Print Friendly, PDF & Email

Fateh CHEMERIK

L’idéologie partisane dans le discours de haine sur l’intégration des langues à l’école algérienne

 

Fateh Chemerik
Université de Grenoble Alpes
chemerik.fateh@yahoo.fr

 


Résumé
Une partie de cette étude se propose d’analyser les productions textuelles sur les résultats de la réforme éducative de 2003, discutée lors du conclave organisé par la ministre de l’éducation Nouria Benghabrit-Ramaoun en 2015, dans la presse écrite algérienne, que nous considérons comme un lieu de discussion sur la langue et produisant de ce fait des « représentations sociales ». Ces représentations peuvent être marquées, dans certains journaux algériens, par un discours haineux envers la personne de la ministre, ses prises de position et sa politique linguistique. La seconde partie de ce travail concerne une déclaration émanant du ministre de l’éducation, Tayeb Bouzid, qui a remplacé Benghabrit en 2019. Bouzid a tenté d’imposer la langue anglaise dans l’enseignement supérieur au détriment de la langue française.
La problématique traitée dans cette étude est donc liée aux discours de haine et aux positionnements idéologiques adoptés par la presse arabophone et francophone algérienne concernant l’intégration des langues « non officielles » : la darija et le remplacement du français par l’anglais à l’école en Algérie.

Abstract
One part of this study proposes to analyse the textual productions on the results of the 2003 educational reform, discussed during the conclave organised by the Minister of Education Nouria Benghabrit-Ramaoun in 2015, in the Algerian written press, which we consider as a place of discussion on language and thus producing “social representations”. These representations can be marked, in some Algerian newspapers, by a hateful discourse towards the person of the minister, her positions and her language policy. The second part of this work concerns a statement by the Minister of Education, Tayeb Bouzid, who replaced Benghabrit in 2019. The former tried to impose the English language in higher education to the detriment of the French language.
The issue addressed in this study is therefore linked to hate speech and the ideological positioning adopted by the Algerian Arabic and French-language press regarding the integration of ‘non-official’ languages: Darija and the replacement of French by English in Algerian schools.


 

Introduction

 

La question centrale traitée dans ce travail est liée aux discours de haine et aux positionnements adoptés par la presse arabophone et francophone algérienne concernant l’intégration des langues « non officielles » à l’école en Algérie.

Suivant Charaudeau (2000), nous partirons de l’idée que le discours de haine se construit sur des pôles opposés, en général bivalents : mal vs bien, dedans vs dehors, nous vs les autres. Nous rejoignons également Reboul (1980 : 22) pour supposer que le discours de la presse qui, dans notre cas d’étude, est alimenté par des représentations haineuses, peut se fondre dans une idéologie partisane. Cela dit, examiner les représentations préalables qui nourrissent le discours de haine permettrait de nous aider à comprendre sur quoi le discours de la presse algérienne se base et quels seraient ses objectifs.

Nous tenons à souligner que cette étude se veut pluridisciplinaire. Elle se base sur une approche info-communicationnelle et linguistique qui nous permet de dégager les rapports entretenus entre langue, discours de haine et idéologie.

En plus de celle de représentation, d’autres notions sont employées dans cette analyse pour essayer de définir le contour du discours de la haine, telles que : le mépris, l’insulte et l’injure.

Dans un premier temps, nous nous proposons d’expliquer le contexte linguistique et médiatique algérien. L’objectif est de livrer un aperçu sur la politique linguistique décidée par l’État, d’évoquer les langues en usage en Algérie et de relever quelques indicateurs contribuant à démontrer que le discours de la presse est loin de faire l’unanimité sur la question des langues enseignées. Nous mettons en avant le déclenchement de la polémique engendrant un discours de haine concernant, d’abord, l’enseignement de la darija à l’école primaire, puis le remplacement de la langue française par la langue anglaise dans l’enseignement supérieur. Nous posons, ensuite, nos hypothèses et questionnements avant de nous concentrer sur quelques notions définitoires qui nous aident à comprendre le discours de la haine dans la presse algérienne. C’est également par la comparaison des productions discursives des quotidiens étudiés que nous dégagerons les représentations de ce discours. Notre méthodologie se base sur une analyse de contenu qualitative de 4 journaux, associée à des entretiens effectués auprès des professionnels algériens de l’information médiatique.

Nous avons donc cherché à opposer le discours du journal et le discours sur le journal (Ringoot 2014) afin de mieux saisir les propriétés spécifiques à chaque quotidien et les logiques propres aux acteurs qui nous ont amenés à associer le discours de haine à l’idéologie partisane.

 

1. Éléments contextuels

 

L’arabe dialectal ou darija[1] et le tamazight[2] sont l’un ou l’autre la langue maternelle des Algériens ou les deux chez les familles mixtes (TALEB-IBRAHIMI1995). Cependant, la darija ne joue aucun rôle au niveau de l’enseignement du primaire à l’université. La politique linguistique algérienne a choisi l’arabe standard appelé à tort par l’appellation d’arabe classique (langue du Coran), l’une des deux langues officielles[3] du pays, comme langue utilisée dans l’enseignement de toutes les matières, du primaire jusqu’au secondaire et le français dans l’enseignement des filières techniques et scientifiques au supérieur (SEDDIKI 2020).

L’arabe classique n’est jamais la langue des échanges quotidiens des locuteurs algériens. La maîtrise de cette langue est propre à ceux qui ont poursuivi des études. C’est une langue lue, écrite et parlée mais dans des milieux restreints, elle est employée (sous sa forme simplifiée) dans les écrits, les débats politiques, les médias étatiques, etc. Calvet (2002), stipule que dans les pays multilingues comme l’Algérie, il est nécessaire d’identifier l’utilité et les fonctions des langues à l’intérieur de la société et ce, afin de décider du sort des langues qui coexistent sur la même aire géographique. C’est dans ce contexte très particulier que Nouria Benghabrit-Remaoun, qui a rempli de 2014 à avril 2019 la fonction de ministre de l’éducation, a ouvert le débat sur la réforme du système éducatif par l’introduction de la darija au primaire. L’objectif annoncé est de diminuer les échecs scolaires trop fréquents dus à la difficulté de la langue classique à laquelle les élèves ne sont pas habitués. Mais cette décision a engendré des débats qui ont fait couler beaucoup d’encre, notamment dans la presse papier. Un débat houleux entre partisans et opposants de la suggestion de la ministre s’en est suivi. Une partie de cette étude se propose d’analyser les productions textuelles sur cette réforme dans la presse écrite, que nous considérons comme un lieu de discussion sur la langue et produisant de ce fait des « représentations sociales »[4]. Dans certains journaux algériens, ces représentations peuvent être marquées, par un discours haineux envers la personne de la ministre, ses prises de position et sa politique linguistique. La seconde partie de l’analyse concerne une déclaration émanant du ministre de l’éducation suivant, Tayeb Bouzid, qui a remplacé Benghabrit en 2019. Ce dernier impose la langue anglaise dans l’enseignement supérieur au détriment de la langue française[5].

 

2. Intérêt de la recherche et questionnement

 

Notre objectif est de comparer le discours de la presse francophone à celui de la presse arabophone afin d’identifier les conceptions élaborées par les deux communautés linguistiques sur la question des langues en Algérie et de repérer les marqueurs d’un discours de haine, représentatif d’une idéologie partisane. Nous nous sommes appuyé sur l’idée que la presse arabophone serait peut-être considérée comme un vecteur d’une idéologie liée au courant politico-religieux du Moyen Orient, tandis que la presse francophone serait « occidentalisée » dans ses écrits et dans ses modes de pensée (KRAEMER 2002, CHEMERIK 2016). Cette vieille opposition se caractérise-t-elle par le recours à un discours de haine basé sur l’altérité ou existe-t-il d’autres facteurs poussant les deux presses au conflit et à l’animation d’un débat sans précédent sur l’enseignement des langues en Algérie ?

 

3. Notions

 

Afin de saisir au mieux les enjeux extralinguistiques du débat et analyser la polémique journalistique concernant les langues d’enseignement en Algérie, nous faisons recours à un ensemble de notions telles que : représentations sociales et médiatiques, discours de haine et idéologie.

La notion de « représentations sociales » nous intéresse particulièrement. Il s’agit dans cet article de comparer deux « groupes » : les journaux d’expression française et les quotidiens arabophones.

C’est le psychosociologue Serge Moscovici (1961), qui a repris le concept de « représentations collectives » d’Emile Durkheim (1898) pour en tirer celui de  « représentations sociales », avec un glissement de discipline, de la sociologie à la psychologie sociale. Ainsi les représentations sociales désignent des éléments mentaux qui se forment par nos actions, et qui informent nos actes. Il s’agit d’un phénomène social soumis à une dynamique imbriquée dans les rapports de communication qui s’établissent entre les individus, car non seulement elles évoluent à l’image de la société, mais aussi suivant les nouveaux objets sociaux inconnus et importants qui apparaissent avec le temps.

Concernant la « représentation médiatique », il est complexe de lui attribuer une définition claire. Plusieurs chercheurs en sciences de l’information et de la communication choisissent de ne pas y avoir recours. Lits (2008) emploie la notion de « récit médiatique ». D’autres préfèrent mettre le curseur sur la notion de « construction discursive des médias » (Arquembourg : 2004). Ringoot (2014), Chemerik (2018, 2021) et bien d’autres chercheurs utilisent la notion de « co-construction médiatique d’un évènement »[6].

Il est cependant impératif de penser les représentations non seulement médiatiques, mais aussi sociales, en termes de lien entre savoirs sociaux de sens commun (MIGNOT : 2016). En effet, il faut rappeler que pour Jodelet les représentations sociales  sont « […] Une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (JODELET 1984 : 371). Cela nous permet de comprendre le nombre et l’importance « des lieux communs, des clichés et des stéréotypes dans les processus de construction [et de co-construction] médiatiques de la réalité. » (MIGNOT 2016 : 67). Moscovici (1961) montre que certains professionnels – dont les journalistes – sont plus enclins à construire et à faire circuler des représentations sociales.

Pour ce qui est du discours de haine, l’expression englobe, selon Warner et Hirshberg (2012) cités par Mercier et Amigo (2020 : 73), « divers contenus insultants, méprisants, injurieux ou abusifs, ainsi que des incitations à la violence à l’égard de groupes ou individus du fait de leurs caractéristiques réelles ou perçues ».

Etant donné que l’idéologie est l’un des fondements de toute expression linguistique (Reboul : 1980), nous nous basons sur l’analyse de termes dépréciatifs ou révélateurs, qui nous permettra de dégager les différentes variantes d’un discours de haine. Ces variantes seront prises en compte à des fins opératoires : l’insulte/l’injure[7], le dénigrement[8] et le mépris[9] voire le sarcasme[10] et autres qualifications péjoratives[11], etc., relevés dans les écrits des journaux algériens.

Nous rejoignons Reboul (1980 : 209), selon qui une idéologie « est inséparable des termes, des formules, des structures du discours, par lesquels elle s’exprime ». En termes de discours idéologique, rapporte Reboul (1980 : 65), le conflit « passe par les mots ». Il est donc possible d’appliquer aux deux pôles d’une opposition deux couples de termes différents dont « l’un valorise l’un des pôles pour disqualifier l’autre ». Pour Reboul (1980 : 22), une idéologie « combat pour vaincre », ce qui veut dire qu’elle « s’impose non seulement par des raisons et des preuves, mais par une certaine contrainte, depuis la séduction jusqu’à la violence, en passant par la censure et la dissimulation des faits ».

 

4. Méthodologie et corpus

 

Cette étude s’étend sur deux périodes :

  • juillet 2015 et septembre 2015 pour le premier sujet qui est l’introduction de la darija dès l’école primaire ;
  • de juillet 2019 à septembre 2019 pour le second sujet, à savoir l’introduction de l’anglais dans l’enseignement supérieur.

Une analyse de contenu qualitative a été réalisée sur quarante articles : vingt pour chaque sujet-évènement. Les deux quotidiens d’expression française analysés sont : El Watan et Le Soir et les deux journaux arabophones sont Echorouk et Ennahar[12]. Notons que toutes ces publications sont de statut juridique privé. Le choix des journaux arabophones se justifie par leur tirage élevé. Les deux titres arabophones s’autoproclament leaders de l’information en Algérie. Le choix des quotidiens généralistes francophones se justifie par le fait qu’aucune de ces deux publications ne bénéficie de la publicité étatique. Il n’est pas sans intérêt de souligner à ce propos que seule l’Agence nationale de l’édition et de la publicité (ANEP) est habilitée, en Algérie, à distribuer ce type de publicité aux journaux. Les quotidiens « jugés » hostiles au pouvoir, comme El Watan et Le Soir sont privés de publicité des institutions étatiques (Chemerik : 2020).

Il serait donc pertinent de vérifier si les journaux arabophones qui bénéficient de la publicité appuient les démarches des deux ministres et à l’inverse, si les quotidiens francophones gardent leur tonalité critique envers les décisions gouvernementales sur les deux sujets étudiés.

Concernant les acteurs médiatiques, nous nous sommes rapproché de six professionnels de l’information médiatique. Trois journalistes appartiennent à la presse arabophone et trois autres font partie des quotidiens francophones[13].

Notre analyse de ces quatre publications prend en considération les titres des Unes et les titres de pages internes ainsi que le contenu des articles s’inscrivant dans différents genres d’écriture journalistique (5 éditoriales, 5 chroniques, 4 interviews et 6 articles commentaires-analyses). La Une parce qu’elle est considérée comme la vitrine d’un journal et peut davantage mettre en lumière les stratégies de captation et mieux nous renseigner sur les orientations éditoriales de chaque quotidien. Les titres, parce qu’ils sont là, selon Lamizet (2004 : 39), « moins pour expliciter que pour construire un espace symbolique ». Cet espace confère au titre « une fonction éminente dans la construction de l’opinion et dans l’information sur l’évènement ».

Pour ce qui est de l’analyse des articles, nous nous référons à Colomb (2003 : 75) pour considérer « la phrase pour le mot, le paragraphe pour le thème », permettant de repérer des « noyaux de signification » afin d’identifier les représentations thématiques véhiculées par le discours de la presse algérienne.

Nous avons cherché dans le corpus les occurrences qui expriment l’insulte, l’injure, le mépris, le dénigrement, le sarcasme et toutes les qualifications péjoratives. Dans ce sens, le discours de haine, pour nous, articule plusieurs discours pour inciter à refuser (et faire refuser) l’altérité. Ce choix méthodologique peut nous aider à distinguer un discours qui s’affirme être neutre, objectif, sans parti pris, alors qu’intuitivement, il peut être perçu différemment. Reboul (ibid. : 185) excelle à montrer « comment l’organisation même du discours peut être révélatrice d’une idéologie » en considérant qu’une idéologie « détermine non seulement notre manière de parler, mais le sens de nos paroles » (ibid. : 16).

En effet, si nous nous rapportons aux déclarations des journalistes en général et des journalistes algériens en particulier, toutes mettent en exergue la question de la neutralité, leur discours prend alors les atours d’une valeur communicationnelle, celle de la sincérité et de l’objectivité (CHEMERIK  2020).

 

5.  Sujet 1 : Introduction de la darija à l’école primaire en 2015

 

En ce qui concerne le sujet 1, la polémique sur l’enseignement de la darija à l’école primaire, elle s’est déclenchée le lendemain du conclave sur la réforme du système éducatif algérien en juillet 2015. Des recommandations et des propositions étaient attendues de ce rendez-vous pour compléter la réforme de 2003[14].

Parmi les 200 recommandations mises sur la table par le ministère de l’éducation, figurait l’intégration des langues maternelles à l’école primaire[15]. Cela concernait principalement le tamazight et la darija. Nous avons choisi de travailler sur la darija pour deux raisons :

  • D’abord, parce qu’il nous semble que la presse étudiée s’est concentrée sur la polémique liée à l’enseignement de la darija, plutôt que sur celle qui se rattache à l’enseignement de la langue tamazight ;
  • Ensuite, parce que la langue tamazight, qui était déjà une langue nationale, reconnue par la Constitution, a accédé au statut de langue officielle du pays, à côté de l’arabe « classique », une année plus tard, c’est-à-dire en 2016.

Pour ce qui est de l’analyse des titres des unes et des gros titres dans les pages internes, nous avons sélectionnés les titres les plus évocateurs dans le tableau n°1.

Notons que nous avons préféré traduire les titres de la presse arabophone en français en apportant à la langue cible le même contenu informationnel.

D’après les titres de journaux francophones (colonne de droite) et arabophones (colonne de gauche), on voit d’emblée deux discours différents dont l’un va dans la direction du soutien au projet de la ministre et l’autre va dans celle de l’opposition à ce même projet.

Les titres des journaux d’expression française manifestent plutôt la valorisation des recommandations de Benghabrit et formulent des accusations claires ou implicites à l’égard des partis politiques du courant islamo-conservateur algérien. Nous observons l’absence d’items indiquant un discours de haine, mais une présence d’occurrences allant vers un soutien de la politique de Madame la ministre.

En revanche, les journaux arabophones évoquent un complot de la part de la ministre, ils désignent « les francisants » comme des « ignares » et comparent la politique du ministère de l’éducation aux objectifs coloniaux de la France en Algérie. Nous voyons déjà émerger, dans les titres de la presse algérienne, un positionnement « idéologique » marqué par le refus de l’altérité, qui se manifeste en désignant les adversaires de Benghabrit par des marqueurs de sens insultants ou péjoratifs.

L’analyse des articles nous révèle trois thèmes concernant les discours élaborés sur l’introduction de la darija à l’école par les deux presses, que nous résumons de la manière suivante :

  • discours de contestation vs discours d’approbation sur les prises de décision de la ministre ;
  • discours de scandalisation vs discours de valorisation sur la personne de Benghabrit ;
  • discours de qualifications péjoratives désignant le pôle opposé de la polémique.

Le premier discours n’est pas pertinent pour cette étude, car il est soit construit de façon à contester les prises de décisions du ministre, soit élaboré de manière à les approuver.

En revanche, les discours restants sont révélateurs d’une argumentation qui s’articule autour du discours de haine.

5.1 Discours de scandalisation vs discours de valorisation sur la personne et les compétences de Benghabrit

Nous analysons deux sous-catégories dans ce discours. La première catégorie concerne la ministre elle-même en tant que personne, tandis que la seconde se rattache à ses compétences. Pour ce qui est de ses qualités, le journal Echorouk du 17/8/2015 rapporte ceci : « La femme, qui a été saluée par certains pour sa carrière universitaire, montre qu’elle ne parvient pas à parler dans la langue des Algériens et que son niveau en arabe ne dépasse pas celui des élèves du primaire ». Dans cet exemple, nous retenons que l’arabe classique est considéré comme la langue des Algériens ; or, rappelons-le, il s’agit de l’une des langues officielles du pays mais non de la langue maternelle utilisée dans le milieu extra-scolaire. Contacté à ce sujet, le journaliste d’Echorouk nous affirme que le choix de la darija obéit à des considérations personnelles du ministre : « Comme elle ne maitrise pas l’arabe, elle voulait se donner une légitimité en tentant d’officialiser la darija. Ce n’est pas pour le bien de nos enfants, mais pour son bien à elle », nous déclare-t-il.

L’attaque contre Benghabrit ne se limite pas à ses compétences : c’est elle-même en tant que personne ne qui a été injuriée, méprisée et traitée de : « juive », de « folle », de « vagabonde », « de Satan » etc. Dans les entretiens que nous avons effectués, les journalistes francophones sont unanimes à avancer que c’est la personne de Benghabrit qui dérangeait en premier lieu la presse et l’élite arabophone, plus que la darija. Un journaliste à El Watan nous résume :

ses détracteurs sont allés jusqu’à fouiner dans son fichier de l’état civil pour lui inventer des origines juives, pour la dénigrer. Ils ont donc sauté sur la proposition de l’enseignement des langues maternelles pour dire que voilà, une juive veut casser l’enseignement de la langue arabe.

En ce qui concerne la rumeur sur ces origines juives, un journaliste au Soir d’Algérie nous déclare qu’elle trouve racine dans son nom de famille « Nouria Benghabrit Ramaoun ». Pour ce professionnel de l’information médiatique : « la presse arabophone trouve que le nom de Ramaoun a des consonances juives ». Évidemment, il convient de souligner que l’étiquette de « juive » collée à Benghabrit par la presse arabophone est antisémite, dans le sens où elle est péjorative, chargée de représentations négatives. « Obligée » de se défendre, la ministre déclare au site jeuneafrique.com[16] :

 j’ai suivi avec regret ce qui a été dit sur mes origines juives et je refuse de descendre à un niveau aussi bas. Je ne suis pas juive, je suis Arabe et mes origines sont amazighs comme tous les Algériens et je confirme, je suis une algérienne musulmane.

Dans les colonnes d’El Watan, Benghabrit met l’accent sur le rapport de sa famille à l’Islam : « ceux qui m’ont qualifié de juive ont omis de dire que je suis la petite-fille de Benghebrit, le fondateur de la mosquée de Paris en 1920. ». Suite à ces déclarations, Echorouk sort le 26 août 2015 un article intitulé : « Voici ce qu’a dit Ibn Badis sur le grand père de Benghabrit ». Soulignons que l’Imam Ibn Badis (1889-1940) est considéré par la presse arabophone comme la figure emblématique du mouvement réformiste musulman en Algérie pendant l’époque coloniale. Dans cet article, le grand père de Benghabrit est traité de « général à la solde de la France », et il est clairement mentionné dans les colonnes du journal que « La construction de la mosquée n’est pas bâtie sur les fondements de l’Islam, mais pour nuire à l’Islam ». Le journaliste s’interroge même sur « comment la France, ennemi éternel des musulmans peut être du côté des musulmans ». Dans cet article, la France coloniale ou la France actuelle, le grand père de Benghabrit et Benghabrit elle-même ont été montrés du doigt et comparés à « Satan ».

Même son de cloche du côté du journal El Nahhar, qui qualifie Benghabrit dans son édition du 17 août 2015 de « femme la plus dangereuse de l’Algérie ». En effet, le quotidien met en avant « la volonté de Benghabrit de toucher à langue du Coran, seule langue habilitée à être apprise par les enfants algériens ». Interrogé sur son article, le journaliste d’El Nahhar utilise explicitement la notion de haine en déclarant : « Benghabrit a une dent contre l’arabe. Elle a une haine contre toute pensée arabophone et islamique. Elle ne fait aucun effort pour comprendre les besoins de nos enfants, nos besoins et nos exigences ». Il ressort clairement des productions textuelles du journaliste et de ses propos que la langue arabe est associée à l’Islam. Elle « doit » également être rattachée à une idéologie partisane au courant arabo-islamique et n’est nullement considérée comme un moyen de communication ou un outil d’apprentissage.

Concernant les écrits de la presse francophone, le curseur est mis sur le renforcement de l’enseignement des langues à travers l’introduction des langues maternelles. El Watan et Le Soir n’hésitent pas à louer les compétences de la ministre, son parcours et ses prises de décisions qualifiées de « courageuses » par les deux organes de presse. Les deux journaux rappellent que Benghabrit est titulaire d’un DEA en sociologie de l’éducation, effectué en langue française, à l’université d’Oran. Elle est également détentrice d’une thèse de doctorat obtenue dans le même domaine à l’Université Paris V. « Elle appartient à la vieille école, mais n’hésite pas de rénover courageusement le système éducatif », nous avouent unanimement les trois journalistes interviewés au sein des rédactions de la presse francophone.

Sommairement, nous pouvons résumer que le discours des journaux algériens d’expression française ne relève pas du discours de haine, ni envers Benghabrit en tant que personne, ni sur ses compétences. Au contraire, cette dernière est considérée, dans cette polémique, comme une femme intellectuelle ayant fait des études poussées et subissant des injustices de la part de ses détracteurs. En d’autres termes, il s’agit d’une victime. Un journaliste d’El Watan la défend :

Au lieu de répondre d’une manière pédagogique à sa proposition, ces personnes [les journalistes de la presse arabophone et les partis islamistes] s’en prennent à la ministre sur sa vie privée, ses origines… sans aucun fondement, c’est de la méchanceté gratuite.

Quant à savoir si les deux publications francophones ont ouvert leurs colonnes aux opposants de Benghabrit, la réponse de nos répondants et sans ambiguïté : « Nous ne l’avons pas fait car ces détracteurs n’ont aucun argument valable », se justifie l’un des rédacteurs à El Watan. « Étant donné que notre ligne conductrice est de faire barrage aux islamistes, il n’était pas question d’inviter leurs représentants pour donner leur avis sur la question », tranche sans détour un journaliste du Soir[17]. Nous pouvons déduire de ces déclarations que le choix des deux journaux obéit à un travail de construction car le journal dans son ensemble procède selon Ringoot (2014 : 77) à « la distinction primordiale entre ce qui mérite d’y figurer et ce qui en est exclu ».

Notons que les colonnes de la presse arabophone ont été ouvertes aux partis islamistes agrées et aux personnalités connues pour leur soutien au nationalisme arabe.

5.2 Discours de qualifications péjoratives désignant les opposants de la polémique

La question se pose de comprendre qui sont les opposants de la ministre. Pour la presse francophone ceux qui s’opposent à l’introduction de la darija à l’école primaire sont : « des islamistes hypocrites »[18]. Le Soir désigne les adversaires du ministre par « les tartuffes du patriotisme » qui « crient au scandale »[19]. Quant à El Watan, il alerte dans son numéro du 29 juillet 2015 sur la nécessité d’un débat scientifique sur l’enseignement des langues maternelles qui :

risque, une nouvelle fois, de tomber entre les mains des charlatans de la politique et de l’idéologie. Et les résultats de ces choix idéologiques sont toujours là : une bonne partie de la société algérienne est obnubilée par des prédicateurs sortis tout droit du Moyen-Âge.

Dans ces extraits, les opposants sont taxés d’hypocrisie, et de charlatanisme. Ce sont des prédicateurs « arriérés »[20]. Dans son analyse-commentaire, le journaliste d’El Watan revisite l’histoire en évoquant le besoin des islamistes de « revenir à l’âge d’or de l’Islam », aspiration dans laquelle une partie de la société croit fermement. Le journaliste critique ouvertement l’idéologie politico-religieuse inspirée du courant wahhabite de l’Arabie Saoudite qui défendait un retour à l’Islam des « salaf » [ancêtre pieux], c’est-à-dire un retour aux pratiques du temps du prophète Mahomet et de ses premiers successeurs ou califes.  « Les campagnes de dénigrement visant cette ministre ont été relayées par des médias algériens connus pour leur attachement irréfléchi à toutes les idéologies qui proviennent du Proche-Orient », mentionne El Watan. Le journaliste éclaire sa pensée dans l’entretien qu’il nous a accordé en résumant :

C’est une interprétation erronée de l’Islam qui va dans l’intérêt de ceux qui la véhicule, c’est-à-dire, les gouverneurs du moyen orient et les gouvernements qui veulent suivre leurs traces. Je ne vois pas de modernisme dans les partisans de ce courant qui voient dans les études en langues maternelles comme une atteinte à la langue arabe et au Coran.

 À l’inverse, dans la presse arabophone, l’intégration de la darija à l’école primaire serait un « complot de l’Occident »[21]. Echorouk et Ennahar font appel à des discours de citoyens et des Imams d’après qui l’intégration de la darija a pour objectif de coloniser l’Algérie, de détruire l’Islam et de glorifier la pensée laïque. « L’Algérie deviendrait française en vertu de cette décision », rapporte Ennahar du 30/07/2015. « … Il semble y avoir un complot visant à détruire l’Islam et la langue du Coran… C’est un complot contre l’identité du peuple algérien », s’alarme Echorouk dans son édition du 23 août 2015. « C’est une glorification laïque des principes et des idées du colonialisme », ajoute le même journal dans son numéro du 24/08/2015. Contacté par nos soins, l’un des journalistes d’Ennahar insiste :

L’objectif d’imposer la darija est d’attaquer la langue arabe et l’identité algérienne. Benghabrit a vu que la classe francophone est en train de disparaitre. Elle voulait donc éduquer les générations à venir par le biais de la darija afin d’ouvrir le champ aux francophones et à la francophonie.

Ces écrits découlent de ce que Reboul (ibid. : 22) appelle « la pensée partisane ». Partisane envers la langue arabe. Reboul avance que l’idéologie est par définition partisane car « elle est partiale dans ses affirmations et polémique à l’égard des autres ». Polémique donc à l’égard des personnes maitrisant ou qui peuvent maitriser la langue française.

En résumé, les deux sources de presse ont employé des expressions appartenant au discours de haine pour qualifier les opposants dans ce débat sur l’intégration de la darija dans le premier cycle d’enseignement. Nous relevons également que la presse arabophone, connue pour son soutien au « régime » en place[22], n’a pas épargné la ministre de l’éducation nationale, car la question des langues parait sensible. Cette presse est liée à l’identité algérienne et à la religion musulmane. Pour leur part, les journaux francophones, souvent critiques envers le « système gouvernant » en Algérie, ont apporté un soutien sans faille à la décision de la ministre en tentant de se baser sur des études scientifiques sur l’intégration des langues maternelles dans l’enseignement[23].

 

6.  Sujet 2, introduction de l’anglais dans l’enseignement supérieur en 2019 : un débat biaisé

 

La question est de savoir quelle a été la réaction des deux presses quant à l’intégration de l’anglais dans l’enseignement supérieur. Rappelons brièvement que l’injonction du ministre Bouzid de remplacer l’enseignement de la langue française par la langue anglaise survient en plein mouvement de contestation contre le « système gouvernant » algérien[24]. Les principaux arguments avancés par le ministre sont :

  • éviter aux bacheliers l’échec de l’enseignement en langue française à l’université ;
  • renforcer la production scientifique avec la langue du savoir qui est l’anglais.

Dans la presse francophone, l’argument avancé contre cette mesure consiste à dire que la décision du ministre ne tombe pas au bon moment. Cette décision ressemble, selon Le Soir et El Watan à une manœuvre politicienne ayant pour but de « détourner l’opinion publique de ses revendications premières »[25] et « jeter de la poudre aux yeux [, …] chercher à éblouir les arabophones par un éclat illusoire »[26] . Sans être très critique, ni employer un discours haineux, les deux quotidiens ont ouvert leurs colonnes aux spécialistes, enseignants-chercheurs, pour aborder la question. Ces derniers ont qualifié la substitution du français au profit de l’anglais à l’université d’un « serpent de mer », un danger inutile, mis en avant par le pouvoir en place afin de « focaliser l’intérêt de l’opinion publique sur une question qui n’est pas aujourd’hui d’un intérêt vital pour l’avenir de l’Algérie ». Dans les colonnes d’El Watan du 11 juillet 2019 nous pouvons lire les explications rapportées par l’éminente linguiste algérienne Khaoula Taleb Ibrahimi, qualifiant la décision du ministre par « l’arbre qui cache la forêt ». Elle évoque la situation catastrophique que vivent les universités algériennes dans les propos suivants :

– Le niveau des étudiants en langues étrangères, quelles qu’elles soient, est particulièrement bas.
– La gestion administrative de l’université et très peu démocratique et se fait au – détriment des dimensions scientifique et pédagogique.
– La qualité du corps professoral est gérée en fonction du clientélisme et de la cooptation politique sans rapport avec la science et la déontologie.
– L’absence de documentation scientifique en anglais,
– Manque de formateurs d’anglais dès l’école primaire.

Au niveau des entretiens effectués, les trois journalistes contactés dans les rédactions des deux journaux mettent tous en avant le « timing inappropriée d’une décision aussi importante ». Ils insistent sur les revendications premières du Hirak et montrent du doigt une « injonction politique, voire idéologique propre au fonctionnement du système gouvernant algérien ». Pour nos répondants, la décision du ministre ne ressemble en aucun cas à une démarche scientifique ayant pour objectif d’améliorer l’enseignement supérieur. Ils s’appuient sur les constats de chercheurs pour dénoncer : « faibles encadrements, manque de formateurs, absence de la documentation scientifique, bacheliers monolingues, gestion administrative catastrophique à l’université ». Au Soir, comme à El Watan, les professionnels de l’information médiatique ne se montrent pas contre l’introduction de l’anglais dans l’enseignement supérieur, mais « sans position hégémonique et non pas au détriment d’autres langues », clament-ils. Unanimement, nos trois répondants rejoignent l’avis des chercheurs et de certains opposants au pouvoir pour dénoncer un faux débat.

Du côté de la presse arabophone, le ton est différent. Les deux journaux ne critiquent pas la décision du ministre de l’enseignement supérieur comme ils l’ont fait avec la ministre de l’éducation en 2015. Au contraire, leur discours suit le même cheminement que celui adopté pour dénigrer l’introduction de la darija. Notre étude nous permet de relever un discours de haine orienté vers la langue française, la France et les « francophones » en Algérie. Nous pouvons lire dans Echorouk du 4 septembre 2019 que « c’est à cause de l’enseignement du français que les Algériens ne maitrisent pas l’arabe ». Dans la même édition, certains enseignants-chercheurs, ayant suivi leur cursus en langue arabe, avancent même que « c’est à cause du français que la darija est devenue un dialecte impur ». Invité dans Ennahar du 5 septembre 2019, le président de l’association de défense de la langue arabe estime que « la langue arabe est marginalisée », que c’est « la langue française qui gouverne dans le pays » et conclut que « l’Algérie est toujours une colonie française ».

 6.1 Discours de haine affichée ou dissimulée

Notre analyse montre aussi que la presse arabophone a alterné entre discours de haine dissimulée et discours de haine affichée (Baider et Constantinou : 2019).

En ce qui concerne le discours de haine ouverte, Echorouk du 7 septembre 2019 s’attaque à l’écrivain Kamel Daoud et à tous ceux qui ont manifesté leur désaccord avec la décision du ministre. Le journal les désigne ouvertement par l’expression : « francophiles communistes et laïques ». L’éditorialiste du quotidien rapporte : « ces gens n’ont ni religion, ni principe. Ils sont guidés dans leur pensée par le diable. Ce sont des nouveaux colonisateurs ».

Dans un autre article intitulé « sauvons l’Algérie », publié le 13 septembre par Echorouk, l’auteur fait la promotion de la langue anglaise en écrivant : « nous militons pour que nos enfants apprennent l’anglais, langue du savoir et langue du monde, et non la langue de Marseille et ses environs ». Le journaliste explique plus loin que la langue française est une langue morte. Il cite :

Nous ne détestons pas la langue française que nos valeureux ancêtres parlaient pendant l’époque coloniale. C’est avec cette langue qu’ils ont combattu la France pendant la guerre de libération, mais maintenant on ne veut plus de cette langue morte qui a paralysé l’esprit des Algériens.

Dans ce même article, le journaliste emploie un discours de haine plus incitant à la violence physique et symbolique, comme en témoigne l’extrait suivant :

Il est temps de prendre le même chemin de nos valeureux moudjahidines [combattants] et de nos valeureux martyres contre ceux qui pérennisent l’idée gaulliste de garder une Algérie-française.

L’auteur termine son article en faisant référence à des versets coraniques et en sortant de leur contexte toutes les métaphores sur les animaux pour les associer aux « francophiles algériens ». Il jure au nom de Dieu que « les obscurantistes, les esprits dégradés et les terroristes de la pensée sont ces Algériens, pieds noirs, qui promeuvent la langue et les idées de la France coloniale ».

Ainsi, il est plus question, dans cet article, de faire le procès de la langue française et des Algériens défendant ou parlant simplement cette langue que de soutenir l’introduction de la langue anglaise au troisième cycle d’enseignement.

En ce qui concerne le discours de haine dissimulé nous nous contentons d’un seul exemple. Notre analyse s’effectue sur les résultats du sondage réalisé par le ministère de l’enseignement supérieur et publié dans le journal papier dans son édition du 7 août 2019. Il convient de souligner que le journal n’explique pas dans son article comment a été effectué l’échantillonnage et ne nous livre pas les questions qui ont été posées dans ce questionnaire. Ainsi, selon Echorouk, 95% des Algériens sont favorables à l’enseignement de l’anglais à la place du français. Le journaliste s’appuie dans son « analyse » sur les écrits d’une partie des internautes sur la page Facebook : « Campagne pour le remplacement du français par l’anglais dans tous les départements algériens ». Nous remarquons que le sujet ne concerne plus l’université, mais s’étend à toutes les questions sociétales et à tous les domaines de la vie quotidienne en Algérie. Ci-dessous quelques commentaires d’internautes sur la page Facebook du journal, rapportés par Echourouk[27], montrant un discours de haine et de racisme :

– Le français n’est utilisé que dans des pays africains sous-développés ;
– Il faut enterrer la langue française en Algérie ;
– Ceux qui veulent garder le français comme langue d’usage en Algérie sont des franco-sionistes.

 

Conclusion

 

Pour conclure cette étude, nous pouvons souligner que l’enseignement des langues étrangères et locales est un enjeu de poids pour l’Algérie. Nous rejoignons Dourari (2003 : 15) pour avancer avec lui que « La langue n’est plus perçue comme moyen de communication remplissant une fonction sociale déterminée. Elle est un critère d’appartenance idéologique ».

La classification des langues va donc « se conformer » davantage à des éléments historiques, politiques, économiques et sociaux qu’à des facteurs uniquement linguistiques.

Pour ce qui est des arguments avancés par les journalistes de la presse arabophone, les professionnels de l’information médiatique contactés mettent l’accent sur le fait qu’il n’y a aucun Algérien favorable à l’enseignement de la darija. « Tous les Algériens étaient contre », nous disent-ils. Ce discours représente un foyer prépondérant de l’identification collective. Les termes génériques dans l’énonciation de « tous les Algériens » incluent dans ce cas, tous les arabophones, francophones, berbérophones, à savoir ceux qui ont participé au débat, aussi bien que ceux qui ne sont pas concernés par la question. Le style d’écriture mobilisé par la presse arabophone se caractérise par une forte généralisation des propos. Ce style consiste à poser un cadre de véridicité, faisant passer les productions discursives et textuelles pour des évidences partagées, un « sens commun ». Nous retrouvons, donc, ce que Reboul (1980 : 22) définit comme une « pétition de principe », qui interroge la rationalité du discours idéologique. Cette idéologie s’est traduite dans les écrits journalistiques, notamment ceux des journaux arabophones.

Sans qu’elle soit forcément un véhicule de francophonie, la presse d’expression française s’est néanmoins montrée très critique en employant un vocabulaire acerbe et dénigrant pour désigner les opposants de l’enseignement de la darija à l’école.

Cette étude nous montre que les productions textuelles des deux presses révèlent un grand fossé entre le devoir des journalistes d’informer le citoyen de façon objective, suivant de forts principes déontologiques, et l’action journalistique menée dans la couverture de ce débat.

Enfin, ce travail montre également que le professionnel algérien de l’information médiatique prend en considération le discours de ses contributeurs, et que ces derniers promeuvent à leur tour cette forme de discours dans leurs interventions. C’est une sorte d’accord tacite qui répond à un contrat de communication, au sens de Charaudeau (1994), respectant informellement des figures d’écriture préétablies.

Pour ce qui est de l’avis personnel des journalistes dans les entretiens que nous avons recueillis sur l’enseignement de la darija à l’école primaire, ceux de la presse francophone y étaient favorables : « Il est prouvé scientifiquement que l’apprentissage des langues maternelles facilite celui des autres langues », nous confie un journaliste à El Watan. Du côté des quotidiens arabophones, un journaliste nous avoue :

Je ne peux accepter que mes enfants étudient la darija. L’école doit être un lieu qui sépare entre le langage qu’on utilise dans la rue avec celui d’une institution. L’enfant doit comprendre cette frontière pour mieux se concentrer dans ses études.

Ainsi, nous voyons émerger une représentation négative de la darija et un refus catégorique de son enseignement à l’école. Cela se traduit dans les écrits de cette presse par un discours de haine qui s’associe à plusieurs autres discours. « Il joue le rôle d’articulation argumentative pour inciter à refuser (et faire refuser) l’altérité » (Monnier et al. 2021 : page ou en ligne)

Il faut dire également que ce discours de haine s’est aussi traduit par des écrits basés sur le sensationnalisme « vendeur ». Ce qui montre un aperçu sur une orientation éditoriale « populiste » de certaines presses.

Notons que le ministre est revenu sur sa décision le 5 août en déclarant qu’il ne « s’agit pas de remplacer le français par l’anglais mais seulement de renforcer cette langue ». Il déclare dans les colonnes du Soir le 3 août que les classements des universités au niveau international se basent sur le volume de l’utilisation de l’anglais et le nombre d’étudiants étrangers qu’elles accueillent. « L’enseignement doit se faire en anglais pour pouvoir attirer des étudiants étrangers ». Signalons par ailleurs que Bouzid a été démis de ses fonctions, le 2 janvier 2020, juste après l’élection de Tebboune à la tête du pays.

Même si dans certaines affiches de conférences publiques de l’ancien Chef d’Etat-Major, décédé le 19 décembre 2019, le français a été remplacé par la langue anglaise, cette langue n’a jamais été introduite dans les cours à l’université. Cela conforte l’hypothèse stipulant que le lancement de cette polémique n’est que le fruit d’une conjoncture temporaire ayant pour objectif de détourner l’attention des revendications premières du Hirak.

 

Bibliographie

 

ARQUEMBOURG, Jocelyne, L’événement et les médias. Les récits médiatiques des tsunamis et les débats publics (1755-2004), Paris, Edition des Archives contemporaines, 2011.

BAIDER, Fabienne, CONSTANTINOU, Maria, « Discours de haine dissimulée, discours alternatifs et contre-discours : Définition, pratiques et propositions », SEMEN, n.47, 2019, p.1-14.

CALVET, Louis-Jean, Le marché aux langues. Les effets linguistiques de la mondialisation,

Paris, Plon, 2002.

CHARAUDEAU, Patrick, « Le discours publicitaire, genre discursif », MScope, n.8, 1994, p. 34-44.

CHARAUDEAU, Patrick, « La pathémisation à la télévision comme stratégie d’authenticité », dans PLANTIN, Christian, DOURY, Marianne, TRAVERSO, Véronique, Les émotions dans les interactions, Lyon, PUL, 2000, p. 125-155.

CHARAUDEAU, Patrick, « Des Catégories pour l’Humour ? », Questions de communication, n. 10, 2006, p. 19-41

CHEMERIK, Fateh, SEDDIKI, Zinab, « Entreprises de presse francophone algérienne et mobilisation du parler populaire : dans quel genre et pour quel objectif ? », in LACHKAR, Abdennebi, DIAB-DURANTON, Salem, AMSIDDER, Abderrahmane (éds.), Médias numériques, langues, discours, pratiques et interculturalité, Actes du colloque d’Agadir, 2016, p. 295-304.

CHEMERIK, Fateh. La mobilisation du parler populaire dans la presse francophone algérienne. Repérage et analyse des stratégies des acteurs médiatiques à partir de la couverture du match Égypte-Algérie de novembre 2009 (Thèse de doctorat, Université Grenoble Alpes, Grenoble), 2018. [en ligne] :https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02290644/document (consulté le 17 juin 2020).

CHEMERIK, Fateh, « Le processus de scénarisation du « nous » contre le « eux » dans la couverture médiatique du match Égypte-Algérie : de la stratégie de captation au discours du mépris », Lidil, n. 61, 2020, p. 1-15,

CHEMERIK, Fateh, « La question de la transparence dans le discours médiatique de la presse algérienne lors des élections présidentielles en Algérie : Entre défiance et méfiance ». SociologieS, n. ?,2020, p. 2-12.

CHEMERIK, Fateh, « Le rôle du parler populaire dans la structuration du discours médiatique de la presse algérienne lors d’un évènement sportif : Le cas du match Égypte-Algérie 2009 », Communication, n. 38/1. Printemps 2021, p. 1-23.

COLOMB, Dominique, « Discours et dispositifs ‘lointains’. Entre altérité et interculturalité », Questions de communication, n. 4, 2003, p.71-81.

DOURARI, Abderrezak, Les malaises de la société algérienne : crises de langues et crise d’identité, Alger, Casbah, 2003.

DURKHEIM, Émile, « Représentations individuelles et représentations collectives », Revue de métaphysique et de morale, VI. 1898. (Édité aussi en chapitre d’ouvrage, p.1-14 in DURKHEIM, Émile, Sociologie et Philosophie, Quadrige, PUF, 2014.)

GRANDGUILLAUME, Gilbert, « Langue arabe en Algérie et à Mayotte », il n’y a pas de nom de revue ou de volume ? 2006 [en ligne] : www.ggrandguillaume.fr/titre.php?recordID=90  (consulté le 25 janvier 2020).

HASSANI, Zohra, « La réforme du système éducatif en Algérie : quels changements dans les pratiques des enseignants ? », Insaniyat, n. 60-61, 2013, p. 11-27.

JODELET, Denise, « Représentations sociales, phénomènes concepts et théories », in MOSCOVICI, Serge, Introduction à la psychologie sociale, vol 1, Paris, PUF, 1984, p. 45-78.

KERBRAT-ORECCHIONI, Catherine, L’énonciation de la subjectivité dans le langage. Paris, Armand Colin, 1980.

KOSELAK, Arkadiusz, « Mépris/dédain, deux mots pour un même sentiment ? », Lidil, n. 32, 2005, p. 21-34.

KRAEMER, Gilles, « La presse francophone en Méditerrané, anomalie d’un média de mass national en langue non nationale », Réseaux, n. 111, 2002, p. 194-214.

LAFOREST, Marty, VINCENT, Diane. « La qualification péjorative dans tous ses états ». Langue française, n. 144, 2004, p. 59-81.

LAMIZET, Bernard, « Esthétique de la limite et dialectique de l’émotion », Mots. Les langages du politique, n.75, 2004, p.35-45.

LITS, Marc, Du récit au récit médiatique, Bruxelles, De Boeck Supérieur, 2008.

MERCIER, Arnaud, AMIGO Laura, « Tweets injurieux et haineux contre les journalistes et les « merdias » », Mots. Les langages du politique, n. 125, 2021, p. 73-91.

MIGNOT Pierre. Étude diachronique des représentations médiatiques des publics du football dans l’Équipe de 1946 à 2010. Thèse de doctorat en Sciences de l’information et de la communication. Université Toulouse le Mirail – Toulouse II, 2014.

MONNIER, Angeliki, SEOANE, Annabelle, HUBÉ, Nicolas, LEROUX, Pierre, « Discours de haine dans les réseaux socionumériques », Mots, n. 125, 2021, p. 9-14.

MOSCOVICI, Serge, La psychanalyse, son image et son public, Paris, PUF, 1961.

MOSTEFAOUI Belkacem, Médias et liberté d’expression en Algérie : repères d’évolution et éléments d’analyse critique, Alger, El Dar El Othmania, 2013.

REBOUL, Olivier, Langage et idéologie, Paris, PUF, 1980.

RINGOOT, Roselyne, Analyser le discours de presse, Paris, Armand Colin, 2014.

ROSIER, Laurence, Petit traité de l’insulte. Loverval, Labor, 2006.

SEDDIKI, Zinab, « L’alternance codique, un geste professionnel à plusieurs fonctions : étude comparative entre disciplines linguistique et non-linguistique dans une université algérienne », Contextes et didactiques, n. 16 | 2020, [En ligne] : http://journals.openedition.org/ced/2277 (consulté le 31 août 2021).

SERGE MOSCOVICI, La psychanalyse, son image et son public. Étude sur la représentation sociale de la psychanalyse. Paris, PUF, 1961.

TALEB IBRAHIMI, Khaoula, Les Algériens et leur(s) langue(s) : éléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne, Alger, El hikma, 1995.

VINCENT, Diane, LAFOREST, Marty, TURBIDE, Olivier, « Pour un modèle d’analyse fonctionnel du discours d’opposition : le cas de la trash radio », in MOÎSE, Claudine, AUGER, Nathalie, FRACCHIOLLA, Béatrice, SCHULTZ-ROMAIN, Christina, La violence verbale, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 81-108.

WARNER, William, HIRSCHBERG, Julia, « Detecting hate speech on the world wide web», in OWSLEY SOOD, Sara, NAGARAJAN, Meenakshi, GAMON, Michael, Proceedings of the Second Workshop on Language in Social Media, Stroudsburg, Association for Computational Linguistics, 2002, p. 19-26.

 


[1] La darija est constituée d’un mélange de langues arabe, tamazight, français, anglais, turc, italien, espagnol. Cependant, il faut noter que cette appellation implique souvent dans l’usage courant un jugement de valeur, dans la mesure où aucun de ces termes ne désigne une langue de statut officiel (CHEMERIK 2020). Certains auteurs ayant étudié les langues en présence, les représentations et les contacts des langues en Algérie attribuent à la darija le statut de langue vernaculaire. Grandguillaume (2006) écrit au sujet des langues premières en Algérie et à Mayotte : « La langue arabe parlée, dite arabe dialectal, est la langue maternelle de la majorité de la population. Langue de la vie quotidienne, son utilisation à l’écrit est condamnée par les États arabes (Congrès de Tripoli, 1975) comme attentatoire à l’unité arabe – elle est différente selon les régions –, et de fait aucun État arabe ne le fait. L’Algérie a adopté ce point de vue ».

[2] Tamazight, c’est la langue des Imazighen [« hommes libres »]. Une variante du berbère, elle est souvent associée aux Kabyles, alors qu’elle englobe dans sa composante, en plus du kabyle, en Algérie, le chaoui, le tergui, le mzabi… Au Maroc, le tamazight (ou amazigh) est particulièrement rattaché aux régions du Rif et à la langue chelhi. D’autres régions en Afrique du nord (Tunisie, Lybie, Egypte) au Sahel (Niger, Mali, Mauritanie) et aux Îles Canaries parlent aussi des variantes de cette langue.

[3] Depuis 2016 et après de longues contestations, le tamazight a été reconnu comme la 2ème langue officielle du pays.

[4] Serge Moscovici (1961).

[5] La polémique est survenue en plein Hirak. Ce dernier est un mouvement citoyen qui s’est déclenché en février 2019 contre l’éventuel cinquième mandat du président déchu Bouteflika et qui réclame le départ de tout « le système gouvernant » en Algérie. Le Chef d’État-Major de l’armée Ahmed Gaïd Salah « surfe » sur la vague, monte au créneau et réclame l’application de l’article n. 102 de la Constitution algérienne. Cet article permet la destitution du président pour cause de maladie. Deux mois plus tard, Ahmed Gaïd Salah entame une purge au sein du cercle de Bouteflika, désigné par « El issaba » [La bande]. Il ordonne son arrestation et lui a attribué le terme « Adhnab faransa ». Littéralement, cette désignation se traduit par [« Les queues de la France »]. L’esprit de cette appellation est tellement haineux et péjoratif que nous préférons le présenter comme [« les serviteurs de la France »]. Ahmed Gaïd Salah affirme avoir répondu à « la volonté du peuple » et appelle à la tenue des élections présidentielles. C’est dans ce contexte que le nouveau ministre de l’éducation réclame la substitution de la langue française au profit de la langue anglaise dans l’enseignement supérieur. Ce qui a fait naitre une seconde polémique, également étudiée dans ce travail.

[6] Pour l’information en général, tout comme pour l’évènement, le discours de presse est alimenté par des discours sociaux que les acteurs ont intérêt à transmettre aux journalistes et que ces derniers jugent intéressant, voire importants, de rendre visibles (RINGOOT 2014, CHEMERIK 2021).

[7] Nous rejoignons également Rosier (2006 : 19) pour considérer avec elle que l’insulte, c’est « faire acte d’agression », et l’injure, « c’est provoquer des dommages ». Il est extrêmement difficile de distinguer les deux termes souvent présentés comme synonymes.

[8] Le dénigrement suppose une intention de rabaisser et se manifeste dans des actes de langage menaçants. Nous envisageons donc le dénigrement comme un acte qui peut engendrer de l’insulte et inciter, ouvertement ou implicitement, à des actions violentes et brutales envers l’adversaire.

[9] Nous pensons le mépris comme un sentiment traduit dans des écrits ayant souvent une tonalité de rabaissement à l’encontre d’un adversaire jugé indigne. Ce sentiment porte en lui un jugement de valeur morale « nécessaire pour légitimer un acte de mépris » (KOSELAK 2005 : 5).

[10] Le sarcasme est une sorte « d’hyperbolisation du négatif » selon Charaudeau (2006 : 27). Nous pouvons établir ici une analogie avec le mépris qui se manifeste aussi comme une des formes d’un sentiment négatif.

[11] Nous considérons la qualification péjorative comme toute forme axiologiquement négative (KERBRAT-ORECCHIONI 1980). Cette forme est employée pour désigner de façon dépréciative une personne (LAFOREST et VINCENT 2004), une population ou une nation.

[12] La version papier du journal Ennahar a arrêté de paraître depuis l’incarcération de son propriétaire le 12 février 2020. Les 5 articles étudiés du journal pour le deuxième sujet sont tirés du site internet du journal.

[13] Les entretiens semi-directifs ont été réalisés entre juin 2019 et février 2020.

[14] L’ensemble des acteurs du système éducatif, (ministre de l’éducation, Enseignants, pédagogues, enseignants chercheurs, experts nationaux et internationaux, associations de parents d’élèves, syndicats…), se sont réunis, à Alger entre le 24 et 25 juillet 2015, pour faire le diagnostic de la mise en œuvre de la réforme de l’éducation de 2003. Cette réforme, note Hassani (2013 : 12) s’inspire « des résultats de recherches mettant en avant le paradigme socioconstructiviste. Ce paradigme induit la nécessité de passer de la logique d’enseignement à la logique d’apprentissage pour viser le développement, chez l’élève, de compétences transférables dans différents contextes ».

[15] Voir, l’article-commentaire : La réforme du système éducatif en Algérie : Quel diagnostic ? Le Soir du 26/06/2015.

[16] https://www.jeuneafrique.com/mag/258875/politique/algerie-la-ministre-de-leducation-nouria-benghabrit-remaoun-face-a-la-fronde/ consulté le 15 juin 2019. Ces propos ont été repris par le journal El Watan dans un article titré : « un complot contre Benghabrit » et publié le 25 aout 2015.

[17] La ligne éditoriale du doyen des journaux francophones algériens est présentée comme anti-islamiste. Le quotidien a subi dans les années 1990 une attaque terroriste qui a couté la vie à quatre de ses journalistes.

[18] L’expression apparait dans les colonnes d’El Watan du 29/08/2015 et du Soir du 11/08/2015

[19] Voir Le Soir du 06/08/2015.

[20] Le terme est également employé par le journal dans le même numéro.

[21] Voir Echorouk du 5 août 2015.

[22] Ce soutien s’explique par le fait de vouloir bénéficier de la publicité étatique (Chemerik : 2018, 2020), (Mostefaoui : 2013).

[23] Ce soutien vaut aussi pour la généralisation de la langue tamazight dans l’enseignement à partir de l’école primaire dans l’ensemble du territoire national. Plusieurs linguistes à l’instar de Taleb Ibrahimi et d’autres chercheurs dans différentes disciplines humaines et sociales tels que Zaoui ont été invités à s’exprimer sur le sujet.

[24] Malgré l’élection de Tebboune comme président en décembre 2019 ; le taux d’abstention a atteint pour la première fois en Algérie 61.22%°, les manifestations pacifiques continuent de réclamer le départ de tout le système et d’exiger un état de droit.

[25] Voir Le Soir du 30/07/2019.

[26] Voir El Watan du 30/07/2019.

[27] Voir Echorouk du 07/08/2019.


 

Per citare questo articolo:

Fateh CHEMERIK, « L’idéologie partisane dans le discours de haine sur l’intégration des langues à l’école algérienne », Repères DoRiF, n. 26 – Les discours de haine dans les médias : des discours radicaux à l’extrémisation des discours publics, DoRiF Università, Roma, novembre 2022, https://www.dorif.it/reperes/fateh-chemerik-lideologie-partisane-dans-le-discours-de-haine-sur-lintegration-des-langues-a-lecole-algerienne/

ISSN 2281-3020

Quest’opera è distribuita con Licenza Creative Commons Attribuzione – Non commerciale – Non opere derivate 3.0 Italia.