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Martina RONCI, Shima MOALLEMI

Des manuels aux corpus multimodaux : exprimer oralement sa surprise en français

 

Martina Ronci
Université Paris Nanterre
martina.ronci@parisnanterre.fr

Shima Moallemi
Utrecht University
s.moallemi@uu.nl

 


Résumé
Cet article traite de la place accordée à l’expression de la surprise et à son traitement dans les manuels de FLE, mettant ensuite ces résultats en perspective avec les données issues de conversations spontanées recueillies sur la plateforme CLAPI.
Concernant le traitement de l’émotion dans les manuels, on observe un décalage entre l’utilisation de la langue et sa didactisation. L’étude de l’expression de l’émotion dans des corpus multimodaux montre que ces derniers peuvent s’avérer particulièrement utiles pour une prise en compte d’expressions plus ou moins figées, mais qu’une analyse des occurrences s’impose afin d’éviter des interprétations trop hâtives.

 Abstract
In this paper, we analyse the place that textbooks of French as a foreign language allocate for emotions, specifically of surprise. Then, these results are put into perspective with multimodal data of spontaneous conversations collected on CLAPI platform.
The treatment of emotions in textbooks reveals a discrepancy between the use of language and the way in which only some standard (but rare) words are taught. To include more frequent and complex ways of expressing emotions, multimodal corpora can be a valuable solution. However, an analysis of occurrences is necessary to avoid hasty interpretations.


 

Introduction

Même si depuis quelques années l’expression des émotions fait l’objet d’une attention renouvelée de la part des didacticiens, sa place au sein des manuels de langue reste encore limitée. Pourtant, le travail sur les émotions est essentiel si l’on considère que « l’expression des émotions joue un rôle central dans la régulation des interactions humaines et dans la construction des relations sociales » (GAUDUCHEAU, 2008 : 389). Dans cette perspective, il apparaît donc important d’explorer davantage cette dimension, encore limitée dans les manuels de FLE (BERDAL-MASUY, 2015 : 129).

D’un autre côté, les études linguistiques sur les émotions sont fécondes depuis de nombreuses décennies, ce qui a mené à la proposition relativement récente d’une distinction entre les émotions dites et les émotions montrées (MICHELI, 2014). Alors que les premières peuvent être plus facilement répertoriées, car souvent liées à des unités lexicales inscrites dans le champ sémantique des sentiments, les deuxièmes se présentent sous des formes multiples. En effet, elles dépendent de « faits langagiers hétérogènes » qui peuvent être en « nombre illimité » (MICHELI, 2014 : 62). C’est justement ce deuxième mode d’expression que nous souhaitons interroger en examinant sa place dans les manuels de FLE.

Dans l’espace de cet article, il sera question de faire dialoguer la linguistique et la didactique des langues. Ainsi, une fois l’émotion définie suivant des critères linguistiques et sémiotiques, sera présentée tout d’abord une analyse des manuels de FLE accordant une place à l’enseignement de l’expression de la surprise. Ensuite, les résultats obtenus de l’analyse des manuels seront mis en relation aux données d’interactions naturelles présentes dans la banque de données CLAPI. Plusieurs pistes seront proposées pour explorer l’émotion dite et montrée, qui sera explorée par le biais de deux cas d’étude (« dis donc » et « sérieux »). Une discussion finale permettra de mettre en perspective l’apport des supports multimodaux pour l’enseignement et l’apprentissage des langues, avant de laisser place à des pistes de réflexion.

1. L’émotion en sciences du langage

On peut définir l’émotion comme la réaction complexe d’un individu à un environnement ou à un événement. Alors que les émotions correspondent à un état relativement public, désignant « l’ensemble des réponses qui, pour bon nombre d’entre elles, sont publiquement observables » (DAMASIO, 2002), les sentiments sont réservés à l’expérience «mentale et privée d’une émotion » (ibid). On peut cependant difficilement parler d’une ligne distinctive entre sentiments et émotions et chez les chercheurs en science du langage, l’émotion est plutôt considérée au sens générique (émotion comme hyperonyme de peur, de colère, de satisfaction, d’embarras, etc.) ou comme recouvrant l’ensemble des termes généraux qui renvoient au champ sémantique de l’émotion (affect, émotion, éprouvé, passion, pathos, sentiment, etc.) (PLANTIN, 2020).

Les émotions se manifestent à travers le langage, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral, à la fois dans sa dimension verbale et non verbale. Les échanges réalisés oralement sont par excellence le lieu où divers moyens multimodaux sont mobilisés, tels que l’expression faciale (EKMAN, 1989), la gestuelle et la posture (WALLBOTT, 1998), la prosodie (MARTIN, 2013), et, bien évidemment, le lexique et la syntaxe (NOVAKOVA et TUTIN, 2019 ; DIWERSY et KRAIF, 2013 ; NOVAKOVA et al., 2013). Afin de comprendre et d’exprimer les émotions dans les interactions, l’individu est amené à mobiliser tous ces moyens, ainsi que des facteurs relationnels et sociaux qui peuvent également entrer en jeu : Ekman et Friesen (1969) montraient déjà l’existence de certaines normes et contraintes culturelles qui peuvent influencer la manière dont les locuteurs expriment ou contrôlent leurs émotions dans certaines situations sociales. L’interprétation de l’émotion d’autrui, quant à elle, demande au locuteur de se fonder sur sa connaissance du contexte et des normes sociales, ainsi que sur l’élément déclencheur de l’émotion (GAUDUCHEAU, 2008). La connaissance de son interlocuteur et l’histoire interactionnelle (BAIDER et CISLARU, 2013) qui peut exister entre eux sont également des facteurs qui jouent un rôle important dans la compréhension des émotions. Finalement, les émotions occupent une place importante dans les interactions pour la construction des rapports interpersonnels et leur didactisation devient ainsi importante dans les classes de langues.

La typologie des émotions sur laquelle s’appuie cet article est celle de Micheli (2014), qui opte pour une sémiotisation des émotions. Sémiotiser signifie, d’après le chercheur, « rendre quelque chose manifeste au moyen des signes » (2014 : 18). L’objectif est ainsi de voir comment les émotions et les faits langagiers sont susceptibles de nouer des rapports. Trois modes de sémiotisation sont ainsi proposés, à savoir les émotions dites, montrées et étayées.

Les émotions dites (MICHELI, 2014) ou dénotées (KERBRAT-ORECCHIONI, 2000), sont celles où la manifestation émotionnelle du message passe par l’utilisation d’unités lexicales mises en rapport, sur le plan syntaxique, avec un être qui éprouve ou à qui on attribue l’émotion. Pour distinguer le type d’émotion, l’allocutaire n’a donc pas besoin de passer par l’inférence, puisque l’émotion est explicitée à travers des moyens verbaux (par exemple, « je suis triste » ou « tu as l’air contente »).

Les émotions montrées et étayées (voire connotées, dans la terminologie de Kerbrat-Orecchioni), quant à elles, relèvent de l’inférence. Dans le cas des émotions montrées, l’inférence se réalise à travers des indices basés sur une relation de co-ocurrence entre un signe et un objet ; en d’autres termes, certaines caractéristiques d’un énoncé représentent des indices qui peuvent renvoyer à une certaine émotion. Ces derniers peuvent être très hétérogènes et recouvrent les matériaux sémiotiques verbaux ou co-verbaux (MICHELI, 2014). Il faut souligner que le co-verbal est un indice essentiel dans le cadre des émotions montrées : il est possible pour un allocutaire d’inférer l’émotion en se fondant sur les caractéristiques prosodiques d’un énoncé ou bien sur la mimique ou la gestuelle du locuteur (ibid.). Autrement dit, n’importe quelle expression verbale pourrait être utilisée pour exprimer une émotion, tant que les caractéristiques co-verbales qui désignent cette émotion dans une langue donnée sont respectées. C’est ce que Plantin (2012) décrit comme un mouvement down→up, ou allant de l’aval vers l’amont. En d’autres termes, « l’allocutaire ‘remonte’, […] des ‘effets’ de l’émotion – tels qu’ils se matérialisent dans l’énoncé – vers l’émotion elle-même » (MICHELI, 2014 : 31). En ce sens, les émotions montrées ont un caractère plus complexe que les émotions dites et sont plus difficiles à appréhender pour les apprenants de langues, puisqu’elles nécessitent la reconnaissance de caractéristiques spécifiques de l’énoncé. Par ailleurs, étant donné que d’après Plantin (2012) l’expression des émotions montrées (donc celles qui n’ont pas recours à un indice lexical) est la plus fréquente dans les interactions quotidiennes, il est pertinent de s’y intéresser dans une optique didactique.

Le troisième mode de sémiotisation présenté par Micheli est celui des émotions étayées ; celles-ci étant aussi de caractère inférentiel, « le discours propose à l’allocutaire la représentation d’une situation » (2014 : 29). Les émotions étayées sont associées à la manière dont une émotion est représentée dans une situation particulière, selon une norme socio-culturelle définie. C’est donc à travers l’évaluation cognitive de cette situation qu’un allocutaire peut accéder à l’émotion. Malgré l’intérêt de ce mode, ce dernier ne sera pas exploré dans cet article, qui se concentre surtout sur l’émotion montrée. Toutefois, dans l’optique d’une didactique des émotions aussi complète que possible, il faudrait garder à l’esprit que la présence dans un énoncé d’un mot d’émotion n’est pas « un indice sûr pour qu’une séquence émotionnelle est en cours » (PLANTIN, 2012 : 636) et qu’il faudrait donc explorer les « situations émotionnantes » (ibid. : 630) et les conventions liées aux émotions.

2. L’émotion en didactique des langues

 2.1 Perspectives didactiques

Dans le champ de la didactique des langues, les émotions ont été traitées à travers quatre entrées. La première, inspirée des courants cognitivistes, établit un lien entre les émotions éprouvées par l’apprenant et l’impact positif ou négatif de ces émotions dans l’apprentissage linguistique (ARNAUD, 2006 ; GHALI et FRASSON, 2010 ; DEWAELE et al., 2018). Dans cette perspective, des chercheurs se sont intéressés aux émotions, et notamment à l’anxiété éprouvée lors de l’apprentissage (DEWAELE, 2015) ou lors de la prise de parole à l’oral (HORWITZ et al., 1986) dans une langue étrangère.

Une seconde entrée, avec une visée plus large, défend la nécessité d’un emotional turn dans la didactique des langues qui prendrait en compte l’aspect symbolique (KRAMSCH, 2009) et émotionnel (PICCARDO, 2013) de l’apprentissage, aussi bien dans son aspect corporel que langagier. Avec l’objectif d’impacter la didactique des langues de manière profonde, les chercheurs s’inscrivant dans cette perspective s’intéressent à la notion de savoir-être (PICCARDO, 2013) introduite par le CECRL ou encore aux textes officiels produits par le Conseil de l’Europe (KOTTELAT, 2013).

Une troisième entrée porte sur l’aspect contrastif des émotions et s’inspire de la communication interculturelle : dans ce cadre, les chercheurs mettent en évidence que les émotions ne s’expriment pas de la même manière d’une langue à l’autre (PAVLENKO, 2008 ; ALBANO, 2013 ; KWAPISZ-OSADNIK, 2013) ou qu’elles ne sont pas ressenties pareillement lorsqu’on change de langue (DEWAELE, 2010 et 2004). Cette dernière entrée, se fondant sur l’expérience de socialisation langagière des apprenants multilingues, a inspiré les didacticiens qui souhaitent intégrer dans leur pratique l’aspect interculturel et travailler sur les compétences langagières et communicatives des apprenants les préparant à des situations de communication interculturelles.

La dernière entrée, plus proche des questionnements au cœur de cet article, porte sur la didactisation du lexique des émotions. Cette dernière s’effectue principalement sur le lexique des émotions dites primaires (joie, tristesse, dégoût, peur, colère et surprise) (POURMOEZZI et CAVALLA, 2019), ce qui relève de l’émotion dite. Or, la recherche montre que lexique des émotions est très peu mobilisé par les natifs à l’écrit (CAVALLA, 2015) et qu’il faudrait accorder une attention particulière au cadre émotionnel : à l’oral, ce dernier est constitué d’éléments co-verbaux, tels que les mimiques faciales, l’intonation et les gestes (BERDAL-MASUY, 2015). Dans la mesure où les études citées plus haut établissent des listes des unités lexicales à proposer aux apprenants à partir de corpus écrits comme des dictionnaires (CAVALLA et CROZIER, 2005), des articles de journaux ou des textes littéraires (CAVALLA, 2021), il est compréhensible que les éléments co-verbaux, pourtant essentiels dans l’expression de l’émotion, soient mis à l’écart. C’est justement dans l’optique de se différencier de ces travaux et d’apporter de nouvelles pistes que cette étude met davantage l’accent sur l’oral en étudiant des interactions quotidiennes à travers des corpus multimodaux.

Concernant le choix de la surprise parmi tant d’autres émotions, deux facteurs ont justifié cette décision. D’une part, sa nature apparemment évidente : dans la mesure où elle constitue une émotion primaire, la plus brève selon Ekman (2014 : 148), elle est souvent mise à l’écart car supposée facile à reconnaître et à (re)produire. D’ailleurs, plusieurs chercheurs excluent même la surprise de leur classement des émotions (MARTIN, 2013). Or, si d’une part on a une surprise qui correspond à une réaction émotionnelle spontanée, de l’autre il existe aussi une surprise qui, en interaction,  peut « constituer une réaction socialement appropriée qui sert à stimuler l’échange verbal » (CELLE et LANSARI, 2015 : 79). Dans le premier cas, la surprise peut prendre la forme d’une interjection qui « témoigne d’une réaction non-contrôlée », alors que dans le second cas, il s’agit une forme d’exclamation qui « s’apparente à une réaction plus conventionnelle » (ibid. : 85). Dans la mesure où cette dernière relève donc d’une convention, elle nécessite un apprentissage afin d’être mobilisée correctement dans le cadre d’une interaction. C’est donc sur cette dernière (et non sur la surprise spontanée) que porte cette étude.

 2.2 La surprise dans les manuels de FLE

Afin d’étudier sous quelle forme et avec quelle fréquence la surprise est proposée dans les manuels de FLE, dix publications de deux maisons d’éditions reconnues dans le champ de FLE (à savoir les éditions Maison des Langues – EMDL – et Didier FLE), ont été sélectionnées. Comme le tableau ci-dessous l’illustre, les manuels datent de 2009 à 2020. À l’exception d’Édito, les autres manuels sont représentés dans les trois niveaux A1, A2, et B1.

Tableau 1. Liste des manuels de FLE étudiés

Ces manuels ont été étudiés aussi bien au regard des textes écrits que des documents audios. Tout d’abord, les occurrences de l’expression de surprise aussi bien dite que montrée ont été répertoriées dans un document Excel incluant le cadre d’interaction[1] et également le type d’activité pédagogique visée par le manuel.

Le premier constat est que la plus grande occurrence de surprise se trouve dans des documents audios, pour la plupart fabriqués. Or la présence en elle-même de ces occurrences n’est pas significative, dans la mesure où l’objectif didactique proposé par le manuel n’est pas de travailler sur les émotions (et d’autant moins sur l’émotion de la surprise). En effet, là où l’émotion est didactisée, on remarque une prépondérance de l’émotion dite, avec des exemples tels que : « je suis surprise qu’il soit aussi énergique » (EDA2 : 106), « c’est étonnant » (VOA2 : 110) ou encore « ce film m’a surpris(e) » (VOB1 : 80). En ce qui concerne la surprise montrée par le biais de formules figées, seuls Atelier B1 et Édito B1 en proposent une didactisation. En effet, le premier y consacre un encadré où l’on retrouve, par exemple, « tu rigoles ? », « mais c’est quoi ce truc ? », « ça alors !», « ah bon ? vraiment ? » (ATB1 : 28) qui appartiennent au registre familier oral. Dans Édito B1, le même type d’encadré apparaît (EDB1 : 96), mais les auteurs vont plus loin, mettant l’accent notamment sur la prosodie de la surprise dans une activité phonétique qui invite les apprenants à distinguer les courbes intonatives qui différencient la surprise, l’affirmation, l’incrédulité, l’insistance et l’interrogation (EDB1 : 144). Malgré leur intérêt, ces deux exemples restent une exception dans l’ensemble du corpus étudié.

Une fois les occurrences d’expression de la surprise répertoriées, il est possible de les classer pour observer comment elles se manifestent dans l’ensemble du corpus. Pour ce faire, nous proposons de distinguer les émotions dites des émotions montrées. De plus, ces dernières sont ultérieurement différenciées avec d’une part les émotions montrées par le biais d’expressions verbales figées et conventionnelles en français (« waou », ou « ben dis donc ! ») et, d’autre part, des formulations dont seules les caractéristiques prosodiques et le contexte permettent de les classer comme exprimant la surprise (« Marseille ! »). Le tableau ci-dessous fournit quelques exemples de ces trois catégories dans les manuels :

Tableau 2. Quelques occurrences tirées des manuels de FLE

À l’échelle de l’ensemble des formes collectées (59), on constate que la surprise montrée de manière conventionnelle recouvre le plus grand nombre d’occurrences, avec 44% des résultats, suivie de sa version non-conventionnelle avec 37% et enfin de la forme la moins présente dans les manuels qui est celle de la surprise dite. Ce résultat paraît donc surprenant au vu des remarques sur la didactisation de cette dernière et révèle l’intérêt limité que les concepteurs des méthodes accordent à l’émotion montrée. On se trouve ainsi face à une forme de contradiction chez les concepteurs, qui, dans un souci de proposer des dialogues fabriqués proches des échanges authentiques, intègrent la surprise montrée dans les documents audios, mais ne la didactisent pas pour autant.

Ce résultat met en évidence l’écart qui existe entre le mode d’émotion le plus fréquemment pratiqué dans la communication et les formes qui sont enseignées dans les manuels. Un travail didactique visant les émotions montrées serait donc à envisager en attirant l’attention des apprenants sur l’existence d’un certain nombre de formules figées, ainsi que sur les indices prosodiques qui peuvent tourner n’importe quelle expression verbale en expression de la surprise (ou d’une autre émotion). L’apport des corpus multimodaux peut se révéler très bénéfique dans cette perspective.

3. Des manuels aux corpus multimodaux

Avant de s’interroger sur la manière de didactiser des exemples tels que « Marseille ! » ou « avec Luc ? », un formateur pourrait se demander si des énoncés relevant de l’émotion dite tels que « ah hallucinant ! » ou « quelle bonne surprise » sont vraiment fréquents dans des conversations entre locuteurs natifs ou pas. De même, dans le cadre de l’émotion montrée, il n’est pas toujours simple pour un enseignant de FLE (surtout non-natif) de savoir quelle expression serait plus fréquemment employée à l’oral en français pour manifester sa surprise. C’est pour cela que nous proposons des pistes d’exploitation de corpus multimodaux pour répondre à ce besoin. La démarche suggérée se veut accessible à des enseignants de FLE, sans présupposer de leur part une connaissance des théories évoquées plus haut.

3.1 La banque de données et la plateforme CLAPI

Afin de répondre à ces questions et d’explorer davantage les traits verbaux et non-verbaux qui permettent d’exprimer l’émotion de la surprise, nous avons mené une analyse exploratoire croisant les données issues des manuels avec celles de la plateforme CLAPI (Corpus de LAngue Parlée en Interaction) développée par le laboratoire ICAR de l’Université de Lyon 2. Cette dernière recueille et rend disponibles des corpus d’interactions orales entre locuteurs (natifs et non natifs) du français depuis une trentaine d’années. On y trouve des enregistrements audio et/ou vidéo de conversations spontanées ayant lieu tant dans des cadres familiers que professionnels, avec des locuteurs de tout âge et des situations sociales très diverses. De plus, les données disponibles au public et aux chercheurs sont accompagnées de descripteurs, transcriptions et outils de requêtes. C’est notamment en s’appuyant sur ces derniers que l’enseignant de FLE peut avoir un accès rapide à des données authentiques dans une démarche d’intégration de corpus d’interactions réelles dans le cours de langue.

Avant de proposer deux exemples pratiques d’interaction avec la plateforme, quelques limites doivent être présentées. Tout d’abord, en raison de la longévité de cette banque de données et de l’évolution des pratiques de transcription de ces dernières, on se trouve parfois face à une certaine hétérogénéité. En effet, si de nos jours les corpus recueillis suivent des conventions standardisées, pour la présentation des données plus anciennes « la solution retenue conserve la transcription d’origine sans retranscription, dans le respect du travail effectué par le transcripteur » (BALDAUF-QUILLIATRE et al., 2016 : 2). Ainsi, une certaine attention est requise en exploitant les outils de requête, notamment pour des mots ou phénomènes peuvent être transcrits de plusieurs manières : en guise d’exemple, l’emprunt à l’anglais « wow » se retrouve transcrit 14 fois « waouh », 3 fois «waou », 2 fois « wow » ou « wahou » et 1 fois « whaou » dans les données de CLAPI. Les techniques d’enregistrement et de collecte des données ayant aussi évolué depuis les années 80-90, on rencontre des qualités inégales des fichiers audio et vidéo qui peuvent être significatives dans une optique didactique. Enfin, la banque de données ayant vu le jour « pour archiver et préserver les corpus qui étaient régulièrement faits dans le cadre des recherches sur l’interaction au laboratoire ICAR » (ibid. : 1), on constate une majorité de locuteurs originaires de la région lyonnaise. Les informations relatives aux dates d’enregistrement, aux lieux, aux classes sociales que l’on peut inférer pour les locuteurs représentent toutes des facteurs dont il faut tenir compte afin de ne pas sur-généraliser les informations que la plateforme peut permettre d’obtenir.

3.2 Interroger la plateforme sur l’émotion dite

La plateforme CLAPI proposant un onglet « Requêtes » qui permet de rechercher, entre autres, un ou plusieurs mots dans un concordancier, il est relativement immédiat d’interroger la banque de données pour recueillir des informations sur l’émotion dite.

Ainsi, en reprenant les exemples trouvés dans le corpus des manuels, il suffit d’insérer comme mot-clé « hallucinant » pour que la plateforme montre un seul résultat, qui peut être visualisé ainsi :

Figure 1. Unique occurrence du mot « hallucinant » sur CLAPI

La possibilité de visualiser rapidement le cotexte du mot-clé est essentielle, dans la mesure où l’occurrence de l’indice lexical ne prouve pas pour autant que l’émotion est réalisée. En effet, seule la lecture, l’écoute ou encore la visualisation de l’extrait de l’interaction peuvent permettre de comprendre si on est face à une émotion ressentie (ou attribuée à autrui) par les locuteurs ou non. Plus loin, il sera justement question d’analyser plus dans le détail l’expression des émotions afin de mettre en garde contre la sur-généralisation qui peut découler d’une recherche comme celle montrée dans la figure ci-dessus (cf. partie 4).

Concernant l’émotion dite telle qu’elle se retrouve dans les manuels, les résultats pour « hallucinant » ne représentent pas une exception : sur la plateforme, on retrouve seulement 2 résultats pour « surpris » et 7 pour « surprise » que l’on peut réduire à 4 occurrences uniques, dont 3 relevant de la forme être surpris et 1 de se surprendre[2]. Ce même test pourrait être effectué pour d’autres émotions, ce qui montrerait 12 occurrences pour le mot « joie », 16 pour « colère » et ainsi de suite. En conclusion, si on considère que c’est sur l’émotion dite que se focalisent les manuels, la recherche sur la plateforme permet de confirmer les constats d’autres études sur la rareté de ce type d’expression dans les interactions.

3.3 Interroger la plateforme sur l’émotion montrée

Nous reprenons ici la distinction entre émotion montrée de manière conventionnelle et non conventionnelle.

Dans le premier cas de figure, on est face à une liste plus ou moins fermée d’unités lexicales, des faits langagiers hétérogènes (comme des interjections, des marqueurs discursifs, des adverbes, des expressions figées) qui expriment la surprise de manière conventionnelle en français. En guise d’exemple, les manuels de FLE proposaient « ah tiens ! » (EDA2 : 107), « ah bon ? » (NRP1 : 96), « vraiment ? » (ATA2 : 68), ainsi que d’autres formules. Ce type d’unités lexicales peuvent être insérées dans l’outil de requête de CLAPI de la même manière que celles indiquant des émotions dites, avec les précautions orthographiques déjà mentionnées. De même, il faut garder à l’esprit l’existence de variantes diachroniques, diatopiques et diastratiques, car l’aspect conventionnel de ces unités lexicales dans l’expression d’une émotion peut dépendre de plusieurs facteurs (cf. partie 4).

En ce qui concerne l’émotion montrée de manière non conventionnelle, on rencontre un obstacle pour une recherche rapide : puisqu’elle pourrait, virtuellement, être exprimée par n’importe quelle unité lexicale, il est impossible d’adopter la même démarche que celle des exemples précédents. Dans ce cas de figure, la démarche la plus efficace serait de commencer par la situation émotionnante : aller chercher des situations où il serait probable de rencontrer le type d’émotion que l’on vise pour ensuite tenter une modélisation de son expression. Si cela n’est pas toujours évident, on peut néanmoins formuler des hypothèses sur les émotions que l’on serait susceptibles de rencontrer dans une situation d’interaction donnée : un corpus titré « Apéritif entre ami(e)s – rupture » annonce immédiatement une thématique qui pourrait inclure de la surprise, de la tristesse, de la compassion, alors que ces dernières seraient sans doute moins probables dans un corpus de « Consultations chez les dentistes »[3].

Enfin, s’il ne suffit pas que l’émotion soit dite pour qu’elle soit effectivement ressentie ou attribuée, des précautions s’imposent également pour l’émotion montrée, notamment lorsque l’on s’intéresse à une expression conventionnelle. En effet, la présence d’un certain nombre d’occurrences sur CLAPI n’est pas en elle-même significative et une exploration plus approfondie des corpus s’avère nécessaire avant de pouvoir identifier les caractéristiques qui permettraient de fournir un modèle d’expression de l’émotion efficace pour les cours de langue.

4. S’interroger sur des expressions conventionnelles

Nous nous concentrerons ici sur les cas d’étude de « dis donc » et de « sérieux ». Le premier fait partie des locutions traditionnellement proposées par les manuels de FLE pour exprimer la surprise : « Ouais, dis donc, t’as une grande famille ! » (NRP1 : 34) ; « Damien, ah dis donc, quelle bonne surprise ! » (NRP1 : 25). Quant au deuxième, il émerge d’une démarche empirique après observation, en 2022, des expressions utilisées par des étudiants de l’Université Paris Nanterre pour signifier leur étonnement (aux côtés d’autres expressions intéressantes, dont certaines empruntées à l’arabe). Dans la mesure où la recherche indique que « sérieux » (au sens discursif et non adjectival) permet de «s’enquérir de la véracité d’une affirmation faite par l’interlocuteur » (DOSTIE et LANCIAULT, 2016 : 374) au même titre que « vraiment », ou encore qu’il a une valeur de « relance de la conversation » (LEFEUVRE, 2021 : 233), nous considérons qu’il recouvre une facette différente, mais toujours pertinente, de l’expression de la surprise[4].

4.1 La démarche adoptée

Afin de rester dans une démarche accessible en dehors du cadre strictement linguistique et orientée vers la didactique des langues, les deux cas d’études présentés plus haut ont été abordés en quatre étapes qui pourraient être adoptées pour d’autres types de documents authentiques.

Première étape : la requête

À l’instar d’une recherche d’images ou de vidéos sur un moteur de recherche, une requête sur la plateforme CLAPI permet d’afficher le nombre d’occurrences pour les deux objets de cette recherche : au 14/01/2023, la banque de données propose 44 occurrences pour « dis donc », dont 4 dans la forme « dis don’ »[5], ainsi que 36 pour « sérieux ». Leur nombre n’étant pas très élevé (contrairement à « ah bon » qui affiche 200 résultats), les étapes qui suivent peuvent être entreprises par des formateurs dans un temps relativement limité.

Deuxième étape : le tri et la catégorisation des occurrences

Une fois les résultats affichés, il faut encore les trier en lisant, écoutant et/ou visualisant systématiquement tous les extraits proposés par la plateforme. Il s’agit là de la même démarche que celle d’un enseignant qui chercherait sur un moteur de recherche « poèmes d’amour » et qui passerait ensuite un certain temps à lire les propositions affichées afin d’évaluer lesquelles s’adaptent à son public (en raison de leur longueur, de leur difficulté, de leur intérêt selon l’avis du formateur et ainsi de suite). De même, le fait de rentrer dans les données de CLAPI permet de relever un nombre bas, mais existant, d’extraits inaudibles et donc non utilisables dans le cadre d’un cours de FLE, ainsi que d’extraits où la formule recherchée n’exprime pas l’émotion que l’on recherche, comme dans le cas ci-dessous :

Figure 2. Extrait de CLAPI [160/ec4][6]

Le contexte amical dans lequel se déroule l’interaction (apéritif entre ami(e)s – rupture), les échanges évoquant sur le ton de la rigolade le chimiste et l’idée de ARN de proposer (à deux reprises) JUS en tant que cobaye sont tous des éléments qui expliquent la forte réaction de cette dernière (la transcription indiquant clairement le ton élevé de sa voix). Au vu de ces éléments, on comprend que l’on n’est pas face à l’expression d’une réelle surprise, mais plutôt d’une vexation affichée, mais pas vraiment ressentie, car toujours sur le ton de la rigolade. Il est donc important d’examiner tous les résultats pour différencier ceux où l’occurrence n’est pas pertinente (cf. Figure 2) de ceux où elle peut être exploitée pour travailler l’expression de l’émotion de la surprise (cf. Figure 3).

Figure 3. Extrait de CLAPI [15m/bc0]

Ici, l’échange, l’intonation montante et la superposition des tours de parole montrent bien que « sérieux » permet de relancer la conversation, car l’interlocuteur ressent le besoin de répondre en validant l’affirmation précédente (mise en doute par la question surprise de JUL) et d’insister en ajoutant une information (« il est excellent »).

Nous inspirant des pratiques en sciences de l’éducation et en psychologie, où la place des émotions est de plus en plus présente dans l’enseignement pour un jeune public, nous avons défini chaque occurrence présentée sur CLAPI suivant le Tableau des nuances des émotions proposé par le site Apprendre à éduquer[7]. Afin de réduire les marges d’erreur dues à une interprétation subjective de l’émotion exprimée, cette étape a été réalisée par les deux autrices de cet article, bien que dans le cadre du FLE les formateurs n’aient souvent pas de relecture et présentent donc des documents authentiques choisis et triés uniquement par leurs soins.

Troisième étape : les données

En associant les occurrences relevées aux données relatives à leur recueil (la date et le lieu d’enregistrement, l’âge et la langue maternelle des locuteurs), il est possible de constater un certain nombre de différences. En effet, si le critère géographique reste invariable pour la presque totalité des interactions (région lyonnaise), l’âge et les contextes varient (cf. 4.2 et 4.3), permettant, sinon une généralisation, du moins de soulever quelques remarques concernant l’usage de « dis donc » et « sérieux ».

Quatrième étape : la modélisation

Dans une démarche de didactique des langues, on pourrait s’arrêter à la troisième étape (voire à la deuxième), car une fois le tri effectué et les informations relatives au recueil des enregistrements prises en compte, l’enseignant se retrouve avec un corpus de brefs extraits qu’il peut soumettre à ses apprenants pour travailler sur l’expression de l’émotion. Le classement avec le tableau pourrait d’ailleurs être proposé comme activité à réaliser avec les apprenants, si le nombre de résultats sur la plateforme n’est pas trop élevé (et une fois l’adéquation de la qualité de l’enregistrement et du débit vérifiée par l’enseignant). Cependant, si on voulait aller plus loin, on pourrait découper les unités recherchées au sein des extraits (pour n’avoir qu’une série de « dis donc » et de « sérieux » au format audio) et les élaborer sur des logiciels tels que PRAAT[8]. Ce dernier, développé par les chercheurs Paul Boersma et David Weenik de l’Université d’Amsterdam, permet entre autres choses de voir le spectrogramme des fichiers audios qui y sont insérés, affichant ainsi visuellement les courbes intonatives des extraits étudiés[9].

4.2 Dis donc

L’outil de requêtes sur la plateforme CLAPI ne permettant pas d’interroger directement la locution « dis donc », nous avons effectué une requête multi-critères en ciblant le mot «dis », suivi de « donc » à une distance de 1 de la cible, ce qui a produit 44 résultats attestés dans 23 transcriptions. Parmi ces résultats, 4 ne sont pas utilisables (inaudibles ou fruits d’une erreur technique), donc l’analyse s’est poursuivie sur les 40 occurrences restantes.

L’étude de chaque extrait a permis de relever une grande variété d’émotions exprimées par cette locution. Le tableau ci-dessous a été dressé en partant du Tableau des nuances des émotions pour rendre compte de cette diversité :

Tableau 3. Classement des occurrences de « dis donc » sur CLAPI par émotion

Les occurrences où « dis donc » est utilisé pour exprimer la surprise ne sont pas écrasantes, d’un point de vue quantitatif. En effet, cette locution semble exprimer aussi bien une surprise contrôlée (nous y reviendrons), qu’une certaine colère ou encore de la joie. Elle est aussi utilisée pour attirer l’attention de son interlocuteur (une manière de l’appeler de loin, notamment), même si de manière très anecdotique.

Par ailleurs, les données contextuelles de chaque enregistrement permettent de remarquer que si en elle-même la locution « dis donc » est utilisée par des locuteurs d’âge varié, lorsqu’il s’agit d’employer cette expression pour manifester sa surprise, un profil plus précis se dessine, à savoir celui de personnes nées entre 1920 et 1972[10]. Un possible glissement de signifié de « dis donc » entre les deux générations ne pouvant pas être déduit d’un nombre aussi réduit d’occurrences, il ne sera pas question ici de généraliser ce résultat, qui peut toutefois ouvrir la voie à des pistes de recherche en sociolinguistique.

En conclusion, au sein de CLAPI les 40 occurrences exploitables de « dis donc » expriment majoritairement de la surprise, de la colère ou de la joie. Les locuteurs qui utilisent cette locution pour rendre compte d’un état de surprise sont relativement âgés ou d’âge mûr (nés entre 1920 et 1972) et les contextes où elle apparaît sont principalement formels (par exemple un échange entre docteur et patient) ou contrôlés (une interaction entre adultes et enfants où l’adulte exagère sa surprise par le biais de « dis donc »).

4.3 Sérieux

La même démarche a permis de relever 36 résultats de « sérieux » dans CLAPI, attestés dans 17 transcriptions. On est donc face à un nombre d’occurrences inférieur à celui de «dis donc », mais comparable. Sur les 36 occurrences, 3 ne sont pas utilisables (pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut), ce qui réduit l’analyse à 33 occurrences.

La même méthodologie de catégorisation effectuée plus haut a permis tout d’abord de distinguer les 14 occurrences où « sérieux » est utilisé en tant qu’adjectif (« tu vois l` mec super sérieux » [15j/920]) ou adverbe (« on joue sérieux » [n5/8c1]) des 19 où il joue le rôle d’un marqueur discursif. Ensuite, le classement montre un nombre plus limité d’émotions exprimées par ce marqueur discursif que pour « dis donc », du moins parmi les enregistrements présents sur la plateforme. En effet, on ne trouve pas de « sérieux » communiquant la joie ou l’embarras des locuteurs, mais principalement de la colère et de la surprise :

Tableau 4. Classement des occurrences de « sérieux » sur CLAPI par émotion

Finalement, on remarque que, dans le corpus de CLAPI, « sérieux » exprime davantage des formes d’agacement, de dégoût ou de reproche que de surprise. Lorsqu’il s’agit de cette dernière, une différence par rapport à « dis donc » émerge en interrogeant les données relatives aux enregistrements : les locuteurs utilisant « sérieux » pour exprimer leur surprise sont nés entre 1979 et 1991. Cette piste pourrait corroborer l’hypothèse d’un changement de sens de « dis donc » au fil des générations, avec celle des années 80-90 qui utiliserait moins cette locution pour exprimer sa surprise au profit d’autres (comme « sérieux »). Cependant, les occurrences recueillies étant peu nombreuses et la variable diatopique ne pouvant pas être explorée (les cinq occurrences de « sérieux » surpris ayant été enregistrées dans la région lyonnaise), des recherches plus poussées sont nécessaires afin de tirer des conclusions formelles.

4.4 L’importance des courbes intonatives et du support multimodal

Le classement systématique des occurrences recueillies sur CLAPI permet de se retrouver rapidement confronté à l’importance des courbes intonatives dans la distinction des émotions exprimées par le biais des mêmes locutions ou des mêmes mots[11]. En guise d’exemple, la juxtaposition de plusieurs « non mais sérieux » comparée à celle de plusieurs « sérieux » surpris montre efficacement la différence entre l’intonation relativement plate de la première et celle, montante, de la deuxième :

Figure 4. Comparaison entre quelques occurrences de « non mais sérieux » (sur la gauche) et « sérieux » (surpris) (sur la droite)[12]

Cette différence devient encore plus visible si on superpose les différentes courbes intonatives comme dans la Figure 5. En effet, même si la hauteur des fréquences varie (notamment parce que l’on inclut à la fois des locuteurs et des locutrices), les courbes qui en ressortent sont globalement cohérentes entre elles[13] :

 

Figure 5. Superposition des courbes intonatives

Dans le cadre d’un cours de FLE et si l’utilisation de logiciels tels que PRAAT s’avérait trop complexe ou chronophage, une écoute de courts extraits présentant plusieurs occurrences similaires permettrait tout de même de distinguer d’une part l’intonation relativement plate de l’agacement et, de l’autre, l’intonation montante de la surprise. En ce qui concerne plus précisément cette dernière, il est intéressant de noter que cette montée ne se fait pas toujours d’une manière identique.

En comparant alors l’expression de la surprise montrée de manière conventionnelle (comme par le biais de « sérieux ») et de manière non conventionnelle (nous reprenons pour cela un exemple du manuel Le Nouveau Rond-Point), on peut remarquer encore d’autres similitudes et différences :

Figure 6. Courbes intonatives de la surprise montrée de manière conventionnelle et non conventionnelle

La courbe prosodique réalisée par la locutrice de la piste audio du manuel se rapproche de celle de l’un des locuteurs de CLAPI (le « sérieux » en fuchsia), avec un écart considérable entre le point le plus bas (au début) et le point le plus haut (autour de la fin) de la courbe intonative. Toutefois, on constate également que dans l’exemple de droite la locutrice prolonge la syllabe finale pour redescendre au même niveau que celui de départ, là où le premier locuteur terminait en haut de la courbe. Naturellement, les conditions de production des énoncés peuvent influencer sensiblement ces résultats : si les données recueillies sur CLAPI ont l’avantage de présenter des conversations spontanées et naturelles, elles ont le désavantage d’être accompagnées de bruits parasites qui rendent ce type de graphiques parfois difficiles à réaliser ; au contraire, les enregistrements produits pour les manuels sont « propres » d’un point de vue sonore, mais il ne s’agit pas de vraies conversations, ce qui met les apprenants face à un français contrôlé et non spontané (ce qui peut également avoir des répercussions sur la prosodie).

À défaut de pouvoir proposer une modélisation de la surprise qui serait rapide à effectuer, les corpus multimodaux permettent de rendre compte à la fois de la similitude des phénomènes (cf. Figure 4) et de leurs différences, sensibilisant ainsi les apprenants de FLE à la diversité des manières d’exprimer la même émotion. Enfin, la dimension non-verbale apportée par les enregistrements vidéo présents sur CLAPI est très précieuse dans l’étude de la valeur pragmatique de l’expression des émotions. En effet, des changements au niveau proxémique comme le rapprochement des deux interlocuteurs[14] ou encore un hochement de tête comme ceux qui sont présentés ci-dessous à des fins d’illustration peuvent permettre de mieux définir les différentes facettes de l’émotion et son utilité dans la poursuite de l’interaction.

Figure 7. Traits non-verbaux au moment de l’expression de la surprise [160/cj2]

De manière générale, l’amélioration des techniques et des outils de prise de vidéos permettent d’avoir des données de plus en plus exploitables pour analyser finement ce type de traits. Qu’il s’agisse donc d’enregistrements de conversations spontanées tirées de CLAPI ou de situations mises en scène par des créateurs de contenus sur les réseaux sociaux, de nombreuses possibilités s’offrent aux didacticiens.

Conclusion

Malgré l’intérêt croissant que les didacticiens semblent accorder à l’expression de l’émotion, celle-ci occupe toujours une place marginale dans les manuels de FLE, sans doute en raison de la difficulté de la modéliser. En effet, malgré la présence d’émotions montrées dans les supports fabriqués pour les cours (signe du naturel de ce mode d’expression), la didactisation de l’émotion concerne encore majoritairement l’émotion dite. Or, de nombreuses recherches montrent que cette dernière est rare dans de vraies interactions, où c’est principalement l’émotion montrée qui émerge : les tests que nous avons effectués sur CLAPI l’ont bien montré, avec un nombre d’occurrences pratiquement nul pour l’émotion dite et plusieurs dizaines de résultats pour l’émotion montrée.

L’étude de l’émotion montrée de manière conventionnelle nécessite aussi des précautions, car la présence d’une locution traditionnellement associée à une émotion (ici, la surprise) n’implique pas pour autant que la séquence interactionnelle exprime cette dernière. Là où des corpus principalement écrits, comme ceux qui ont été exploités jusqu’ici pour l’établissement de listes d’expressions figées, peuvent être limités, les corpus multimodaux tels que ceux présents sur CLAPI peuvent permettre d’apporter plus de précisions: avec les deux cas d’études de « dis donc » et de « sérieux », nous avons voulu montrer la grande variété d’émotions qui peuvent être exprimées par une même locution et un même marqueur discursif, mettant l’accent sur l’importance de la prosodie dans la distinction de l’émotion montrée. Naturellement, une étude englobant davantage de traits non-verbaux (comme les gestes, les expressions et la proxémie) pourrait permettre de définir d’une manière plus complète les différentes façons dont la surprise se manifeste.

Enfin, si la surprise est souvent écartée de la liste des émotions, les interactions présentes dans CLAPI montrent bien qu’elle a une réelle valeur pragmatique dans les échanges, permettant de relancer la conversation et de montrer son intérêt.

Dans une optique didactique, les activités théâtrales peuvent donner l’occasion de travailler sur l’expression orale des émotions, en invitant les apprenants à jouer sur la prosodie afin d’exprimer des émotions différentes tout en utilisant un même mot ou une même formule. Des situations d’interactions telles que la visualisation de photos d’enfance ou le partage d’anecdotes inédites peuvent aussi inciter à l’expression de la surprise, à la fois naturelle et « interactionnelle ». D’autres activités basées sur des extraits de film, des vidéos YouTube ou d’échanges sur CLAPI peuvent donner lieu à une sensibilisation aux éléments mimo-posturo-gestuels et prosodiques. Enfin, un travail sur la transcription de ces extraits vidéos est également possible, par exemple en invitant les apprenants à dessiner les courbes intonatives sur les transcriptions ou à faire une lecture expressive. De nombreuses autres pistes s’offrent aux enseignants de FLE en fonction de la sensibilité de leur public et de leurs besoins.

 

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[1] L’importance de ce dernier apparaît clairement dans l’un des documents étudiés (NRP2 : 60-61), où le cadre fictif d’un échange autour de photos d’enfance provoque de multiples occurrences de surprise (à la fois dite et montrée).

[2] En ce qui concerne les trois autres occurrences, l’une est une transcription présente deux fois et les deux autres n’expriment pas l’émotion (« on a eu un contrôle surprise » [15j/gah] et « sous les effets d` la surprise » [69/3jm]).

[3] De ce point de vue, une alternative efficace dans le cadre pédagogique à la fouille extensive des banques de données telles que CLAPI est représentée par les données multimodales présentes sur les réseaux sociaux : en guise d’exemple, l’existence de genres de vidéos relativement conventionnels tels que les vidéos « réaction » ou encore les vidéos « prank » peuvent permettre de trouver rapidement des exemples respectivement d’une expression de la surprise exagérée et d’une surprise débordant sur l’agacement.

[4] Il ne s’agit pas seulement, avec « sérieux », d’exprimer son étonnement, mais aussi de demander une confirmation à son interlocuteur. D’un point de vue de l’interaction, « dis donc » permet de ne pas poursuivre la séquence conversationnelle dédiée à la surprise, alors que « sérieux » requiert une réponse et une insistance sur l’information surprenante.

[5] Pour faire apparaître laquelle, il faut cocher la case « Inclure les formes élidées » dans l’outil de recherche de la plateforme.

[6] Le code entre crochets indique le code proposé par la plateforme CLAPI pour l’extrait où se situe cette phrase. En l’insérant dans le concordancier, l’extrait qui a été analysé dans cet article s’affiche. Les données sont présentées telles qu’elles apparaissent sur la plateforme.

[7] Pour télécharger le tableau : https://apprendreaeduquer.fr/wp-content/uploads/2021/02/tableau-des-nuances-des-%C3%A9motions.pdf

[8] Pour une prise en compte du niveau mimo-gestuel, il nous paraît plus pertinent de laisser les extraits tels que CLAPI les propose, afin de mieux contextualiser les échanges et les réactions.

[9] Pour un guide d’utilisation de cet outil, nous renvoyons au manuel présent à l’intérieur du logiciel lui-même, ainsi qu’à Balthasar et Valero (2005) pour des explications en français.

[10] Dans quatre cas on a également une indication sur le lieu de l’enregistrement, à savoir Lyon ou la région lyonnaise, mais cette information est absente pour les huit autres extraits.

[11] Ce constat rejoint d’ailleurs les résultats de nombreuses recherches soulignant une « interaction étroite entre matériel verbal et matériel prosodique » dans l’expression des émotions (LACHERET, 2011 : 7). Pour des études plus développées sur l’interface entre prosodie et grammaire, ainsi que sa modélisation, nous renvoyons à Avanzi, Lacheret et Victorri (2008), ainsi qu’à Avanzi et Delais-Roussaire (2011).

[12] Les courbes sur la droite montrent aussi les limites du logiciel face à des enregistrements parfois un peu bruyants ou très rapides. En guise d’exemple, pour la deuxième occurrence de « sérieux », PRAAT n’arrive pas à tracer la hauteur de la première syllabe et commence à la seconde. Afin de permettre une lecture un peu plus aisée de l’exemple, nous montrons en gris, en plus des hauteurs, les intensités pour les « sérieux » surpris.

[13] Nous signalons tout de même, parmi les exemples sur la droite, le « sérieux » marqué en fuchsia qui passe de 135,7 Hz pour la première syllabe à 404,2 Hz pour la seconde en 0,12 secondes. Il s’agit là d’un écart de hauteur beaucoup plus marqué que les autres et qui n’est pourtant pas accompagné, sur le plan non-verbal, d’un mouvement très ample (l’extrait d’où est tirée cette occurrence est le suivant : [160/cj2]). Ce type d’exemple permet aussi d’aborder avec les apprenants une certaine hétérogénéité de l’expression de l’émotion.

[14] Contrairement à la surprise « spontanée » où le corps a tendance à s’éloigner de l’élément surprenant (perçu comme potentiellement dangereux).

 


Per citare questo articolo:

Martina RONCI, Shima MOALLEMI, « Des manuels aux corpus multimodaux :  exprimer oralement sa surprise en français », Repères DoRiF, n. 28 – Entre le théorique et l’expérientiel : l’oral en didactique du FLE. Questionnements et perspectives, DoRiF Università, Roma, novembre 2023, https://www.dorif.it/reperes/martina-ronci-shima-moallemi-des-manuels-aux-corpus-multimodaux-exprimer-oralement-sa-surprise-en-francais/

ISSN 2281-3020

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