Laura ABOU HAIDAR

 

Ce que la didactique doit à la phonétique : l’hypothèse du chaînon manquant[1]

 

 

Laura Abou Haidar
Université Grenoble Alpes, Laboratoire LIDILEM
laura.abou-haidar@univ-grenoble-alpes.fr


 

Résumé

Dans l’histoire des méthodologies d’enseignement des langues, le dispositif mis en place pour l’enseignement des langues dans l’armée américaine, plus connu sous l’appellation « American speech training program » (désormais ASTP) (Palmer et al., 1948) est considéré comme une étape majeure ayant permis l’exploitation massive et systématique à visée didactique de supports sonores, à l’époque des bandes magnétiques. Le cadre méthodologique de référence est celui de la méthode audio-orale,

« fortement inspirée par les linguistes structuralistes et distributionnalistes (Zelling et Harris) et par la psychologie behavioriste de l’apprentissage (Skinner). L’Audio-Lingual Method (A.-L. M.) visait à faire acquérir des automatismes dans la langue étrangère (…). Fondée sur la répétition, la base pédagogique des exercices est apportée par une gamme très variée d’exercice structuraux phonétiques, mais surtout syntaxiques, construits sur le schéma skinnérien (…) » (Cuq [dir.], 2003 : 28).

Il est généralement admis que l’Europe et en particulier la France pour ce qui est de l’enseignement des langues étrangères (désormais LE), ont grandement bénéficié de la diffusion de cette méthodologie, à laquelle on attribue communément l’expansion du laboratoire de langue à visée didactique. Les auteurs ont coutume de considérer que le recours massif au laboratoire de langue pour l’enseignement des LE date de la méthode audio-orale (Germain, 1993), héritée du programme ASTP.

Or il est un épisode que l’histoire des méthodologies d’enseignement des langues n’a peut-être pas considéré à sa juste valeur : il s’agit de l’influence qu’a pu avoir Théodore Rosset et son enseignement de la phonétique à visée didactique à Grenoble dans la première partie du XXème siècle, mais aussi plus  généralement, l’importance du transfert des savoirs et savoir-faire, depuis la France vers les Etats-Unis, de l’enseignement des langues basé sur les technologies, dans la période précédant la Première Guerre mondiale.

Ce sont ces éléments qui seront au cœur de cette contribution : on y abordera dans un premier temps, dans une rétrospective historique, l’émergence puis la place centrale occupée par l’enseignement de la phonétique à visée didactique aux étudiants et enseignants étrangers à Grenoble au début du XXème siècle. On fera ensuite un focus sur le public américain, qu’il soit civil ou militaire, qui a fréquenté les cours du Comité de patronage des étudiants étrangers (CPEE) dès 1898, et ce jusqu’à la veille de la deuxième guerre mondiale. Notre réflexion a pour objet de soumettre aux preuves historiques, l’hypothèse d’un « chaînon manquant » dans l’histoire des méthodologies d’enseignement des langues.

 

Abstract

In the history of language-teaching methodologies, the system set up for language teaching in the American army, better known as the “American Speech Training Program” (ASTP) (Palmer et al., 1948), is considered a major step that allowed for the massive and systematic use of sound media for didactic purposes during the era of magnetic tapes. The methodological framework of reference is the audio-oral method,

« fortement inspirée par les linguistes structuralistes et distributionnalistes (Zelling et Harris) et par la psychologie behavioriste de l’apprentissage (Skinner). L’Audio-Lingual Method (A.-L. M.) visait à faire acquérir des automatismes dans la langue étrangère (…). Fondée sur la répétition, la base pédagogique des exercices est apportée par une gamme très variée d’exercice structuraux phonétiques, mais surtout syntaxiques, construits sur le schéma skinnérien (…) » (Cuq [dir.], 2003 : 28).

It is generally accepted that the field of foreign-language teaching in Europe, and particularly in France, has benefited greatly from the spread of this methodology, to which the expansion of the language laboratory for teaching purposes is commonly attributed. Authors often consider that the massive use of the language laboratory for teaching foreign languages dates back to the audio-oral method (Germain, 1993), inherited from the ASTP program.

However, there is an episode in the history of language-teaching methodologies that has perhaps not been fully appreciated: the influence of Théodore Rosset and his teaching of phonetics for didactic purposes in Grenoble in the first part of the twentieth century. More generally, the importance of the transfer of knowledge and skills from France to the United States in technology-based language teaching in the period leading up to the First World War has also been underestimated.

These are the aspects at the heart of this paper: we will first address, in a historical retrospective, the emergence and central place of the teaching of phonetics for didactic purposes to foreign students and teachers in Grenoble at the beginning of the twentieth century. We will then focus on the American public, both civilian and military, who attended the Comité de patronage des étudiants étrangers (CPEE) courses from 1898 until the eve of the Second World War. The purpose of our reflection is to submit to historical evidence the hypothesis of a “missing link” in the history of language-teaching methodologies.


1. La phonétique au service de la didactique avec Théodore Rosset

L’histoire de la phonétique en Europe, ainsi que l’articulation entre phonéticiens français, italiens et allemands notamment, a fait l’objet de plusieurs publications scientifiques (voir en particulier Galazzi 2002 et Boë & Vilain 2010). Galazzi (2002) met en lumière les relations historiques privilégiées entre la phonétique et l’enseignement des langues et fait découvrir à ses lecteurs des travaux tels que ceux du philologue Léon Clédat datant de 1890, ou ceux de Gustav Rollin de 1892 : ces publications mettent en avant le rôle de la phonétique dans l’enseignement du français auprès des étudiants étrangers. A l’époque où Clédat et Rollin faisaient état de leurs travaux, la phonétique est déjà entrée dans une période faste qui va s’étaler sur quelques décennies dans certains pays européens. En France, la phonétique va bénéficier :

  • de l’engagement de Paul Passy (1859-1940) à l’Ecole des Hautes Etudes,
  • du génie créateur de l’Abbé Rousselot (1846-1924), fondateur du laboratoire de phonétique du Collège de France et un des « pères créateurs » de la phonétique moderne,
  • et de la contribution de son élève Théodore Rosset (1877-1961), fondateur du laboratoire de phonétique de Grenoble en 1905.

La contribution fondamentale d’Etienne-Jules Marey (1830-1904), médecin, physiologiste, inventeur de la chronophotographie, doit être mentionnée pour compléter ce contexte fondateur. Teston met en avant le rôle déterminant de Marey (Teston, 2004 et 2010) pour la reconnaissance de la phonétique comme discipline scientifique.

C’est principalement à ces spécialistes à qui la phonétique doit son existence comme discipline constituée. Comme l’écrit Galazzi (2010) :

« La phonétique, à ses débuts, et pendant le premier quart du XXème siècle, est une affaire essentiellement européenne : l’Association Phonétique Internationale est un réseau planétaire qui rayonne, depuis Bourg-la-Reine, de l’Australie à Zanzibar en passant par les USA (2 inscrits en 1887, 40 en 1897, 34 en 1901). Par ailleurs, de jeunes chercheurs de tous les pays se rendent à Paris pour suivre les cours de phonétique expérimentale de l’Abbé Rousselot dont le laboratoire sert de modèle pour des installations analogues aux quatre coins du monde ».

Cette « influence internationale de l’abbé Rousselot » (Boë et Vilain, 2010) traduit le succès de la « phonétique expérimentale » qu’il prône et qui constitue un véritable tournant dans le champ scientifique comme le montrent les travaux que nous venons de citer. Pour un panorama aussi détaillé que passionnant de l’émulation scientifique et pédagogique qui se propage à l’époque à travers toute l’Europe, Le son à l’école de Galazzi (2002) constitue une référence incontournable. L’auteure évoque notamment la manière dont, « dans les deux dernières décades du XIXème siècle, la phonétique avait acquis droit de cité dans de nombreuses universités » (2002 : 97), et met en avant le rôle de ces « phonéticiens-pédagogues » :

« Si l’on en croit les témoignages de l’époque, chez la plupart des phonéticiens la prononciation était excellente : Sweet et Ellis prononçaient remarquablement l’allemand, Storm l’anglais et le français, Trautmann I’ anglais, Sievers le français et l’anglais. Quant à Passy, il était polyglotte depuis son enfance. La majorité d’entre eux étaient aussi enseignants de langues, auteurs d’ouvrages destinés à la classe, collaborateurs aux célèbres cours d’été qui, après Greifswald, florissaient un peu partout en Europe. A travers les cours d’été la bonne nouvelle phonétique était diffusée parmi les enseignants de tous les pays ». 

(Galazzi, 2002 : 97)

Ces cours d’été se sont diffusés en Europe dans un contexte favorable dans lequel s’exprimaient « des besoins langagiers croissants, chez des publics très divers » (Christ, 1997 : 159), à une époque où les « communications internationales se sont multipliées » (Ibid.) et où « les moyens de communication sont devenus plus rapides et plus commodes (le chemin de fer, le bateau à vapeur, le télégraphe, le téléphone) » (Ibid.). C’est ainsi que des formations sont mises en place à destination d’étudiants étrangers, aussi bien sur la période estivale que lors de l’année universitaire, à Grenoble comme nous le verrons plus loin, mais aussi « à Paris et à Nancy, à Genève et à Liège, à Lausanne et à Neuchâtel, et – pour d’autres langues – à Marburg en Allemagne et à Londres et à Cambridge en Grande Bretagne » (Ibid.).

L’intérêt pour la phonétique avait traversé l’océan Atlantique dans les dernières décennies du XIXème siècle, puisque Passy et Rousselot sont cités explicitement par Watts (1963 : 116) en tant que « early leaders » du mouvement de prise en compte de la phonétique dans l’enseignement des langues aux Etats-Unis. Ariane Ruyffelaert, qui a travaillé sur l’exploitation de la méthode directe pour l’enseignement du français aux Etats-Unis dès les années 1880 (Ruyffelaert, 2020), montre bien que la phonétique est présente dans cet enseignement.

A Grenoble, au croisement du XIXème et du XXème siècle, se joue une partition qui est relativement passée sous silence dans l’histoire des méthodologies d’enseignement du français langue étrangère, et qui doit sa renommée aux travaux de quelques rares spécialistes à la croisée de la didactique et de la phonétique, en premier lieu Enrica Galazzi, mais aussi Dominique Abry et Louis-Jean Boë entre autres.

En 1896, un groupe de notables et universitaires grenoblois, soucieux de l’attractivité et du rayonnement de Grenoble et de son territoire à l’international, est à l’origine de la création du Comité de patronage des étudiants étrangers (désormais CPEE)[2], partant du principe que l’efficacité de la promotion et de la diffusion de la langue et de la culture françaises à l’étranger serait amplifiée si elle devait être assurée par des étudiants « ambassadeurs » ayant appris le français (à Grenoble en l’occurrence). C’est ainsi que l’enseignement universitaire du français destiné aux étudiants étrangers naît au sein de l’université grenobloise dès 1896 ; il est impulsé par des universitaires qui tiennent à un enseignement « scientifique et moderne » de la langue. Le premier à suivre les cours est un étudiant allemand. Les effectifs suivent une augmentation exponentielle, puisqu’en 1904-1905, 265 étudiants sont inscrits aux cours annuels, et 370[3] aux cours dispensés pendant la période estivale (« cours de vacances »).

Dès 1902-1903[4], un cours de phonétique du français moderne est assuré auprès des étudiants étrangers de l’université de Grenoble, par un certain M. Colardeau. En 1903-1904, un pas en avant est fait par rapport à l’enseignement de la phonétique, puisque le CPEE sollicite Paul Passy :

« Pour rendre notre enseignement plus complet et lui donner plus de valeur, nous avons fait appel (…)  à M. Paul Passy, sous-directeur de l’Ecole des Hautes Etudes, un des créateurs et un des maitres reconnus de l’enseignement de la phonétique. (…) Après avoir écouté sa parole si claire et si savante, nos auditeurs ont emporté le souvenir que l’enseignement de la phonétique avait ses maîtres en France comme en Allemagne et que l’Université de Grenoble ne négligeait rien pour être à la hauteur des nécessités de l’enseignement moderne ».

(René Raymond, Rapport annuel du CPEE, 1904, p. 5)[5]

En 1904, un nouveau professeur de phonétique, élève de l’Abbé Rousselot, est engagé par le CPEE : Théodore Rosset. Dès son arrivée il créé le laboratoire de phonétique de Grenoble. L’enseignement de la prononciation fait partie intégrante des contenus proposés quotidiennement aux étudiants étrangers, selon des modalités détaillées par Raymond dans son Rapport annuel du CPEE (1905) :

« Les efforts ont porté surtout sur l’enseignement de la prononciation : chaque semaine deux heures étaient employées à l’étude théorique et expérimentale de la phonétique française ; une fois par semaine les étudiants étaient réunis dans l’après-midi au laboratoire où on leur faisait constater et vérifier les faits et les principes exposés au cours théorique. Les exercices pratiques ont été conçus dans un esprit nouveau : les leçons de lecture étaient individuelles et méthodiques. Avant de passer à la lecture de textes suivis, on s’assurait que chaque étudiant prononçait correctement toutes les articulations françaises, une à une d’abord, puis groupées ; le cas échéant, on rectifiait les erreurs ; une articulation correcte de tous les sons étant une fois acquise, on passait alors à l’étude de la diction, et l’on a retiré de grands avantages de l’emploi régulier des auditions phonographiques. (…) Les auditeurs qui prenaient part aux exercices pratiques avaient libre entrée tous les soirs au laboratoire de phonétique où ils constataient par eux-mêmes la réalité des défauts qu’on relevait dans leur prononciation, et où ces erreurs étaient, à l’occasion, redressées à l’aide des appareils ».

(René Raymond, Rapport annuel du CPEE, 1905, pp. 5-6)[6]

Boë et Vilain (2010, p. 14) ne s’y trompent pas lorsqu’ils considèrent que le contexte grenoblois

« a offert (…) pour la phonétique expérimentale l’exemple d’une institutionnalisation soutenue (…). Cette réussite est vraisemblablement due à une heureuse conjonction : la reconnaissance de la phonétique expérimentale comme discipline fondamentale pour l’apprentissage des langues étrangères, le dynamisme du Comité de patronage grenoblois et la personnalité de Théodore Rosset ».

Les locaux de l’Institut de phonétique sont décrits dans le détail par Daniel Jones dans Le Maître phonétique paru en 1909 :

“The Institute contains a lecture theatre, a phonographic classroom, five other permanent classrooms, facilities being afforded for the use of several others, if neccessary, a large laboratory fitted with phonetic apparatus, a professors’ room, a photographic dark room, etc.”.

(Daniel Jones, 1909, Le Maître phonétique, source : Boë & Vilain, 2010, p.114)

Le dispositif pédagogique mis en place par Rosset, ainsi que les principes théoriques qui le sous-tendent, sont minutieusement décrits et analysés par Galazzi (1995, 2002) et Abry, Boë, & Rakotofiringa (1997) : les auteurs se penchent sur les Exercices pratiques d’articulation et de diction de Rosset, dont les éditions successives depuis la 1ère, en 1905, jusqu’à celle de 1925, traduisent non seulement les principes défendus par Rosset pour la prise en compte de l’enseignement de la prononciation dans l’enseignement de la langue française, mais également certaines évolutions scientifiques ayant fait l’objet de vifs débats parmi les spécialistes de l’époque.

On découvre tout d’abord dans ces Exercices pratiques d’articulation et de diction une approche qualifiée à juste titre par Galazzi (2002) de « novatrice » : « elle tirait largement profit des progrès prodigieux que la phonétique expérimentale venait de connaître avec l’abbé Rousselot » (Ibid., 81). Cette approche était particulièrement moderne : la phonétique y est conçue comme partie intégrante de l’enseignement de la langue française, et cet enseignement est déjà éminemment plurisensoriel puisque Rosset y couple la vue et l’audition, la production et la perception. On y sollicite en effet :

  • la vue à travers l’utilisation de certains instruments de visualisation et d’analyse du mouvement phonatoire présents à l’époque au laboratoire,
  • et, en parallèle, l’audition, à travers le phonographe, dans une approche aussi bien collective qu’individualisée puisque Rosset recevait tous les soirs chaque étudiant pour une séance spécifique, toutes ces informations étant consignées dans les archives du CPEE.

Mais la conception des éditions successives des Exercices pratiques… ne tarde pas à être impactée par le vif débat qui a cours à l’époque au sujet la question de la transcription phonétique[7], et en particulier l’opportunité du recours à l’Alphabet phonétique international (A.P.I.), qui doit beaucoup à l’engagement de Paul Passy. « L’ancêtre de l’A.P.I. que nous connaissons fut mis au point collectivement avec patience et persévérance par les membres de l’Association Phonétique Internationale et adopté, après une consultation générale, en 1888 » (Galazzi, 2002 : 143). Or, ce n’est pas cet alphabet que Rosset adopte dans l’édition de 1909 des Exercices pratiques…, mais un autre, conçu par Rousselot et Gilliéron (Ibid.) et considéré comme plus accessible, moins éloigné de l’orthographe française, et plus adapté à un usage pédagogique. Ce refus de l’A.P.I. est en réalité un rejet, par Rosset, des principes à visée universelle qui le fondent : le débat qui s’en suit est vif dans la communauté scientifique. Arguments et contre-arguments trouvent place notamment dans la publication Le Maître phonétique, dans laquelle Daniel Jones, formé par Henry Sweet et Paul Passy, fait une analyse critique élogieuse des Exercices pratiques… de Rosset, tout en formulant une réserve importante relative au refus par Rosset d’adopter l’A.P.I. :

“The objection consists in the phonetic alphabet used. Professor Rosset does not use the alphabet of the Association of Phonetics, but has adopted that invented by Rousselot (…). We do not say that the alphabet used is a bad one. That is certainly not. Like all other systems it has its merits and defects, its particular merit being that it approaches somewhat nearer to ordinary French spelling than is the case with the Association Phonétique system. But this merit is, in our opinion, more than counterbalanced by the defect, which in fact follows as a consequence, that the system is essentially a one language system; it is not one which can conveniently be applied to any other languages than French”.

(Daniel Jones, 1909, Le Maître phonétique, source : Boë & Vilain, 2010, p.115)

Rosset se défend en présentant son point de vue, mais il finit par se laisser convaincre en ayant recours à l’A.P.I. pour l’édition de 1912 des Exercices pratiques…. Grenoble cesse donc d’être cet « îlot rebelle qui risque d’être coupé du reste du monde phonétique » (Galazzi, 2002 : 153).

Le recours au phonographe et aux différents instruments d’exploration du signal de parole, couplé à des activités telles que l’écoute et la répétition dans le cadre d’une approche aussi bien individualisée que collective, trouvent un écho particulier auprès d’un public d’apprenants de plus en plus nombreux fréquentant le CPEE à l’aube du XXème siècle. La phonétique et l’enseignement de la prononciation sont particulièrement valorisées dans les rapports annuels du CPEE, que ce soit à travers l’attention portée aux dispositifs d’enseignement mis en place (qui sont longuement détaillés certaines années), le recrutement pérenne d’un spécialiste en la personne de Théodore Rosset, la création de l’Institut de phonétique, le recours à Paul Passy pour intervenir dans une session de formation, ou encore, au cours de l’année 1907-1908, la création d’un Diplôme d’études supérieures de phonétique[8], autorisé par les autorités ministérielles sur proposition de la Faculté des Lettres de Grenoble. Ce diplôme atteste, entre autres, du fait que les professeurs qui en sont titulaires « sont au courant des diverses méthodes employées dans les études phonétiques et sont capables d’enseigner la prononciation » (Rapport annuel du CPEE, 1908 : 13). Le rapport de l’année suivante mentionne le fait que Ferdinand Brunot, un des pionniers de la phonétique et professeur à la Sorbonne, a présidé la première session de ce nouveau diplôme. Ferdinand Brunot intervient l’année suivante lors de la session des cours d’été.

Si nous centrons notre propos sur la phonétique pratique et expérimentale de Rosset, il est important de noter que des tensions importantes traversaient les disciplines en voie d’émergence que sont la phonétique et la linguistique, ainsi que des « antagonismes » (Bonnot et Boë, 2010) qui étaient sans doute le reflet de questions d’ordre épistémologique entre philologues, dialectologues, historiens de la langue, ou praticiens expérimentalistes.

2. Des formations attractives qui misent sur l’international

En 1897, les cours mis en place par le CPEE accueillent un seul étudiant, de nationalité allemande. Mais comme évoqué plus haut, l’augmentation des effectifs a été particulièrement rapide (voir Figure 1). Les étudiants internationaux suivaient les cours du CPEE dans le cadre de deux dispositifs :

  • Un dispositif annuel, destiné aux étudiants qui étaient parallèlement intégrés dans les facultés grenobloises (Lettres, Droit…) pour leurs études.
  • Un dispositif de cours de vacances, proposé entre les mois de juin à octobre en général, et qui était destiné à un public qui visait spécifiquement cette formation linguistique et culturelle qui s’accompagnait de nombreuses activités de découverte non seulement de Grenoble et de ses environs immédiats, en particulier les Alpes, mais aussi plus généralement le quart sud-est de l’Hexagone. Les contenus de ces cours de vacances étaient très variés : une consolidation linguistique et phonétique était proposée, parallèlement à des cours de littérature, histoire, géographie, philosophie, etc. Les Alpes françaises sont mises à l’honneur lorsque cela est opportun. Cette diversité se maintient au fil des ans : en 1922, le rapport annuel du CPEE mentionne p.3 que « l’organisation des cours resta ce qu’elle est depuis nombre d’années. La matinée (…) réservée aux cours et exercices pratiques de langue et de phonétique ; l’après-midi (…) aux cours de littérature, de philosophie, d’histoire, etc. ».

Nous avons choisi de focaliser sur ce public qui venait des quatre coins du monde suivre trois ou quatre mois de formation sur la période estivale à Grenoble. La croissance est continue, la direction du CPEE œuvre activement pour la mise en place de cours diversifiés, de qualité, attractifs. Des actions de « propagande » sont rapidement mises en place et les effectifs sont suivis de près. A la veille de la Première Guerre mondiale, on dénombre 845 étudiants, qui ont en réalité des statuts très divers comme nous le verrons plus loin.

Figure 1 – Effectifs des cours de vacances du CPEE entre 1898 et 1913

Sur cette période, une quarantaine de pays sont représentés. On peut répartir ce public en quatre catégories.

  • Le public allemand : il constitue d’emblée le public le plus nombreux et le plus régulier, fréquentant annuellement les cours de vacances du CPEE. Le premier étudiant du CPEE en 1896 a été un étudiant allemand, mais nous n’avons pas trouvé trace d’un rapport annuel en 1896. Les Allemands constituent les cohortes les plus importantes jusqu’à la veille de la Première Guerre (Figure 2).

Figure 2 – Evolution des effectifs des étudiants allemands des cours de vacances du CPEE entre 1898 et 1913

L’historien René Favier, qui s’est penché sur les archives du CPEE[9] et en particulier sur la présence massive des étudiants allemands à l’université de Grenoble sur cette période, apporte des clarifications tout à fait instructives sur cette population.

« En 1896, 5000 circulaires sont envoyées à travers l’Europe pour annoncer la création du Comité. Un seul étudiant (un allemand) répond à l’invitation, ce qui fait dire à Marcel Reymond qu’il est le « président du Comité de patronage de l’étudiant étranger ! ». Ils ne sont encore que cinq la seconde année. L’accord passé avec le gouvernement allemand en 1901 qui valide, dans le cursus des étudiants en droit, le semestre passé à Grenoble fait gonfler brusquement les effectifs ».

(Favier, 2017 : 97)

  • Nettement moins nombreux que les Allemands, certains pays sont de plus en plus représentés parmi les effectifs du CPEE pour les cours de vacances : quelques pays européens tout d’abord, Italiens, Russes, Britanniques, Autrichiens, Bulgares. Les Américains sont également de plus en plus nombreux, on y reviendra plus loin.

Figure 3 – Effectifs des pays les plus représentés, après l’Allemagne, sur la période 1898-1913

  •  En troisième position, viennent les nationalités représentées sur au moins une dizaine d’années sur la période 1898-1913 : ce sont des pays qui ne sont certes pas présents en nombre important pendant les cours de vacances, mais qui le sont régulièrement sur cette période (Figure 4).

Figure 4 – Evolution des effectifs de pays régulièrement représentés dans les cours de vacances, sur des effectifs plus restreints que les précédents

  • Et enfin, une toute dernière catégorie, constituée de 32 pays dont sont originaires au moins un étudiant jusqu’à une vingtaine sur cette période : Egypte, Japon, Paraguay, Indoustan, Turquie, Chili, Brésil, Australie, Arménie, Argentine….

Même si 7 pays se démarquent du lot en étant fortement représentés entre 1898 et 1913 (Figure 5), et même si ce sont les Européens et les Américains du Nord qui constituent les cohortes les plus importantes dans les cours de vacances du CPEE, ces formations attirent très largement au-delà des pays limitrophes ou des Etats-Unis avec lesquels une relation privilégiée va se nouer au fil des ans.

Figure 5 – Evolution des effectifs des 7 pays les plus représentés dans les cours de vacances entre 1898 et 1913

 Cette progression des effectifs des étudiants étrangers sur cette période est observée au-delà du CPEE : dans un courrier daté du 12 août 1904, adressé par le Doyen de la Faculté des lettres de Grenoble au Député de la Nièvre et rapporteur du budget de l’Instruction publique, il est indiqué que les effectifs des étudiants étrangers inscrits à la faculté des Lettres connaissent également une croissance exponentielle. En outre, ce même courrier mentionne le succès, à Grenoble, de la création récente du diplôme de doctorat d’université, succès qui distingue cette ville d’autres universités de province dans lesquels les débuts de ce diplôme seraient plus « poussifs » :

« En trois ans, nous avons conféré 7 diplômes de doctorat, dont 5 à des étudiants étrangers (…). J’attire particulièrement votre attention sur le fait que 4 de nos Docteurs d’université sont Américains, et occupent dans l’enseignement de leur pays des situations élevées : 2 professeurs d’université, 1 inspecteur de l’enseignement public, 1 directeur de gymnase »[10].

3. Le public américain, une cible de choix pour le CPEE

Dès sa création, le CPEE mise sur des invitations d’universitaires américains rattachés aux établissements les plus prestigieux. On peut noter par exemple qu’au cours de l’année 1896-1897, ont été invités un professeur de Yale, M. Bishof, pour un séjour d’un mois, ainsi que M. Alan Marquand, professeur d’Histoire de l’art à Princeton. Au début du XXème siècle, des relations étroites existaient entre l’université de Grenoble et certaines universités américaines, notamment l’université de Harvard avec la création d’un cycle de conférences assuré plusieurs années de suite à Grenoble par des universitaires de Harvard : les archives du CPEE font état de conférences données en 1904-1905 par le professeur Barret-Wendell, alors qu’il résidait au château de Bouquéron. Cet universitaire inaugure ainsi ce cycle de conférences, puisque l’année suivante, c’est le professeur Santayana qui prend le relais sur la philosophie aux Etats-Unis. En 1906-1907, c’est le professeur Coolidge qui intervient, sur la politique extérieure des Etats-Unis d’Amérique.

Dès l’ouverture des cours de langue française auprès des étrangers, des Américains font partie des étudiants participants : 8 étudiants sur 57 en 1897-1898, et 31 en 1900-1901. Les Américains sont une cible privilégiée pour le CPEE. Si le Comité se réjouit de la croissance rapide des effectifs dans les toutes premières années, il déplore une baisse drastique des effectifs annuels qui passent de 31 étudiants en 1900-1901 à 16 en 1901-1902. A cette époque les dirigeants du CPEE regrettent qu’il n’y ait pas de tarif promotionnel proposé par la compagnie des chemins de fer P.L.M. pour les étudiants américains qui arrivent par bateau sur les côtes de Normandie et qui ont du mal ensuite à envisager un voyage long et coûteux jusqu’à Grenoble. Le Comité a tenté en vain de négocier une réduction (demi-tarif) qui serait octroyée par la Compagnie PLM à tous les étudiants étrangers. Si la Compagnie PLM oppose un refus ferme dans un premier temps[11], la réduction sera finalement mise en place à partir de l’année 1910-1911.

Le public américain qui investit les salles de cours du CPEE est généralement un public « averti » : parmi les professions ou les statuts identifiés, une majorité d’enseignants (professeurs, instituteurs, instructeurs, maîtres de langues), beaucoup d’étudiants également. Mais aussi quelques rares avocats, des membres du clergé, des épouses et enfants accompagnant leur mari ou père généralement professeur (et, beaucoup plus rarement, une femme professeure accompagnée) : il arrivait en effet assez souvent que l’on s’inscrive aux cours du CPEE en famille. Parmi de nombreux exemples : Charles Cabeen, professeur à l’université de Syracuse à New York, dont la thèse de doctorat a porté sur « l’Influence de Giambattista Marino sur la littérature française dans la première moitié du XVIIe siècle » ; Sarah, son épouse, inscrite comme étudiante, ainsi que Ruth et David Cabeen[12], également étudiants à l’université de Syracuse de New York ; ces 4 membres de la même famille étaient présents aux cours de vacances du CPEE l’été 1904. On peut aussi évoquer Anna et Grace Cummings, toutes deux professeures à Boston (Massachussetts) et inscrites aux cours du CPEE l’été 1908. Ou encore Walter Morris Hart et Agnes B. Hart, professeurs à Berkeley (Californie) et présents à Grenoble l’été 1909. Mais aussi, l’été 1911, Mary Elisabeth Appleton, professeure, et Vivia Belle Appleton, Docteure en médecine, en provenance de l’Iowa. Ou encore, l’été 2013, Carrie Evanga Farnham, Directrice du département de français de Kearny High school dans le New Jersey, et Mildried Farnham, étudiante dans le New Jersey. Certains reviennent l’année suivante : c’est le cas de Frederic Daniel Cheydeleur[13], professeur à la Worcester Academy (Massachussetts), qui sera présent deux étés successifs, en 1912 et 1913.

Entre 1898 et 1913, sur environ 550 américains ayant fréquenté les cours de vacances du CPEE, on dénombre 48 étudiants et 130 « enseignants » répartis en plusieurs sous-catégories dont on a du mal à identifier précisément à quoi elles pourraient correspondre : une quarantaine d’« instituteurs » ou « institutrices », des « maîtres de langues », « maîtres d’école », « maîtresse de français », des « instructeurs », et environ 85 « professeurs ». On ignore l’affectation précise de ces derniers : dans quelques rares cas, une « High School » est mentionnée. Dans d’autres cas, ce sont des professeurs d’université : Yale, Berkeley, Catholic University of America, Cincinnatti, Harvard, New York, Boston, Michigan, Cambridge, Colombia, Syracuse… Mais parmi ceux inscrits comme instituteurs, on sait qu’il y en a eu un, et non des moindres, qui a fait carrière à l’université : il s’agit de Franck Chalfant qui sera évoqué plus loin. Enfin, trois inscrits sont rattachés à un établissement militaire : Robert Richardson, à l’époque Officier à l’Académie militaire de West Point (été 1908) ; celui qui allait atteindre le grade de Général et faire une carrière prestigieuse dans l’armée américaine n’avait à l’époque que 26 ans ; Park Powel, Maître de langue à l’école militaire de Chicago (1909) ; et Cornelius De Witt Wilcox, Lieutenant-colonel à l’Académie militaire West Point (été 1913).

Quelques figures émergent dans ce public. L’une d’entre elles va se consacrer, de retour aux Etats-Unis, à la diffusion et au développement des bases de l’enseignement reçu à Grenoble en phonétique à visée didactique. Cette figure deviendra d’une certaine manière celle d’un « passeur » de pratiques pédagogiques valorisant l’enseignement moderne de la prononciation.

3.1. Franck C. Chalfant, fondateur du laboratoire de phonétique du Whashington State College

A l’été 1909, on trouve donc trace, dans les registres d’inscription du CPEE, de l’Américain Franck C. Chalfant, enseignant de français aux Etats-Unis (inscrit à Grenoble en tant qu’instituteur). Chalfant sera le fondateur du premier laboratoire de phonétique dans un établissement universitaire américain, la Washington State University. Comme tous les étudiants des cours de vacances, il suit les cours de Rosset, et découvre à cette occasion les techniques d’enseignement « modernes » du laboratoire de phonétique de Grenoble. Ces informations sont mentionnées sur le site du Language Learning Resource Center de la Washington State University, à laquelle Chalfant fut par la suite rattaché : il y est fait référence au fait que Chalfant a été étudiant à Grenoble en 1909, qu’il y a été formé à l’usage pédagogique du phonographe, et que « [he] appears to have been the one who brought the idea back to this country » [14]. De retour aux Etats-Unis, Chalfant importe donc ces savoirs et ce savoir-faire dans ses bagages, en créant en 1911-1912 le premier laboratoire universitaire de phonétique, au Washington State College, comme signalé sur le site internet du WSC.

Figure 6 – Le Laboratoire de Phonétique créé par Franck C. Chalfant au Washington State College[15]

S’agissait-il d’un laboratoire de phonétique, ou d’un laboratoire de langue ? La question de la distinction entre laboratoire de langue et de phonétique a été débattue parmi les spécialistes, des deux côtés de l’Atlantique. Les deux types de laboratoires se distinguent par leur finalité : enseignement de la phonétique à visée didactique (ce qui est le cas du laboratoire de langue) ou enseignement de la phonétique en tant que discipline. Dans l’histoire des méthodologies d’enseignement du FLE en France, on a coutume de considérer que le recours au laboratoire de langue pour l’enseignement des langues étrangères date de la méthode « audio-orale » (Germain, 1993) héritée du programme d’enseignement des langues vivantes mis en place au sein de l’armée américaine, « the Army Specialized Training Program » (Palmer  et al., 1948). A tel point que Rosset est absent de la bibliographie de l’ouvrage que Pierre Léon consacre au laboratoire de langue en 1962. Une mention unique sur l’enseignement mis en place à Grenoble au début du siècle figure dans cette publication :

« On possède très peu d’informations sur l’installation de salles équipées d’appareils destinés à l’enseignement des langues vivantes en France au début du siècle. C’est Th. Rosset qui semble avoir créé, à Grenoble, le premier laboratoire d’enseignement « audio-visuel », en 1908. Il utilise à la fois le film et le disque pour l’enseignement du français aux étrangers. Les disques qu’il employait existent encore. Ils ne comportent pas de pause pour la répétition de l’élève ».

(Léon, 1962 : 40)

Dans les publications américaines relatives à l’histoire de l’introduction du laboratoire de langue dans les cours de langue étrangère, un vif débat s’est instauré parmi les spécialistes outre-Atlantique. On y apprend que les mentions de « laboratoire de langue » et « laboratoire de phonétique » ont été utilisées par Chalfant dès 1916, comme évoqué par Roby et al. (Roby et al., 1996 : 524), et comme le montre d’ailleurs l’illustration (Figure 7) datant de 1916 du Chinook, la publication du Washington State College auquel Chalfant était rattaché. On y voit une série de photos captées au laboratoire de langue :

  • Une jeune femme qui s’enregistre avec un dictaphone à l’aide d’un micro,
  • Une classe de jeunes gens munis d’écouteurs et concentrés sur des documents écrits, la photo étant ainsi légendée : « Learning the melody of the language »,
  • Un jeune homme debout devant un gramophone, confronté à sa propre voix,
  • Et enfin, de nouveau un petit groupe muni d’écouteurs et le regard rivé sur des documents écrits, avec comme légende « Analyzing the accent ».

Figure 7 – Photos du laboratoire de langue (Chinook, 1916), Washington State College[16]

La phonétique a bien été utilisée par Chalfant dans une visée didactique, dans la continuité de la formation reçue au CPEE de Grenoble auprès de Rosset ou des enseignants qu’il a pu former. Chalfant évoque cette perspective didactique dans l’introduction de ce numéro du Chinook :

“Unique in the history of modern language instruction in the United States has been the equipping of a language laboratory in this College, in which the illusive intonation and accent of the foreign languages are analyzed and systematically practiced (…). In this phonetic laboratory, the most modern and practical apparatus both from America and from Europe has been installed. The Phonograph, with sound-reservoirs and hearing-tubes, and the Dictaphone, with special attachments, serve to supplement the work of the instructor and to bring to the ears of the students the faultless accent and perfect intonation of famous elocutionists, actors and vocalists of foreign languages.

(Chalfant, Chinook, 1916 : 54[17])

Les publications américaines qui se sont penchées sur le sujet[18] reviennent d’ailleurs sur l’apparition de l’expression « laboratoire de langue » attribuée à tort selon les auteurs à un certain R.H. Waltz, qui a créé pour sa part un premier laboratoire de langue à la University of Utah en 1919 puis un deuxième à la Ohio State University, alors que Chalfant utilisait cette expression dès 1916, aussi bien dans le Chinook que dans les cercles d’enseignement des langues vivantes auxquels il appartenait.

Les arguments de ce débat outre-Atlantique sont présentés d’une manière détaillée dans le Handbook of Research for Educational Communications and Technology (voir Roby et al., 1996), où sont exposés les avis divergents de spécialistes, qu’ils soient défenseurs ou pourfendeurs du rôle du programme ASTP pour le développement du laboratoire dans l’enseignement des langues. Certains auteurs affirment clairement que « the Army Specialized Training Program did not, as is so widely believed, pioneer language laboratories » (Barrutia, 1967 : 889). Les spécialistes se basent entre autres sur le fait que l’usage du phonographe pour l’enseignement des langues vivantes aux Etats-Unis est attesté depuis la fin du XIXème siècle (Clarke, 1918 ; Roby & al., 1996) : Clarke fait état d’expérimentations menées au tout début du XXème siècle pour tester l’efficacité de l’apprentissage à travers un média sonore, auprès de cohortes d’étudiants américains (voir également Tripp & Roby, 1996).

Vu les éléments de ce débat, il n’est donc pas usurpé de considérer comme le déclare Galazzi (2002 : 86) que « Le laboratoire mis en place à Grénoble par Th. Rosset doit être considéré comme l’ancêtre du laboratoire de langues modernes ».

3.2. Les militaires américains sur les bancs du CPEE de Grenoble

Revenons au public américain accueilli à Grenoble. Aux côtés des civils, un autre public de choix a fréquenté les cours de phonétique du CPEE au début du XXème siècle : les militaires, dont certains avaient une double fonction puisqu’ils étaient également professeurs. Ce public était rarissime avant la Première Guerre mondiale. Mais il y eut à Grenoble, comme sans aucun doute dans de nombreuses autres universités françaises, une tradition d’accueil de militaires américains au début du XXème siècle. Dans les registres d’inscription du CPEE, on trouve trace de Cornélius DeWitt Willcox (1861-1938), professeur à l’Ecole des Cadets américaine et stagiaire dans les cours de vacances du CPEE de Grenoble à l’été 1913. Ce natif de Genève a notamment publié un lexique militaire français-anglais en 1900. Il s’agit de la première mention dans le rapport annuel du CPEE d’un militaire américain dans les cours de français de la période estivale de Grenoble.

La Première Guerre mondiale a un impact direct sur les institutions éducatives, et sur le CPEE bien évidemment. Dans la synthèse du rapport annuel du CPEE relatif à l’année 1912-1913, il est mentionné une « stabilité des effectifs malgré la guerre » [19]. Le rapport annuel de 1913-1914 n’a pas été conservé. En 1914-1915, on note des « fortes baisses, 60 inscriptions pendant les vacances dont 30 italiens » (Ibid.). L’année suivante, une « relative hausse des effectifs due à l’accueil des réfugiés serbes » (Ibid.). Pour s’adapter à leurs besoins, il est décidé une « orientation vers une langue française plus technique car la majorité des Serbes réfugiés sont issus d’un cursus scientifique » (Ibid.).

En pleine guerre (1915-1916), la mutation de celui qui était à l’époque le président d’honneur du CPEE de Grenoble, le Recteur Petit-Dutaillis, à la tête de l’Office National des Universités à Paris, va donner un sérieux coup de pouce à la diffusion des activités d’enseignement du français aux étrangers. En effet, dès 1919-1920, le rapport annuel du CPEE mentionne parmi les éléments de succès,

« la propagande par affiches et programmes illustrés, insertions dans les journaux pédagogiques, etc. cette propagande fut puissamment secondée par l’appui que le comité trouva auprès de l’Office National des Universités, dont son directeur, M. Petit-Dutaillis, a si magnifiquement développé l’activité. En particulier, les filiales de l’Office à Londres et à New York (…). Aux Etats-Unis, (la) propagande fut encore intensifiée grâce à l’appui dévoué que le Comité trouva auprès de (….) M.WABNITZ, qui fut étudiant-soldat à l’université de Grenoble de mars à juin 1918 et qui se consacra avec un dévouement admirable à faire connaître notre oeuvre parmi ses compatriotes ».

(Rapport annuel du CPEE, 1919-1920)

La fin de la Première Guerre mondiale s’accompagne de deux événements remarquables : la disparition des étudiants allemands des universités françaises, et l’apparition massive de miliaires américains. La figure 7 montre d’une part la chute drastique des effectifs du CPEE après 1913, et, dès 1918-1919, le retour progressif des étudiants aux cours de vacances, sauf des étudiants allemands qui constituaient le plus gros des cohortes avant-guerre. En 1917-1918, il est fait mention de la « définition d’une nouvelle pédagogie destinée aux Américains démobilisés qui souhaiteraient suivre des études en France » (voir note 17). Dès 1918-1919, « les Anglais et les Italiens remplacent les Allemands et les Russes d’avant-guerre » (Ibid.).

Les statuts des langues enseignées sont directement impactés par la guerre. Les rapports annuels du CPEE rédigés à cette période signalent à quel point l’abandon massif de l’enseignement de la langue allemande dans les établissements scolaires américains dans la période qui a immédiatement suivi la Première guerre mondiale, a directement bénéficié au recours à la langue française comme langue d’enseignement.

Figure 8 – Bouleversement des effectifs des cours de vacances du CPEE après la Première Guerre mondiale

Si nous nous concentrons pour notre part sur les effectifs du CPEE, il s’agit assurément d’un mouvement global. Le rapport annuel du CPEE daté du 20 novembre 1918 signale en effet que, dès la fin de la Première Guerre Mondiale,

« La démobilisation de l’armée américaine qui, selon les prévisions du gouvernement des Etats-Unis, sera échelonnée sur une assez longue période, laissera en France, pendant un an ou dix-huit mois, plusieurs milliers de jeunes gens qui, ou bien ont déjà commencé des études universitaires, ou bien se proposent de s’y consacrer. Or, il entre dans les intentions du gouvernement américain de profiter du séjour de ces jeunes gens en France pour leur faire poursuivre leurs études supérieures dans notre pays et les initier aux méthodes de l’enseignement universitaire français ».

(Rapport annuel du CPEE, 20 novembre 1918)

En 1919, outre le « rapport annuel du CPEE », un autre document est publié par le CPEE : il est intitulé « Pour nos étudiants américains – Mars-Juin 1919 ». Gabriel Maugain, Professeur à la Faculté des Lettres de Grenoble, y détaille le dispositif mis en place cette année-là pour l’accueil de quelques 400 étudiants-soldats et officiers de l’armée américaine à Grenoble : on y apprend que ces derniers sont susceptibles de suivre de nombreuses formations à l’université, y compris en médecine, mais qu’en réalité leurs capacités linguistiques ne leur permettent généralement pas de suivre des formations très poussées ; ces militaires sont répartis dans trois groupes en fonction de leur maîtrise de la langue française (enseignement élémentaire, moyen ou cours supérieur), et suivent plus de quarante heures d’enseignements hebdomadaires. On y apprend que « la partie pratique de l’enseignement » a été planifiée par Théodore Rosset, qui était secondé par des enseignants des établissements scolaires primaires et secondaires[20]. On y apprend également qu’une soirée festive fut organisée en avril 1919 à l’intention de ce public particulièrement choyé : le rapport comprend les discours prononcés ce jour-là par les personnalités présentes (dont le Préfet, le président du CPEE, des professeurs d’université, et le Capitaine Underhill, responsable de tous ces soldats et officiers basés à Grenoble).

Les relations historiques privilégiées de la « capitale des Alpes » avec l’Italie sont mises en avant dans le discours du président du CPEE, Aymé Bouchayer. Notons que ces relations datent de la fin du XIXème-début du XXème siècles, et sont marquées par deux types d’événements considérés comme fondateurs :

  • La création en 1903 puis en 1913 de chaires de langue et littérature italienne à l’université de Grenoble (Favier, 2017 : 102), ce qui permet au Doyen de la faculté des lettres de qualifier sa composante « de métropole incontestée des études Italiennes en France » (Favier, ).
  • La création en 1907, sous l’égide du Conseil de la faculté des lettres de l’université de Grenoble, « à Florence, d’un Institut français à l’initiative de Julien Lachaire », enseignant à l’université de Grenoble (Favier, ). « En 1921, il est dédoublé avec la création d’un second Institut comparable à Naples » (Favier, Ibid.).

C’est ainsi que Bouchayer, président du CPEE en 1919, valorise cette relation privilégiée entre Grenoble et l’Italie, et Florence en particulier, en évoquant ainsi l’accueil qui sera réservé aux compatriotes américains qui reviendront « en pèlerinage » à Grenoble dans le futur : « Par notre institut de Florence[21] ils se rapprocheront de notre sœur latine, avec qui nous avons combattu le bon combat : américains et italiens se rencontreront en grand nombre ici même »[22]. On apprend enfin, à travers le discours du Capitaine Underhill[23], que c’est un effectif constitué de 12 000 militaires américains qui est réparti dans les différentes universités françaises : dans l’attente de leur retour au pays, ces soldats et officiers suivent des formations diverses.

3.4. La reprise d’après-guerre

Rosset a été mobilisé pendant la guerre, il revient après l’armistice (voir rapport annuel 1918-1919) mais quittera Grenoble rapidement, dès 1919 : cela dit, les rapports annuels du CPEE continuent à mentionner les cours pratiques de prononciation, qui font partie intégrante du socle de formation. En 1920-1921, on ne trouve plus trace des militaires américains dans le rapport annuel du CPEE. Il y est fait mention d’une chute des effectifs globaux, dont le CPEE tente d’analyser les facteurs, en ayant le regard tourné vers la « concurrence » des autres centres qui reprennent ou qui démarrent une nouvelle activité :

« Peut-être y a-t-il lieu de faire entrer également en ligne de compte la concurrence plus active de certaines autres universités françaises qui ou bien ont repris leurs cours de vacances interrompus par la guerre (Lille, Caen, Dijon, Besançon, Toulouse), ou bien en ont organisé pour la première fois comme Paris. D’ailleurs, aucun de ces cours de vacances n’a réuni un effectif à beaucoup près comparable à celui de Grenoble ».

(Rapport annuel du CPEE, année scolaire 1920-1921, p.8)

Les Américains sont néanmoins cette année-là la 3ème nationalité présente aux Cours de vacances du CPEE, avec 59 hommes et 45 femmes. Ils disputent en général sur ces années le haut du placement aux Britanniques et aux Italiens. En 1923, ce sont 165 étudiants américains, dont 56 professeurs, qui fréquentent les cours du CPEE.

La circulation des savoirs et savoir-faire se poursuit sans doute de part et d’autre de l’Atlantique à travers ces séjours de formation continue. Il n’est pas déraisonnable de postuler que les séjours effectués par les professeurs de français aux Etats-Unis à Grenoble et dans d’autres universités françaises, aient pu contribuer à la dynamique impulsée par l’association des professeurs de français en Amérique. En effet, comme l’écrit Galazzi :

« En 1925, aux U.S.A., dans une période de désaffection pour les langues vivantes étrangères, dans un pays d’immigration où l’intégration des nouveaux arrivants se faisait par l’oubli de la langue maternelle, le Cercle de recherches sur l’enseignement du français, fondé en 1925 par l’Association des professeurs de français en Amérique, lance un débat qui permet de poser le premier problème signalé par les enseignants « De l’acquisition de la prononciation française »

(Galazzi, 2010 : 257)

Conclusion

La consultation des archives du CPEE (principalement les rapports annuels adressés au Recteur, ainsi que les registres d’inscription) va dans le sens d’une circulation des savoirs et savoir-faire qui s’est opérée des deux côtés de l’Atlantique, avec une « propagande[24] » particulièrement active envers les Etats-Unis de la part des dirigeants du CPEE. Dans les pas de Rousselot, Théodore Rosset a apporté une pierre fondatrice incontestable à l’édifice de l’enseignement pratique de la phonétique et de la prononciation à visée didactique, ainsi qu’au laboratoire de langue, même si son apport est resté relativement sous-estimé dans un contexte hexagonal dans lequel rares étaient les « phonéticiens pédagogues » (Galazzi, 2002, 2010). Rosset n’est sans doute pas le seul[25], mais à ce jour, c’est celui pour qui il existe une preuve d’intervention pédagogique remarquable et ayant exercé une influence directe sur un public d’enseignants et d’étudiants américains, en provenance d’une multitude d’établissements universitaires ou secondaires, basés dans des Etats très variés. Certains venaient en famille, d’autres ont effectué plusieurs séjours, à une époque où la traversée, en bateau, était longue et coûteuse. De retour au pays après leurs 4 mois de formation, nul doute qu’une proportion a servi de relais à cet enseignement, le cas le plus remarquable étant celui de Franck Chalfant comme nous l’avons démontré. Les militaires ont été accueillis quasiment dans les mêmes conditions que les civils, que ce soit ceux les quelques officiers qui ont suivi les cours du CPEE en temps de paix au début du XXème siècle, ou les très nombreux soldats démobilisés en attente de leur rapatriement après la Première Guerre mondiale. Tous ont suivi un enseignement moderne, novateur, valorisant plusieurs dimensions de la prononciation à travers des exercices systématiques de répétition individuelle, ainsi que la perception de l’oral dans une approche plurisensorielle médiée par la technologie au service de l’enseignement et de l’apprentissage des langues.

Certes, un autre phonéticien, Pierre Delattre, a aussi endossé cette mission de « passerelle entre le vieux et le nouveau continent » (Galazzi, 2010) en s’installant à partir de 1924 aux Etats-Unis pour y réaliser sa thèse de doctorat, tout en ayant une activité d’enseignement dans le supérieur dans de nombreux états (Ibid.). Cette passerelle réciproque a sans doute été facilitée par un terrain déjà favorable à l’intégration de la phonétique dans l’enseignement du français aux Etats-Unis.

Pour conclure, ce sont ces briques de différente nature qui s’emboîtent au fil du temps long, pour former ce que nous considérons être un chaînon manquant dans la méthodologie des langues : la didactique du français (et sans doute des autres langues européennes enseignées de la fin du XIXème et du début du XXème siècles[26]) doit beaucoup à la phonétique pratique expérimentale d’une manière générale, et, accessoirement, à Rosset et son engagement pour la phonétique à visée didactique dans l’enseignement du français aux étrangers. Il nous semble crucial de considérer les événements scientifiques, pédagogiques et méthodologiques, à l’aune d’une profondeur historique suffisante qui mette en avant les ramifications, y compris les plus ténues, ayant pu exister au fil du temps. La présente étude s’inscrit dans la continuité des travaux mentionnés dans cet article, et ranime des perspectives dont il serait intéressant de poursuivre l’exploration.

 

Remerciements

Ce texte a bénéficié de la lecture d’Enrica Galazzi, Professeure à l’Université Catholique de Milan, à qui j’exprime ma plus vive reconnaissance pour ses remarques avisées et ses suggestions d’enrichissement.

 

Références bibliographiques

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RAPPORTS ANNUELS DU CPEE : Les rapports annuels du CPEE de la période 1897-1925 ont tous été consultés pour la rédaction de cet article. Ces rapports sont en cours d’archivage au CUEF de Grenoble.

 


[1] Ce texte est largement basé sur une réflexion menée dans le cadre de l’habilitation à diriger des recherches, et dont certains éléments figurent dans le mémoire d’Habilitation à diriger des recherches (Abou Haidar, 2018, De la linguistique à la didactique, regards croisés en phonétique. https://hal.science/tel-01995625), non publié, déposé sur HAL.

[2] Grenoble n’a pas l’apanage de ces comités de patronage, puisqu’il en existe au début du XXème siècle dans d’autres villes universitaires, telles que Dijon ou Aix-en-Provence.

[3] Rapport annuel du CPEE, 1905 : 16-17.

[4] Tous les éléments historiques qui suivent sont basés sur les Rapports annuels du comité de patronage des étudiants étrangers, [archives du CUEF ou de l’université de Grenoble Alpes], destinés au Recteur d’Académie, dans lesquels sont listées d’une manière très détaillées les activités d’enseignement, de valorisation, de partenariat, mises en place par le CPEE. La consultation a été faite sur deux périodes : 2014-2017, puis 2023-2024. Je remercie Anne-Cécile Perret, directrice du CUEF de Grenoble, Dominique Goleret, Luce Forget, et Britta Ganz, pour avoir facilité mon accès à ces archives en 2023-2024.

[5] Archives du CUEF de Grenoble.

[6] Archives du CUEF de Grenoble.

[7] Pour la dimension historique, on pourra utilement se reporter à Galazzi, 2002, pp. 142 et suivantes.

[8] Ce diplôme sera délivré pendant de nombreuses années, les effectifs sont extrêmement restreints : il n’est pas rare qu’il y ait un à deux diplômés par promotion.

[9] Je souhaite aussi souligner l’engagement et le soutien de Konstantin Protassov, vice-président de l’université Joseph Fourier de Grenoble puis de l’université Grenoble Alpes, dans le dépouillement des archives du CPEE et les recherches portant sur les étudiants allemands au cours de cette période.

[10] Archives du CPEE.

[11] Voir rapport annuel du CPEE, 1901-1902, pp.20-21.

[12] S’agit-il du même David Cabeen de l’université de Syracuse qui deviendra quelques années plus tard un éminent spécialiste de Littérature française ? Cabeen est cité dans de nombreuses publications du début du XXème siècle : A critical bibliography of French literature : Cabeen, David Clark, 1886-1965 : Free Download, Borrow, and Streaming : Internet Archive

[13] S’agit-il du même Frederic Daniel Cheydleur Frederic Daniel Cheydleur | Open Library qui se spécialisa dans l’enseignement des langues et qui édita notamment des listes de mots citées notamment par George B. Waits en 1962 dans The teaching of French in the United States – A history, publié dans un numéro spécial de The French Review ed014918.tif.pdf [consulté le 18/05/2024] ?

[14] Source : https://slcr.wsu.edu/llrc-history/ [consulté le 10/04/2024].

[15] Source : https://slcr.wsu.edu/llrc-history/ [consulté le 10/04/2024].

[16] Source : http://content.libraries.wsu.edu/cdm/ref/collection/chinook/id/10821 [consulté le 10/04/2024]. Dans la partie supérieure de la couverture, apparaît Ina Wright-Hurbst, « instructor in voice ».

[17] Source : http://content.libraries.wsu.edu/cdm/ref/collection/chinook/id/10821, page 54 [consulté le 10/04/2024].

[18] http://www.aect.org/edtech/ed1/28/28-08.html

[19] Inventaire historique des archives du Comité de patronage des étudiants étrangers et Centre universitaire d’enseignement français, en date du 02 juillet 1993, p.13.

[20] Aucun détail sur le contenu de ce dispositif ne figure dans le rapport annuel cité : des recherches complémentaires doivent être effectuées afin de clarifier la nature de cet enseignement.

[21] Notons l’utilisation du possessif « notre » : l’Institut de Florence, c’est bien l’Institut « de Grenoble » (d’ailleurs, c’est ainsi que cet établissement a été désigné en Italie pendant des décennies).

[22] « Pour nos étudiants américains – Mars-Juin 1919 », Comité de patronage des étudiants étrangers, Grenoble, p.29.

[23] Rapport mentionné en note 16, p. 32.

[24] Terme couramment utilisé dans les rapports du CPEE pour désigner les opérations de promotion des cours.

[25] Il serait d’ailleurs particulièrement intéressant de procéder à une étude similaire des archives des universités parisiennes – et d’autres – dans lesquelles ont pu exercer des phonéticiens tels que Paul Passy, et qui ont peut-être eu à intervenir auprès des militaires américains intégrés dans les universités de la capitale française.

[26] Outre les auteurs déjà mentionnés, voir par exemple George Daniel Véronique : « Néo-grammairiens et phonéticiens dans la réforme de l’enseignement des langues vivantes en Europe : Henry Sweet (1845-1912), Paul Passy (1859-1940) et Otto Jespersen (1860-1943) ». Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, no 64-65 (1 décembre 2020) : 47-74. https://doi.org/10.4000/dhfles.7362.


 

Per citare questo articolo:

Laura ABOU HAIDAR, « Ce que la didactique doit à la phonétique : l’hypothèse du chaînon manquant », Repères DoRiF, n. 30 – Variations terminologiques et innovations lexicales dans le domaine de la biodiversité et du changement climatique, DoRiF Università, Roma, giugno 2024, https://www.dorif.it/reperes/laura-abou-haidar-ce-que-la-didactique-doit-a-la-phonetique-lhypothese-du-chainon-manquant/

ISSN 2281-3020

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