Elisa RAVAZZOLO, Carole ETIENNE, Virginie ANDRE
Comment enseigner l’oral en classe ? L’exemple d’un dispositif pour apprendre à interagir plus facilement en réunion de travail
Elisa Ravazzolo
Università degli Studi di Trento
elisa.ravazzolo@unitn.it
Carole Etienne
ICAR (CNRS)
carole.etienne@ens-lyon.fr
Virginie André
ATILF (Université de Lorraine et CNRS)
Virginie.Andre@univ-lorraine.fr
Résumé
Dans cette contribution, nous montrerons comment l’exploitation des données orales naturelles permet d’améliorer la compétence de compréhension des apprenants et d’orienter leur formation vers l’acquisition de la capacité à interagir de manière appropriée dans des situations concrètes. En nous appuyant sur les catégories d’analyse issues de la linguistique interactionnelle, nous commencerons par illustrer une méthodologie adaptée à l’enseignement du français parlé pour différents objectifs d’apprentissage et publics. Nous présenterons ensuite une nouvelle plateforme en ligne (Interfare) permettant de répondre aux besoins des formateurs en matière d’acquisition d’une compétence d’interaction dans le contexte des réunions de travail.
Abstract
In this paper, we will show how the exploitation of natural spoken data can improve learners’ comprehension skills and orient their learning towards the ability to interact appropriately in concrete situations. Using categories of analysis from interactional linguistics, we will begin by illustrating a methodology adapted to the teaching of spoken French for different learning objectives and populations. We will then present a new online platform (Interfare) that will meet the needs of learners in the acquisition of interactional competence in the context of work meetings.
Introduction
En nous appuyant sur les catégories d’analyse issues de la linguistique interactionnelle, nous essaierons de montrer comment l’exploitation des données orales naturelles permet d’améliorer la compétence de compréhension des apprenants et d’orienter leur formation vers l’acquisition de la capacité à interagir de manière appropriée dans des situations concrètes. Après avoir illustré une méthodologie susceptible d’être adoptée dans l’enseignement-apprentissage du français parlé en fonction du public et des objectifs linguistiques et socio-culturels visés, nous présenterons une nouvelle plateforme en ligne (Interfare) permettant de répondre aux besoins des formateurs en matière d’acquisition d’une compétence d’interaction[1] dans le contexte des réunions de travail.
1. Méthodologie d’exploitation des données orales
L’approche méthodologique adoptée dans l’enseignement-apprentissage de la langue parlée et de ses spécificités repose sur les fondements théoriques de la linguistique interactionnelle, qui, depuis les travaux fondateurs sur le système d’organisation de la parole (SACKS, SCHEGLOFF, JEFFERSON 1974 ; SACKS 1992) et sur les aspects rituels et pragmatiques des discours dialogués (KERBRAT-ORECCHIONI 1990, 1992, 1994 ; TRAVERSO 1996), a permis d’explorer le fonctionnement du français parlé en interaction, et notamment le mode de réalisation des actions langagières et des activités interactionnelles dans des contextes variés. Nous citerons, à titre d’illustration, les recherches sur l’expression de l’accord (TRAVERSO 2012) et du désaccord (TRAVERSO 2004), le travail de co-construction dans les réunions (BRUXELLES, TRAVERSO 2006 ; ANDRE 2006), la structuration de l’offre à boire (TRAVERSO, URSI 2015) et des invitations téléphoniques (TRAVERSO et al. 2018) ou encore les réparations dans les conversations en ligne (TRAVERSO 2011). Les analyses des interactionnistes, fondées sur une démarche empirique et inductive, décrivent et spécifient des phénomènes langagiers et multimodaux observés dans des interactions écologiques du quotidien, enregistrées et filmées in situ dans des situations sociales variées.
Du point de vue de l’apprentissage, la prise en compte de la notion d’interaction a permis de faire progresser la pédagogie de l’oral en ciblant l’enseignement sur le développement de compétences particulières liées à la co-construction et à la multiplicité des ressources mises en œuvre dans des usages concrets et des pratiques situées. Les bénéfices liés à l’introduction et à l’exploitation d’extraits d’interactions authentiques dans la didactique du Français Langue Etrangère (FLE) sont indéniables et ne se limitent pas à l’amélioration de la discrimination sonore et de la compréhension de l’oral. L’accès à des données orales naturelles permet, en effet, de sensibiliser les apprenants à la variation situationnelle et de les amener à interagir en mobilisant simultanément les composantes phonético-phonologique, lexicale et morphosyntaxique, au terme d’un travail préalable d’entraînement sur des phénomènes typiques du français parlé, rarement représentés dans les méthodes et les manuels. En effet, dans ces documents, les dialogues pédagogiques proposent le plus souvent une représentation de la langue parlée dépourvue de ses particularités, qui omet certains phénomènes de prononciation (chute de e caduc, assimilations, etc.), simplifie la réalisation des activités (qui sont accomplies en accéléré, alors que dans la vie réelle on assiste à des séquences plus étendues), et ne rend pas compte des phénomènes liés au fonctionnement et à la production du discours oral (hésitations, chevauchements, répétitions, auto-corrections…).
1.1. Pour une approche structurée de l’oral dans l’enseignement du FLE en milieu universitaire
L’exploitation didactique des extraits de corpus oraux peut s’insérer, plus précisément, dans une démarche de construction progressive des savoirs et des savoir-faire, susceptible d’associer ces ressources à des documents et supports plus « traditionnels », dans le but de renforcer les compétences et de faire évoluer l’apprentissage[2].
Or cette approche structurée de l’oral, modulée en fonction du contexte, se fonde globalement sur une méthodologie d’exposition aux données naturelles qui crée des habitudes d’écoute chez l’apprenant et qui favorise la mise en place de stratégies de compréhension et d’inférence, ainsi que la prise de conscience du caractère culturel des productions verbales[3]. Dans cette perspective, l’exposition régulière à des extraits d’interactions authentiques est considérée comme indispensable, mais elle n’est pas suffisante : elle doit être associée à une phase d’observation-analyse et à une phase d’entraînement, avec la réalisation d’activités dont nous donnerons plusieurs exemples.
1.1.1 Les objectifs d’apprentissage
L’approche méthodologique ici décrite s’est avérée particulièrement efficace dans l’enseignement-apprentissage du français oral en milieu universitaire[4] et pour un public constitué d’un groupe multi-niveaux (A2 + B1/B2). L’utilisation des corpus oraux a permis notamment l’illustration des formes et particularités phonétiques et syntaxiques du français parlé ainsi que l’analyse d’activités discursives et interactionnelles spécifiques comme la réalisation d’une invitation, l’expression du désaccord ou la production d’un récit. Les séquences d’interactions naturelles ont été principalement sélectionnées parmi les extraits proposés sur le site CLAPI-FLE du laboratoire ICAR (http://clapi.icar.cnrs.fr/FLE/)[5], qui présente des extraits didactisés représentatifs d’une grande variété de situations sociales (interactions privées et professionnelles, conversations familières dans des visites, apéritifs ou repas, réunions de travail, appels téléphoniques, conversations à distance, interactions de commerce, visites guidées, etc.), et dont la durée limitée (environ deux minutes) permet d’aborder certains phénomènes en classe. La plateforme, qui offre la possibilité de télécharger les extraits ainsi que leurs transcriptions, propose également des ressources supplémentaires comme les fiches explicatives, les collections et les ressources « En pratique » susceptibles d’enrichir les explications ou de compléter les activités d’entraînement.
Les objectifs d’apprentissage privilégiés dans l’application de cette approche structurée de l’oral portent premièrement sur l’amélioration de la perception et de la discrimination sonores. L’illustration des particularités prosodiques et phonétiques du français parlé permet, en effet, aux apprenants de comprendre que le discours oral possède un rythme spécifique, déterminé entre autres par des particularités prosodiques (la distribution des accents) et des phénomènes phonétiques (comme les élisions, la chute de e caduc, les assimilations, etc.) ou interactionnels (chevauchements, hésitations…). Une exposition régulière permet en même temps de corriger certaines impressions découlant de l’écoute sporadique de ce genre de données. Si, par exemple, lors d’un premier contact avec un extrait d’interaction naturelle, la majorité des étudiants reconduisent leurs difficultés de compréhension à la vitesse d’élocution ou à une « mal articulation des mots »[6], la phase d’observation-analyse révèle les effets produits sur la prononciation par des phénomènes phonétiques, comme la chute de « e caduc » ou de certaines consonnes, l’élision ou l’assimilation. Par conséquent, ce qui avait été perçu comme très rapide, est par la suite analysé et intégré dans une nouvelle posture d’écoute, fondée sur une perception sonore plus efficace.
La phase d’observation-analyse donnera la possibilité de prendre en compte en parallèle les constructions syntaxiques spécifiques (dislocations, clivées et pseudo-clivées) employées par les locuteurs pour réaliser leurs activités. En analyse des interactions, ces constructions sont importantes non seulement pour leur fréquence et productivité, mais aussi pour les fonctions qu’elles accomplissent et qui ne se limitent pas à l’expressivité et à leur rôle dans la construction informationnelle de l’énoncé. Ces constructions permettent de réaliser des activités locales récurrentes que nous avons déjà longuement décrites (RAVAZZOLO, ETIENNE 2019) et que les extraits de CLAPI-FLE, entre autres, permettent d’illustrer de manière précise.
Il en va de même pour l’emploi des « petits mots de l’oral », ces marqueurs discursifs peu fréquents dans les dialogues pédagogiques des méthodes, mais qui prolifèrent dans les échanges authentiques. Ces unités linguistiques, qui du point de vue syntaxique ne s’intègrent ni structurellement ni fonctionnellement dans l’énoncé, sont déterminantes à l’oral pour la construction de la signification en interaction et exigent en plus la prise en compte des ressources prosodiques et mimo-gestuelles pour pouvoir être interprétées correctement.
Enfin, l’enseignement des particularités du français parlé intégrera les phénomènes liés à l’organisation et au fonctionnement de l’interaction. Il s’agit par exemple d’illustrer la variété des ressources et des formules mobilisées pour ouvrir ou clore un échange, de se focaliser sur les mécanismes qui régissent l’alternance des tours de parole, d’analyser les ressources utilisées pour réaliser les différentes activités (argumenter, etc.). L’écoute-analyse de plusieurs extraits illustrant les mêmes phénomènes mais issus d’interactions différentes permet en outre d’exposer les apprenants à la variation situationnelle, et contribue à déconstruire les stéréotypes, en montrant que certains phénomènes traditionnellement considérés comme l’expression d’un langage familier ou populaire ne sont pas systématiquement liés au statut social du locuteur et peuvent se retrouver dans des contextes formels.
1.1.2 Exemple d’exploitation d’un extrait de CLAPI-FLE
Comment peut-on donc favoriser, très concrètement, l’atteinte des objectifs visés et le développement des compétences évoquées ? Au-delà des activités de compréhension globale et détaillée que l’on peut proposer après une ou deux écoutes-visionnages, ce genre de données naturelles se prêtent à des exploitations variées, conçues à partir d’une transcription « personnalisable », c’est-à-dire adaptée en fonction du niveau des étudiants, des objectifs d’apprentissage et des compétences sur lesquelles l’enseignant souhaite travailler. Nous donnons un exemple d’application de ces activités à partir de l’extrait CLAPI-FLE-23[7] « Discuter du budget et du tarif d’un spectacle ». Cet extrait permet de travailler sur des phénomènes discursifs particulièrement fréquents dans les réunions professionnelles, type d’interaction peu ou mal représenté dans les méthodes. En effet, si l’expression de l’opinion reçoit une attention particulière dans l’enseignement du FLE, force est de constater qu’elle apparaît néanmoins de préférence sous forme d’interview ou de débat. Dans Agenda 3 (niveau B1), par exemple, on remarque la volonté d’attirer l’attention des apprenants sur un phénomène interactionnel, à savoir la gestion de la prise de parole dans un débat :
Figure 1. Agenda 3, niveau B1, Hachette, p. 133
L’encadré présente quelques expressions utilisées pour prendre la parole, la garder, l’attribuer à autrui, ou pour interrompre. Toutefois, ces formules sont totalement décontextualisées et complètement dissociées des ressources prosodiques et mimo-gestuelles. Il est certes possible de mémoriser ces formes, mais pour les intérioriser et apprendre à les utiliser, il est indispensable d’observer leur fonctionnement dans un échange authentique.
Les réunions de travail, en revanche, sont beaucoup moins représentées[8] et apparaissent généralement sous forme d’échanges très simplifiés, avec un nombre limité de tours de parole, où les manifestations du désaccord sont amplifiées et peu crédibles. Toutefois, ces interactions constituent des ressources précieuses pour les apprenants, car non seulement elles illustrent les mécanismes de gestion de la parole dans un échange pluri-locuteurs, mais elles donnent également accès à des formules figées et marqueurs discursifs utilisés pour prendre la parole, en se situant par rapport aux discours antérieurs.
L’extrait 23 de CLAPI-FLE propose une séquence issue d’une réunion de travail en contexte associatif où les participants sont engagés dans une activité spécifique : la discussion du prix d’un spectacle de théâtre. Nous citerons notamment trois types d’activités susceptibles d’être proposées en classe : les exercices de remplissage, les activités de repérage et les activités de reconstruction.
(1) Les exercices de remplissage
Les exercices de remplissage de transcriptions lacunaires permettent de travailler sur des objectifs phonétiques, prosodiques, lexicaux et interactionnels. Il s’agit de distribuer des transcriptions « nues » et lacunaires, c’est-à-dire dépourvues de toute notation prosodique et où certaines expressions qui présentent des particularités de prononciation ont été retirées. Ce genre d’exercice permet de sensibiliser les étudiants au rythme du français parlé, en les familiarisant avec des débits plus rapides et en les amenant à reconnaître des accents d’insistance, des phénomènes d’assimilation, etc. Le déroulement de l’activité prévoit une première écoute-découverte de l’extrait facilitant l’entrée dans les données et la compréhension de la situation. Puis, on demande de réécouter l’extrait et de compléter les espaces vides de la transcription avec les expressions ou les parties d’énoncés manquants, comme dans l’exemple suivant :
Figure 2. Transcription simplifiée et personnalisée de l’extrait CLAPI-FLE-23
Les expressions supprimées présentent des particularités de prononciation qui peuvent s’avérer problématiques, comme dans le cas de la chute de « e caduc » (p`tite), de l’élision du pronom « tu », des simplifications consonantiques (y avait, i` coûtait, pa`ce que), des réductions syllabiques (`fin), des assimilations, etc. L’écoute perceptive de l’extrait est ensuite reproposée pour permettre de noter sur la transcription quelques variations mélodiques particulièrement saillantes et de souligner les mots prononcés avec un accent d’emphase. L’activité se termine par la distribution de la transcription complète qui intègre les différents phénomènes :
Figure 3. Transcription CLAPI-FLE-23 en sélectionnant les marques prosodiques
Les activités de remplissage peuvent aussi être utilisées pour travailler sur des objectifs lexicaux et interactionnels (formulation des requêtes ou invitations, emploi des petits mots de l’oral, etc.). Par exemple, dans la phase de pré-écoute, on demandera d’imaginer et d’insérer des marqueurs discursifs ou des formules rituelles. L’écoute/visionnage de l’extrait d’interaction authentique permettra par la suite de découvrir les formes réellement utilisées par les locuteurs.
Ces exercices peuvent être proposés depuis le niveau débutant (A2) et dans des classes multi-niveaux où il suffit de sélectionner les extraits les plus adaptés au(x) niveau(x) du public.
(2) Les activités de repérage
Les écoutes perceptives de l’extrait peuvent être suivies d’une phase d’observation-analyse de phénomènes discursifs spécifiques. Les étudiants sont alors amenés à réécouter l’extrait afin d’identifier, à l’aide de la transcription, des usages syntaxiques typiques du français parlé, des marqueurs ayant des fonctions particulières dans la gestion de l’interaction, ou encore les formules et ressources utilisées pour prendre la parole ou pour l’attribuer à autrui.
Ainsi, l’extrait CLAPI-FLE 23 présente-t-il la possibilité de travailler à la fois sur les formes et fonctions des constructions disloquées et clivées et sur l’emploi de plusieurs types de marqueurs discursifs. Au-delà des marqueurs les plus connus comme voilà (ouvreur, ou conclusif), donc (à valeur finale, consécutive ou utilisé comme organisateur textuel de planification) et ben (ponctuant à valeur réactive ou de réplique), il peut être intéressant d’attirer l’attention des apprenants sur l’usage des « marqueurs discursifs complexes » (WALTEREIT 2007 : 94) et sur la nécessité de prendre en compte les réalisations prosodiques et mimiques pour l’interprétation de leurs valeurs. Nous citerons les deux combinaisons de marqueurs les plus récurrentes dans la réunion de travail observée : mais bon, dont la fonction rhétorique peut être analysée en relation avec l’expression de l’opinion ou l’atténuation du désaccord, et quand même, locution adverbiale qui, dans la plupart des occurrences de cet extrait, se charge d’une valeur argumentative.
Du point de vue des mécanismes de gestion de l’alternance des tours de parole, ce même extrait permet de montrer les formules explicites et les moyens implicites (augmentation de l’intensité articulatoire, marqueurs de prise du tour, chevauchements, etc.) utilisés pour prendre ou attribuer la parole, dans une situation où le passage du tour est plus ou moins librement négocié :
Figure 4. Transcription CLAPI-FLE-23 en sélectionnant les marques prosodiques et les chevauchements
La prise de parole se réalise ici, d’une part, à travers la production d’énoncés méta-discursifs par lesquels le locuteur préannonce l’activité qui va suivre, légitimise son intervention et s’assure en même temps de la collaboration de ses interlocuteurs, comme à la ligne 17, où Claire manifeste la volonté de compléter son raisonnement. D’autre part, on peut relever plusieurs expressions d’hétéro-attribution de la parole, associées à une augmentation de l’intensité articulatoire : complète (l.20), vas-y vas-y vas-y (l.22), on t` laisse la parole (l.28), vas-y (l.29).
L’activité d’observation et de repérage permet, par ailleurs, de clarifier la valeur des chevauchements produits par les participants et de se familiariser avec le phénomène spécifique de « la prise de parole anticipée » en français (RAVAZZOLO et al. 2015). En effet, certains des chevauchements de cet extrait ont été parfois interprétés par les apprenants comme des indices de conflictualité, voire de dispute, alors qu’ils témoignent ici plutôt de l’intérêt et de l’engagement des participants. Ce genre de données naturelles permet donc de travailler sur un phénomène totalement absent des dialogues des méthodes, et rarement représenté dans les dialogues fictionnels (romans, BD, théâtre, film) où il n’apparaît que pour signaler une crise ou une dispute, fonction qui n’est pourtant pas dominante dans les interactions de la vie réelle.
(3) Les activités de reconstruction et imagination
Ces activités se proposent de développer la compétence d’interaction et permettent de travailler la dimension mimo-gestuelle des échanges (à partir du niveau B1). Plus précisément, les étudiants sont amenés à reconstruire un échange verbal à partir du visionnage, sans le son, d’un extrait vidéo d’une interaction naturelle. Cette activité peut être proposée :
- a) au début de l’exploitation, afin de familiariser le public avec le type de situation dont il sera question dans l’extrait, et pour stimuler des stratégies d’inférence liées à un savoir expérientiel partagé ;
- b) ou comme dernière activité[9], pour permettre de réemployer des formes ou des stratégies observées précédemment.
Dans les deux cas, les étudiants, divisés en binômes ou en petits groupes, sont alors amenés à imaginer, écrire et jouer le dialogue entre les participants. Le visionnage avec le son de l’extrait vidéo permettra de comparer ensuite le dialogue imaginé avec l’échange authentique.
1.1.3 Bilan
Les activités décrites jusqu’ici non seulement permettent de faire évoluer les compétences des apprenants, mais offrent en outre la possibilité de travailler à la fois l’oral, avec l’écoute, et l’écrit à travers la transcription, dans un va-et-vient qui enrichit la compréhension de la langue en articulant ces deux modalités. Or il est évident que la conception de ces activités est subordonnée à l’existence d’une grande variété d’extraits d’interactions naturelles, de préférence issus de situations sociales peu ou pas représentées dans les supports traditionnels. Tel est le cas de la réunion de travail, qui présente d’indéniables intérêts pour les apprenants, à la fois pour le fonctionnement des tours de parole, la modalité d’expression de l’opinion, la mise en place de stratégies argumentatives, ou encore l’emploi de procédés spécifiques sollicitant la collaboration discursive[10].
2. L’exemple d’un dispositif pour apprendre à interagir plus facilement en réunion de travail
2.1 Contexte et objectifs
Les réunions de travail sont des lieux privilégiés pour échanger des informations mais également pour faire part de difficultés, envisager collectivement des solutions et décider de ce qu’il faut faire. Ces réunions n’impliquent plus seulement les décideurs mais concernent également d’autres acteurs quels que soient leur fonction, leur responsabilité ou leur niveau de qualification. Ces acteurs sont ainsi amenés à intervenir en réunion en tant qu’employé, parent, membre d’une association ou encore en tant que citoyen pour contribuer à la vie sociale ou professionnelle dans laquelle ils sont engagés. Si certains locuteurs sont familiers de ce genre de discours (KERBRAT-ORECCHIONI, TRAVERSO 2004), d’autres peuvent être déstabilisés par son caractère parfois formel, hésitant à intervenir ou ne sachant pas comment le faire, ni ce qu’il est attendu parce qu’ils viennent de rejoindre une entreprise ou un service, qu’ils sont jeunes parents, nouveaux arrivants dans une association ou encore d’un niveau débutant dans l’apprentissage du français. Afin de préparer les futurs participants à ce type de situation, nous proposons un dispositif qui présente les étapes clés d’une réunion et décrit différents procédés que les locuteurs peuvent mobiliser pour les réaliser. Ces ressources s’appuient sur des extraits de réunions authentiques collectées in situ dans différents contextes professionnels en entreprise, en milieu scolaire ou dans des associations. Elles présentent les caractéristiques du français oral qu’il s’agisse de traits lexicaux, prosodiques, syntaxiques ou multimodaux que les locuteurs coordonnent dans un « interaction order » (GOFFMAN 1983) pour faire passer leur message ou solliciter leurs interlocuteurs afin de co-construire leur discours (TRAVERSO 2016). Savoir interagir dans des réunions est important car elles peuvent conditionner les futures étapes d’une vie professionnelle, privée ou citoyenne. Ce dispositif s’adresse à un large public d’apprenants de FLE ainsi qu’aux stagiaires des formations aux compétences de base ou en français langue professionnelle (FLP) (MOURLHON DALLIES 2008), mais entend répondre également aux attentes de personnes en reconversion professionnelle ou débutant leur vie active.
2.2 De la part langagière du travail aux réunions
Des usines sans ouvriers n’étant pas encore une réalité, le langage au travail a toujours occupé une place particulière dans les organisations. Toutefois, cette place a évolué, parallèlement aux transformations du travail. Le langage a d’abord été interdit avant d’être valorisé, survalorisé voire prescrit en situation de travail. Ces différentes phases ont accompagné des considérations différentes du travail et de l’implication de l’homme au travail. Par ailleurs, il faudra attendre le début du 20ème siècle, en France, pour que certains aspects sociaux soient pris en compte dans les entreprises. Ainsi, l’intégration des salariés, leur socialisation, les rapports de pouvoir et la maîtrise de la langue sont seulement perçus, avant de devenir de véritables enjeux. La double évolution du travail et de la place du langage a conduit à un accroissement de la « part langagière du travail » (BOUTET 1998, 2021). Plus aucun métier, poste de travail, acte professionnel ne peut se faire sans parole, quelle que soit la qualification des travailleurs. Cette parole permet non seulement d’échanger des informations, mais aussi de réaliser le travail lui-même (LACOSTE 2001).
Parmi les transformations du travail, avec le déclin du taylorisme, les salariés ont de plus en plus un rapport distancié avec leurs activités de travail. Ils produisent du langage sur, comme et dans le travail, selon la typologie de LACOSTE (1995). Le langage devient une pratique commune et collective, avec une fonction psychologique (CLOT 1999) où travailler ensemble « c’est communiquer, au sens de construire et développer un espace d’intersubjectivité, de compréhension réciproque » (ZARIFIAN 1996 : 16). L’encadrement et la direction ne sont plus les seuls à communiquer, cela s’étend à différentes qualifications, fonctions et responsabilités. Plusieurs lieux d’échange voient le jour, parmi eux, la réunion qui devient une ressource pour que le collectif fonctionne (ANDRE 2006).
De nombreuses recherches en ont précisé les contours en étudiant les relations, les statuts et les pouvoirs qui conditionnent les droits et les devoirs en interaction (MONDADA, KEEL 2017), la gestion de l’ordre du jour et des thèmes (SVENNEVIG 2012), le niveau d’expertise (MONDADA 2005), des savoirs inégalement répartis (DIVOUX 2020), des activités langagières autorisées ou non (ANDRE 2005 ; HOLMES, STUBBE 2015), des communautés de pratiques (LAVE, WENGER 1991) ou des normes interactionnelles (ANDRE 2006). Cependant, la réunion reste encore peu documentée dans l’enseignement du FLE, en dehors de la rédaction d’un ordre du jour, en quelque sorte son script écrit. Cependant, celui-ci ne va pas toujours être respecté, un sujet en entraînant un autre ou une question amenant à traiter les points dans un ordre différent (DEPPERMANN et al. 2010). Participer à une réunion de travail demande des compétences interactionnelles spécifiques rarement travaillées en formation linguistique et/ou professionnelle alors que « la parole-en-interaction est une ressource centrale pour l’exercice de nombreuses tâches professionnelles (résolution de problèmes, prise de décision, négociation, élaboration collective de solutions, co-conception, coordination des équipes, offre de services, etc.) » (MONDADA 2006 : 14).
2.3 Les étapes clés d’une réunion professionnelle
S’il est toujours délicat de chercher à modéliser une situation sociale tant elle comprend de variabilité, entraîner un apprenant à interagir dans une situation donnée nous amène à en clarifier le déroulement afin de lui permettre d’en identifier les étapes et leur transition. Le choix des termes est toujours discutable, nous avons cependant proposé les rubriques suivantes qui peuvent regrouper plusieurs activités langagières proches.
- L’organisation globale de la réunion : début de réunion, changement de sujet et fin de réunion.
- La gestion de la parole : la prendre et la donner.
- La participation aux discussions : l’évaluation, l’accord, le désaccord, la négociation et la prise de décision. Nous avons décrit les composantes élémentaires et montré la variété des déroulements.
- « Mieux s’exprimer » qui comprend des fonctions qu’il est difficile de réaliser en réunion comme dire qu’on n’a pas compris, chercher ses mots ou préciser le sens de ce qui vient d’être dit. Nous avons choisi de montrer comment les locuteurs expérimentés procèdent en contexte pour décomplexer les apprenants.
- La référence aux autres (personne, service, fonction, direction) et aux temps (date, délai) est omniprésente en réunion. Elle permet notamment de répartir les tâches et d’établir des plannings ou des priorités. Les expressions liées au temps s’avèrent plus complexes qu’il n’y paraît avec des formulations comme d’ici deux semaines ou des expressions comme par la suite ou à un moment donné (ETIENNE et al. 2022). Des repères temporels liés à un événement donné (une tâche précédente ou des périodes de vacances) sont également compliqués à identifier. La référence aux autres reste délicate, qu’il s’agisse de parler de la direction ou de catégories de personnel, sans oublier les termes anglophones des ressources humaines de plus en plus nombreux.
- « Quelques difficultés » : peu spécifique, elle nous a permis de documenter et clarifier la séquence oui non typique du français parlé et récurrente dans les séquences argumentatives ou les prises de décision (ANDRE 2005). Puis, la sous-rubrique « reconnaître l’humour » aborde plusieurs types d’échanges humoristiques et leur gestion par les participants.
Figure 5. Interfare – Les étapes clés d’une réunion
2.4 Comment sensibiliser à la variation ?
La réunion de travail intervient dans un contexte particulier, mobilisant des savoirs partagés, et semble donc plus difficile à transposer d’un contexte à l’autre. Pour pallier cette difficulté, nous avons choisi de ne pas figer un déroulement prototypique mais au contraire de multiplier les contextes, les objectifs ou le nombre de locuteurs afin d’appréhender cette variété en s’entraînant à reconnaître des procédés, relever des marqueurs, des intonations, des expressions ou encore des constructions syntaxiques pour comprendre leur fonction pragmatique au-delà du lexique seul qui n’en est qu’une composante.
Quelle que soit la rubrique, nous avons choisi d’exposer la variation de manière graphique au moyen de tableaux qui permettent de visualiser différentes manières de procéder en donnant pour chacune d’elles plusieurs extraits pris dans différentes réunions. Dans les rubriques, les procédés sont classés suivant des échelles allant du plus précis au moins précis pour la référence au temps ou bien de la plus négative à la plus positive pour l’évaluation. Dans « Évaluation », nous avons défini s’il s’agissait d’une auto-évaluation (par le même locuteur) ou bien d’une hétéro-évaluation (par un autre locuteur), ainsi que l’objet évalué : un délai, un service, une méthode, une durée, une proposition, une solution…
Figure 6. Interfare – Evaluations : de la plus négative à la plus positive
Pour d’autres rubriques comme « le changement de sujet », nous avons classé les procédés de deux manières :
- une approche pragmatique si le passage au sujet suivant est précédé ou non d’une clôture, s’il aboutit ou est interrompu ;
- un clivage entre leur nature explicite (formulation on passe à, énumération des points de l’ordre du jour…) ou implicite (hum + une pause + alors, une longue pause + sujet suivant…).
Dans les deux cas, la prise en compte des pauses parmi « des procédures reconnaissables de clôture de l’activité précédente et d’introduction de la suivante » (TRAVERSO 2016 : 122) fait partie des indices auxquels il faut sensibiliser les apprenants. En effet, une pause n’est pas due au hasard, elle aménage du temps pour intervenir et offre l’opportunité de prendre la parole que ce soit pour redemander quelque chose, donner son avis, compléter ou réfuter ce qui vient d’être discuté avant de passer à la suite.
Figure 7. Interfare – Les transitions explicites ou implicites
Le paragraphe dédié aux activités pédagogiques montrera comment travailler ces aspects.
2.5 Une plateforme pour écouter/voir avant de recourir aux explications
Chacun des extraits se présente de la même manière, à savoir une description de la réunion, le nombre de locuteurs, le statut et le rôle des participants. Puis, une description du contexte permet de comprendre l’extrait. Nous avons opté pour de courtes contextualisations pour que les enseignants et apprenants puissent rapidement choisir plusieurs extraits. Pour les aborder, nous les encourageons à recourir plusieurs fois à l’audio ou la vidéo, avant d’afficher la transcription afin de développer leur capacité d’écoute et de compréhension globale avant de vérifier précisément ce qui pourrait leur avoir échappé.
Figure 8. Un extrait de réunion Parent-Professeur (TCOF)
Avec la transcription, il est alors intéressant d’écouter ou de visualiser à nouveau l’extrait en s’appuyant sur l’écrit (lorsque les apprenants le peuvent), pour identifier ce qui n’a pas été perçu. Dans une dernière étape, des explications mettent l’accent sur la spécificité de l’extrait et les composantes lexicales, syntaxiques, prosodiques ou multimodales des procédés mis en œuvre par les participants. Ces explications permettent également de comprendre comment les locuteurs se coordonnent pour mener à bien leur interaction. Les activités pédagogiques reprennent ces éléments afin de comprendre en contexte leur fonction pragmatique.
Figure 9. Transcription et explications
Pour certains sujets particulièrement délicats à appréhender même pour un locuteur natif, comme « La négociation », nous avons proposé une transcription annotée qui découpe l’extrait en fonctions élémentaires : exposer un problème, exprimer sa surprise, montrer son accord ou son désaccord, faire une proposition, expliquer, etc.
Figure 10. Transcription annotée de la négociation d’une punition entre un enseignant et la mère d’un élève
Dans la description d’une évaluation positive, nous avons mis en perspective les différents extraits dans un même tableau afin de favoriser les comparaisons.
Figure 11. Comparaison de différents procédés d’évaluation positive
Pour rendre compte de la variété des procédés et des situations, nous avons choisi des extraits d’auto-évaluation et d’hétéro-évaluation avec un nombre variable de locuteurs, mais également des évaluations positives qui ne se soldent pas toujours par l’acceptation de la solution et qui peuvent conduire à un refus ou à une hésitation sur la décision à prendre.
2.6 Une palette d’activités pédagogiques multimédia pour travailler la compétence interactionnelle
Dans la même approche, les activités pédagogiques sont orientées vers la variété avec une majorité d’exercices basés sur l’écoute ou la visualisation. Nous nous appuyons ainsi sur les orientations pédagogiques décrites en 1.1.
Les exercices sont diversifiés afin que l’apprenant ne reproduise pas la même tâche à chaque extrait mais comprenne ce qui caractérise un extrait par rapport à un autre. Quand un exercice s’appuie sur une transcription, l’extrait est d’abord joué une ou plusieurs fois afin d’identifier, à l’écoute, des marqueurs, des répétitions ou des constructions syntaxiques que l’apprenant n’est pas habitué à rencontrer.
L’exercice suivant demande, par exemple, de sélectionner quel énoncé annonce le début d’une réunion parmi plusieurs. Une explication du résultat est affichée, que la réponse soit juste ou fausse.
Figure 12. Exercice : Identifier un début de réunion
En parallèle, l’exercice qui suit se focalise sur la reconnaissance des marqueurs utilisés en début de réunion.
Figure 13. Exercice : Relever les marqueurs en début d’une réunion au Collège (TCOF)
Dans l’exercice suivant, l’apprenant est amené à différencier les transitions explicites (ordre du jour, faire le point) des transitions implicites (usage de marqueurs bon, alors, hum… avant ou après le nouveau sujet), plus difficiles à appréhender.
Figure 14. Exercice : Distinguer l’implicite de l’explicite
Dans la rubrique « Prendre la parole », nous proposons différentes activités qui portent aussi bien sur les procédés que sur les finalités. Dans l’exercice suivant, nous demandons de relever les termes qui montrent qu’un locuteur prend la parole pour s’opposer à ce qui vient d’être dit.
Figure 15. Exercice : Reconnaître les termes d’opposition (CLAPI – Architectes)
La production n’est pas oubliée car différentes activités sont proposées pour mettre en pratique les procédés appris. En petits groupes, dans des situations où chacun a un rôle à jouer et en donnant des consignes précises, les apprenants sont invités à interagir.
Figure 16. Exercice de production pour prendre la parole en s’opposant à un collègue
Afin d’accompagner l’apprenant dans sa propre représentation de la langue, d’autres exercices favorisent la mémorisation en représentant un procédé de manière graphique, ici un arbre à compléter pour prendre en compte les variantes.
Figure 17. Exercice : compléter une carte heuristique
A défaut de couvrir l’ensemble des activités, ces quelques exemples donnent une idée de leur diversité dans le but d’entrainer l’apprenant à découvrir et à mémoriser (carte heuristique notamment) l’ensemble des procédés mis en œuvre par les locuteurs.
3. Conclusion
L’exploitation didactique d’extraits issus d’interactions naturelles présente d’indéniables avantages, car non seulement elle permet de faire évoluer la compréhension orale (cf. les résultats des tests soumis aux étudiants), mais elle peut favoriser en plus l’acquisition d’une compétence d’interaction.
Cette approche basée sur l’écoute-analyse d’interactions naturelles enregistrées in situ peut s’articuler avec des supports et des méthodologies plus traditionnels. Elle suppose d’être utilisée régulièrement et dès les premières étapes de l’apprentissage d’une langue pour apprendre à écouter et à voir des phénomènes récurrents de la langue qui annoncent une fonction à remplir. C’est en croisant plusieurs indices que l’apprenant va se construire sa propre stratégie d’écoute, il pourra alors choisir lui-même la manière de la formaliser afin de la mémoriser et l’enrichir au fil des expositions au français tel qu’il est réellement parlé en interaction dans une variété de situations. À terme, il deviendra capable d’intégrer les différentes contributions des autres locuteurs, de répondre à leurs différentes sollicitations, puis de projeter ce qui suivra afin de l’anticiper au lieu de le subir. Nous restons à l’écoute des enseignants pour enrichir ces ressources selon les difficultés rencontrées par leurs apprenants. Il nous a, par exemple, été demandé de présenter des extraits comportant plusieurs chevauchements de parole entre les locuteurs (JEFFERSON 2004) qui caractérisent une « réunion à la française » afin de montrer comment les participants gèrent ces épisodes a priori « chaotiques » avant de poursuivre la réunion.
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[1] La notion de « compétence d’interaction » est ici abordée dans une perspective interactionniste qui met en avant l’utilisation de ressources linguistiques, discursives, sociolinguistiques et interactionnelles. Cette approche multidimensionnelle se fonde sur la mobilisation d’un ensemble de savoirs et de savoir-faire de nature variée, dans une situation spécifique et dans leur séquentialité (RAVAZZOLO, ETIENNE, URSI 2021 : 3).
[2] En effet, s’il est vrai qu’au début de l’apprentissage on préfère souvent proposer un support accessible (cf. les dialogues pédagogiques), il est aussi important de familiariser les apprenants avec des interactions sociales authentiques qui les préparent au contact avec des locuteurs natifs.
[3] Bertrand Lauret souligne notamment l’importance de l’exposition à des « modèles natifs diversifiés », notamment quand l’apprentissage a lieu en milieu exolingue, car « la musique et les sons de la langue ne peuvent être adoptés que s’ils ont été largement entendus, écoutés précisément, commentés, distingués, “apprivoisés” » (2007 : 39).
[4] D’après les expériences menées dans le cadre de l’enseignement de la langue et de la linguistique françaises dans un cursus de Licence, au Département de Lettres et Philosophie de l’Université de Trente (Italie). Nous avons soumis aux étudiants un questionnaire testant la compréhension et l’analyse d’un extrait d’interaction naturelle, avant et après la formation sur l’apprentissage des spécificités de l’oral. L’analyse des réponses a permis d’observer, chez la majorité des étudiants, une évolution des compétences à la fois de compréhension orale et d’analyse et repérage des spécificités phonétiques, morphosyntaxiques et interactionnelles de l’extrait d’interaction naturelle.
[5] La plateforme CLAPI-FLE a été conçue et élaborée par l’équipe LIS du laboratoire ICAR (CNRS-ENS-Université Lyon 2), en collaboration avec des partenaires didacticiens, enseignants de FLE et linguistes de l’oral.
[6] Sic. Cf. les réponses à un questionnaire soumis aux étudiants pour connaître leurs réactions suite à une première écoute des extraits de données naturelles.
[7] http://clapi.icar.cnrs.fr/FLE/affiche_contexte.php?affiche_extrait_encours=93&extrait_encours=93
[8] Cf. à titre d’exemple : Quartier d’affaires, niveau A2, Clé International ou Le français en vrai. Pour communiquer au quotidien, niveaux B1-C1, Ellipses.
[9] Dans ce cas, il faudra bien évidemment proposer un nouvel extrait d’interaction du même type.
[10] Dans l’extrait CLAPI-FLE 23, on peut remarquer l’usage de modalisateurs d’incertitude sollicitant la collaboration des autres participants à la réunion : i` me semble (+ hésitations).
Per citare questo articolo:
Elisa RAVAZZOLO, Carole ETIENNE, Virginie ANDRE, « Comment enseigner l’oral en classe ? L’exemple d’un dispositif pour apprendre à interagir plus facilement en réunion de travail », Repères DoRiF, n. 28 – Entre le théorique et l’expérientiel : l’oral en didactique du FLE. Questionnements et perspectives, DoRiF Università, Roma, novembre 2023, https://www.dorif.it/reperes/elisa-ravazzolo-carole-etienne-virginie-andre-comment-enseigner-loral-en-classe-lexemple-dun-dispositif-pour-apprendre-a-interagir-plus-facilement-en-reunion-de-travail/
ISSN 2281-3020
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