Marie-Christine JAMET
La perception de l’accent « étranger » chez des apprenants de français.
Résultats d’une enquête à Venise
Marie-Christine Jamet
Università Ca’ Foscari Venezia
jametmc@unive.it
Résumé
Comment des apprenants de langue se situent-ils par rapport au problème de la prononciation ? Une enquête a été menée auprès d’un panel d’étudiants de langues à Venise pour sonder leurs opinions et attitudes spontanées sur l’accent étranger. Cette contribution présente l’enquête et compare, pour la section B centrée sur le rapport aux langues en général, les résultats obtenus, discutés et publiés pour l’ensemble du panel dont les langues majoritaires sont l’anglais, l’espagnol, le russe, le français et l’allemand, avec le groupe des seuls étudiants de FLE. Les résultats montrent combien le modèle du natif reste prégnant et l’horizon à atteindre pour les étudiants qui intègrent cependant la conscience de se satisfaire d’un accent étranger, même si les francophones apparaissent un tout petit peu plus exigeants.
Abstract
How do language learners relate to the problem of pronunciation? A survey was conducted among a panel of language students in Venice to probe their spontaneous opinions and attitudes on foreign accents. This paper presents the survey and compares the results obtained, discussed and published for the whole panel, whose majority languages are English, Spanish, Russian, French and German, with the group of FLE students only. The results show that the native speaker model is still very important and the horizon to be reached for the students, who nevertheless integrate the awareness of being satisfied with a foreign accent, even if the French speakers appear to be a little more demanding.
Le terme accent est polysémique, en français comme d’autres langues. Le sens qui nous intéresse ici concerne l’oral. A partir des sens premiers de mise en relief d’une syllabe par l’intensité, la hauteur ou la durée, par extension, le mot en est venu à désigner la prononciation en termes de distance/proximité par rapport à une norme standard. Le Robert en ligne utilise le terme de « norme » :
Ensemble des caractères phonétiques considérés comme un écart par rapport à la norme (dans une langue donnée). L’accent du Midi. Se moquer de l’accent de qqn (➙ glottophobie).
À cette définition se superpose une évaluation : « bon/mauvais accent » selon l’usage quotidien qui se déduit de l’exemple donné « se moquer de l’accent de quelqu’un » et du renvoi au terme de glottophobie, qui constitue aujourd’hui une entrée de ce dictionnaire dont l’acceptation la plus ancienne est attribuée à Philippe Blanchet (1998), son livre phare Discriminations, combattre la glottophobie étant de 2016.
Le TLF, plus prudent parle de « prononciation considérée comme normale » :
Manière partic. de placer l’accent, et p. ext., ensemble des traits de prononc. qui s’écartent de la prononc. considérée comme normale et révèlent l’appartenance d’une pers. à un pays, une province, un mil. déterminés : Avec un accent traînard de Parisien il se vante de ses conquêtes. E. DABIT, L’Hôtel du Nord, 1929, p. 50. Les ordres furent transmis aux garçons dans un français dont les hésitations ou l’accent trahissaient tantôt le russe, tantôt l’anglais, tantôt l’allemand, tantôt le hongrois et tantôt un idiome inconnu. L.-P. FARGUE, Le Piéton de Paris, 1939, p. 59.
Alors que le premier exemple du Petit Robert et celui du TLF font allusion à une variation interne au français, lié à la classe sociale ou à la région, le second exemple du TLF introduit un type de variation différent lié à la provenance étrangère du locuteur. C’est ce sens qui va nous intéresser dans cette contribution, qui se situe donc dans le cadre de l’enseignement d’une langue étrangère. La norme que Blanchet définit en France comme celle des « élites », est dans notre cas de l’enseignement du FLE en Italie celle des transcriptions phonétiques, celle des enregistrements des manuels en français standard des médias, mais aussi celle de l’enseignant qui, lui, peut avoir des accents « localisés » différents, du sud ou du Jura, de Belgique ou du Québec, pour citer des exemples que nous connaissons en Italie. Cette ouverture à la variation est déjà présente en didactique, car, si dans les premiers niveaux, le modèle donné est standard afin de fixer une prononciation stable et finalement partagée, la conscience de devoir préparer les jeunes Italiens à comprendre les Français de Provence ou du Nord ainsi que les francophones d’Europe ou du monde qu’ils pourraient côtoyer fait que l’on voit se dessiner, timidement, une tendance à exposer les apprenants à la variation dans le cadre de la compréhension de l’oral. Un récent colloque qui s’est tenu à Venise a abordé la question et il été montré que peu de manuels d’apprentissage prennent en compte la francophonie, et s’ils le font, c’est surtout du point de vue culturel et très rarement du point de vue linguistique et en particulier de la prononciation[1]. Mais au niveau universitaire, l’examen des intitulés de cours montre que l’attention à la variation est présente, même si elle est loin d’être généralisée, ce qui laisse présager des évolutions futures dans l’enseignement secondaire, plus tardives en raison de l’inertie naturelle pour tout transfert de la sphère de la recherche/enseignement supérieur à la sphère applicative.
Vu du côté de l’apprenant, quelle est la perception que celui-ci se fait de l’accent dans la langue qu’il apprend ou de l’accent des autres dans sa propre langue ? Quelles sont ses attentes et quel est son modèle ? Que cherche-t-il à acquérir ? Comment évalue-t-il ses propres performances ? Comment se situe-t-il émotionnellement face à l’accent ? Ce sont ces questions que se sont posées des enseignants-chercheurs de cinq « grandes » langues différentes, allemand, anglais, espagnol, français et russe, à l’université Ca’ Foscari dans le cadre d’une recherche multilingue, suggérée par la parution du volume complémentaire du Cadre Européen Commun de Référence où la notion d’accent « étranger » a disparu, notamment sous la pression du global english, de même que la notion de locuteur natif. L’échelle unique sur six niveaux visant à mesurer le « contrôle phonologique » a été remplacée par trois composantes à mesurer : maitrise générale du système phonologique, articulation des sons et traits prosodiques. La notion d’intelligibilité gagne donc du terrain au détriment de la correction phonétique, car comme il est précisé « Les modèles idéalisés qui ignorent les accents, ne prennent pas en compte les contextes, les aspects sociolinguistiques ni les besoins des apprenants ». Nous avons donc décidé – six chercheurs de chacune des cinq langues – de lancer une enquête auprès de nos étudiants autour de ces questions. Nous présenterons dans un premier temps comment nous avons conduit l’enquête à travers un questionnaire, puis nous nous focaliserons sur la section B du questionnaire en comparant les résultats obtenus sur l’ensemble de l’échantillon et décrits dans leur publication par Duryagin et Dal Maso (2022) avec les réponses données par les apprenants de français, qui constituent une partie du groupe des étudiants enquêtés.
1. L’enquête : public, méthode et questions de recherche
La recherche que nous avons menée s’est inscrite dans le cadre du projet interdisciplinaire intitulé Diversità linguistica e culturale, Multilinguismo, multiculturalismo, per il benessere delle persone e della società qui a valu au département de langues occidentales de Venise d’être reconnu par le ministère italien comme Département d’excellence. L’idée a été, parmi les collègues spécialistes de l’enseignement de la langue, de mener auprès de nos étudiants de première année de licence de langues une enquête sur leurs opinions et sur la perception de leurs attitudes face au concept d’accent étranger dans les langues qu’ils étudient (il y en a donc davantage que les 5 langues majoritaires). L’enquête – et son analyse – a donné lieu à un livre collectif : Accents and pronunciation: attitudes of Italian university students of languages paru en 2022 (NEWBOLD et PASCHKE, ed). Le mot attitude en anglais a un sens un peu plus large qu’en français : “the way that you think and feel about someone or something; the way that you behave toward someone or something”. Cela touche donc l’auto-évaluation de son propre accent en langue étrangère, les attentes et perspectives que les étudiants ont en entrant dans un cours de formation en langues étrangères, mais aussi l’accent perçu par un Italien chez un étranger dans sa propre langue, l’italien. Pour chaque langue étrangère, il s’agissait:
- de comprendre l’importance accordée à la prononciation par des étudiants spécialistes,
- de voir s’il existe des stéréotypes,
- de comprendre si la nature de la langue étudiée peut avoir une influence sur les représentations,
- de corréler avec l’histoire personnelle de l’étudiant (genre, langue 1, répertoire linguistique lié aux expériences de vie et aux années d’étude, niveaux de langue estimés, motivation).
L’enquête s’est faite par questionnaire écrit automatisé en ligne.
1.1. Le panel
Notre public était des étudiants de langue en très grande majorité italiens inscrits en première année de licence de langues avec deux langues au choix dans leur cursus. Les deux cohortes sollicitées, en 2019 et en 2020, comptaient en tout 1040 étudiants inscrits, potentiels informateurs. 437 étudiants ont rempli le questionnaire soumis deux années consécutives, 238 en 2019-2020 et 199 en 2020-2021. Et nous avons retenu 372 étudiants qui satisfaisaient tous les critères (être en première année et spécialiste). Cela constitue par rapport à l’ensemble des 1040 étudiants de première année sur les deux cohortes 35,8% de participation, un peu plus d’un tiers. Cet échantillon a néanmoins été quantitativement représentatif de l’ensemble, avec une légère sur-représentation des filles (87,5% dans l’échantillon) – sans doute plus diligentes à répondre aux sollicitations des enseignants pour remplir le questionnaire – par rapport à leur nombre global en première année de cursus où elles sont déjà naturellement largement majoritaires (84,2%). Mais la faible différence ne remet pas en cause l’homogénéité.
Pour ce qui est de la formation antérieure, l’enquête a permis de constater, en marge de nos intérêts, que du point de vue sociologique, il existe un lien fort entre la formation secondaire et supérieure : plus de 60% des étudiants qui ont répondu proviennent des lycées linguistiques et des instituts pour le tourisme où les langues sont prioritaires.
Pour ce qui est du choix des langues, l’ensemble des deux cohortes (tous les étudiants inscrits en 2019 et 2020) confirme le statut de « grandes » langues des 5 langues de la recherche qui sont les plus étudiées, soit comme première langue (langue A) soit comme deuxième langue (langue B). Celles-ci ont du point de vue des crédits le même poids, mais plus de mémoires seront rédigés dans la langue A. Près de la moitié des étudiants choisissent au niveau universitaire des langues qu’ils n’ont pas étudiées auparavant. Pour les 5 « grandes » langues de l’enquête (l’université offre 9 autres langues choisies par moins d’étudiants), en 2019 et 2020, les pourcentages sont les suivants :
- Anglais et anglo-américain : 37% comme langue A ou B avec une très nette prédominance pour la langue A ;
- Espagnol ou hispano-américain : 19% comme langue A ou B (essentiellement B);
- Russe : 11.5%, comme langue A ou B (légère prédominance de la langue B);
- Français : 11.5% comme langue A ou B (essentiellement B);
- Allemand : 10% comme langue A ou B (essentiellement B).
Nous avons ainsi un aperçu de la position du FLE dans le panorama général. Depuis ces données datant de 2020, la langue russe, suite au conflit ukrainien, est en forte régression. Dans notre échantillon plus réduit, nous avons un ordre différent : le français avec 104 étudiants et l’allemand avec 101 étudiants représentent chacun environ 14% et le russe 12%. Le biais résulte sans doute de l’insistance à faire remplir les questionnaires.
1.2. L’instrument de l’enquête : le questionnaire
Le questionnaire a été élaboré par l’ensemble du groupe de recherche et a été divisé en six sections avec des questions pensées selon l’échelle de Likert et quelques questions à réponse libre. Plusieurs questions pouvaient converger vers un même but, mais être posées de façon légèrement différente. Elles apparaissaient de façon aléatoire (voir traduction du questionnaire en français en annexe).
- A. Le portrait de l’apprenant. 24 questions. Données biographiques (genre, année de naissance, année d’inscription), parcours d’instruction (en Italie ou à l’étranger, quel type de cursus et raisons de l’inscription dans le cursus de langue à l’université), répertoire linguistique (langue italienne native ou pas, bilinguisme, langues étudiées, usage du dialecte local, usage de la langue étrangère dans la vie).
- B. Attitudes et opinions générales sur l’accent étranger et sur l’importance d’une bonne prononciation. 15 questions.
- C. Opinions et attitudes face à la langue A. 15 questions.
- D. Opinions et attitudes face à la langue B. 15 questions.
- E. Attitude face à l’anglais, lingua franca. 7 questions.
- F. Attitudes face à l’accent en italien. 5 questions.
Le questionnaire a été conçu de façon à faire émerger, en tant qu’hypothèses, l’impact du genre, du bilinguisme de l’individu, du répertoire linguistique, des processus d’acquisition, de la difficulté intrinsèque ou perçue de la langue étudiée.
1.3. Les questions de recherche
Nous renvoyons à notre article pour une analyse plus pointue de la section A qui établissait l’ensemble des variables indépendantes et des questions de recherche qui en découlent (JAMET, 2022 : 3) auxquelles les articles des autres chercheurs du groupe pour les autres langues ont répondu dans le volume collectif (NEWBOLD PASCHKE, 2022). Rappelons ici quelques variables indépendantes que nous avons analysées.
1.3.1. Genre et motivation
Il y a peu d’études faites sur la corrélation entre genre/sexe et acquisition d’une L2, mais elles montrent en général une propension chez les filles à vouloir apprendre les langues étrangères comme nouveauté et pour des raisons personnelles tandis que les choix des garçons seraient davantage influencés par des raisons pratiques. En outre, cette prédisposition des filles pourrait justifier leur inscription massive dans des cursus de langue, même s’il faut toujours être prudent et penser que d’autres facteurs sociologiques ont leur poids dans les décisions d’orientation (voir JAMET 2022 :11 pour la discussion sur la littérature).
Les deux questions qui surgissent en fonction de la littérature sont les suivantes :
- si les filles ont un plus grand désir d’apprendre les langues, seront-elles plus exigeantes pour rechercher une prononciation native ?
- si les garçons étudient les langues pour des raisons pratiques, vont-ils favoriser la communication au détriment de la qualité phonétique?
En partant de cette constatation, nous unissons la question du genre et celle sur la motivation qui apparaissent reliées. En proposant 13 options, une question du questionnaire (A19) voulait distinguer les motivations intrinsèques lorsque le sujet s’investit dans l’apprentissage qu’il choisit sans autre récompense que le plaisir (plaisir immédiat de l’étude, passion des langues, curiosité pour les cultures, plaisir de faire le métier de ses rêves, etc. + plaisir lié à expériences du passé positives) et extrinsèques où le sujet s’investit dans un apprentissage pour des raisons extérieures à lui liées à un manque ou un besoin (en particulier tourné vers l’avenir : avoir un bon travail et possibilité d’aller à l’étranger). On aurait pu s’attendre à ce que les garçons privilégient les motivations extrinsèques, et au contraire leur score a été légèrement supérieur au pourcentage général : 71% pour les garçons de l’échantillon sur des motivations intrinsèques contre 67% de l’ensemble du panel, ce qui pousse à conclure que les étudiants de sexe masculin choisissent ce parcours pour des raisons de plaisir, d’intérêt et de passion pour la discipline. Ce que montre alors l’analyse faite, à partir des sections C et D du questionnaire (ARROYO HERNANDEZ PASCHKE, 2022 : 63 et sq), c’est qu’il y a un lien entre les motivations intrinsèques fortes et une auto-évalutation positive de son propre accent, le plaisir d’avoir un accent natif, le plaisir de parler à voix haute, le plaisir des feedback positifs dans l’interaction, le plaisir d’une nouvelle identité. La comparaison avec l’échantillon des étudiants francophones sera l’objet d’une recherche future sur les émotions et les facteurs cognitifs.
1.3.2. L’impact du bilinguisme et répertoire de l’apprenant
90% de notre échantillon est de langue maternelle italienne. Les autres affirment que leur langue maternelle est soit un dialecte parlé à côté de l’italien (3,5%), soit une langue étrangère (immigrant de 2e ou 1e génération pour 6,5%). Donc la question de l’origine pour notre échantillon apparait aussi peu décisive que celle du genre en termes quantitatifs. Toutefois, on a cherché à observer de plus près si le fait d’être bilingue dans son environnement et d’avoir plusieurs langues dans son répertoire quotidien implique un plus grand désir de perfection phonétique dans les autres langues en apprentissage ou au contraire plus de tolérance. Et c’est ce qu’une étude plus approfondie de la section générale B va chercher à montrer en comparant le panel global avec les opinions du groupe des francophones.
2. Attitudes et opinions générales sur l’accent étranger et sur l’importance d’une bonne prononciation : le positionnement des étudiants de FLE
Focalisons donc notre attention sur la section B du questionnaire qui visait à dégager les opinions générales des apprenants sur la prononciation pour comparer les résultats globaux des 372 étudiants de l’échantillon qui ont chacun une langue A et une langue B (on comptera donc 744 apprenants) avec les étudiants de français (langue A OU Langue B) qui représentent 104 personnes, à savoir près de 14 % des étudiants de l’échantillon qui ont répondu au questionnaire.
Nous insérons ici les questions qui ont été posées avec une échelle de Likert allant de 1 = pas du tout d’accord à 5 = tout à fait d’accord :
Questions d’ordre général
- B01. C’est une priorité pour moi d’avoir une bonne prononciation.
- B02. Je tiens à avoir peu d’accent étranger lorsque je parle.
- B03. Le vocabulaire et la grammaire sont plus importants que la prononciation.
- B04. Cela vaut la peine d’investir beaucoup de temps en classe pour avoir une bonne prononciation.
Questions sur l’accent natif ou l’intelligibilité
- B05. J’essaie de me rapprocher le plus possible de la prononciation d’un locuteur natif.
- B06. L’accent étranger n’est pas un problème pour moi tant que je peux communiquer avec les autres.
Questions sur le ressenti et le rapport aux autres
- B07. Une bonne prononciation me procure un sentiment agréable
- B08. Une mauvaise prononciation peut donner une mauvaise impression.
- B09. Avec une bonne prononciation, on se sent plus sûr de soi dans une conversation.
- B10. Avec une mauvaise prononciation, on risque d’être moins convaincant.
Questions sur l’identité
- B11. Cela ne me dérange pas que mon accent trahisse mon origine.
- B12. Je suis content(e) d’être pris(e) pour un(e) locuteur(trice) natif(le) lorsque je parle.
- B13. Parler avec un bon accent signifie pour moi faire l’expérience d’une nouvelle identité.
- B14. Imiter la prononciation d’un locuteur natif ne me donne pas l’impression d’être moi-même.
Dernière question ouverte
- B15 Souhaitez-vous dire quelque chose de plus sur l’accent étranger ou l’importance d’une bonne prononciation ou commenter l’une des questions de cette section ?
Comme on le voit le questionnaire présente des questions sur le même thème, mais présentées à ‘l’endroit’ et à ‘l’envers’ : B01-B02, B03-B04, B05-B06, B07-B06, B09-B10, B11-B12, B13-B14.
Nous rapportons ici les analyses de Duryagin et Dal Maso (2022 :42 et sq) pour l’ensemble du groupe et nous comparons avec les étudiants de FLE. Nous regroupons les classes : 5+4 (tout à fait d’accord et d’accord) d’un côté et 1+2 (pas du tout d’accord et pas d’accord) de l’autre, et au milieu les incertains ou indifférents et neutres. Les ‘camemberts’ reproduisent les résultats pour le groupe francophone (le système automatique ayant arrondi les pourcentages).
2.1. Items B01-B02 : le désir d’avoir un « bon » accent
Sur l’ensemble de l’échantillon, plus des deux tiers des enquêtés (69,3%) répondent, à la question B01, qu’avoir une bonne prononciation est indispensable pour eux, tandis que moins de 8% pensent que ce n’est pas important. Toutefois à la question suivante posée différemment sur le désir d’avoir peu d’accent, 30% n’y voient pas un objectif pour eux. Duryagin et Dal Maso commentent cette incongruence par l’interprétation qui peut être donnée à l’expression « avoir une bonne prononciation ». Si en B01, une bonne prononciation pourrait être associée à l’intelligibilité tout en conservant un « accent étranger », en B02, le focus est mis sur l’accent et par conséquent un tiers des enquêtés semblent considérer qu’avoir un « bon accent » est un objectif qu’on ne cherchera pas à atteindre. Les chercheurs soulignent en outre que les étudiants qui ont plusieurs langues d’usage dans leur répertoire ont tendance à considérer l’accent natif ou presque comme un objectif prioritaire et ont répondu positivement à la question.
Sur ces deux questions, le groupe francophone se comporte de la même façon que l’ensemble du groupe (duquel ils font partie) : 70% sont d’accord ou tout à fait d’accord avec l’assertion qu’avoir une bonne prononciation est une priorité, toutefois 54% seulement tiennent à avoir peu d’accent étranger.
2.2. Items B03 et B04. Vocabulaire et grammaire ou phonétique ?
Sur l’ensemble de l’échantillon à l’item B03 – Le vocabulaire et la grammaire sont plus importants que la prononciation – 19,3% des étudiants sont en désaccord et pensent que le vocabulaire et le lexique ne sont pas plus importants que la prononciation ; le reste des étudiants se partagent équitablement entre 40 % qui pensent que le lexique et la grammaire comptent davantage que la prononciation et 40,6% qui pensent probablement qu’il faut leur attribuer le même poids. Pourtant, 78,6% pensent en B04 qu’il convient d’accorder du temps en classe à la prononciation, tandis que 16,6% sont incertains et 4,5% contraires. Là aussi, il y a une contradiction entre les deux questions que l’on pourrait expliquer d’une part par le désir de faire plus de phonétique puisque l’on sait par ailleurs que dans les lycées, l’attention à la prononciation n’est pas primordiale, et par le biais que pourrait constituer le désir de répondre de façon « politiquement correcte » à un questionnaire sur la prononciation, proposé par des professeurs de langue (dont 4 sont de langue maternelle) en B04, comme le suggèrent Duryagin et Dal Maso. Ces derniers notent que les garçons au niveau général accordent une moindre importance à la phonétique, mais l’exiguïté de l’échantillon invite à la prudence, tandis que ceux qui ont un dialecte en plus de l’italien la valoriseraient davantage, peut-être à cause du phénomène de diglossie qu’ils connaissent pour leur dialecte, de même que ceux qui ont appris l’italien comme langue 2 sont plus sensibles à la prononciation. Toutefois par rapport à l’analyse des chercheurs, il faut souligner l’ambiguïté de l’interprétation des réponses 1 et 2 qui ne signifient pas que vocabulaire et grammaire sont ‘moins importants’, mais qu’ils ‘ne sont pas plus importants’. Par conséquent, ces réponses pourraient s’ajouter aux réponses neutres et on aurait donc 60% des interrogés qui pensent qu’il ne faut pas accorder plus d’importance au lexique et à la grammaire qu’à la prononciation, ce qui est en soi un facteur intéressant pour tirer des conséquences pédagogiques.
Si on applique le même raisonnement pour le groupe francophone, on constate que 18% pensent que vocabulaire et lexique ne sont pas plus importants, et 46% accordent une importance égale, ce qui fait un total de 64% tandis que 36% pensent que lexique et grammaire sont plus importants. Donc un léger avantage pour le groupe francophone pour valoriser la prononciation. Par contre la réponse à B04 est légèrement inférieure. Si 4% refusent d’accorder plus de place en classe à la prononciation, 20% sont neutres et 76% favorables.
Ainsi dans l’ensemble, on peut affirmer que pour le groupe total comme pour le sous-groupe des francophones, lexique et grammaire ne sont pas plus importants que la prononciation, et qu’il faut accorder à cette dernière plus de place dans les cours de langue, et peut-être faut-il interpréter le score légèrement inférieur des francophones à la question d’investir beaucoup de temps pour la prononciation à la perception de la langue française comme plus facile notamment par rapport à l’allemand.
2.3. Items B05 et B06. Accent natif ou intelligibilité ?
L’item B05 – J’essaie de me rapprocher le plus possible de la prononciation d’un locuteur natif – introduit le concept d’accent natif. Le natif était donc le locuteur de référence de la langue en apprentissage. Toutes langues confondues, 95,1% sont d’accord dont 67,2% tout à fait d’accord, ce qui révèle bien l’ambition de nos étudiants et leur objectif déclaré du modèle natif qui est donc loin d’avoir disparu. Mais la réponse à l’item suivant – L’accent étranger n’est pas un problème pour moi tant que je peux communiquer avec les autres – peut surprendre, car 43,5% sont d’accord pour dire qu’avoir un « accent étranger » n’est pas un problème pour eux si on communique, tandis que pour 24% d’entre eux, c’est un problème, et 32% sont plus nuancés. Comme le suggèrent les chercheurs, ou bien entre en jeu le désir de répondre ce à quoi les professeurs s’attendent en B05, soit la divergence souligne l’écart entre le désir d’atteindre un modèle et la conscience que c’est un objectif ambitieux, le désir de perfection d’un côté et de l’autre, l’accommodement à la réalité.
Les étudiants de français sont dans la même lignée : 96% rêvent de parler comme un natif (quel natif ? la question n’a pas été posée mais nous imaginons que c’est bien le modèle hexagonal standard qui est attendu[2]), mais par rapport au fait d’avoir un accent étranger en français, 45% pensent qu’avoir un accent étranger est un problème au lieu de 24 %. Et 32% sont indécis. Ici les étudiants de français se démarquent du groupe entier. Pourquoi ? Est-il possible qu’ils projettent des attentes de la part de leurs enseignants ? qu’ils projettent des attitudes de rejet vécues de la part de natifs ? Les sections C et D du questionnaire – dans notre prochaine recherche – pourront peut-être apporter une réponse plus précise. Arroyo & Paschke (2022 :94) ont déjà montré cependant que la difficulté d’articulation du français (question C/D 10) ne constituait pas nécessairement un obstacle aux émotions positives (question C/D9).
2.4. Items B07 à B10. Questions sur le ressenti et le rapport aux autres
L’item B07 fait également l’unanimité avec 96% de réponses favorables à la question de savoir si on éprouve un sentiment agréable en prononçant bien, de même que l’item B09 – Avec une bonne prononciation, on se sent plus sûr de soi dans une conversation – 92,9% sont d’accord dont 63,9% tout à fait d’accord. Dans les deux cas, Duryagin et Dal Maso (2022) soulignent une corrélation avec l’usage quotidien de plusieurs langues (information de la section A) contribuant à renforcer l’estime de soi.
Pour les francophones, les résultats sont similaires, 95% pour B07 et 92% dont 66% tout à fait d’accord.
Pour renforcer l’estime de soi, il apparait évident que la prononciation est un élément de satisfaction (mais comment savoir si on prononce bien sans feed-back externe ? de quoi dépend la satisfaction ? Encore une fois, c’est l’analyse des sections C et D qui pourra apporter des réponses plus précises.)
Inversement les questions B08 – Une mauvaise prononciation peut donner une mauvaise impression – et B10 – Avec une mauvaise prononciation, on risque d’être moins convaincant – veulent souligner des aspects négatifs. Pour B08, plus de la moitié (58%) craignent le jugement négatif d’autrui à cause de l’accent, 27% sont neutres et seulement 19% sûrs d’eux : ont-ils confiance dans l’empathie des autres, savent-ils que leur accent italien est souvent perçu comme charmant ou bien n’ont-ils peut-être pas eux-mêmes de problèmes d’accent ? Pour B10, 62,8% sont d’accord sur le fait que si l’on a une mauvaise prononciation, on risque d’être moins convaincant, 25,8% sont indécis et seulement 1,8% sont assez sûrs d’eux pour penser que l’art de convaincre ne passe pas par une bonne prononciation. Encore une fois, ce qu’ont montré les chercheurs, c’est qu’une corrélation peut être établie entre les étudiants qui ont plusieurs langues dans leur répertoire et une importance accrue accordée à la prononciation, tandis que les autres semblent intégrer le fait qu’il est difficile d’atteindre l’objectif.
Chez les étudiants de FLE, curieusement à la question B08, il apparaît que la crainte de donner une mauvaise impression soit moins forte : 22% sont en désaccord, 19% neutres, et 59% pensent que l’on ne donne pas une mauvaise impression, ce qui apparaît en contraste avec les 45% qui pensent qu’avoir un accent est un problème pour la communication, mais sans doute est-ce un problème pour eux, mais pas, selon eux, pour leurs interlocuteurs. Les étudiants de français ressentent-ils une plus grande tolérance chez leurs interlocuteurs ou est-ce le contraire ? Ce serait une nouvelle question à introduire dans un questionnaire mis à jour. Dans le même sens pourrait aller l’interprétation pour l’item B10 que 14% des étudiants de français contre 1,9% du groupe général n’établissent pas de lien entre leur prononciation et leur capacité de convaincre, mais 66% pensent tout de même qu’une mauvaise prononciation a une influence sur la capacité de convaincre.
2.5. Items sur l’identité
Les items suivants vont toujours dans le sens du ressenti mais se centrent davantage sur des questions d’identité. Pour la B11 – Cela ne me dérange pas que mon accent trahisse mon origine – la répartition est assez homogène dans le panel : 37% d’accord, 30% neutres, 33% pas d’accord. Une corrélation a été établie entre le fait de parler un dialecte et de ne pas être dérangés par l’accent ; inversement, plus le sujet répond à une motivation intrinsèque, plus il y a de gêne à être reconnu.
Par rapport à ces résultats, dans le groupe francophone, moins d’étudiants (26%) sont gênés si on les identifie, 33% sont neutres et 41% pensent que ce n’est pas un problème. Il semble donc qu’il y ait une plus grande acceptation de son accent italien chez les apprenants de français. Peut-on imaginer que ce soit une spécificité des apprenants italiens de français, ou le reflet de l’acceptation de l’accent italien de la part des francophones qui apprécient cet accent chantant ? La même hypothèse se profile qui concerne la réception de l’accent étranger de la part des natifs. Mais en même temps à la question B06, 45% pensent qu’avoir un accent est un problème même si on communique. Mais en réalité ce pourcentage recouvre en partie les étudiants qui se disent gênés ou moyennement gênés par le fait d’être identifiés.
La question B14 est son envers : – Imiter la prononciation d’un locuteur natif ne me donne pas l’impression d’être moi-même, car c’est une justification du fait que l’on préfèrerait presque conserver son accent d’origine. 13% ont approuvé, 66 % désapprouvé, ce qui prouve que parler une autre langue pour la majeure partie ne modifie pas le rapport à soi ni la perception de son identité, et cela est particulièrement vrai pour les apprenants qui ont une motivation intrinsèque plus développée, qui sont bilingues ou pratiquent chaque jour les langues.
Les résultats à l’affirmation B14 pour le groupe francophone sont congruentes avec le groupe général : 63% pensent que c’est faux et seulement 16% pensent qu’ils ne sont plus eux-mêmes quand ils essaient de prononcer la langue étrangère.
Les items B12 et B13 sont tournés positivement et concernent la nouvelle identité que l’on acquiert en parlant une autre langue. 87,5% sont d’accord avec l’assertion B12 – Je suis content(e) d’être pris(e) pour un(e) locuteur(trice) natif(le) lorsque je parle et seulement 3% ne sont pas d’accord, ce qui confirme les points B01 et B05 sur l’accent natif perçu comme un modèle. Et la corrélation est forte avec le nombre de langues étudiées à l’école. Et pour B13 – Parler avec un bon accent signifie pour moi faire l’expérience d’une nouvelle identité – 51,5% sont d’accord, 26,7% sont indécis et 21,6% ne sont pas d’accord. La moitié des apprenants donc vivent l’expérience d’une nouvelle identité à travers l’usage d’une langue étrangère. En même temps, ils avaient répondu à B14 qu’ils restaient eux-mêmes (66%). Cela semble conforter l’idée qu’ils n’éprouvent pas de sentiments négatifs en faisant l’expérience de la langue étrangère.
Les apprenants de français ne se différencient pas du groupe : 86% affirment éprouver du plaisir lorsqu’ils sont pris pour un natif et 51% font l’expérience d’une nouvelle identité
Conclusion
Nous n’avons pas observé de différences significatives entre le groupe des francophones par rapport à l’ensemble du panel pour ce qui est de l’ensemble des réponses à la section B de notre questionnaire. Le désir d’atteindre le modèle du natif (sans que ce modèle soit mis en discussion)[3] et d’avoir une prononciation proche d’un natif est très présent, et exprimé à travers les items B05 (96%) et B12 (86%) avec un score très élevé. Une bonne maitrise de la conversation donne un sentiment agréable (B07 95%) et de sécurité dans les interactions (B09 92%). Par conséquent la réponse positive à la question B01 sur l’objectif prioritaire d’avoir une bonne prononciation n’est pas surprenante (70%), même si elle ne fait pas autant d’unanimité. Toujours en ligne avec l’ensemble du panel, les étudiants de FLE n’ont pas l’impression de perdre leur identité en imitant la prononciation de la langue étrangère (65%).
Toutefois, comme pour l’ensemble du groupe, il y a un degré d’acceptation de l’ « imperfection », qui n’est pas inhibante comme le montrent les réponses à l’item B02, où seulement la moitié du panel, et à peine plus chez les francophones (54%), tiennent à avoir peu d’accent, avec tout de même 30% qui n’y tiennent pas du tout, ce qui est congruent avec la somme des neutres et contraires de la question 01. Les francophones apparaissent légèrement moins ennuyés qu’on les reconnaisse à leur accent étranger par rapport à l’ensemble (B11 : 41% n’y voient pas de problème et 26% seulement n’aiment pas que leur accent les trahisse, alors que pour l’ensemble du groupe, il y en avait 33%). Pourtant l’écart le plus important a été remarqué pour la question 06 qui met au premier plan l’intelligibilité. Seulement 28% des francophones contre 44% privilégient la communication plutôt que la correction phonétique, ce qui correspond à peu près aux 30% de ceux qui ne tiennent pas à avoir nécessairement un bon accent. 36% pensent au contraire que la prononciation n’est pas à mettre en arrière-plan (B06). De fait 76% pensent qu’il faut investir du temps dans la prononciation en classe (B04). Et c’est peut-être là que réside la spécificité des apprenants de français.
Ainsi à un commentaire libre comme :
– « En ce qui me concerne, il est utile d’avoir une bonne prononciation, mais ce n’est pas indispensable. Je m’explique. Lorsque je dois me rendre à l’étranger, je dois d’abord avoir des connaissances lexicales, puis des notions grammaticales et enfin la prononciation, pour ne pas être maladroit. D’après mon expérience personnelle, je peux dire que la prononciation est l’une des choses que l’on acquiert une fois que l’on a passé un certain temps à l’étranger »[4].
s’oppose un autre commentaire libre qui apparaitrait plus semblable à l’opinion la plus répandue :
– La prononciation est la deuxième chose essentielle à la communication, souvent lorsque nous ne prononçons pas correctement un mot dans une langue étrangère, nous ne sommes pas compris même si la différence est minime pour nous, nous pouvons mieux comprendre cela lorsqu’un étranger nous parle et que nous ne pouvons pas comprendre quelque chose à cause d’une prononciation incorrecte.
En appliquant les calculs statistiques de régression, Duryagin et Dal Maso ont cherché à établir des corrélations entre ces résultats et les données sur l’individu et son parcours (section A) Tout en invitant à la prudence, ils montrent que les garçons privilégient davantage la communication, et pour le sous-groupe de français (14 garçons), le résultat est plus mitigé (6 d’accord, 4 neutres et 2 pas d’accord). La variable qui aura le plus d’importance, c’est l’usage quotidien de plusieurs langues et le bilinguisme qui augmentent l’auto-estime et l’autoévaluation positive, la place paritaire dans l’enseignement de la phonétique, mais montre une certaine tolérance face à la variation.
Nous sommes consciente des limites de cette étude où le groupe francophone qui a été extrait du panel global est comparé à l’ensemble des résultats en notre possession où figurent ces mêmes francophones. Il aurait peut-être fallu comparer au sens strict les étudiants de FLE avec ceux des autres langues, ce qui exige de refaire tous les calculs globaux. De même, nous aurions pu refaire pour le sous-groupe francophone les calculs pour corréler aux variables de la section A, ce qui sera la prochaine étape, lorsque nous analyserons les sections C et D du questionnaire qui sont spécifiques aux langues étudiées sur les dimensions affectives ou cognitives ; nous pourrons alors mieux corréler les attitudes et opinions au profil des étudiants francophones et apporter peut-être un autre éclairage sur les réponses à la section B. En tout état de cause, ce qui nous paraît devoir investiguer davantage, c’est la notion d’intelligibilité et de capacité communicative qui laisse de fait une marge à la variation liée à l’accent étranger, car c’est sur ce point que l’échantillon francophone s’est écarté du groupe. En outre, un nouveau questionnement pourrait toucher la notion de modèle natif aux yeux des étudiants, par une série d’autres tests : par exemple faire entendre des variations de français et demander d’identifier la variété standard, pour voir si celle-ci est perçue ou pas ? Le questionnaire ne pointe pas en effet la conscience de la variation d’accent dans la langue en apprentissage et pourrait être enrichi sur ce point. Il pourrait l’être aussi sur un autre aspect qui intervient dans la perception de l’accent, à savoir la prosodie. Galazzi et Guimbretière (1994) se sont déjà penchées sur les degrés d’acceptabilité de réalisations mélodiques par des francophones ou non-francophones, et un approfondissement de la notion d’intelligibilité rapportée à la musique de la langue apparaît utile.
Enfin, le questionnaire est centré sur la perception de son propre accent, où il a été montré une plus grande corrélation entre des évaluations positives sur son propre accent et le fait d’être plurilingue. Toutefois, il serait intéressant aussi, en parallèle à ce questionnaire déclaratif, de soumettre les mêmes étudiants aux tests de production IPFC[5] afin de faire évaluer les productions par des enseignants natifs et non natifs, des pairs et en autoévaluation, et de comparer les résultats avec le questionnaire auto-déclaratif. Ce sont là les prochains chantiers.
Bibliographie
ARROYO, Ignazio, PASCHKE, Peter, «Perceptual, Affective and Cognitive Factors of L2 Pronunciation and Foreign Accent », in NEWBOLD, David, PASCHKE, Peter (ed), Accents and pronunciation. Attitudes of Italian University Students of Languages, Venezia, Edizione Ca’ Foscari, 2022.
BLANCHET, Philippe, « Quelles(s) évaluation(s) de quelle(s) pratiques(s) ? Réflexions sur des enjeux idéologiques à partir d’évaluations récemment médiatisées », in ELOY, Jean-Michel (éd.), Evaluer la vitalité des variétés d’oïl et autres langues, Centre d’Etudes Picardes, université d’Amiens, 1998, p. 23-41.
BLANCHET, Philippe, Discriminations : combattre la glottophobie, Paris, Textuel, coll. Petite Encyclopédie critique, 2016.
DURYAGIN, Pavel, DAL MASO, Elena, in NEWBOLD, David, PASCHKE, Peter (ed), 2022, Accents and pronunciation. Attitudes of Italian University Students of Languages, Venezia, Edizione Ca’ Foscari, 2022.
GALAZZI, Enrica, GUIMBRETIERE, Elisabeth, « Seuil d’acceptabilité des réalisations prosodiques d’apprenants italophones », in Lingue e culture a confronto, DoRif-Università e Università Cattolica, Dorif Roma 1994, Vol. II, 104-120.
GALAZZI, Enrica, « Accent natif où es-tu ? », RILA, settembre-dicembre 2008, pp.115-128.
JAMET, Marie-Christine, « De l’histoire d’une grande langue – le français – qui pour ne pas devenir petite se découvre pluriculturelle », in ALAO, Georges, ARGAUD, Evelyne, DERIVRY-PLARD, Martine, LECLERC, Hélène (eds), Grandes et petites langues. Pour une didactique du plurilinguisme et du pluriculturalisme, Berne, Peter Lang, p. 29-41, 2007.
JAMET, Marie-Christine, « Learners profils and Attitudes Towards Accent in the Foreign Language », in NEWBOLD, David, PASCHKE, Peter (ed), 2022, Accents and pronunciation. Attitudes of Italian University Students of Languages, Venezia, Edizione Ca’ Foscari, 2022.
MOLINARI, Chiara, « De quoi peut-on parler dans la classe de FLE? L’héritage de Louis Porcher », Le FLE dans tous ses états, dialogues avec Louis Porcher, Les cahiers de l’ADISFLE, n° 56, Paris, CLE International, 2017, p 38-50.
NEWBOLD, David, PASCHKE, Peter (ed), Accents and pronunciation. Attitudes of Italian University Students of Languages, Edizione Ca’ Foscari, 2022.
Annexe
Questionnaire (traduit de l’italien au français) sur google questionnaire avec menus déroulants pour la plupart des questions.
A. DONNÉES BIOGRAPHIQUES ET BIOGRAPHIE LINGUISTIQUE
A01. Indiquez votre sexe
A02. Indiquez votre année de naissance
A03. Indiquez votre année d’inscription au cursus LCSL
Écoles fréquentées
A04. Si vous avez fréquenté une école en Italie (pendant au moins un an), indiquez ici la région.
A05. Si vous avez fréquenté l’école en dehors de l’Italie (pendant au moins 1 an), indiquez ici l’état.
Langue italienne
A06. Comment avez-vous appris l’italien ?
Bilinguisme
A07. Enfant ou adolescent, avez-vous appris une langue, autre que l’italien, que vous maîtrisez (ou avez maîtrisée) aussi bien que votre langue maternelle ou, du moins, avec beaucoup de facilité ?
Si oui, choisissez “autre” et précisez la (les) langue(s) et si vous la (les) utilisez encore.
Pendant combien d’années avez-vous étudié à l’école les langues suivantes
A08. Français langue étrangère (si vous ne l’avez pas étudié, indiquez 0 année)
A09. Grec ancien (si vous ne l’avez pas étudié, indiquez 0 année)
A10. Anglais langue étrangère (si vous ne l’avez pas étudié, indiquez 0 année)
A11. Latin (si vous ne l’avez pas étudié, indiquez 0 année)
A12. Russe comme langue étrangère (si vous ne l’avez pas étudié, indiquez 0 année)
A13. Espagnol comme langue étrangère (si vous ne l’avez pas étudié, indiquez 0 année)
A14. Allemand comme langue étrangère (si vous ne l’avez pas étudié, indiquez 0 année)
A15. Si vous avez étudié d’autres langues étrangères, précisez lesquelles et pendant combien d’années
Certificat de fin d’études secondaires
A16. Précisez le type de diplôme de fin d’études que vous avez obtenu
Utilisation de langues étrangères
A17. A l’exclusion des cours de langues étrangères, dans la vie quotidienne, parlez-vous (ou avez-vous parlé) habituellement une langue autre que l’italien (par exemple, au travail, dans les réseaux sociaux, etc, pendant une année scolaire à l’étranger, etc.) Si oui, veuillez sélectionner “autre” et préciser la/les langue(s) et les situations d’utilisation.
Dialecte
A18. Si vous utilisez (ou utilisiez) un dialecte italien, indiquez lequel et dans quelles situations.
A19. Pourquoi avez-vous choisi de vous inscrire à une formation diplômante en langues et cultures modernes ?
(vous pouvez choisir plus d’une option) :
- a scuola andavo bene nelle lingue
- perché a scuola non ho mai studiato bene le lingue straniere
- avevo un/a brava/o docente di lingue a scuola
- per esclusione (per es. di materie scientifiche)
- in seguito ad un soggiorno in un contesto linguistico diverso
- perché Lingue è presente a Ca’ Foscari, sede vicina a casa mia
- perché mi piace la letteratura
- perché sono interessata/o alla linguistica
- perché sono curiosa/o di conoscere altre culture
- le lingue sono la mia passione
- mi piacerebbe insegnare lingue
- perché le lingue straniere mi danno la possibilità di trasferirmi all’estero
- buone prospettive di lavoro nel mondo globalizzato
- Altro:
Question finale ouverte
A20. Souhaitez-vous nous donner plus d’informations sur votre biographie linguistique ou commenter l’une ou l’autre des questions de cette section ?
B. OPINIONS ET ATTITUDES A L’EGARD DE L’ACCENT ETRANGER
Dans cette section, nous aimerions savoir ce que vous pensez en général de l’accent étranger et de l’importance d’une bonne prononciation.
l’importance d’une bonne prononciation.
Lisez les affirmations suivantes et indiquez si vous êtes
1 = pas du tout d’accord,
2 = pas d’accord,
3 = indécis,
4 =d’accord,
5 =tout à fait d’accord.
B01. Il est prioritaire pour moi d’avoir une bonne prononciation.
B02. Je tiens à avoir peu d’accent étranger lorsque je parle.
B03. Le vocabulaire et la grammaire sont plus importants que la prononciation.
B04. Cela vaut la peine d’investir beaucoup de temps en classe pour avoir une bonne prononciation.
B05. Je m’efforce de me rapprocher le plus possible de la prononciation d’un locuteur natif.
B06. Un accent étranger n’est pas un problème pour moi tant que je peux communiquer avec les autres.
B07. La prononciation me procure une sensation agréable.
B07. Une bonne prononciation me procure un sentiment agréable.
B08. Une mauvaise prononciation me donne une mauvaise impression.
B09. Avec une bonne prononciation, on se sent plus sûr de soi dans une conversation.
B10. Avec une mauvaise prononciation, on risque d’être moins convaincant.
B11. Cela ne me dérange pas que mon accent trahisse mon origine.
B12. J’apprécie d’être pris pour un locuteur natif lorsque je parle.
B13. Parler avec un bon accent signifie pour moi faire l’expérience d’une nouvelle identité.
B14. Imiter la prononciation d’un locuteur natif ne me donne pas l’impression d’être moi-même.
Dernière question ouverte
B15 Souhaitez-vous nous dire quelque chose d’autre sur l’accent étranger ou sur l’importance d’avoir une bonne prononciation ou souhaitez-vous faire des commentaires sur l’une ou l’autre des questions de cette section ?
Langues choisies en trois ans dans le cursus LCSL : Langue A/B
A21. Indiquez votre langue A
Maîtrise de la langue A
Si vous avez un niveau “zéro”, nous ne vous posons pas de questions sur la langue A.
A22. Indiquez votre niveau actuel de maîtrise de la langue A
C. L’ACCENT ÉTRANGER DANS LA LANGUE A DU COURS LCSL
Dans cette section, nous voulons savoir comment vous évaluez votre prononciation dans la langue A que vous avez choisie dans le cadre de la formation diplômante.
dans le cadre de la formation diplômante. Nous aimerions également savoir si vous connaissez les difficultés de prononciation de la langue A et ce que vous ressentez à l’idée de l’articuler.
de la langue A et quels sont vos sentiments à l’égard de son articulation.
C01. j’ai une bonne prononciation dans la langue A.
C 02. J’ai un fort accent étranger dans la langue A.
C03. Lorsque je suis nerveux ou fatigué, mon accent dans la langue A devient plus fort.
C04 Lorsque je suis à l’aise, je peux parler la langue A avec un meilleur accent.
C05 Je ne comprends pas à quel point mon accent étranger est fort dans la langue A.
C06. En écoutant les autres, je peux distinguer une bonne prononciation en A
et une mauvaise.
C07. J’aime lire à haute voix dans la langue A, que ce soit en classe ou seul(e).
C08. Je me sens ridicule lorsque j’imite la prononciation et la mélodie d’un locuteur natif de la langue A.
langue A.
C09. Je prends plaisir à prononcer la langue A.
C10. Il est difficile de bien articuler la langue A.
C11. Je connais mes problèmes de prononciation de la langue A.
C12. J’aimerais mieux comprendre quels sont mes problèmes de prononciation dans la langue A.
C13. Je connais les problèmes de prononciation typiques des Italiens qui parlent la langue A.
C14. Je ne peux pas expliquer en quoi consiste l’accent italien typique dans la langue A.
Question finale ouverte :
C/D 15. Souhaitez-vous faire d’autres remarques sur votre accent en langue A, sur des difficultés particulières à prononcer la langue A, sur la façon dont vous vous sentez en la prononçant ou voulez-vous laisser un commentaire sur les questions de cette section ?
D. L’ACCENT ÉTRANGER DANS LA LANGUE B DU COURS DE LCSL (Mêmes questions que pour la section C)
E. SUR LA PRONONCIATION DE L’ANGLAIS LINGUA FRANCA
Avant-propos : L’anglais est devenu une lingua franca utilisée dans le monde entier. Par lingua franca, on entend ici une langue utilisée par des locuteurs d’autres langues, qui ne sont donc pas des locuteurs natifs de l’anglais, pour communiquer entre eux.
E01. Lorsque l’on utilise l’anglais comme lingua franca, il est important d’avoir une prononciation qui
ressemble à celle d’un locuteur natif.
E02. Parfois, l’accent d’un locuteur non natif semble plus facile à comprendre que celui d’un locuteur natif.
que celui d’un locuteur natif.
E03. Dans un contexte de lingua franca anglaise, il m’est plus facile de comprendre la prononciation anglaise
d’un Européen que celle d’un non-Européen.
E04. L’accent étranger en anglais que je comprends le mieux est l’accent italien.
E05. Lorsque j’entends parler anglais, un fort accent étranger me gêne.
E06. Pour se faire comprendre dans un contexte d’anglais lingua franca, il faut adapter sa prononciation à celle de l’interlocuteur.
E07. L’incompréhension entre les locuteurs de l’anglais lingua franca est davantage due à des à des raisons culturelles ou pragmatiques qu’à des problèmes de prononciation.
Question ouverte
E08. Souhaitez-vous faire d’autres remarques sur la prononciation de l’anglais lingua franca ou voulez-vous commenter l’une ou l’autre des questions de cette section ?
F. SUR LA PRONONCIATION DE L’ITALIEN
F01. Quand un étranger parle italien avec un fort accent, c’est fatigant pour moi de l’écouter.
F02. J’aime imiter un accent étranger en italien, par exemple en parlant comme Laurel & Hardy.
F03. J’aime imiter d’autres accents régionaux, par exemple l’accent napolitain.
F04. Lorsque je parle longuement avec des personnes d’une autre région italienne, mon accent change.
F05. Souhaitez-vous faire d’autres remarques sur l’accent étranger en italien ou voulez-vous commenter l’une ou l’autre des questions de cette section ?
[1] Communication de Yannick Hamon et Silvia Borraso (Université Ca’ Foscari) : “Les variations francophones dans la sphère du FLE en Italie : manuels et programmes à l’université” dans le cadre la journée d’étude DORIF/Ca’ Foscari-Venezia, Variations, francophonie et enseignement du FLE (24 mars 2023). Comme le montre Jamet (2007), le problème de fournir des modèles autres qu’hexagonaux ne dépend pas tant de la volonté que des circonstances qui rendent difficile la possibilité de trouver des locuteurs natifs représentant un éventail des variations quand on travaille avec des éditeurs italiens sur des manuels. Certes, les documents authentiques accessibles en ligne permettent de faire entrer la diversité en classe, mais ce sont des matériaux à didactiser pour des professeurs qui sont eux-mêmes en insécurité linguistique sur ces variations.
[2] Galazzi dans son article « Accent natif, où es-tu ? » (2008) a déjà posé le problème du modèle standard « natif » qui pendant longtemps a prévalu dans l’enseignement du français langue étrangère, notamment en Italie ; or la prise de conscience d’une langue en partage dans l’espace francophone le remet en question et le relègue au rang de « concept naïf et peu opératoire ». Molinari (2017) va dans le même sens lorsqu’elle affirme que la globalisation et la complexité des phénomènes migratoires entrainent une modification des besoins du public d’apprenants et donc une nécessaire révision du modèle hypervalorisé de français standard. Mais, comme on le voit, dans l’imaginaire des apprenants, il est encore présent.
[3] Une seule étudiante italienne du Haut Adige de langue allemande, a posé le problème de la légitimité de la variante qu’elle parle, proche du sud Tyrol, mais différente de l’Allemand d’Allemagne ou d’Autriche au point de se demander si elle peut elle-même se considérer comme « locuteur natif. »
[4] Il faut signaler que cette étudiante qui a un bon niveau de langue B2 (en première année) prend plaisir à lire à haute voix, a de fortes motivations intrinsèques, et par conséquent l’accent n’est pas un problème pour elle.
[5] IPFC Interphonologie du français contemporain. Groupe de recherche qui s’intéresse aux accents des apprenants étrangers, et suit pour le recueil des données et l’analyse automatisée du corpus, le protocole PFC (phonologie du français contemporain) adopté pour les francophones natifs.
Per citare questo articolo:
Marie-Christine JAMET, « La perception de l’accent « étranger » chez des apprenants de français. Résultats d’une enquête à Venise », Repères DoRiF, n. 28 – Entre le théorique et l’expérientiel : l’oral en didactique du FLE. Questionnements et perspectives, DoRiF Università, Roma, novembre 2023, https://www.dorif.it/reperes/marie-christine-jamet-la-perception-de-laccent-etranger-chez-des-apprenants-de-francais-resultats-dune-enquete-a-venise/
ISSN 2281-3020
Quest’opera è distribuita con Licenza Creative Commons Attribuzione – Non commerciale – Non opere derivate 3.0 Italia.