Lorella SINI
Qui sont les « Patriotes » ? – Sous la dénomination, les braises de la haine
Lorella Sini
Università di Pisa
lorella.sini@unipi.it
Résumé
Dans cette étude nous analysons les valeurs sémantiques et argumentatives de la dénomination ‘patriote(s)’ dans les discours du parti d’extrême droite Front National devenu Rassemblement National (2017), à partir d’un corpus tiré de la campagne présidentielle de 2017. L’usage de ce vocable est mis en relation d’une part avec la construction plurisémiotique de l’ethos de la Française patriote, montré par la présidente Marine Le Pen, et d’autre part avec les occurrences d’un vocable au sémantisme proche, ‘nationaux’. Nous montrons que la mise en discours de ‘patriotes’ et ‘nationaux’ sert à développer des arguments de division et, de fait, à induire un discours de haine.
Abstract
In this paper, we analyze the semantic and argumentative values of the denomination ‘patriote(s)’ in the discourse of the French far-right party Front National, which became Rassemblement National (2017), based on a corpus extracted from the presidential campaign of 2017. The use of this word is linked, on the one hand with the plurisemiotic construction of the ethos of a French patriot, shown by the leader Marine Le Pen, and on the other hand, with the occurrences of a word with a close meaning: ‘nationaux’. We try to show that the discursive and performative values of ‘patriotes’ and ‘nationaux’ serve to develop divisive arguments and, in fact, to induce hate speech.
Introduction[1]
Le vocable « patriote » (substantif et adjectif) est en usage dans l’idiolecte de la droite radicale depuis de nombreuses années comme en témoigne ladite « Union des Patriotes » formée par Jean-Marie Le Pen dès 2007 à l’occasion des présidentielles. En 2018, pour contrer le parti politique dissident, Les Patriotes, formé par son ancien conseiller stratégique de campagne, Florian Philippot, Marine Le Pen choisit de rebaptiser son propre parti sous le nom de Rassemblement National. Mais le vocable « patriote » reste en usage dans tous les partis d’extrême droite, en France et même ailleurs en Europe, puisqu’un récent débat (printemps 2022) a alimenté les chroniques médiatiques en Italie où la cheffe du parti néo-fasciste italien (Fratelli d’Italia) Giorgia Meloni exigeait que le futur Président de la République italienne soit ‘patriota’.
Nous mènerons notre analyse à partir d’un corpus (2015-2017) que nous avons essentiellement recueilli tout au long de la campagne et de la précampagne des présidentielles 2017 (500.000 mots environ), constitué de déclarations officielles, communiqués de presse, d’interventions orales ou écrites, de tweets de Marine Le Pen et des militants les plus fidèles du parti. À ce corpus nous avons ajouté des documents essentiels pour l’analyse du discours du « nouveau » parti d’extrême droite, c’est-à-dire les deux livres signés Marine Le Pen : À contre-flots (20112) et Pour que vive la France (2012) (cf. SINI 2017).
Nous essaierons de circonscrire dans un premier temps les sèmes associés à ce terme du point de vue diachronique à partir des valeurs sémantiques révélées par le lexème « patrie ». Nous verrons comment les acceptions du dérivé « patriote » dans les discours politiques de l’histoire contemporaine ont été avantageusement exploitées par l’idiolecte lepéniste. Ainsi, pour construire une nouvelle image du parti, l’ethos de Marine Le Pen, plus souvent appelée « Marine », est refaçonné sur une représentation sociale et culturelle de la « Française patriote ».
Nous examinerons ensuite les occurrences du vocable à travers ses fonctions syntaxiques – soit adjectif, soit substantif – et ses valeurs sémantiques contextuelles. Nous rapprocherons les représentations attachées à la dénomination « patriotes » de celles de « nationaux », deux lexèmes qui se trouvent parfois en cooccurrence. Malgré le fait que le vocable « patriote » – tantôt adjectif tantôt substantif – soit destiné à rassembler un électorat élargi donc à reforger en quelque sorte un nouvel ethos collectif (PAISSA et KOREN 2020), ce vocable sous-tend en réalité un discours de haine dissimulée (BAIDER et CONSTANTINOU 2019) construit sur une polarisation destinée à stigmatiser les ennemis de l’intérieur et les ennemis de l’extérieur.
Résurgence du terme « patrie » dans les discours d’extrême droite
La patrie est la terre des pères et des ancêtres que l’on doit défendre si l’on se reconnaît en elle. Il y a « un certain jeu étymologique », nous dit Blandine Colot dans le Dictionnaire des Intraduisibles qui relie les vocables pietas, parentes et patria : chez les Anciens « la pietas s’exerce envers les parentes, puis envers la patria qui a été reçue de ces mêmes parentes » (COLOT 2004 : 943).
Dans la cinquantaine d’occurrences relevées dans notre corpus, le terme « patrie » semble assez bien correspondre à cette définition étymologique. Le vocable, en effet, est convoqué lors de commémorations ou de célébrations officielles (la fête de Jeanne d’Arc, l’anniversaire de l’Armistice) mais aussi lorsqu’il s’agit de sauvegarder, selon la vision lepéniste, l’enseignement de l’histoire au collège, donc d’assurer la transmission d’un patrimoine commun à travers le récit des gestes de personnages héroïques et exemplaires – en particulier ceux d’avant la coupure de 1789 – ceux qui « nous ont transmis l’idée de la France éternelle, impérissable », dit-on dans l’énoncé rapporté ci-dessous ; ce récit de faits glorieux, légendaires, voire mythiques (entre autres ALDUY 2015) est, en effet, selon ce discours, une histoire passée sous silence par les manuels scolaires actuels alors que « la glorieuse histoire de France »[2] devrait constituer un modèle pour tous ceux qui honorent cette patrie en lui manifestant une dévotion inconditionnelle :
Ceux qui ont combattu pour la patrie, derrière le drapeau tricolore, nous ont transmis l’idée de la France éternelle, impérissable. (tweet du 08/06/2015 de D. Rachline, maire de Fréjus)
Les enfants de France […] ne vont plus trouver dans l’école le moyen de pouvoir effectivement se reconnaître dans la grande patrie que nous formons. (A. Avello, Collectif Racine, 25/05/2015)
Dans ces énoncés, il apparaît bien que le terme « patrie » est associé au devoir de transmission, au sentiment de gratitude que l’on doit à ceux qui ont combattu pour elle, y compris militairement, les armes à la main. Un Français patriote doit être prêt aujourd’hui à les reprendre pour défendre un territoire, en particulier, face aux attaques terroristes (« De plus en plus de jeunes veulent s’engager dans notre armée : aidons-les ! », déclarait le responsable FN jeunesse Gaëtan Dussausaye, après les attentats du 13 novembre 2015). Ce substantif est souvent intégré dans des clichés verbaux renvoyant à des représentations stéréotypées de moments héroïques de l’histoire de France dite, selon le cas, « millénaire », « bi-millénaire » ou « pluri-millénaire ». Le figement lexical des expressions contenant le vocable « patrie » est mimétique du figement historique dans lequel leur référent est généralement appréhendé. Nous avons ainsi pu relever dans notre corpus les clichés suivants : « mourir pour sa patrie » (« on peut mourir pour sa patrie pas pour la Commission de Bruxelles »), « la France est la Patrie de la liberté », « libérer la mère-Patrie », « la Patrie éternellement reconnaissante » etc…
L’analyse contextuelle de l’emploi du substantif « patrie » permet d’ores et déjà de dégager certaines caractéristiques sémantiques que l’on pourra conférer à son dérivé « patriote ». Ainsi, l’allégeance envers la patrie est ce qui constitue la condition impérative d’appartenance à la France, comme entité territoriale, avec « son histoire et ses valeurs », alors que le refus d’allégeance doit être un motif légitime d’exclusion de celle-ci :
Si aujourd’hui tant de jeunes de banlieues, mais pas seulement, ne se reconnaissent pas dans la France, dans son histoire et dans ses valeurs, leur patrie – alors même que parfois ils possèdent la nationalité française – cela est d’abord dû notamment au mondialisme immigrationniste. (Communiqué de presse de D. Rachline du 02/02/2015)
Ce dernier énoncé présente une construction concessive (« alors même que ») soulignant l’incompatibilité de deux états de fait subordonnée à une conditionnelle (« Si aujourd’hui ») qui assume une valeur de vérité du seul fait de l’énonciation de la cause, thématisée dans « c’est parce que ». Cette forme démonstrative produisant un effet d’évidence peut être réécrite selon le syllogisme suivant : « Pour posséder la nationalité française, il faut se reconnaître dans l’histoire de France, dans les valeurs de la patrie ; de nombreux jeunes de banlieues ne se reconnaissent ni dans l’histoire de France, ni dans les valeurs de leur patrie ; donc ces jeunes de banlieues ne doivent pas posséder la nationalité française ».
Cette dernière conclusion, seulement induite par l’énoncé, sous-tend une dichotomisation, à partir de l’argument rhétorique de division ou de partition (PERELMAN et OLBRECHTS-TYTECA 1958 : 315) sur lequel le parti lepéniste a construit une partie essentielle de sa propagande et qui est un élément constitutif du discours de haine (LORENZI-BAILLY et MOÏSE 2021). Cet argument de division, dit Perelman, « nécessite une structure univoque et, pour ainsi dire, spatialisée du réel, dont seraient exclus les chevauchements, les interactions, la fluidité […] » (ibid. : 317). Il s’agit donc de distinguer, sinon d’opposer, ceux qui sont prêts à défendre leur patrie, la terre de leurs ancêtres, leur mémoire et les « valeurs » qui y sont attachées, et ceux qui appartiennent, presque malgré eux, à la nation (« qui possèdent la nationalité française ») puisque l’attribution de la nationalité française est galvaudée et ne suffit pas pour se sentir réellement engagé vis-à-vis de la France ou viscéralement attaché à sa mère-patrie.
Dès lors, les jeunes de banlieues – avec tous les sous-entendus que charrie cette expression –, ayant de fait la nationalité française, fruit d’une politique assujettie, dit-on, au « mondialisme immigrationniste », constituent, selon ce topos récurrent dans les discours lepénistes, le germe responsable d’une dissolution d’une communauté française solidaire. La lexie formant le néologisme « mondialisme immigrationniste » actualise à travers les deux lexèmes en cooccurrence (« mondialisme » et « immigrationniste »), le même sème inhérent /étranger/, auquel s’ajoutent les sèmes afférents /extérieur/ pour le premier et /intérieur/ pour le second : les étrangers de l’intérieur et les étrangers de l’extérieur, voici les deux cibles désignées par les discours d’extrême droite comme étant les ennemis de la patrie.
Les nombreux néologismes lepénistes sont de fait des marqueurs de discours de haine dissimulée (BOUZEREAU 2019). Ainsi, la suffixation en –isme et –iste désigne avec une modalisation péjorative, une idéologie ou un système animé par une intention malveillante, sinon une « causalité diabolique », disait l’historien de l’antisémitisme Léon Poliakov dans le titre de son Essai sur l’origine des persécutions (1980). Il s’agit ici d’évoquer une double menace – étrangers de l’intérieur et étrangers de l’extérieur – brandie dans la plupart des discours d’extrême droite, qui est destinée à renforcer, en retour, la représentation de l’identité collective de l’endogroupe, une identité nationale ou plutôt « patriotique » (PAISSA et KOREN 2020). La définition de cette entité passe par la représentation clivée de ceux que la France doit ou ne doit pas admettre dans son giron.
L’argument de division se déploie ainsi au travers de la mise en œuvre d’une stratégie argumentative dite de dissimilation, selon les catégories sémantico-pragmatiques établies par Ruth Wodak dans son analyse de la construction narrative et argumentative de l’identité nationale par les partis d’extrême droite (WODAK et al. 2010 : 33). En effet, cette identité se construit discursivement autour du topos récurrent qui oppose ceux qui possèderaient abusivement la nationalité française par une sorte d’artifice juridique et ceux qui se reconnaissent dans « l’histoire » et les « valeurs » de leur patrie, des Français qui appartiendraient donc, dans ce cas, à un groupe historiquement et culturellement établi – et ce, pourrait-on dire, une fois pour toutes. Malgré toute la labilité de cette dichotomie due à la décontextualisation – systématique dans les discours du parti d’extrême droite – de la notion de « valeur » et du concept d’« histoire », on entend exclure toute hybridité et toute construction d’identité(s) en devenir, par essence inachevée(s), des identités liquides (BAUMAN 2000) ou s’inscrivant dans un processus dialectique de permanence du Même et d’intégration de/à l’Autre (RICŒUR 1996).
L’une des caractéristiques du discours de haine est ici la polarisation extrême à travers la remotivation du lexème « patrie ». Cette polarisation oppose ceux qui présenteraient les qualités requises pour y être admis et ceux qui en seraient exclus. La catégorisation des Français fidèles à la patrie – les « patriotes » donc – renvoie indirectement à une autre catégorie, celle que Marine Le Pen appelait dans son livre programme de 2012, par suridentification et essentialisation, les « Français de souche », une expression polémique qui semble avoir disparu du vocabulaire d’extrême droite, mais qui est cependant implicitement évoquée par ces processus rhétoriques que nous venons d’illustrer.
« Patriotes » et « nationaux »
Si nous examinons notre corpus, nous pouvons constater en préambule que la fréquence de ce vocable dans les discours du parti de Marine Le Pen va de pair avec la disparition progressive d’un autre vocable apparemment concurrent : « nationaliste », adjectif aux connotations péjoratives qui (dis-)qualifiait le parti frontiste jusque dans les années 90. Erwan Lecœur (2007) fait remarquer que, dès 1862, Barrès attribue à ce lexème une connotation déterministe, le nationalisme étant pour lui le produit d’une hérédité nationale, le fruit de « la terre et des morts ». Dans son Dictionnaire de l’extrême droite, l’auteur note également la concurrence entre les deux factions au sein du parti que sont les nationalistes et les nationaux, ces derniers étant plus conservateurs que les premiers. L’emploi récent du vocable « national » dans la nouvelle dénomination du parti Rassemblement National est à cet égard significatif d’une certaine continuité idéologique et d’un recadrage du nouveau parti d’extrême droite sur ses fondamentaux historiques.
Réitérant la même stratégie discursive de dissimilation, les discours du parti d’extrême droite opèrent une différenciation entre les nationaux et les « bi-nationaux », autrement appelés « pseudo-nationaux », soupçonnés de trahison ou de lèse-patrie. En effet, en cooccurrence avec « djihadiste », « terroriste », « islamiste » (« Instaurons la déchéance de nationalité française des pseudo-nationaux qui partent commettre des actes terroristes »[3]), ces Français possédant la double nationalité sont ces imposteurs qui menacent la sécurité intérieure : « Double nationalité et terrorisme sont incompatibles [sic] : la France n’en veut plus de ces agents doubles, français de papier, traitres de cœur » (tweet de Gilbert Collard du 23/01/2015). Nous relevons également, dans les interviews accordées par la cheffe de file du parti, une mise en concurrence de ceux qu’elle appelle les « nationaux » avec les « post-nationaux », c’est-à-dire, spécifie-t-elle, les « mondialistes » [4]. C’est ainsi que, par l’intermédiaire du vocable « national » sous la forme du substantif collectif pluriel « les nationaux », on réitère la topique de la double menace provenant à la fois des Français, présents sur le sol de France, mais des Français de contrefaçon (« pseudo-nationaux » ou « Français de papier »), et des Français transfuges « pratiquant le nomadisme »[5], œuvrant pour abolir toutes les frontières (« post-nationaux » ou « mondialistes »).
Il est par ailleurs intéressant de remarquer que les vocables « patriote » et « national » ne s’excluent pas l’un l’autre. Ainsi, dans la présentation du journal en ligne NationsPresse.info qui relayait la propagande du Front National de 2011 jusqu’en janvier 2016, on indique que l’information transmise est « de tous les nationaux et patriotes non reniés et qui n’entendent pas baisser les bras face aux défis que nous impose ce début de siècle »[6]. De même, nous relevons une construction syntaxique similaire véhiculant le même type de valeur sémantique dans : « notre rôle, à nous, patriotes et militants nationaux, est d’éveiller notre peuple à la vérité, à la lucidité, à l’engagement et à l’action »[7]. La conjonction « et » de ce dernier énoncé peut relever soit d’une fonction additive soit d’une fonction d’intersection. On ne sait donc pas, a priori, si la classe des « patriotes » recoupe celle des « militants nationaux », ce qui semble être induit par la mise en emphase de l’anaphorique « à nous ». Cependant, dans cette deuxième expression, l’adjectif relationnel modifiant le substantif nous autorise à l’interpréter comme un équivalent elliptique de « militants du parti national », ce qui laisse sous-entendre que ceux-ci constituent une (sous-)classe plus limitée ou mieux définie par rapport à la première et dont le rôle serait celui d’une élite éclairée. Cela prouve également que le nom « Rassemblement national » était en germe depuis un certain temps dans les discours du parti. Peut-être même que cette appellation était déjà en germe depuis la fondation du parti d’extrême droite, à en croire les enquêtes de l’historienne Valérie Igounet (2012) qui explique que l’idée de rassemblement provenait alors d’une volonté de la part de Jean-Marie Le Pen de réconcilier tous les Français vaincus par l’histoire (après la Seconde guerre mondiale).
Signifiés associés au vocable « patriote »
Réminiscences historiques
Nous pouvons essayer de circonscrire les valeurs sémantiques potentiellement associées aujourd’hui au vocable « patriote » dans le discours du parti lepéniste d’avant 2017 (environ 300 occurrences relevées dans notre corpus), en retraçant dans un premier temps ses multiples usages dans les discours politiques de l’histoire contemporaine, usages dont le parti d’extrême droite semble avoir tiré profit.
L’ambiguïté référentielle et sémantique du terme, relevée dans le discours lepéniste, reprend, dans une certaine mesure, l’ambivalence de ses valeurs sémantiques au cours de l’histoire, en particulier du XIXe et du XXe siècle, où il a pu servir à désigner des groupes politiques d’un bord opposé. En effet, si sous la Révolution, les patriotes (les citoyens armés) affrontaient les aristocrates, sous la IIIe République, les patriotes prenaient la défense de l’armée contre les traîtres dreyfusards. Il existerait même, selon certains chercheurs, une connexion idéologique entre le mouvement boulangiste de la IIIe République et le parti de Marine Le Pen, tous deux caractérisés par un « nationalisme républicain, un désir d’ordre, d’autorité, un appel à la démocratie directe et au “coup de balai” salvateur contre les gouvernants corrompus » (KAUFFMANN 2016 : 29). On se souviendra également qu’à la fin du XIXe siècle, la Ligue des Patriotes prônait la revanche contre l’Allemagne. Plus près de nous, durant la Seconde Guerre mondiale, les patriotes s’opposaient aux collaborateurs et aux troupes d’occupation, alors que, dans le même temps, le gouvernement de Vichy se disait patriote contre la « fronde judéo-communiste ».
Tout comme le vocable « patriote » qui pouvait désigner aussi bien les libérateurs du nazi-fascisme que les combattants de l’OAS sous la guerre d’Algérie, le vocable « résistant » est susceptible de véhiculer, dans les discours que nous analysons, des sèmes contradictoires, puisqu’on accorde à ces signes une valeur sémantique soumise aux revirements de l’histoire. C’est ce qui permet un syncrétisme idéologique et, corollairement, l’occultation des responsabilités – pour ne pas dire de la culpabilité – de celles et ceux qui ont (dé-)fait nos sociétés démocratiques, ce qui est l’une des caractéristiques notoires des discours d’extrême droite. L’usage ambigu de nombreux mots délestés de leur sens philologique et conventionnel, de leur poids historique socialement normé, puis remotivés par un sens dévoyé ou métaphorisé, est aussi une stratégie argumentative subversive et manipulatoire, caractéristique des discours de haine (cf. à ce propos RINN 2013 et ORKIBI 2013).
« Marine », une Française patriote
C’est en partie par l’intermédiaire du signifiant /marine/ que la candidate exhibe un ethos de la Française patriote, ce que Dominique Maingueneau a appelé l’ethos montré (pour un point sur le concept, cf. MAINGUENEAU 2014). Nous ne reviendrons pas sur l’icône du Front National, Jeanne d’Arc, que Marine Le Pen désigne comme « la sainte, la bergère, la guerrière, la patriote » et dont elle s’inspire pour imposer son charisme (SINI 2016). Dans ses campagnes électorales, la présidente du parti s’efforce d’adapter son image, c’est-à-dire de retravailler son ethos (AMOSSY 2014) afin d’acquérir la stature d’une Présidente de la République française. Elle entend ainsi acquérir une réputation de bienveillance et de pondération (la phronesis d’Aristote), vertus essentielles dans le processus de persuasion.
Certes, en se faisant appeler par son seul prénom « Marine », elle affiche une féminité aux antipodes des comportements machistes des partis d’extrême droite et se distancie de l’ethos viril attribué à son père, justement surnommé « le Menhir ». Cependant, afin d’incorporer un rôle institutionnel inédit, celui de la première Présidente de la République française, elle se présente la plupart du temps, sur les affiches de campagne, parée de vêtements de couleur dite ‘bleu marine’ qui est la couleur de l’uniforme des forces de la défense nationale, ce qui lui confère par métonymie les qualités toutes militaires de l’ordre, de l’autorité et du respect de la hiérarchie. De même, sa stratégie de communication, à la faveur de l’origine bretonne de sa famille, se déploie autour de l’isotopie de la mer. Mais la mer représentée dans ces iconotextes (MAINGUENEAU 2014) que sont les affiches de propagande, est la mer ouverte de l’Atlantique qu’elle est prête à affronter grâce à un caractère bien trempé que ses soutiens lui reconnaissent : Marine Le Pen est « un corsaire [qui] monte toujours à l’abordage »[8]. Et, si nous poussons plus loin l’analyse sémiotique, nous pouvons observer l’opposition entre la représentation de l’océan Atlantique et celle que pourrait être, par exemple, la mer Méditerranée. En effet, la première évoque une mer ouverte, traditionnellement associée aux grandes conquêtes coloniales et aux velléités expansionnistes de la France et de sa ‘grandeur’, alors que celle de la Méditerranée évoque une mer fermée et mortifère, la mer de la « submersion migratoire » qui, aujourd’hui, charrie la menace du « Grand Remplacement » (BAIDER et SINI 2021; ATTRUIA et SINI 2020). Il s’agit bien là de reproposer par l’image et par un processus pluri-sémiotique le même argument de division illustré plus haut, aux fondements du discours de haine.
De même, la formation politique présidée par Marine Le Pen et baptisée « Rassemblement Bleu Marine » (2015), qui se déclinait par différents slogans tels que « la vague bleu marine », n’était pas sans rappeler ces expressions au rythme ternaire contenant le signifiant /bleu/. Ces dernières évoquent, dans la mémoire collective des Français, certains épisodes marquants de l’histoire de France comme « la chambre bleu horizon » de la droite radicale, composée d’anciens combattants de 14-18 et portant un uniforme de cette même couleur, ou encore « la ligne bleue des Vosges » qui indiquait la frontière naturelle de l’Alsace revendiquée par la France et contestée par l’Allemagne. Le bleu est une couleur politique, traditionnellement associée à la nation française, à la défense de son territoire et de ses frontières. « Il y a au fil des siècles », nous dit Michel Pastoureau (2002), « une continuité du bleu “français” » qui passe par l’azur de la royauté au Moyen-Âge pour être associé plus tard à l’État et à la Nation. Même si la couleur bleue ne fait pas toujours référence à la Nation dans la bouche de Marine Le Pen, elle est associée à la France et « aux évènements guerriers » qui ont marqué le « roman national » (DONTEWILLE-GERBAUD 2014). C’est pourquoi le lexème « marine » actualise des sèmes afférents tels que /frontière/, /défense nationale/ et même /anti-germanité/. Le signifiant /bleu marine/ contribue ainsi à assurer à la candidate la posture d’une Française patriote, une Française prête à prendre les armes contre l’ennemi cherchant à déstabiliser les frontières nationales.
Fonctions et valeurs sémantiques de « patriote » dans les discours du nouveau parti d’extrême droite
Au vu de sa fréquence, le lexème « patriote » semble bien faire partie de « l’entreprise doctrinale » et de « l’institution de sens » (DEZE 2015) mises en place par les stratèges en communication du parti d’extrême droite.
Si l’emploi du vocable était déjà en usage dans les discours du parti de Jean-Marie Le Pen, il semblerait bien que ce soit sa fille qui l’ait remis au goût du jour, en tout cas, depuis 2006 où elle fut la responsable de campagne de son père, date à laquelle elle publia la première édition de son livre À contre-flots. L’occurrence y apparaît dans un discours polyphonique où le dit de l’autre est, de manière présupposée, rejeté par l’assertion négative polémique proférée par l’énonciatrice :
[…] afin qu’ils voient que nous n’étions pas des nostalgiques bottes et casques, la matraque à la main. Que les électeurs du Front National n’étaient pas les abrutis, les archaïques, les imbéciles, les racistes, les peureux, les angoissés de l’avenir qui étaient systématiquement décrits et décriés avec mépris. Ils sont des patriotes. Ils aiment leur pays. Nous devions nous battre pour leur rendre leur fierté ; or en luttant contre cette injuste diabolisation, c’est leur honneur et leur considération que je voulais défendre. (À contre-flots, p. 253)
Le signifié du vocable « patriote » se construit ici en opposition aux autres prédicats classifiants véhiculant les sèmes péjoratifs du dénigrement (« les abrutis, les archaïques, les imbéciles, les racistes, etc. »), rapportés implicitement dans la réfutation d’un dit attribué à l’exogroupe, accusés de diaboliser le Front National. Marine Le Pen se propose de réparer cette malveillance hétéro-attribuée, l’« injuste diabolisation », par ce qui apparait comme un terme compensatoire d’autodésignation, « patriote ». Asséné dans une assertion affirmative péremptoire, l’énoncé assume ici la valeur performative d’un acte de baptême, dans la mesure où le terme entend instaurer une nouvelle équivalence référentielle entre « électeurs du Front National » et « patriotes ». L’usage emphatique du prédicat classifiant « patriote » dans la copulative (« ils sont des patriotes » au lieu de « ils sont patriotes ») indique également que l’on entend conférer un statut à cette nouvelle classe.
Ainsi, face à la posture victimaire des représentants du parti, implicitée par l’expression « injuste diabolisation », la société civile, politique et médiatique a accueilli favorablement la nouvelle posture de la candidate au travers de la construction du récit de la « dédiabolisation ». Dans le cadre des interactions sociales particulières que sont les débats antagonistes auxquels le parti d’extrême droite est régulièrement convié durant les dernières campagnes électorales, le vocable « patriote » est destiné, dans les réactions défensives comme dans l’énoncé ci-dessous, à neutraliser la face négative que les adversaires et la doxa républicaine projettent ou ont projetée sur les formations politiques d’extrême droite. L’emploi de ce vocable accompagne donc un retravail de la présentation de soi, c’est-à-dire non seulement de celle de la présidente de parti, mais au-delà, de l’image qu’elle voudrait associer à celui-ci en refaçonnant un ethos préalablement montré et (mal) perçu par l’opinion publique (AMOSSY 2010, 2014). C’est pourquoi, l’usage du vocable « patriote » est un instrument, par un effet de balancier, au service de la construction d’un ethos collectif positif.
L’énoncé suivant, extrait de son livre programmatique de 2012 Pour que vive la France, permet de circonscrire plus précisément les sèmes que Marine Le Pen entendait initialement associer au substantif « patriote » :
Nation, Église, Armée, École, Famille, Traditions, tout va progressivement s’écrouler, dans les années quatre-vingt à 2000, devant le Léviathan en marche. Celui-ci fera du citoyen, du croyant, du patriote, de l’élève, du parent, un consommateur décérébré qui sera livré pieds et poings liés aux lois aveugles du système marchand. (M. Le Pen, Pour que vive la France, p. 148)
Dans l’énumération des institutions fondamentales qui constituent la société française, la candidate aux présidentielles fait correspondre ici dans une construction parallèle, entre autres, le citoyen à la Nation et le patriote à l’Armée, ce qui confirme la distinction étymologiquement déterminée, implicitée par cette déclaration aux accents prophétiques et millénaristes (« le Léviathan en marche ») : le patriote reste donc aux yeux de la présidente du parti et fidèlement à son acception depuis le XVIIIe siècle, un combattant en arme. La valeur sémantique du substantif ne subit donc pas ici de variation néologique.
Plus loin, la fonction du vocable « patriote » est recatégorisée en adjectif. En effet, ce lexème est alors à interpréter comme un substitut métonymique de « français », sur une échelle argumentative ascendante, où l’adjectif « patriote » est perçu comme la qualité la plus noble de ce qu’on pourrait appeler la « francité »[9]. Associé, dans l’énoncé ci-dessous, à « nationale » et opposé à deux autres adjectifs « mondiale » et « supranationales », le terme revêt alors une forte connotation identitaire :
Je refuse donc la fausse alternative mondiale/nationale qui sonne inexorablement comme une opposition parfaitement idéologique, entre le moderne et l’archaïque. Il faut déjouer ce piège qui vise à légitimer la mise en place d’autorités supranationales qui échappent au contrôle et à la légitimité démocratiques. Mon projet est donc éminemment français, et d’abord patriote. Il croit en la France, a foi en elle, car dans ses profondeurs il y a le peuple français. (M. Le Pen, Pour que vive la France, p.176)
Une analyse de l’interdiscours nous permet de relever en écho un slogan polémique tombé en désuétude dans l’idiolecte mariniste qui entend bien se différencier de celui de son père : « les Français d’abord ! » (titre d’un ouvrage signé Jean-Marie Le Pen de 1984). En effet, nous pourrions interpréter l’énoncé « éminemment français et d’abord patriote » comme une hypallage où les deux adverbes « éminemment » et « d’abord » ont commuté, remplaçant ainsi la construction plus canonique, qui aurait dû être selon nous : « d’abord français et éminemment patriote », suivant une échelle de force argumentative qui devrait placer l’adverbe « d’abord », marquant un ordre prioritaire, avant l’adverbe « éminemment », à valeur culminative. La suite syntagmatique « d’abord français », à laquelle on renvoie implicitement, est ainsi évitée, et le potentiel impact négatif sur l’auditoire de la formule historiquement attribuée à l’ancien Front National notoirement xénophobe, se trouve opportunément désamorcé. Par ce biais argumentatif, il s’agit encore d’éviter l’affrontement direct en remodulant les référents auxquels on renvoie mais le discours de haine et les fondamentaux idéologiques de l’extrême droite sont toujours bien présents.
Tout au long des campagnes électorales de 2015 – départementales et régionales –, l’occurrence apparaîtra de plus en plus souvent dans les séquences d’ouverture et de fermeture des discours épidictiques, par exemple dans les actes d’adresse, en fonction vocative (« Chers amis patriotes »), pour appeler au rassemblement, exhorter à l’unité, galvaniser les forces. Les « candidats patriotes » s’adressent aux « électeurs patriotes ». Adjoint à tout substantif désignant les personnes ou les activités internes du parti, il devient une routine discursive des dernières campagnes électorales. On parle des « collectifs patriotes », du « vote patriote », de « l’alternative patriote », de « la vision patriote », du « projet patriote », de « l’opposition patriote », du « gouvernement patriote » etc. De même, on peut lire dans le programme du Rassemblement Bleu Marine de 2015, sous la rubrique « État » : « Injonction donnée à l’ENA de recruter des hauts fonctionnaires patriotes ». La valeur sémantique de l’adjectif s’affranchit de plus en plus de sa signification initiale, pour qualifier presque exclusivement les pratiques politiques du parti et sa propagande. La double fonction syntaxique que peut assumer « patriote », tantôt adjectif et tantôt substantif, confère un poids sémantique particulier au vocable qui ne qualifie pas seulement mais qui, potentiellement, catégorise. Du reste, ces expressions peuvent être lues comme des locutions synthétiques composées de deux noms juxtaposés, ce qui en ferait des génitifs de juxtaposition, par suppression de la préposition « de » (PICONE 1991) : « la vision patriote » serait alors une forme syncopée de « la vision des patriotes ».
La reconfiguration du nouveau parti se constitue par l’intermédiaire de la confirmation d’une nouvelle dénomination ainsi que le montre l’énoncé suivant, où celle-ci se substitue au « nous » de l’identité collective : « cet avenir, c’est nous, patriotes qui l’incarnons »[10]. De même, dans « Il faut d’urgence que les patriotes arrivent au pouvoir »[11], le vocable semble bien se référer à l’élite éclairée du parti.
« Patriote » : une dénomination ambigüe
Nous l’avons dit, le large spectre des signifiés du vocable « patriote », qui se sont sédimentés au cours de l’histoire, ont été remotivés à travers une mise en discours au service de l’opération de normalisation du parti. A travers cette dénomination, les discours d’extrême droite cherchent une nouvelle assise politique qui la légitimerait.
Ainsi, l’appel aux patriotes semble peu à peu destiné à rallier d’autres potentiels électeurs, comme dans l’énoncé qui suit, où l’entité collective se formerait idéalement autour d’une avant-garde animée de discernement :
[…] un certain nombre d’esprits éclairés posent dans notre pays la question cruciale du rassemblement de tous les patriotes et souverainistes dans un « front de libération nationale ». Au-dessus de la droite et de la gauche, il y a la France. (Tribune libre – Nationspresse.info 28/08/2015, par B. Dutheil de La Rochère, Président de Patrie et Citoyenneté)
Dans les campagnes électorales, la présidente du parti n’hésite pas à se réjouir de « la montée partout en Europe des mouvements patriotes »[12], sans indiquer cependant si elle fait référence aux partis national-populistes d’extrême droite comme en Hongrie ou aux victoires des partis souverainistes de gauche comme en Grèce.
Toutefois, cette ouverture affichée n’est pas toujours constante ni inébranlable. En effet, on relève parfois les expressions paronymiques telles que « patriotes sincères » ou « patriotes non reniés » (voir la page d’accueil du journal Nationspresse.info cité plus haut). La valeur sémantique de ces épithètes qui semblent bien être des expressions interchangeables, présuppose une attitude de défiance par rapport à ceux que l’on aurait envie d’appeler les nouveaux convertis :
Les candidats du Front National […] sont des hommes et des femmes engagés dans la vie civique, convaincus, des patriotes sincères, représentatifs de la France dans sa diversité générationnelle et sociologique. (discours de N. Bay pour la campagne des départementales, 15/03/2015)
L’énonciateur s’adresse ici à ceux qui proviennent des différentes couches de la population issue de tous milieux, voire de la « diversité » : « représentatifs de la diversité » renvoie en effet, dans l’interdiscours, à la formule « issus de la diversité », expression qui n’appartient pas, ordinairement, au vocabulaire lepéniste. L’énonciateur sent bien ici que ses propos entrent en contradiction avec le système de pensée et les fondements idéologiques du parti auxquels on hésite beaucoup à renoncer. L’imminence d’une victoire électorale pourrait-elle neutraliser les arguments de dissimilation et la stigmatisation des ennemis désignés de la patrie ?
Une brève consultation sur le moteur de recherche Google fait apparaître, exclusivement sur des sites d’extrême droite, la collocation « Français non reniés », une autre formule qui entre en résonance avec les deux premières que nous avons relevées et qui renvoient sans doute à ces Français à l’identité instable dont la fidélité à la mère-patrie ne peut être, par essence, indéfectible. Les épithètes « reniés », « sincères » présupposent un soupçon de conflit de loyauté, une accusation adressée de manière systématique aux « Français de papier », pseudo-nationaux, mondialistes, européistes etc., selon la vision du parti d’extrême droite. L’accusation de trahison chez ces nouveaux patriotes émerge ici dans l’interdiscours.
Remarques conclusives
Nous avons vu comment le vocable « patriote » présent dans la mémoire collective des Français a pu être remotivé dans les campagnes électorales du parti de Marine Le Pen (l’ancien Front National et le Rassemblement National d’aujourd’hui). La propagande lepéniste a essayé de construire un nouveau paradigme de sens et de remodeler l’image ou l’ethos du parti, à travers la figure d’une Française patriote qu’elle s’efforce d’incarner. Désignant, dans l’histoire contemporaine, des catégories de citoyens d’obédience opposée, le terme « patriote » bénéficie d’un large spectre de signifiés. Alors qu’il est tombé en désuétude dans les discours des autres partis politiques et, en particulier, des partis de gauche, il a été réactualisé par les discours d’extrême droite à travers des acceptions identitaires valorisantes. Il s’est alors imposé dans les discours de manière récurrente et quasi systématique pour se référer exclusivement aux activités du parti (en tant qu’adjectif) et à ses militants (occasionnellement appelés « nationaux »), puis à ses électeurs potentiels (en tant que substantif).
L’usage du vocable « patriote » dans les discours d’extrême droite convoque des arguments de dissimilation et une polarisation entre ceux qui seraient des Français patriotes et les autres, traitres à la patrie, aussi bien les ennemis de l’extérieur (européistes, mondialistes, immigrationnistes) que les ennemis de l’intérieur (pseudo-nationaux, post-nationaux, Français de papier). Ces éléments narratifs font partie de la doxa d’extrême droite, nationaliste et xénophobe ; ils sont déclinés sous différentes formes argumentatives souvent implicitement ou par sous-entendus, comme le démontre la mise en place des images de propagande. En cela le terme ‘patriote’ux signifiés ambigus et historiquement non déterminés sur l’échiquier politique, est apte à servir un discours de haine souvent dissimulée.
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Corpus
LE PEN Marine, 20112, À contre-flots, Editions Grancher, Paris
LE PEN Marine, 2015, Pour que vive la France, Editions Grancher, Paris
Les sites suivants ont été consultés tout au long de l’année 2015 (certains ne sont plus accessibles aujourd’hui) :
http://www.frontnational.com
http://www.marinelepen.fr
http://www.rbmfrance.com
http://www.nationspresse.info
http://gilbertcollard.fr/blog
Tweets de l’année 2015 de : Louis Aliot, Gilbert Collard, Marine Le Pen, Marion Maréchal Le Pen, Florian Philippot.
[1] Ce texte s’inscrit dans les travaux du groupe de recherche international Draine, Haine et rupture sociale : discours et performativité, qui réunit une trentaine de chercheuses et chercheurs dans une perspective interdisciplinaire, autour de l’étude du discours de haine et de ses caractéristiques spécifiques.
[2] « les politiques d’intégration et de “vivre ensemble” mis en œuvre depuis des décennies à grand coup de milliards d’euros en lieu et place d’une politique d’assimilation reposant sur l’amour de la patrie et sur la glorieuse histoire de la France. » (Communiqué de presse de D. Rachline du 11-12-2015).
[3] D. Rachline sur Direct Sénat le 01/04/2015.
[4] Marine Le Pen, interviews à Valeurs actuelles du 07/07/02016 et au Parisien du 08/01/2017.
[5] Marine Le Pen, Pour que vive la France, op.cit., p. 121.
[6] http://www.nationspresse.info/qui-sommes-nous (consulté le 30/07/2016).
[7] Discours de Marine Le Pen à Paris, 10/12/2015.
[8] « Marine Le Pen, l’héritière d’une saga familiale », Le Parisien, 05/05/2017.
[9] Dans le journal néo-fasciste Minute (24/12/2014), nous avons trouvé pour désigner les supporters de l’équipe de foot du PSG, l’expression « les supporters patriotes », ce qui témoigne d’une perméabilité de la dénomination.
[10] Communiqué de presse du Front National, 21/02/2015.
[11] Conférence de presse de M. Le Pen, 13/07/2015.
[12] Communiqué de presse de Marine Le Pen, 07/02/2015.
Per citare questo articolo:
Lorella SINI, « Qui sont les « Patriotes » ? – Sous la dénomination, les braises de la haine », Repères DoRiF, n. 26 – Les discours de haine dans les médias : des discours radicaux à l’extrémisation des discours publics, DoRiF Università, Roma, novembre 2022, https://www.dorif.it/reperes/lorella-sini-qui-sont-les-patriotes-sous-la-denomination-les-braises-de-la-haine/
ISSN 2281-3020
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