé, ou pavillons suspendus, avec des tentes qui volaient au vent, ou couches de plumes. (p. 246)
Le TD présente ici une comparaison construite à travers l’utilisation d’une expression relativement traditionnelle et entérinée par la poésie italienne moderne, « foglia accartocciata »[25], où le mot « foglia » désigne la feuille de l’arbre et l’adjectif dérivé du verbe « accartocciare », son aspect « froissé » ; dans la langue commune, ce verbe est principalement associé aux substantifs « foglio » et « pagina »[26].
Cette analogie est restituée dans le texte A par la comparaison « comme un cornet de feuilles », où le substantif « cornet » recrée l’image d’un « cartoccio », d’une liasse de feuilles légèrement enroulée et de forme conique utilisée pour contenir des aliments. Cette comparaison ne permet toutefois pas de rendre l’aspect froissé de la feuille[27]. Le texte B propose une interprétation différente du TD. La même comparaison y est traduite par « comme une feuille de papier froissée », où la locution adjectivale « de papier » est un ajout. Par l’intermédiaire du français, où le traduisant de « foglia » est le substantif polysémique « feuille », qui désigne aussi bien les feuilles des arbres que les feuilles de papier, M. Rueff semble percevoir une polysémie virtuelle dans la combinaison de l’adjectif « accartocciata » avec le substantif « foglia ». Le métier de poète du traducteur semble ici conditionner un choix discutable : il défige l’expression italienne pour remotiver l’adjectif « accartocciata » en modifiant le genre du substantif « foglia ». M. Rueff ajoute ainsi une métaphore au réseau présent dans le TD, faisant surgir une image de la forêt comme immense bibliothèque, des arbres comme livres, et mettant en évidence le lien que cette image entretient avec le thème de la passion amoureuse.
Nous observons des tendances similaires dans les traitements d’un passage central du roman, au chapitre XVI. Après s’être consacré à l’arboriculture pendant son adolescence, Cosimo, qui arrive à l’âge adulte, voit s’éveiller en lui une deuxième passion : l’art d’inventer et de narrer des histoires :
Dall’invenzione di sana pianta, io credo, Cosimo era giunto, per successive approssimazioni, a una relazione quasi del tutto veritiera dei fatti. (p. 205)
A : Parti d’une invention pure et simple, je crois bien que Côme en était arrivé, par voie d’approximations successives, à une relation presque entièrement véridique des faits. (p. 160)
B : Parti d’une version tout en inventions et en fioritures, je crois que Cosimo avait fini par arriver, au fur et à mesure d’approximations successives, à un récit presque véridique des faits. (p. 188)
La métaphore de la naissance du récit-développement d’un organisme végétal se montre ici à travers l’expression idiomatique « invenzione di sana pianta »[28], avec laquelle Calvino se plaît à jouer. Convoquant simultanément le sens habituel qu’elle revêt en italien, celui de mensonge, de mystification, et les sens propres des différents éléments lexicaux qui la composent, l’invention et la plante, l’auteur fait interagir le champ lexical de la création littéraire et celui de la végétation, suggérant que les arbres et l’histoire inventée ne font qu’un. Calvino brise la monosémie de l’expression idiomatique et fait naître une métaphore qui agit comme une explosion lexicale, déflagration qui libère une énergie sémantique telle qu’elle recouvre instantanément tout le texte du Barone rampante : la forêt est une image du livre et la création d’histoires est représentée comme arboriculture. Or si l’idiomatisme représente déjà en soi un défi pour la traduction, qu’en est-il quand une expression idiomatique est démontée pour faire rejaillir des sens devenus opaques au locuteur ?
Dans le texte A, nous trouvons une traduction de l’expression italienne prise dans son sens conventionnel, avec l’équivalent français « invention pure et simple »[29]. L’interaction entre le concept d’invention littéraire et celui de la plante qui pousse n’est cependant pas recréée. Nous pouvons faire l’hypothèse que la traductrice avait perçu la métaphore mais que la difficulté de recréer le même jeu sémantique en français avait fait pencher la balance du côté de l’équivalent linguistique, sacrifiant la polysémie. Il est probable que ce choix traductif soit également lié à la réticence des traducteurs et éditeurs du monde francophone des années 1950-1960 à heurter le lecteur dans ses habitudes linguistiques[30].
Le texte B est en revanche symptomatique des tendances éditoriales contemporaines : la re-traduction cherche à bousculer quelque peu le lecteur francophone avec « une version tout en inventions et en fioritures », une création lexicale qui est aussi un allongement. Ce choix apparaît foncièrement motivé par la volonté du traducteur de recréer le sens inédit que Calvino confère à l’expression italienne, et ce, au détriment du sens conventionnel qu’elle revêt simultanément dans le TD. M. Rueff propose donc une métaphore qui met en relation le concept de création littéraire avec celui de la floraison, concept distinct mais visuellement voisin de l’image présente dans le TD. Il s’agit d’une métaphore insolite, conflictuelle, créée à dessein afin de faire interagir les champs lexicaux de l’invention d’histoires et de la végétation : le lien sémantique entre ce passage et les autres lieux du roman où le réseau métaphorique se manifeste est ainsi mis en valeur dans le texte B.
Le réseau métaphorique du récit-forêt a donc été recréé de manière différente, à presque soixante ans de distance. Le texte A propose un traitement légèrement discontinu des métaphores végétales, mettant en valeur une apparition de la métaphore étudiée, puis en effaçant une autre, selon ce que la traductrice a jugé possible de restituer en français ou non. La continuité sémantique du TD est davantage préservée dans le texte B, et même augmentée puisqu’en un endroit une métaphore est ajoutée. Au-delà du facteur historique, il semble que les deux TA soient orientés par des approches traductives distinctes : alors que J. Bertrand est plus discrète, M. Rueff manifeste davantage sa présence. Deux approches qui conditionnent également le traitement d’une autre image, intimement liée à cette première métaphore.
Traitements de la métaphore du développement de la créativité et du désir amoureux comme croissance végétale
Le réseau métaphorique du texte-organisme végétal se déploie dans plusieurs directions, devenant source d’images étroitement reliées les unes aux autres. Une de ces images est celle de l’art d’élaguer les arbres comme art de traiter le livre en train de se faire, activité qui implique un travail sur soi et sur l’amour pour le matériau utilisé afin de réaliser l’œuvre littéraire.
Cosimo stava volentieri tra le ondulate foglie dei lecci […] e ne amava la screpolata corteccia, di cui quand’era sovrappensiero sollevava i quadrelli con le dita, non per istinto di far del male, ma come d’aiutare l’albero nella sua lunga fatica di rifarsi. (p. 152)
A : Côme se tenait volontiers dans le feuillage ondulé des chênes verts […] ; il aimait leur écorce crevassée qu’il enlevait par plaques, du bout des doigts, quand il était préoccupé, non pour faire le mal, mais comme pour aider l’arbre dans son long labeur de renouvellement. (p. 96)
B : Cosimo restait volontiers parmi les feuilles ondulées des chênes […] et il en aimait l’écorce crevassée, dont il ôtait les plaques du bout des doigts quand il était perdu dans ses pensées, non par goût instinctif de faire le mal, mais comme pour aider l’arbre dans son dur labeur de reconstruction. (p. 111)
Nous sommes ici au chapitre X : le héros commence à se passionner pour l’élément arboré dans lequel il vit, interagissant avec lui pour faciliter sa poussée. Les choix divergents de « renouvellement »[31] dans le TA de 1960, substantif proche du champ lexical de la nature, et de « reconstruction »[32] dans le TA de 2018, qui renvoie aux champs lexicaux de l’architecture et de l’œuvre créée par la main de l’homme, sont symptomatiques des approches traductives qui sous-tendent les deux versions. Le verbe « rifarsi » donne lieu à une interprétation métaphorique dans le texte B, mais pas dans le texte A. La re-traduction ajoute ainsi une métaphore de la forêt-construction littéraire. Mais c’est au chapitre XIII que les choses deviennent intéressantes :
Insomma, l’amore per questo suo elemento arboreo seppe farlo diventare, com’è di tutti gli amori veri, anche spietato e doloroso, che ferisce e recide per far crescere e dar forma. (p. 185)
A : En somme, son amour des arbres, comme toutes les amours véritables, le rendit souvent cruel, impitoyable même : il trancha et il blessa, pour revigorer et pour façonner. (p. 136)
B : Bref, son amour de cet élément arboré il sut le rendre, comme il en est de tout amour véritable, impitoyable et douloureux : il blesse et tranche pour faire croître et donner forme. (p 158)
Il s’agit ici d’une des zones les plus signifiantes[33] du Barone rampante. Le narrateur Biagio raconte la passion naissante de Cosimo pour les arbres-livres, pour la forêt-littérature dans laquelle il a choisi de vivre, passion qui fait grandir en lui l’exigence de modifier son habitat, de participer à sa mise en forme, de connaître l’art d’élaguer les arbres, dans son intérêt et dans celui des cultivateurs d’Ombrosa. Le héros apprend donc le métier d’arboriculteur, activité artisanale et artistique qu’il mène à des fins politiques, développant son identité. Son amour pour les arbres-livres est tel que, pour en faire un « amour véritable », c’est-à-dire un rapport où le sujet refuse toute extension de la matière qui ne tende pas au développement sain de celle-ci, il s’applique à « travailler » cet amour qu’il porte à la forêt, à faire de cette passion une relation intransigeante. Mettant la créativité, le travail de l’artiste et la passion amoureuse sur le même plan, Calvino propose ici une image peu conventionnelle de l’amour. À l’opposé de la tradition chrétienne qui conçoit ce sentiment comme acceptation de l’autre tel qu’il est, relation qui s’établit instantanément et généralement fixe, statique, l’écrivain italien représente l’amour comme un travail, une relation en perpétuelle construction.
En ce qui concerne la traduction de la première proposition, « l’amore […] seppe farlo diventare », J. Bertrand semble avoir été victime d’un contresens. Et si ce contre-sens est probablement lié à la mise en relief de l’objet de la construction verbale dans le texte italien, on peut, au regard de la très grande qualité du texte A (les contre-sens y sont extrêmement rares) et du fait que ce contresens est maintenu dans la révision de 2001, faire l’hypothèse qu’il a été généré par une difficulté à recevoir et à voir l’image inédite proposée ici par Calvino. En même temps que le sens de la phrase, l’image inhabituelle est modifiée : dans le TA de 1960, on trouve ainsi une représentation traditionnelle de l’amour qui rend l’être humain violent, sadique, image profondément conventionnelle, enracinée dans la culture occidentale. A l’inverse, le texte B révèle un travail de traduction plus réceptif ; de manière inédite, la re-traduction accueille l’image originale de l’amour proposée par Calvino, l’idée que Cosimo « travaille » son amour pour les arbres de façon à en faire une relation toujours plus implacable et exigeante, dans laquelle le sujet fait « du mal » mais afin de rendre l’arbre, le matériau utilisé pour l’œuvre d’art, la relation amoureuse et l’autre, plus sains.
Mais venons-en aux formes verbales « far crescere »[34] et « dare forma »[35], qui se réfèrent aux opérations réalisées par Cosimo sur les arbres-livres. Dans le texte A, nous voyons qu’elles sont traduites par les verbes « revigorer », qui renvoie à des opérations effectuées sur de la matière vivante[36], et « façonner »[37]. Ce verbe polysémique, étroitement lié aux champs lexicaux de la construction, de la métallurgie mais aussi de l’agriculture, peut également être employé pour parler d’opérations de construction artistique : si l’image non-conventionnelle de l’amour est modifiée, la fonction métatextuelle du passage est pourtant recréée. Dans le texte B, les formes verbales « faire croître »[38] et « donner forme »[39], apparaissent, quant à elles, choisies pour leur ressemblance morphologique avec les constructions verbales du texte italien, mais aussi pour leur polysémie : en plus de renvoyer à la fois aux champs lexicaux de l’arboriculture et de la création artistique, elles tendent toutes deux à être utilisées pour parler d’opérations réalisées sur une matière animée. La valeur métatextuelle du passage est donc recréée dans les deux TA ; le problème central demeure la réception de l’image originale de la créativité de l’artiste comme développement d’une identité intransigeante dans son métier comme en amour.
De 1960 à 2018, ce sont donc deux approches traductives qui se dessinent, deux trajectoires divergentes qui tentent, chacune à sa manière, de restituer ce qu’elles ont trouvé dans leur traversée de la forêt des images du Barone rampante. Nous le voyons de manière plus évidente dans le passage suivant :
A Cosimo cominciò a battere il cuore e lo prese la speranza che quell’amazzone si sarebbe avvicinata fino a poterla veder bene in viso, e che quel viso si sarebbe rivelato bellissimo. Ma oltre a quest’attesa del suo avvicinarsi e della sua bellezza c’era una terza attesa, un terzo ramo di speranza che s’intrecciava agli altri due ed era il desiderio che questa sempre più luminosa bellezza rispondesse a un bisogno di riconoscere un’impressione nota e quasi dimenticata, un ricordo di cui è rimasta solo una linea, un colore e si vorrebbe far riemergere tutto il resto o meglio ritrovarlo in qualcosa di presente. (p. 235)
A : Côme était là, le cœur battant, espérant que l’amazone viendrait assez près de lui pour montrer son visage et que ce visage serait beau. C’étaient comme deux rameaux d’espoir ; autour, venait s’enlacer un troisième : peut-être une impression connue et presque oubliée, un de ces souvenirs dont nous ne conservons qu’une ligne, une couleur, et que nous voudrions retrouver tout entiers ou mieux encore revivre en un objet présent, allaient-ils se superposer à cette vision qui d’instant en instant le tenait davantage sous le charme… (p. 201)
B : Cosimo sentit que son cœur se mettait à battre plus fort et il fut pris de l’espoir que cette amazone allait s’approcher suffisamment et qu’il allait pouvoir voir son visage et que ce visage allait se révéler des plus beaux. Mais, au-delà de l’attente de la voir s’approcher et de sa beauté, il y avait une troisième attente, une branche d’espoir qui s’entrelaçait aux deux autres, et c’était le désir que cette beauté toujours plus lumineuse répondît à un besoin de reconnaître une impression connue et presque oubliée, un souvenir dont il ne serait resté qu’une simple ligne, une couleur, et dont on voudrait faire émerger tout le reste ou mieux le retrouver dans quelque chose de présent. (p. 231)
La métaphore végétale est ici reliée au thème de l’espoir amoureux : c’est le « ramo di speranza » qui croît dans le cœur de Cosimo lorsqu’il aperçoit Viola de loin sans l’avoir encore reconnue, et se développe dans une phrase longue et sinueuse, aux allures de poème en prose[40]. Dans la métaphore en question, la forêt, l’organisme végétal en pleine croissance, interagit avec l’amour, suggérant à nouveau que le réseau métaphorique étudié articule en réalité plusieurs thèmes : outre l’image de la forêt comme immense ensemble de pages écrites, une autre image se développe en parallèle, celle de la croissance des végétaux comme croissance du désir.
De 1960 à 2018, la métaphore qui pulse au cœur de ce passage donne lieu à des traitements différents qui reflètent le passage du temps. Dans le texte A, l’image créée par Calvino est restituée par la collocation « rameau d’espoir ». Symbole religieux culturellement valorisé, le substantif « rameau »[41], qui plus est associé à la notion d’espoir − semblait sans doute tout indiqué pour traduire « ramo » et recréer l’aspect esthétique et poétique du TD en 1960. Cette métaphore apparaît aujourd’hui vieillie : visuellement, c’est plutôt le rameau d’olivier, soit une frêle branche de buis, qui vient à l’esprit du lecteur actuel. En outre ce mot produit une certaine dissonance avec le verbe « s’entrelacer » car, même s’il s’agit d’un synonyme de petite branche, « rameau » a eu tendance à se spécialiser dans l’aire sémantique religieuse et donc à désigner principalement une branche coupée. Mais surtout, cette image semble se rapprocher davantage d’un stéréotype métaphorique que d’une métaphore vive. Pour restituer la métaphore de l’espoir comme branche en pleine extension, le texte A propose une image statique mais digne, élégante, culturellement reconnue comme esthétique. Dans le texte B, la même métaphore est restituée par « branche d’espoir », un choix qui révèle également les changements des soixante dernières années dans le monde de la traduction en langue française : les métaphores vives sont accueillies dans leur conflictualité et leur originalité[42].
Traitements de la métaphore et de l’isotopie de la création littéraire
Traduire des métaphores vives, non-enregistrées dans la langue et non-stéréotypiques, créations qui caractérisent pourtant l’œuvre littéraire, constitue donc une activité problématique, d’autant plus lorsque l’écrivain invente une nouvelle image pour représenter un phénomène qui possède déjà une représentation devenue canonique dans la culture de la langue d’arrivée :
Insomma, gli era presa quella smania di chi racconta storie e non sa mai se sono più belle quelle che gli sono veramente accadute e che a rievocarle riportano con sé tutto un mare d’ore passate, di sentimenti minuti, tedii, felicità, incertezze, vanaglorie, nausee di sé, oppure quelle che ci s’inventa, in cui si taglia giù di grosso, e tutto appare facile, ma poi più si svaria più ci s’accorge che si torna a parlare delle cose che s’è avuto o capito in realtà vivendo. (p. 207)
A : En somme, il s’était laissé gagner par la fièvre des conteurs qui jamais ne savent quelles histoires sont plus belles : celles qu’ils ont réellement vécues et dont l’évocation ramène tout un océan d’heures passées, de sentiments délicats – félicités, dégoûts, incertitudes, vanités, écœurement de soi-même ; ou bien celles qu’on invente, qu’on taille à larges pans, où tout semble facile, mais qui, au fur et à mesure qu’on brode, ramènent – inexorablement – à ce qu’on a vécu ou rencontré. (p. 162)
B : Bref il avait été pris de la manie de ceux qui racontent des histoires et qui ne savent jamais si les meilleures sont celles qui se sont réellement passées, et dont l’évocation fait revenir comme une mer d’heures écoulées, sentiments infimes, ennuis, bonheurs, incertitudes, fausses gloires, dégoûts de soi, ou si ce ne sont pas plutôt celles qu’on s’invente, dans lesquelles on coupe à la serpe, et où tout semble facile, mais au cours desquelles, plus on introduit de variantes, plus on s’aperçoit qu’on se remet à parler des choses qu’on a traversées ou comprises dans la vraie vie. (p. 189-190)
L’œuvre atteint ici un de ses plus hauts degrés d’auto-référentialité et la porosité entre personnage, narrateur et auteur y est littéralement portée à son comble. La passion de Cosimo pour l’art de raconter des histoires est résumée dans cette phrase à la légèreté et à la visibilité déroutantes, qui s’apparente encore à un poème en prose et s’articule autour d’une puissante métaphore, où la proposition « in cui si taglia giù di grosso »[43] et le verbe « svariare »[44] déploient une forte polysémie. En particulier, la construction verbale « tagliare giù di grosso » semble faire interagir les deux passions du héros : l’écriture, l’invention d’histoires est mise en relation avec l’art de tailler les arbres. L’écrivain propose ici une image non-classique de la création littéraire, qu’il représente comme soustraction opérée sur un matériau vivant, travail de découpe grossier effectué dans la matière même de la vie de l’artiste, une image qui s’oppose à la métaphore traditionnellement associée à cette activité dans la culture occidentale : celle de l’art d’inventer des histoires comme tissage, ajout de matériau inanimé sur un métier à tisser. À travers cette image, Calvino semble représenter le rapport intime qui le lie au roman qu’il est en train d’écrire mais aussi à son métier de conteur, de fabulatore.
Cette métaphore conflictuelle est restituée de manière divergente dans les deux TA. Dans le texte A, c’est une image entérinée par une longue tradition culturelle qui est proposée: celle de la création littéraire comme série d’opérations réalisées sur du tissu, sens effectivement contenu dans le verbe « tagliare ». Nous trouvons donc l’expression « tailler à larges pans » qui renvoie au champ lexical de la couture, au métier du tailleur qui confectionne des vêtements, expression dans laquelle le mot « pan » recrée efficacement la polysémie du TD : il peut désigner une pièce de textile mais aussi la partie d’un ensemble, et par extension celle d’un texte[45]. En outre, l’adjectif « larges » restitue l’image d’une découpe massive et peu soignée. Quant au verbe « svariare », il est rendu par « broder », verbe qui renvoie autant au champ lexical de la couture qu’à celui de l’invention d’histoires. « Broder » désigne l’action consistant à ajouter des détails toujours plus variés autour d’un noyau narratif de base, détails qui ne correspondent pas à la réalité des faits[46] ; il s’agit d’un stéréotype métaphorique enregistré dans la langue. La métatextualité de ce passage est recréée mais à la métaphore de la forêt d’Ombrosa comme matière vivante du roman, la traductrice substitue une représentation conventionnelle de la création littéraire comme suite d’opérations artistiques effectuées sur un matériau inanimé. Encore une fois, ces choix sont à replacer dans le contexte éditorial de l’époque. Nous pouvons penser que dans le travail de traduction d’œuvres étrangères dans la France des années 1950-1960, les traducteurs étaient encouragés à effacer les métaphores vives non-classiques, inconnues pour la culture-langue d’arrivée, et à les remplacer par des métaphores connues du lecteur, et déjà reconnues comme « esthétiques », autrement dit par des stéréotypes métaphoriques.
C’est en revanche une image étrangère au canon littéraire classique que nous trouvons dans le texte B, et il s’agit très certainement d’un choix lié aux tendances éditoriales contemporaines. Toutefois, il nous semble que la réceptivité et la créativité du traducteur sont ici capitales. La construction polysémique « tagliare giù di grosso » est restituée par « couper à la serpe » ; encore une fois le métier de poète de M. Rueff semble orienter un travail tout particulier sur la langue traduisante : le traducteur creuse dans le fonds linguistique du français et en puise la locution « à coups de serpe », qu’il utilise pour créer la locution verbale « couper à la serpe ». En plus de contenir le substantif « serpe », qui désigne un outil utilisé pour l’arboriculture, cette construction partage les sens de « di grosso » et évoque un processus de découpe grossière opéré sur un organisme vivant[47]. Cette création lexicale édifiée sur une locution adjectivale déjà existante permet d’accueillir la métaphore calvinienne en français : elle recrée efficacement l’interaction entre l’image de la matière des histoires dans laquelle le conteur coupe grossièrement et celle de l’organisme végétal que l’arboriculteur taille, faisant de ce passage une zone miraculeuse de la re-traduction. Dans le texte B, le verbe « svariare » est restitué par la collocation « introduire des variantes »[48], qui est aussi un allongement. Le sens métatextuel du verbe italien est recréé, celui de la variation, des variantes d’une même histoire, mais au détriment de la polysémie contenue dans le verbe italien, et donc de la poéticité du passage.
Si le souhait de rendre la métaphore de la création littéraire par une image classique, celle de la broderie, semble effectivement guider le choix de la traductrice du texte A, un autre élément est à prendre en considération. Dans le tout dernier paragraphe du roman, la métaphore de la broderie fait surface :
Ombrosa non c’è più. Guardando il cielo sgombro, mi domando se davvero è esistita. Quel frastaglio di rami e foglie, biforcazioni, lobi, spiumii, minuto e senza fine, e il cielo solo a sprazzi irregolari e ritagli, forse c’era solo perché ci passasse mio fratello col suo leggero passo di codibugnolo, era un ricamo fatto sul nulla che assomiglia a questo filo d’inchiostro, come l’ho lasciato correre per pagine e pagine, zeppo di cancellature, di rimandi, di sgorbi nervosi, di macchie, di lacune, che a momenti si sgrana in grossi acini chiari, a momenti si infittisce in segni minuscoli come semi puntiformi, ora si ritorce su se stesso, ora si biforca, ora collega grumi di frasi con contorni di foglie o di nuvole, e poi s’intoppa, e poi ripiglia a attorcigliarsi, e corre e corre e si sdipana e avvolge un ultimo grappolo insensato di parole idee sogni ed è finito. (p. 301-302)
A : Ombreuse n’existe plus. Quand je regarde le ciel vide, je me demande si elle a réellement existé. Ces découpes de branches et de feuilles, ces bifurcations, ces lobes, ces touffes, fouillis menu et innombrable ; ce ciel dont on ne voyait que des éclaboussures ou des pans irréguliers ; tout cela existait peut-être seulement pour que mon frère y circulât de son léger pas d’écureuil. C’était une broderie faite sur du néant, comme ce filet d’encre que je viens de laisser couler, page après page, bourré de ratures, de renvois, de pâtés nerveux, de taches, de lacunes, ce filet qui parfois égrène de gros pépins clairs, parfois se resserre en signes minuscules, en semis fins comme des points, tantôt revient sur lui-même, tantôt bifurque, tantôt assemble des grumeaux de phrases sur lit de feuilles ou de nuages, qui achoppe, qui recommence aussitôt à s’entortiller et court, court, se déroule, pour envelopper une dernière grappe insensée de mots, d’idées, de rêves – et c’est fini. (p. 285-286)
B : Ombrosa n’existe plus. Quand je regarde le ciel vidé, je me demande si elle a vraiment existé. Ces dentelures de branchages et de feuilles, bifurcations, lobes, touffes, fouillis délicat et sans nombre, et le ciel fait d’éclaboussures irrégulières et de découpures, tout cela n’existait peut-être que parce que mon frère y glissait de son pas léger de mésange, ce n’était qu’une broderie exécutée sur du néant qui ressemble à ce filet d’encre que j’ai laissé courir sur des pages et des pages, barbouillé d’effaçures, de renvois, de pâtés nerveux, de taches, de lacunes, et qui, par instants, s’égrène en gros pépins clairs, et par instants se condense en signes minuscules comme des graines punctiformes, parfois se retourne sur lui-même, parfois bifurque, parfois enfin rassemble des grumeaux de phrases avec des contours de feuilles ou de nuages, et puis se grippe, et repart ensuite pour s’entortiller aussitôt, et court et court et court et se dévide et enveloppe dans une dernière grappe insensée mots idées rêves et c’est fini. (p. 327-328)
Il y aurait beaucoup à dire sur les deux traitements de ce passage final. Cependant, ce qui nous intéresse ici, c’est de montrer que les deux TA sont sous-tendus par des interprétations différentes de la relation qui unit cet extrait à celui que nous venons d’étudier.
La métaphore du récit comme forêt apparaît ici pour la première fois dans toute sa splendeur, juste avant de disparaître avec la fin du texte, le blanc de la page. Ce passage se développe sur une isotopie du réseau représentant le récit comme organisme végétal, comme ensemble de lignes sculptées dans le bois, comme fils, mais aussi comme lignes d’encre et pages découpées formant un paysage fantastique sur la feuille de papier. L’histoire du Barone rampante redevient écriture, réseau complexe de lignes noires, et le ton du narrateur, derrière lequel se profile la figure de Calvino, se fait amer, angoissé : en finissant le récit de la vie de son frère, Biagio se demande si la forêt d’Ombrosa n’était pas simplement un ensemble de fils tissés sur du rien. Ce questionnement existentialiste est révélateur du rapport entretenu par Calvino avec l’écriture, représenté dans nombre de ses œuvres comme art réalisé sur le vide.
Le texte A établit une identité entre l’épilogue et le chapitre XVI du roman : pour J. Bertrand, l’isotopie qui clôt Il barone rampante s’est déjà manifestée dans ce chapitre. Il s’agit pour elle de la même image : la création littéraire est représentée comme opération réalisée sur du tissu, soit sur un matériau inanimé.
Le texte B dessine au contraire une relation d’opposition entre l’épilogue et le passage central de l’œuvre. La métaphore située au chapitre XVI est recréée par l’image calvinienne du conteur comme arboriculteur, et donc de la création littéraire comme soustraction de matériau vivant, élagage grossier opéré dans le vécu de l’artiste. Quant à l’amère question posée dans l’épilogue, elle est restituée par un ajout qui introduit une négation restrictive : « ce n’était qu’une broderie exécutée sur du néant ». L’amertume du narrateur Biagio est ainsi accrue dans le texte B, qui met également en évidence la distinction entre la métaphore centrale et l’isotopie finale, distinction présente mais plus discrète dans le TD. Ce que s’applique à faire voir M. Rueff, c’est que le stéréotype métaphorique de la création littéraire comme broderie n’émerge que dans cet endroit du roman où l’espoir est perdu, où la créativité, l’amour, toute possibilité est épuisée. À la fin de l’histoire, après le départ de Viola et la disparition de Cosimo, lorsque Biagio est resté seul, l’image du récit perd de sa vitalité, redevient classique, conventionnelle, travail sur un matériau inanimé et ajout de matière réalisé sur le vide.
Conclusion
Les deux TA français du Barone rampante offrent donc des traitements différents du réseau métaphorique végétal, dont la fonction est avant tout métatextuelle mais qui articule également trois thèmes : la création littéraire, le développement de l’identité personnelle de l’artiste et le désir amoureux, et qui sont en fait liés au sein d’un plus grand pôle thématique, celui de la créativité, de la vitalité. Entre stéréotypes métaphoriques et métaphores vives, cette étude nous fournit d’intéressants éléments de réflexion sur l’évolution de la réception des images littéraires dans les traductions françaises d’œuvres étrangères. Toutefois, au-delà des tendances éditoriales dans lesquelles les démarches des deux traducteurs s’inscrivent, le traitement des métaphores apparaît également conditionné par l’idée que J. Bertrand et M. Rueff se font du texte littéraire, par une certaine manière d’entrer dans la forêt créée par Calvino et de regarder les images qu’elle abrite.
En 1960, J. Bertrand avait eu tendance à remplacer les images conflictuelles du TD par des images classiques, traditionnellement jugées dignes et connues du lecteur de l’époque. Ces images stéréotypiques compromettent parfois la visibilité des ramifications de la gigantesque métaphore de la forêt-récit, et apparaissent aujourd’hui vieillies. Dans certains cas, les métaphores du texte A vont même à contre-courant de l’économie sémantique du Barone rampante, et deux images du texte italien ont tout simplement été effacées. Le facteur historique pèse évidemment ici pour beaucoup : à l’époque, les traductions françaises d’œuvres étrangères tendent à « lisser » le texte étranger, à masquer les aspérités qui pourraient désarçonner le lecteur francophone. Cependant, au regard des choix traductifs observés, il ne nous semble pas déplacé d’ajouter l’idée que J. Bertrand n’avait peut-être pas non plus saisi le caractère novateur de l’imaginaire calvinien, en quelque sorte dissimulé sous une prose tout compte fait assez classique, et qu’elle possédait une idée de l’œuvre littéraire comme texte répondant aux canons esthétiques de la littérature classique. Le texte de 1960 ne fait donc pas œuvre de traduction, au sens où l’entend A Berman.
Dans la re-traduction du roman, les apparitions fugitives de l’image de la forêt-livre comme vitalité profonde du sujet, source de sa créativité, de son identité, de son élan amoureux, sont au contraire mises en valeur. Le travail de M. Rueff se distingue surtout pour sa réceptivité à l’égard du texte italien : le regard sensible et ouvert du poète lui permet de saisir certaines différences sémantiques très fines et d’aboutir ainsi à une traduction qui revitalise la forêt des images calviniennes dans leur originalité et dans leurs différences chargées de sens. La re-traduction de 2018 est en fait sous-tendue par une idée du texte littéraire comme lieu de création linguistique et poétique. Néanmoins, à deux reprises, le TD suscite une interprétation métaphorique de la part du traducteur, et des métaphores sont ainsi ajoutées dans le TA ; un procédé discutable, qui pourrait faire douter de l’éthicité de la démarche du traducteur. Il nous semble cependant plus juste de dire qu’en mettant en évidence les métaphores végétales et en procédant à ces ajouts, le travail de M. Rueff répond en fait à une volonté de faire connaître au lecteur francophone d’aujourd’hui un aspect du roman italien qui avait été partiellement effacé dans la traduction de 1960 : le TA de 2018 illustre le principe bermanien selon lequel toute traduction est aussi une critique[49].
Le texte B fait notamment apparaître les deux images de la création artistique selon Calvino : l’une vive et positive, liée au désir amoureux et à la force de l’identité de l’artiste, comme opérations effectuées sur un matériau vivant ; l’autre stéréotypique et négative, liée à la perte du désir et de l’identité, comme tissage de matière inerte sur le néant. De manière inédite, la re-traduction de M. Rueff propose une clé de lecture susceptible de modifier la réception du Barone rampante en France, ou, du moins, de faire naître des réflexions quant au rapport ambivalent de l’auteur avec l’écriture. Mais ce texte fait aussi émerger des liens thématiques que nous retrouvons dans Se una notte d’inverno un viaggiatore, mettant en lumière la continuité de la recherche artistique menée par Calvino, où désir amoureux et créativité sont indissolublement liés.
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[1] I. Calvino, « Nota 1960 », I nostri antenati, Milan, Mondadori, 1991, p. 410-411.
[2] Voir les pages que D. Scarpa consacre au Barone rampante dans la monographie Italo Calvino, Milan, Bruno Mondadori, 1999, p. 65-67.
[3] Comme l’affirme F. Wahl dans une interview au journal Le Monde. Voir N. Herzberg, « Tempête autour d’Italo Calvino », Le Monde [en ligne], publié le 10/01/2013, consulté le 19/09/2018, URL : https://www.lemonde.fr/culture/article/2013/01/10/tempete-autour-d-italo-calvino_1815170_3246.html
[4] Dans une interview à S. Garbarino, M. Fusco affirme que Juliette Bertrand (1893-1973) était à l’époque une traductrice très expérimentée et reconnue : d’après le spécialiste, elle aurait déjà traduit une cinquantaine de volumes de l’italien vers le français. Voir S. Garbarino, « Entretien avec Mario Fusco », De la traduction : J. Thibaudeau et J.-P. Manganaro médiateurs d’Italo Calvino, thèse de doctorat en Lettres Modernes soutenue le 14 mai 2004 à l’Université de Nice Sophia-Antipolis., p. 537-538.
J. Bertrand a, entre autres, traduit des écrits de Malaparte, Bontempelli, de Céspedes et Sciascia. Voir « Juliette Bertrand », in Edizioni di Storia e Letteratura, [en ligne], consulté le 19/09/2018, URL : http://www.storiaeletteratura.it/autori/bertrand-juliette/9120
[5] Le Seuil publie les traductions du Cavaliere inesistente (1962) et d’une sélection de nouvelles du recueil Ultimo viene il corvo (1964) par M. Javion, de La giornata d’uno scrutatore par G. Genot (1966), des Cosmicomiche (1968), de Ti con zero (1970), des Città invisibili (1974), et du Castello dei destini incrociati (1976) par J. Thibaudeau, de Se una notte d’inverno un viaggiatore (1981) par D. Sallenave et F. Wahl, et de Palomar (1985) par J.-P. Manganaro. Après la mort de l’auteur, le Seuil publie la traduction des inédits et les retraductions de Collezione di sabbia (1986) et de La speculazione edilizia (1990) par J.-P. Manganaro. D’après S. Garbarino, « Tableau des traductions des œuvres d’Italo Calvino en France », in op. cit., p. 449-450.
[6] M. Fusco, « Lire Calvino en français ? », Chroniques italiennes [en ligne] n. 75/76, 1-2, 2005, consulté le 19/09/2018, URL : http://chroniquesitaliennes.univ-paris3.fr/PDF/75-76/Fusco75.pdf
[7] G. Calvino, « Les livres de mon père sont en partie des créations éditoriales faites d’omissions et de rajouts », Le Monde [en ligne], publié le 10/01/2013, consulté le 19/09/2018, URL : https://www.lemonde.fr/culture/article/2013/01/10/giovanna-calvino-les-livres-de-mon-pere-sont-en-partie-des-creations-editoriales-faites-d-omissions-et-de-rajouts_1815088_3246.html
[8] Voir l’interview de M. Payot à M. Rueff, « Italo Calvino revisité », L’Express [en ligne], publié le 03/05/2018, consulté le 19/09/2018, URL : https://www.lexpress.fr/culture/livre/calvino-revisite_2004248.html
[9] Voir, entre autres, l’imposant répertoire des monographies consacrées à l’auteur, mais aussi des articles sur le style, la langue et les œuvres de Calvino publiées en Italie, en France et à l’étranger, établi par S. Garbarino dans sa thèse de doctorat au début des années 2000. La liste des textes critiques sur l’œuvre de Calvino s’est encore allongée depuis.
[10] E. Monti, « Introduction. La retraduction, un état des lieux », in E. Monti, P. Schnyder (dir), Autour de la retraduction. Perspectives littéraires européennes. Avec un texte inédit de Jean-René Ladmiral, Paris, Orizons, 2011, p. 11.
[11] « Retranslation can constitute a conceptual tool in discussing shifting and evolving cultural and literary images and memories », in Retranslation and multimodality: introduction, Ö. Berk Albachten, Ş. Tahir Gürçağlar, The Translator, n. 26, Routledge, London, 2020, p. 3. C’est nous qui traduisons.
[12] Voir la conférence « Visibilità » in I. Calvino, Lezioni americane, Milano, Mondadori, 2000.
[13] D. Scarpa, op. cit., p. 67.
[14] Nous faisons référence à notre travail de mémoire de laurea magistrale en « Scienze linguistiche, letterarie e della traduzione », intitulé « Il barone rampante en France : analyse des traductions », soutenu le 21 janvier 2019 à Sapienza Università di Roma.
[15] C. Penn, « Traduire les passages métatextuels du Barone rampante. Les traducteurs français face à l’imagination luxuriante de Calvino », in Calvino, Tabucchi, et le voyage de la traduction, T. Rimini (dir.), Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 2022
[16] A. Berman, Pour une critique des traductions : John Donne, Paris, Gallimard, 1995
[17] Ö. Berk Albachten and Ş. Tahir Gürçağlar, op. cit.
[18] E. Monti, P. Schnyder (dir), op. cit.
[19] Les apparitions du réseau métaphorique qui font l’objet de cette étude ont été analysées aussi dans la révision de 2001. Nous n’en tenons pas compte dans cet article car tous les choix traductifs de la version de 1960 que nous allons observer ont été conservés dans la révision de M. Fusco.
[20] « Dal trasferimento nasce una situazione di potenziale conflitto e di interazione: due concetti incompatibili si contendono la specificazione di uno stesso oggetto, e sono costretti a negoziare, cioè a interagire. », in M. Prandi, « La metafora tra conflitto e coerenza: interazione, sostituzione, proiezione » in Casadio, C. (a cura di), Vie della metafora: linguistica, filosofia, psicologia, Prime Vie, Sulmona, 2007. C’est nous qui traduisons.
[21] « è l’esito contingente e reversibile di un atto di interpretazione testuale o discorsiva », in M. Prandi, op. cit. C’est nous qui traduisons.
[22] D’après M. Prandi, op cit., « les stéréotypes métaphoriques sont des métaphores virtuellement projectives qui, pour des raisons entièrement contingentes – le poids des lieux communs enracinés, l’influence d’une tradition littéraire, la paresse intellectuelle de génération d’exégètes – renoncent à exploiter pleinement leur potentiel. » C’est nous qui traduisons de l’italien : « Gli stereotipi metaforici sono metafore virtualmente proiettive che per ragioni del tutto contingenti – il peso di luoghi comuni radicati, l’influsso di una tradizione letteraria, la pigrizia intellettuale di generazioni di esegeti – rinunciano a sfruttare fino in fondo il loro potenziale. »
[23] A. Berman, op. cit.
[24] Pour chaque passage reporté et ses traductions, les numéros indiqués entre parenthèses correspondent aux pages de la quatrième édition de I nostri antenati, publiée à Milan chez Mondadori en 2016 dans la collection « Oscar Moderni » ; aux pages de l’édition du Baron Perché parue à Paris au Seuil, en 1960 dans la collection « Cadre vert » ; et à celles de l’édition du Baron perché publiée à Paris chez Gallimard en 2018 dans la collection « Du monde entier ».
[25] Combinaison lexicale que l’on retrouve dans le poème « Spesso il male di vivere ho incontrato » d’E. Montale, du recueil Ossi di Seppia (1925), mais aussi dans le poème « Patria » de G. Pascoli, du recueil Myricae (1900).
[26] « Accartocciare. », Vocabolario Treccani : « – Avvolgere a forma di cartoccio: a. un foglio, una pagina ».
[27] « Cornet. », TLFi : « III.− A.− Objet de forme conique, servant à contenir quelque chose. […] a) Feuille de papier, de matière souple pliée en forme d’une corne, de tronc de cône et destinée à servir de contenant. Cornet de dragées, de frites. Mettre du tabac dans un cornet. Cornet de papier blanc à dragées (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 72). Des pots de fleurs dans leurs cornets de papier blanc (A. Daudet, Fromont jeune,1874, p. 247). »
[28] « Invenzione. », Vocabolario Treccani : « 2. a. In senso più astratto, l’atto di concepire e ideare con l’immaginazione […]; soprattutto di cose che non hanno rispondenza nella realtà o sono intenzionalmente false: i. di notizie, di calunnie, di bugie, di fandonie. […] b. Atto creativo della fantasia, con cui l’artista trae da sé stesso, astraendo dalla realtà o interpretandola idealmente, materia all’opera d’arte l’i. di un personaggio, di una situazione, di un episodio favoloso […] c. La capacità stessa, in un artista, d’inventare […] d. Con sign. concr., ciò che da un artista è stato immaginato »
« Pianta. », Vocabolario Treccani : « 6. Di pianta, come locuz. avv., non com., in modo completo, radicale, dalle fondamenta, del tutto e sim. […] anche, di colpo, tutt’a un tratto […] Nell’uso com. odierno, è frequente solo la locuz. di sana pianta: […] è una cosa inventata di sana pianta. »
[29] « Invention. », TLFi : « B. P. ext. […] 1. a) Action d’imaginer quelque chose de nouveau. b) P. méton. Ce qui est imaginé. […] En partic. Mystification, mensonge, fable. C’est une pure invention. »
« Pure. », TLFi : « c) Loc. Pur et simple […] Sans restriction ni réserve ; sans condition. »
[30] Les travaux d’A. Berman montrent que les traductions françaises d’œuvres étrangères s’inscrivent dans une longue tradition de traduction ethnocentrique. Voir, entre autres, A. Berman, op. cit. et « La terre nourrice et le bord étranger. Une archéologie de la traduction », Communications, n° 43 : « Le croisement des cultures », Paris, Seuil, 1986, p. 205-222.
[31] « Renouvellement. », TLFi : « 2. Remplacement total ou partiel des éléments qui composent quelque chose, en particulier un organisme, un tissu; fait de (se) régénérer. »
[32] « Reconstruction. », TLFi : « 1. Action de reconstruire un édifice, un ouvrage d’art, p. ext. un ensemble complexe et fonctionnel détruit ou inutilisable notamment à la suite d’une guerre ; résultat de cette action. »
[33] Selon A. Berman, les « zones signifiantes » d’une œuvre sont « ces passages de l’original qui, pour ainsi dire, sont les lieux où elle se condense, se représente, se signifie ou se symbolise », ces endroits du texte « où une œuvre atteint sa propre visée (par forcément celle de l’auteur) et son propre centre de gravité ». A. Berman affirme en outre que : « L’écriture y possède un très haut degré de nécessité. Ces passages ne sont pas forcément apparents à la simple lecture : et c’est bien pourquoi, le plus souvent, c’est le travail interprétatif qui les révèle, ou confirme leur existence ». Voir Pour une critique des traductions : John Donne, Paris, Gallimard, 1995, p. 70.
[34] « Crescere », Vocabolario Treccani : « – 1. intr. (aus. essere) Diventare più grande, per naturale e progressivo sviluppo, detto dell’uomo, degli animali, delle piante […] 3. Genericamente, diventare maggiore […]
[35] « Dare. », Vocabolario Treccani : In moltissimi casi l’azione è determinata dal sostantivo che segue il verbo: […] d. forma »
« Forma. », Vocabolario Treccani : « 1. a. L’aspetto esteriore con cui si configura ogni oggetto corporeo o fantastico, o una sua rappresentazione […] Fig.: idea, progetto che comincia a prendere forma, ad assumere concretezza, consistenza. »
[36] « Revigorer. », TLFi : « A. − [Le compl. d’obj. dir. désigne un animé] Redonner de la vigueur, des forces physiques. […] B. − Au fig. 1. [Le compl. d’obj. dir. désigne une pers., ses facultés intellectuelles, ses sentiments, etc.] Redonner un bon moral, de la force spirituelle. […] 2. [Le compl. d’obj. dir. désigne une chose] Rendre sa vivacité, sa prospérité. »
[37] « Façonner. », TLFi : « A.− 1. [Le compl. d’obj. désigne une matière brute] Travailler quelque chose afin de lui donner une forme particulière. Façonner l’airain, l’argile, la glaise, la pierre. […] Spéc., AGRIC. Donner à une terre, à une culture, les façons nécessaires. Labourer, moissonner, faucher, façonner la vigne (Zola, Terre ,1887, p. 77) […] B. − Au fig. 1. [Le compl. d’obj. désigne une chose abstr.] a) Donner forme. Façonner une image, une légende; façonner un mot, une phrase; façonner l’art, l’histoire; façonner l’opinion; façonner la vie. »
[38] « Croître. », TLFi : « b) [Le suj. désigne un végétal] Pousser. […] P. métaph. Voilà pourtant comment naissent et croissent les anecdotes, les biographies de salon; et puis le diable ne les déracinerait plus (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 641). − Expr. syntagm. […] Verbe + croître […] Faire croître. Le temps vous fera croître et le temps vous tuera : Et, comme toute chose humaine et périssable, Votre œuvre ira dormir dans l’ombre irrévocable! (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1874, p. 285) »
[39] « Forme. », TLFi : « − Loc. Donner, prendre forme; mettre en forme. a) α) [En parlant d’une réalité concr.] Il faut un architecte pour la choisir [la pierre], l’extraire, lui donner forme, la faire entrer dans une construction, lui conférer son rôle et son sens (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 247) […] β) [En parlant d’une manifestation de l’activité intellectuelle ou artistique] Une œuvre qui prend forme. […] γ) [En parlant d’une réalité abstr.] Dans le déséquilibre de son cœur, une pensée prenait forme, se chargeait lentement de ces interrogations et suspicions qui foisonnent autour d’un amour (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 83) »
[40] Toujours selon D. Scarpa, Il barone rampante serait le roman qui aurait le plus d’affinités avec le genre « poème en prose » parmi toutes les œuvres de Calvino. Voir D. Scarpa, op. cit., p. 65.
[41] « Rameau. », TLFi : : « A. −1. Division, ramification d’une tige, d’une branche d’arbre ; petite branche. […] 2. Locutions a) Rameau d’olivier, rameau vert − [P. allus. au rameau rapporté par la colombe à Noé, annonçant la fin du Déluge] […] − [Symb. d’espoir, de paix] […] b) Rameau d’or − [P. allus. au rameau d’or qu’Énée doit trouver pour pouvoir descendre aux Enfers] […] − Dans le domaine des traditions, des symb. […] [Symb. d’immortalité ou de sagesse] […] 3. RELIG. CHRÉT. a) Dimanche, fête, jour des Rameaux, et p. ell., les Rameaux. […] b) Petite branche d’arbre ou d’arbuste relative à cette commémoration. Rameau (de buis); bénédiction des rameaux. […] B. − P. anal. 1. Division d’une chose concrète. Synon. branche. […] C. − Au fig. Division d’une chose abstraite. Chacune des sciences acquises lui paraissait être un des rameaux de cette vérité absolue qu’il cherchait (Reider, MlleVallantin, 1862, p. 36) »
[42] Voir, entre autres, l’étude de A. Berman sur L’Enéide de Klossowski, in La Traduction et la lettre ou l’Auberge du lointain, Paris, Seuil, 1999 (1e éd. 1985), p. 115-142, et les conclusions de l’essai « La terre nourrice et le bord étranger. Une archéologie de la traduction », Communications, n° 43 : « Le croisement des cultures », Paris, Seuil, 1986, p. 221 : « Les quelque vingt années qui se sont écoulées depuis [la publication de la traduction de L’Enéide de Klossowski en 1964] confirment ce tournant : les traductions de la revue Poésie, de la Bible (Meschonnic), de Freud, de Heidegger, celles qui ont été tentées par Clastres dans le Grand Parler, etc. montrent que, pour la première fois depuis le classicisme (si nous faisons exception de quelques cas isolés comme Chateaubriand traduisant Milton), tout l’horizon de la traduction et du rapport à l’Étranger a commencé à bouger dans notre culture. Lentement, très très lentement, le système clos de l’imitation fait place au système ouvert de la traduction. »
[43] « Tagliare. », Vocabolario Treccani: « b. Separare una o più parti dall’intero (sempre, si intende, con uno strumento tagliente): mi tagli due metri di questa seta (e con compl. sottinteso: t. diritto, storto, t. abbondante, ecc.); con valore più partic., t. il panno, la stoffa per fare una giacca, una camicetta, o più brevemente t. una giacca, una camicetta, ritagliare la stoffa seguendo le linee del modello per potere poi ottenere, cucendola, l’indumento voluto; per favore, tagli tre etti di muscolo, mezzo chilo di bistecche (dal macellaio); tagliami un pezzo di formaggio; posso tagliarmi una fetta di melone ? ; tagliarsi le unghie; andare dal barbiere a farsi t. i capelli; t. il bosco, segare per un tratto più o meno largo i fusti degli alberi ; t. le pagine di un libro, dividerle l’una dall’altra ai margini, dove il foglio è stato ripiegato, con un tagliacarte o con altro mezzo; t. un diamante, sfaccettarlo. […] d. Abbreviare, ridurre, o togliere allo scopo di abbreviare, di accorciare: quest’articolo è troppo lungo, occorre tagliarlo (cioè condensare o eliminarne alcune parti) per farlo rientrare nelle due colonne; t. una scena (da una commedia), un episodio (da un poema), ecc., sopprimerli; in origine il film era più lungo, ma la censura l’ha tagliato in più punti (ne ha soppresso alcune scene) ».
[44] « Svariare. », Vocabolario Treccani : « – 1. tr., non com. a. Rendere vario e più piacevole: s. un trattenimento; rendere più vario, diverso, di colore […] 2. intr. (aus. avere o essere), letter. a. ant. Deviare, allontanarsi da un luogo e spec. dal punto o dalla linea dove si dovrebbe stare, e fig. dalla norma, dalla regola, dal giusto, ecc.; anche con la particella pron., svariarsi. b. letter. e poet. Mutare di luogo, dando un’impressione di rapido e vivace movimento sia della posizione sia della colorazione ».
[45] « Pan. », TLFi : « A. − 1. Partie tombante d’un vêtement, pouvant flotter. […] Pan d’habit, de manteau, de robe. […] B. […] 4. Au fig. Partie considérable d’un ensemble. Pan de passé. »
[46] « Broder. », TLFi : : « B. − Au fig. [Souvent avec un compl. prép. sur, indiquant le thème de départ] 1. Emploi trans., vieilli. Ajouter des détails, des circonstances souvent imaginaires à une histoire ou à un récit ; l’embellir. […] 2. Emploi abs. Inventer de nouveaux détails. »
[47] « Serpe. », TLFi : « Outil formé d’une large lame tranchante et recourbée en son extrémité, muni d’un manche en bois, et servant à élaguer, à émonder, à tailler les branches de moyenne grosseur. […] − Loc. adv. À, en coups de serpe. Sans soin, sans application, grossièrement. »
[48] « Introduire. », TLFi : « 2. [Avec un esprit novateur] a) Faire adopter une chose nouvelle. […] b) Insérer dans un ensemble, une procédure, une organisation en place un élément qui n’y figurait pas »
« Variante. », TLFi : « B. − Subst. fém. Chose qui diffère légèrement d’une autre qui lui est voisine, élément de substitution d’un autre élément. 1. [Dans un texte] Texte d’un auteur, ou passage qui diffère de la leçon communément admise, soit qu’il existe plusieurs versions manuscrites du texte ou du passage, soit qu’il en existe diverses éditions, l’auteur ayant pu lui-même modifier son texte. »
[49] « Ce qui est important à noter, c’est que critique et traduction sont structurellement parentes. Qu’il se nourrisse de livres critiques ou non pour traduire tel livre étranger, le traducteur agit en critique à tous les niveaux. Lorsque la traduction est re-traduction, elle est implicitement ou non “critique” des traductions précédentes, et cela en deux sens : elle les “révèle” au sens photographique, comme ce qu’elles sont (les traductions d’une certaine époque, d’un certain état de la littérature, de la langue, de la culture, etc.), mais son existence peut aussi attester que ces traductions étaient soit déficientes, soit caduques : on a, de nouveau, la dualité d’un acte critique », A. Berman, op. cit., p 40.
Per citare questo articolo:
Catherine PENN, « Entrées dans la forêt des images calviniennes », Repères DoRiF, n. 26 – Les discours de haine dans les médias : des discours radicaux à l’extrémisation des discours publics, DoRiF Università, Roma, novembre 2022, https://www.dorif.it/reperes/catherine-penn-entrees-dans-la-foret-des-images-calviniennes/
ISSN 2281-3020
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