Olivier MOUGINOT
Un atelier du discours en français langue étrangère : éléments pour une méthodologie du phrasé en contexte de formation des enseignants
Olivier Mouginot
Université de Franche-Comté
olivier.mouginot@univ-fcomte.fr
Résumé
Cette contribution rend compte de pratiques de formation conçues en contexte universitaire français et intéressant la didactique de l’oralité. Destinées à des publics d’étudiants de master FLE, elles prennent la forme d’un « atelier du discours » combinant des activités réflexives et des expériences langagières dédiées au discours oral. Réalisé en 2022, l’atelier présenté et analysé ici à titre d’exemple permet aux participants de se frotter en théorie comme en pratique à la notion de phrasé telle que reconceptualisée par la poétique contemporaine. Après une description de la démarche méthodologique, illustrée par des ressources et des productions d’étudiants, l’auteur revient sur trois finalités associées à cet atelier : la diversification des savoirs savants/divulgués/pratiques sur le discours à disposition des enseignants de français (en formation initiale et continue) ; l’outillage de ces derniers en catégories d’expériences du dire ; l’expérimentation de dispositifs méthodologiques participant d’une didactique des relations de voix.
Abstract
This contribution reports on training practices developed in the French university context and relevant to the teaching of oral skills. These practices are designed for audiences of French as a Foreign Language Master’s students, and take the form of a “speech workshop” that combines reflective activities and language experiences dedicated to oral discourse. Conducted in 2022, The workshop presented and analyzed here, which was conducted in 2022, enables participants to engage with the concept of phrasing (“phrasé” in French), as conceptualized by contemporary poetics. After describing the methodological approach, illustrated by resources and student productions, the author highlights three goals associated with this workshop: the diversification of scholarly/practical knowledge on discourse available to French teachers (in initial and continuing training); the provision of these teachers with categories of speech experiences; and the experimentation with methodological devices that contributes to a didactics of vocal relationships (“relations de voix” in French).
Introduction
Nous évoquerons ici certaines de nos pratiques de formation en tant qu’enseignant-chercheur en sciences du langage et en didactique du Français Langue Étrangère et Seconde (désormais FLE et FLS) à l’Université de Franche-Comté (France). Nous dispensons notamment plusieurs unités d’enseignement ayant trait au français parlé, à la didactique de « l’oral »[1] et, plus largement, aux questions d’oralité en contexte éducatif[2]. Inscrits dans divers cursus (licence LLCER[3], licence Sciences du langage et master FLE), un grand nombre de nos étudiants se destinent aux métiers de l’enseignement du français ou des langues vivantes. À l’intérieur des enseignements disciplinaires que nous dispensons autour du langage oral, nous avons pris l’habitude de proposer depuis quatre ans des ateliers du discours. Nous désignons par cette formule des montages d’expériences individuelles et collectives associées à des savoirs relatifs à la description de la parole. Ces ateliers articulent, au moyen de lectures-écritures tour à tour réflexives et créatives, des tâches de conceptualisation et de mise en voix. Ils visent à renforcer la perception, par les étudiants, de certaines dimensions expérientielles du discours. Ils viennent aussi résonner avec d’autres enseignements assurés par des collègues (théories linguistiques, phonétique-phonologie, didactique de la grammaire, etc.).
À titre d’exemple, nous nous proposons de rendre compte ici d’un atelier conduit au second semestre de l’année académique 2021-2022 et dédié en partie à la notion de phrasé – entendue dans une approche transdisciplinaire comme manière(s) de « nouer momentanément un corps à un discours » (BONNET, NICOLAS, PAUL 2011 : 5)[4]. Notre contribution s’organise en trois parties : nous commencerons par fournir quelques principes communs à plusieurs ateliers du discours que nous avons mis en place en contexte universitaire depuis 2019 ; ensuite, nous entreprendrons de décrire et d’illustrer la démarche méthodologique façonnée au fil des expériences ; à des fins d’analyse, nous évoquerons pour finir trois enjeux associés à cet atelier du discours et qui intéressent selon nous la composante orale des didactiques du français (Français Langue Maternelle-FLS-FLE) comme « didactiques des relations de voix » (MARTIN 2018). L’exploration de la notion de phrasé servira de fil conducteur aux deuxième et troisième parties.
1. « Atelier(s) du discours » ?
L’atelier du discours qui nous occupera ici est à replacer dans un continuum de pratiques d’ateliers d’une grande variété que nous avons appelé « ateliers du dire » (MOUGINOT 2018a). Nombre de ces pratiques ont pour arrière-plan ou intéressent la formation des enseignants de français ou de langues vivantes en France ou à l’étranger (MOUGINOT 2020). Il nous parait important de fournir quelques principes communs et relativement spécifiques aux différentes propositions d’ateliers du discours que nous avons pu développer depuis quatre ans avec nos étudiants. À l’issue d’une demi-douzaine de projets conduits entre 2019 et 2023, il nous est possible de caractériser cette pratique personnelle d’ateliers dans les termes suivants :
- Chaque atelier du discours consiste à la fois en un atelier notionnel et un atelier de la voix[5] : dans le même temps, les participants s’adonnent à une activité à teneur théorique et à des expérimentations vocales.
- Il s’appuie sur une ou plusieurs notions importantes en linguistique ou, plus largement, en sciences du langage. Dans une perspective transdisciplinaire, voire « indisciplinaire » (BERNADET 2012, SUCHET 2019), certaines entrées théoriques autour du « dire » sont fournies par des disciplines littéraires (stylistique, poétique, études dites francophones, etc.) ou sont empruntées aux arts du langage.
- Il propose un parcours d’activités langagières variées, placées sous le régime de la voix haute – laquelle permet d’introduire le corps des étudiants sans déployer de moyens possiblement inhibants (théâtre). La mise au jour de continuités entre oral et écrit demeure toutefois une préoccupation systématique pour nous.
- Il engage des ressources langagières choisies pour leur singularité énonciative, textuelle ou vocale – textes littéraires ou poétiques ; enregistrements sonores ; transcriptions d’interactions orales ; etc.
2. Un atelier du phrasé (2022) : présentation de la démarche méthodologique
La proposition d’atelier évoquée ici a été conçue à la faveur du rapprochement entre un poème de Yann Miralles (2016 : 16), extrait de son recueil Des terrains vagues, variations, et la notion de phrasé telle que reconceptualisée en poétique contemporaine par Dessons (1997) dans un article intitulé « La phrase comme phrasé ». C’est, en quelque sorte, la combinaison de ces deux ressources, l’une langagière, l’autre théorique, qui nous a conduit à imaginer la démarche présentée dans les pages qui suivent. Pour chaque étudiant-participant, la finalité explicite de l’atelier est d’enregistrer sa propre lecture du poème – une des difficultés étant de parvenir à une mise en voix rigoureusement personnelle. Nous reproduisons ici le poème (non titré) dans son intégralité :
un poème aussi facile qu’un footing
inspirer expirer
le monde
mêlés il y a les muscles la buée des bouches
la fumée qui s’élève des pores
tout ce système
de sudation cette poussée
indécidable
avec
le déroulé du paysage d’un côté
passant ras près des vignes
au pas de course passant
horizontalement sur les chemins
et de l’autre la ligne noire
des mots (mais il n’y a
pas de frontière
tout va ensemble indécidable) – les mots
qui entraînent loin dans les parages
plus loin plus loin
que les pieds
(MIRALLES 2016 : 16)
Une autre finalité qui se dévoile au fil de l’atelier est de repérer/tenir ensemble des savoirs notionnels et donc des points de vue sur le discours[6]. Il est possible de décomposer, au moins à des fins de restitution et d’analyse, cet atelier en trois temps correspondant chacun à une séance d’environ deux heures – en plus de la phase d’enregistrement réalisée par les participants chez eux.
2.1. Activité inaugurale autour de la notion de discours (temps un)
Il est important de préciser au préalable que cet atelier du discours a été initié à la suite de plusieurs séances de cours dédiées à la notion de discours en sciences humaines et sociales. Une attention particulière a été apportée à une exploration du continuum des études de discours, étiquette derrière laquelle est habituellement rangée un ensemble de disciplines, de courants d’études ou encore de « territoires » de recherche (MAINGUENEAU 2014 : 47). Un questionnement sur l’actualité de la notion de phrase en sciences du langage a également permis d’introduire une réflexion sur les unités et/ou catégories mobilisées par les didactiques du français et des langues pour penser le discours et le sens en situation d’enseignement-apprentissage.
Comme activité inaugurale, il est proposé aux participants de l’atelier de réaliser une synthèse collective des bagages théoriques à disposition – au cours de laquelle nous leur demandons de (re)mobiliser des connaissances et savoir-faire en lien avec leurs parcours d’étude. À partir d’exemples, ils sont invités à lister des unités utilisées pour décrire le discours comme organisation au-delà de la phrase – nous acceptons aussi tout ce qui se situe en-deçà… Ce peut être des catégorisations anciennes ou actuelles, savantes ou scolaires. Il s’agit de s’intéresser à tous les « faits de langage » (DESSONS 1997 : 43), à l’oral comme à l’écrit – ce geste d’indistinction est volontaire et trouve sa justification dans la suite de l’atelier. Le but est ici de prendre toute la mesure, au moins de manière empirique, de la diversité terminologique en vigueur dans le champ des enseignements-apprentissages langagiers. Nous invitons ensuite à classer les propositions au moyen d’une grille qui fait apparaitre trois colonnes exprimant des focalisations différentes – sur la langue, le discours et le dire comme expérience(s). Pour certains termes proposés, il peut être demandé aux participants des précisions complémentaires. Il s’agit d’arriver à dégager, par cette réflexion terminologique transversale, une vision cohérente permettant de repérer les différentes conceptions du langage qui accompagnent chaque essai de description ou de catégorisation. Les « unités du discours »[7] (colonne 2) et les catégories de l’expérience du dire (colonne 3) sont souvent les plus difficiles à énumérer et retiennent particulièrement notre intérêt pour la suite de l’atelier. Nous redonnons ci-dessous le tableau de synthèse produit collectivement :
2.2. Va-et-vient entre lectures théoriques et mises en voix du poème (temps deux)
Le deuxième temps de l’atelier repart de la phrase comme unité de sens et, plus précisément, du constat que les participants ont placé le terme dans les trois colonnes du tableau de l’activité inaugurale. C’est l’occasion de souligner combien la phrase constitue, par-delà les grammaires scolaires, une unité langagière toujours présente en linguistique alors même que la notion a subi un « déclassement épistémologique » (BERNADET 2019 : 16) depuis les années 1980[8], notamment dans les champs macro-syntaxique ou interactionniste. Avec l’apport théorique de Dessons – et, plus largement, celui de la poétique contemporaine, notre intention est de faire expérimenter la phrase comme levier d’écoute du continu discursif à partir du moment où elle est réévaluée à l’aune de la notion de phrasé. Dans cette perspective, la phrase est transformée – provisoirement et à titre expérimental – en unité de l’expérience du dire. Par ce biais, elle retrouve d’une certaine manière l’importance qui lui avait été donnée historiquement par Benveniste :
La phrase, création indéfinie, variété sans limite, est la vie même du langage en action. (BENVENISTE 1966 : 129)
La phrase appartient bien au discours. C’est même par là qu’on peut la définir : la phrase est l’unité du discours. (BENVENISTE 1966 : 130)
C’est dans le discours actualisé en phrases, que la langue se forme et se configure. Là commence le langage. (BENVENISTE 1966 : 131)
Après tout, c’est ainsi que nous communiquons, par des phrases, même tronquées, embryonnaires, incomplètes, mais toujours par des phrases. (BENVENISTE 1974 : 223-224)
Résonant avec des questionnements toujours d’actualité (par exemple, SIOUFI et al. 2020), la réflexion de Dessons sur la phrase est introduite au cours de l’atelier au moyen d’un montage de citations empruntées à son article « La phrase comme phrasé » – montage que nous reproduisons de manière fragmentée à l’intérieur de cet article. Les participants sont invités à réénoncer sa conceptualisation du phrasé – laquelle nourrit régulièrement des discussions dans le champ poétique (PARLANT, CASAS, COURTOIS, LAUGIER 2016) tout en contribuant à un questionnement transdisciplinaire (WYSS 1999 ; BONNET, NICOLAS, PAUL 2011) assez méconnu en linguistique. Pour ce faire, une sorte de va-et-vient est mis en place entre la découverte progressive de ces fragments théoriques et les essais de mise en voix du poème. Une telle circulation permet de procéder à des lectures individuelles et chorales du poème dans un cadre réflexif précis : les propositions de Dessons sont aussi à lire comme des conseils d’appropriation – nous abordons ce principe d’inférence méthodologique dans la troisième partie de cette contribution.
Pour rappel, Dessons initie une conceptualisation particulière de la notion de phrase qu’il « frotte » à celle de phrasé[9]. Le phrasé serait ce qui lui permet d’augmenter l’attention au « côté sujet » de la phrase :
(…) historiquement, il y a un avers de la phrase, qui est son côté logique, propositionnel, son côté « unité de pensée », son côté signe, et qui en constitue l’image traditionnelle. Et il y a aussi un envers de la phrase, qui est son côté historicité, son côté sujet, — un côté ombre, si l’on veut, qui semble rebelle à toute scientificité, et vers lequel regarde la notion de phrasé. (DESSONS 1997 : 43)
En interrogeant l’articulation phrase-phrasé, Dessons cherche à réintroduire une préoccupation d’ordre expérientielle, la perception, sinon l’appréhension de ce qu’il appelle le « vivant du langage » (1997 : 43), c’est-à-dire tout ce qu’il peut y avoir d’historicité dans la parole : de l’intime, du corps, du social – imbriqués les uns dans les autres. L’atelier du discours s’intéresse à cette imbrication propre à toute subjectivation langagière. Évoquant même une « troisième articulation », Dessons définit le phrasé comme « ce corps qu’on entend » dans la phrase (1997 : 49), dans tout discours, oral ou écrit :
Le phrasé est (…) fait de la mélodie et du rythme, lesquels sont le corps même du discours, un corps signifiant. Le phrasé est la subjectivation du discours, dans la mesure où il porte l’affect dans la signification, où il rend indissociable l’affect et le sémantique. Il fait que, dans la parole, le corps est toujours là. C’est pourquoi cette « troisième articulation » n’est pas seulement présente dans l’oralisation du discours. Elle existe aussi dans le discours écrit, en tant que phénomène intonatif-accentuel complexe, fait de démarcations, décrochements et relances énonciatifs, par lesquels le langage est indissociablement du sens et du corps. (DESSONS 1997 : 49-50)
Il est à noter que, plus loin, Dessons parle également d’un « phrasé du langage » (1997 : 52), irréductible à la « psychologie individuelle des locuteurs », à la « régulation métrique des vers », à l’« organisation logico-syntaxique des énoncés », orientant son intérêt de poéticien vers les procédés de subjectivation langagière.
2.3. Un poème, une enquête : remise en forme et essais de voix pour expérimenter le continu discursif (temps trois)
À la suite des tout premiers essais de lecture, un troisième temps de travail proposé aux participants consiste en des opérations sur le poème lui-même à partir de l’installation de plusieurs questionnements : 1) Comment dire ce poème à voix haute ? ; 2) Comment le dire le plus naturellement possible – sans (trop) le déclamer, le réciter, l’interpréter ? Faut-il le lire comme il est présenté/mis en forme sur la page ? ; 3) Comment réorganiser visuellement le poème pour mieux donner à voir et entendre son continu discursif ?[10]
S’agissant de la troisième question, les participants sont conduits à modifier la mise en forme originale du poème pour en faciliter l’appropriation puis la mise en voix. On aura remarqué que le poème se fonde sur une présentation verticale caractérisée par des ruptures à la fois visuelles et discursives, pouvant susciter chez le lecteur une sensation de désorientation. La mise à l’épreuve du continu discursif du poème apparait intéressante à proposer aux participants dans la mesure où cette tâche peut s’apparenter à une enquête qui va se situer à un double niveau, textuel et vocal. Cette enquête, nous proposons de la commencer à voix basse et de la poursuivre à voix haute, c’est-à-dire d’articuler un travail d’écoute à un travail d’incorporation – ce que nous appelons dans notre terminologie d’atelier une remise en forme suivie d’un « essai de voix »[11]. L’objectif concret est de dégager un/des phrasés possibles du poème : il s’agit moins de le redéployer comme texte que d’essayer de lui redonner vie comme « être de discours » – pour reprendre la belle formule de Dessons (1997 : 52). Dans une conception différente qui s’appuie sur des allers-retours entre musique et discursivité, Bonnet, Nicolas et Paul (2012 : 6) évoquent toutefois une « logique du phraser » qui présente à nos yeux le même enjeu : « (…) phraser une écriture en sorte de vraiment la lire (c’est-à-dire de com-prendre le geste de pensée dont elle est dépositaire) constitue une manière de projeter la logique immanente d’un discours écrit dans l’hétérogène d’un corps. » Au-delà d’une interrogation visant à mieux saisir le fondement de l’écriture poétique, la notion de phrasé est également – et, dans le cas de cet atelier, surtout, – une occasion de questionner l’activité de « lire-écrire » – au sens de lire à voix haute ce qui a été écrit par autrui : « (…) phraser désigne tout à la fois le geste d’une écriture et celui d’une lecture ; phraser, c’est lire-écrire. » (MARTEAU 2011 : 286). C’est particulièrement à cet instant-là qu’une telle expérience nous semble appartenir entièrement à une « didactique de l’oralité » (LHOTE, 2001 ; WEBER 2013) attentive à toutes les historicités qui font le langage. Nous reproduisons ci-dessous deux exemples de remises en forme – à comparer avec la mise en forme originelle du poème fournie plus haut :
[Proposition d’Antoine :]
un poème aussi facile qu’un footing
inspirer, expirer le monde.mêlés,
il y a les muscles,
la buée des bouches,
la fumée qui s’élève des pores,
tout ce système de sudation.cette poussée indécidable,
avec le déroulé du paysage d’un côté,
passant ras près des vignes au pas de course,
passant horizontalement sur les chemins,
et de l’autre la ligne noire des mots.mais il n’y a pas de frontière,
tout va ensemble,
indécidable.les mots,
qui entraînent loin dans les parages
plus loin !
plus loin que les pieds.[Proposition d’Hugo :]
Un poème aussi facile qu’un footing : inspirer, expirer le monde. Mêlés, il y a les muscles, la buée des bouches, la fumée qui s’élève des pores. Tout ce système de sudation, cette poussée indécidable avec le déroulé du paysage d’un côté, passant ras, près des vignes au pas de course, passant horizontalement sur les chemins et de l’autre la ligne noire des mots (mais il n’y a pas de frontière, tout va ensemble, indécidable) — les mots qui entrainent loin dans les parages. Plus loin, plus loin que les pieds.
Sur la base de cet échantillon, on constatera des partis pris relativement opposés : les deux propositions diffèrent en termes de réorganisation textuelle ou de ponctuation. Comme Hugo, de nombreux participants ont fait le choix de linéariser le poème en le transformant en bloc de prose et en retravaillant sa cohérence à l’échelle d’un paragraphe. Ce qui est à éprouver ici, c’est le lien de cause à effet entre les modifications apportées à la présentation originale du poème et l’étape de mise en voix. Certains participants procèdent à des modifications sans retombées claires sur l’étape d’oralisation. À l’inverse, d’autres ont su tirer profit de la remise en forme pour procéder à différents essais et réglages avant l’enregistrement de leur création vocale[12].
3. Les ateliers du dire : quels enjeux pour la formation à la didactique du français ?
Organisé dans le cadre de cursus de type option, licence ou Master FLE, cet atelier du discours participe d’un dispositif de transmission qui peut être également analysé en termes d’enjeux formatifs formulés dans les termes suivants :
3.1. Diversifier les savoirs savants/divulgués/pratiques sur le discours fournis aux enseignants de langues
Nourri des références précédemment évoquées mais également de divers travaux sur la voix, le geste et/ou le corps en situation d’enseignement-apprentissage (par exemple, PIERRA 2006 ; MARTIN 2011 ; TELLIER, CADET 2014 ; MAÎTRE DE PEMBROKE, MOUCHET, ADEN 2018), un tel atelier du discours a pour finalité de participer à l’élargissement et/ou la diversification nécessaire(s) des savoirs savants/divulgués/pratiques sur le discours fournis aux futurs enseignants de langue et, peut-être plus concrètement, d’étoffer leur répertoire notionnel – avec un certain nombre d’incidences restant à vérifier sur leur répertoire didactique, voire expérientiel. Par exemple – c’est l’orientation choisie ici, en mobilisant, en complément des apports des disciplines contributoires aux didactiques des langues, des savoirs propres aux études littéraires travaillant le discours. Les réflexions de Dessons sur le phrasé illustrent bien la spécificité de certains savoirs sur le continu discursif mis au jour par la poétique contemporaine. L’étude du fonctionnement des œuvres de langage et de culture ne produit pas seulement des analyses littéraires, mais aussi des savoirs et savoir-faire langagiers possiblement transposables dans le cadre des composantes orales des didactiques du français. Signalons au passage que c’est le statut même de l’œuvre littéraire ou poétique en didactique des langues qui pourrait s’en trouver modifié : une telle production sociolangagière serait alors renvoyée moins à une spécificité qui la maintiendrait à distance (discours/lecture littéraires, littérarité, esthétique, créativité, culture cultivée) qu’à des intensités énonciatives, rythmiques, vocales certes singulières mais constitutives de toute ressource discursive. D’une certaine manière, on en revient à la proposition programmatique de Dessons (1997, 45)[13]: « Faire l’épreuve d’une théorie de la syntaxe par une théorie du discours, et d’une théorie du discours par une théorie de la littérature. »
3.2. Varier les points de vue sur le « langage en action » (BENVENISTE 1966 : 66)[14] pour mieux outiller les futurs enseignants en catégories d’expériences du dire
Pour l’enseignement des langues comme pour la poétique, l’enjeu est peut-être autant de regarder le discours comme fragment ou totalité, que de percevoir ses éléments dynamiques et relationnels, voire de s’y confronter et/ou d’y participer. Notre atelier du discours est, en matière de transmission, une manière de rééquilibrer les points de vue sur le langage en intégrant des catégories du dire ou des concepts de l’expérience du dire. Sans chercher à imposer des conceptions au détriment d’autres, il s’agit surtout de montrer combien les points de vue sur le discours sont à considérer comme des leviers d’observation et d’expérimentation plus que comme des savoirs figés[15].
Parmi les éléments dynamiques travaillés en atelier, il y a, par exemple, le « continu de discours » (DESSONS 1997 : 46), irréductible à des structures, des institutions ou des effets de sens, et pouvant s’apparenter plutôt à une « réaction en chaine » – pour reprendre l’image de Meschonnic (2008 : 11). Au moyen du phrasé, il s’agit de considérer différemment les phénomènes qui concourent au mouvement continué du discours. Le phrasé comme unité du continu discursif devient ce levier réflexif et pratique pour repérer des modalités et intensités de subjectivation dans tout « événements du dire » (BERNADET 2012 : 7) :
Comme bien des termes empruntés à la musique – le ton, l’air –, le phrasé est une catégorie du continu, qui dit le continu d’un sujet, et d’une identité, et qui ne peut que mettre en question les définitions de la phrase par le discontinu. Ce pourquoi la notion de phrasé apparait dans la poétique et non dans la linguistique, la poétique ayant affaire avec un continu de discours qui est le continu d’une subjectivation. (DESSONS 1997 : 46)
3.3. Imaginer des inférences méthodologiques pour faire place aux voix en classe et en formation
Comme pour d’autres ateliers du discours, nous avons essayé de proposer aux participants un montage de citations entremêlant savoirs savants et savoirs pratiques afin que l’approfondissement d’une notion permette dans le même temps de dégager des pistes d’ordre méthodologique. La trajectoire d’atelier évoquée ici a consisté à passer de la recherche de catégories d’expériences du dire à l’expérimentation du continu langagier. En l’espèce, les réflexions de Dessons partagées avec les participants ont été également choisies en fonction des savoirs méthodologiques – mêmes embryonnaires ou intuitifs – qu’ils contiennent. Touchant à la voix, au corps, à la (trans-)subjectivation langagière, certaines catégories du dire ont ceci d’intéressant qu’elles offrent des opportunités de reconceptualisation pratique. Cela signifie aussi, au moins dans notre contexte de formation, qu’il s’agit moins d’enseigner le phrasé que d’apprendre avec lui, c’est-à-dire d’en faire un levier critique et expérientiel. Au plus près d’une ressource, on essaie pour de vrai une notion à la faveur d’expériences de réénonciation. En quelque sorte, les participants sont allés vérifier dans le poème de Miralles les propositions de Dessons, et réciproquement.
Prenons un exemple d’inférence méthodologique pour éclairer notre propos. Dans le même article, Dessons (1997 : 50) lance presque une injonction qui pourrait s’entendre dans bien des situations d’enseignement-apprentissage : « Il faut se mettre à l’écoute du phrasé des discours, qui en constitue à la fois la physique et la sémantique. » Cette écoute n’est pas uniquement de l’ordre d’une compréhension ou d’une interprétation – voire d’une « traduction » (MARTEAU 2011 : 286) – mais appelle le concours de la « diction », terme associé par Dessons au phrasé et qui renvoie à la responsabilité concrète du lecteur en tant qu’initiateur d’essais de réénonciation. Le « dire » apparait d’ailleurs comme la condition première, capable de faire exister le poème pour ce qu’il est, à savoir un passage de sujets, l’expérience d’un trans-sujet :
Le phrasé est véritablement le corps-langage, en ce qu’il est, dans le discours, la diction même du discours (…). L’approche du langage à partir de la littérature, et particulièrement de la poésie, montre que le poème ne peut être dissocié de son dire, que sans ce dire, il n’est rien (…). (DESSONS 1997 : 51)
Loin de vouloir réduire le phrasé à celui des arts de la parole – souvent tourné vers un art de l’interprétation entendue comme déplacement référentiel ou sensible, Dessons reconceptualise le phrasé en même temps qu’il donne des conseils de lecteur, ou plutôt de diseur. Ce sont ces conseils qu’il s’agit de transformer en attentions méthodologiques, en solutions pratiques au profit de besoins propres à notre situation d’enseignement et de formation. Plus concrètement, marqué par la réflexion de Dessons sur l’indivision entre lire et dire, nous avons tiré de la citation suivante l’activité de remise en forme décrite précédemment :
Dire un texte, ce n’est pas lui appliquer, de l’extérieur, des schémas rhétoriques, accentuels ou prosodiques, mais les repérer dans la complexion de ce texte, et les produire in corpore. Apprendre à dire un texte n’est donc pas isolable d’apprendre à lire un texte. (DESSONS 1997 : 52)
C’est, en quelque sorte, une méthodologie du phrasé que nous avons essayé – et essayons encore – de concevoir en déplaçant l’attention des participants vers des éléments susceptibles de (re)créer du continu discursif : les modifications formelles ou de supports, la prosodie, le souffle (comme élément de la « diction » mais également comme procédé d’enveloppement), l’adresse, etc. :
La diction, dans le phrasé, est la façon de faire entendre ce qui n’est pas dit dans un texte, mais qui fait la spécificité de ce texte et, le faisant entendre, de le montrer. C’est pourquoi la diction n’est pas l’art de dire des mots, ni des phrases, mais de faire vivre des êtres de discours. (DESSONS 1997 : 52)
Signalons au passage que cet appel de Dessons à intégrer plus d’expériences du « corps-langage » pourrait aussi concerner le champ interactionniste. La mise à l’épreuve du continu discursif des interactions langagières pourrait constituer un axe de travail intéressant pour un prochain atelier du discours :
Entendre, dans une situation de dialogue, ces intonations qui en font un seul phrasé, étendu aux dimensions d’une phrase collective débordant la distribution de la parole en différents interlocuteurs (…). (DESSONS 1997 : 50)
Ouverture
Malgré le caractère volontairement empirique de la démarche d’atelier présentée ici, appelée à être précisée ou affinée ultérieurement, nous avons souhaité illustrer la réciprocité qu’il est possible de mettre à profit en contexte de formation des enseignants de FLE entre épistémologie des savoirs langagiers et méthodologie(s) d’enseignement du français. Diversifier les moyens d’observation et d’analyse des ressources et pratiques langagières, c’est aussi, au bout de la chaine didactique, rendre possible une pluralité d’expériences en classe de langue – perspective qui semble d’ailleurs caractériser de plus en plus l’enseignement-apprentissage de l’« oral » à l’École (COSTE, GAUTHIER 2021). L’atelier du discours constitue une réponse possible à l’impératif de former en didactiques des langues avec une variété de savoirs langagiers. Nous sommes toutefois conscient que les contraintes sont fortes : les programmes de formation ne sont pas extensibles ; les cultures éducatives et linguistiques connaissent des évolutions très lentes ; les objectifs de professionnalisation des cursus universitaires conduisent souvent à parer au plus pressé. Cela ne doit nullement empêcher enseignants, formateurs et didacticiens d’engager des réflexions transdisciplinaires susceptibles d’infléchir le processus permanent de transposition didactique, par exemple en imbriquant toujours plus fortement aux sciences du langage les études littéraires ou les arts de la parole comme réservoirs de savoirs et d’expertise. Dans tous les cas, disputes théoriques et espaces d’inconnaissance (BERNADET 2012) ne manquent assurément pas pour inventer d’autres ateliers du discours, par exemple autour de la signifiance, du rythme, de la voix, de la variation, ou encore de la présence scénique.
Bibliographie
BENVENISTE, Émile, Problèmes de linguistique générale I & II, Paris, Gallimard, 1966 & 1974.
BENZITOUN, Christophe, « Quelle(s) unité(s) syntaxique(s) maximale(s) en français parlé ? Discussions autour de quelques problèmes rencontrés », Travaux de linguistique, n°60, 2010, p. 109-126.
BERNADET, Arnaud, La Phrase continuée. Variations sur un trope théorique, Paris, Classiques Garnier, 2019.
BERNADET, Arnaud, « L’inconnaissance du littéraire. De l’indiscipline méthodologique à l’ethos critique », Polarnet, 2012.
BONNET, Antoine, NICOLAS, François, PAUL, Thierry (dir.), Questions de phrasé, Paris, Hermann, 2011.
COSTE, Daniel, GAUTHIER, Roger-François (dir.), « L’oral dans l’éducation », Revue internationale d’éducation, n° 86, Sèvres, FEI, 2021.
DESSONS, Gérard, « La phrase comme phrasé », La licorne, Université de Poitiers, 1997, p. 41-53.
JAKOBSON, Roman, Les fondations du langage. Essais de linguistique générale I, Paris, Minuit, 1963.
KERBRAT-ORECCHIONI, Catherine, « Émile Benveniste et la théorisation », in BOUGNOUX, Larousse, Paris, 1993.
KERBRAT-ORECCHIONI, Catherine, « La notion d’interaction en linguistique : origine, apports, bilan », Langue française, n°117, 1998, p. 51-67.
LHOTE, Élisabeth, « Pour une didactologie de l’oralité », Études de linguistique appliquée, n°123-124, 2001, pp. 445-453.
MAINGUENEAU, Dominique, Discours et analyse de discours, Paris, Armand Collin, 2014.
MAÎTRE DE PEMBROKE, Emmanuelle, MOUCHET, Alain, ADEN, Joëlle (dir.), Corps, gestes, paroles dans la situation d’enseignement, Recherches et éducations, hors-série, 2018.
MARTEAU, Frédéric, « Phraser, tracer, toucher. Éloge du tâtonnement. » In Bonnet, A., Nicolas, F., Paul, T. (dir.), Questions de phrasé, Paris, Hermann, 2011, p. 285-306.
MARTIN, Serge, « La voix comme sujet-relation : de la transmission des modèles de langue aux relations de voix ». In Lapeyre-Desmaison, C., Poulin, I., & Roger, J. (Eds.), Sens de la langue. Sens du langage : Poésie, grammaire et traduction, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2011.
MARTIN, Serge, Poétique de la voix en littérature de jeunesse. Le racontage de la maternelle à l’université, Paris, L’Harmattan, 2014.
MARTIN, Serge, « Une poétique et une didactique des relations de voix », Carnets, n°13, APEF, 2018.
MESCHONNIC, Henri, « Plan d’urgence pour enseigner la théorie du langage », Le français aujourd’hui, n°130, Paris, Armand Colin, p. 100-107.
MESCHONNIC, Henri, Dans le bois de la langue, Paris, Laurence Teper, 2008.
MIRALLES, Yann, Des terrains vagues, variations. Nice, Unes, 2016.
MOUGINOT, Olivier, Les ateliers du dire (lectures, écritures, littératures) : enjeux et expériences de la voix en langue(s) étrangère(s), thèse de doctorat, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, 2018a.
MOUGINOT, Olivier, « Deux ateliers du poème pour “essayer dire” en français langue étrangère », Pratiques : linguistique, littérature, didactique, 2018b.
MOUGINOT, Olivier, « Ateliers d’écriture et didactique du français langue étrangère : enjeux théoriques et pratiques des essais de voix en contexte de formation universitaire », Synergies Italie, n°16, 2020, p. 41-58.
PARLANT, Pierre, CASAS, Benoit, COURTOIS, Jean-Patrice, LAUGUER, Emmanuel, « Classe de Maître. Le Phrasé. Scène poétique », ENS & CERCC, Lyon, 2016 : http://cercc.ens-lyon.fr/spip.php?article530
PIERRA, Gisèle, Le corps, la voix, le texte. Arts du langage en langue étrangère, Paris, L’Harmattan, 2006.
RABATÉ, Dominique, Gestes lyriques, Paris, José Corti, 2013.
SIOUFFI, Gilles et al., Une histoire de la phrase française : des Serments de Strasbourg aux écritures numériques. Arles, Actes Sud, 2020.
SUCHET, Myriam, L’horizon est ici, pour une prolifération des modes de relations, Rennes, Éditions du Commun, 2019.
TELLIER, Marion, CADET, Lucile (coord.) Le corps et la voix de l’enseignant : théorie et pratique, Paris, Maison des langues, 2014.
WEBER, Corinne, Pour une didactique de l’oralité. Enseigner le français tel qu’il est parlé, Paris, Didier, 2013.
WYSS, André, Éloge du phrasé, Paris, PUF, 1999.
[1] C’est nous qui plaçons ici l’adjectif substantivé oral entre guillemets pour exprimer une certaine méfiance terminologique à son égard, notamment lorsqu’il se rapporte à un domaine d’enseignement-apprentissage ou à un champ didactique particulier.
[2] À titre indicatif, depuis 2019 : « Oralité et scripturalité : perspectives didactiques » (Licence 3 Sciences du langage parcours FLE, licence 3 LLCER) ; « didactique de l’oral » (Master FLE 1ère année) ; « Pratiques, conduites de classe et créativité » (Master FLE 1ère année).
[3] Cursus en « Langues, Littératures et Civilisations Étrangères et Régionales ».
[4] Nous fournissons ici la citation complète qui illustre assez bien l’enjeu transdisciplinaire développé depuis une vingtaine d’années autour de la notion de phrasé : « Si, en première approche, on appelle phraser une manière de nouer momentanément un corps à un discours, nouage qui oriente le découpage linéaire du discours en unités régionales de sens (selon une dynamique des profils, des attaques et des chutes), de telles opérations – une telle logique du phraser, donc – ne sont-elles pas également à l’œuvre dans la compréhension d’une démonstration, dans la transmission d’une expérience, dans la lecture d’une équation ou d’une formule, dans l’appréhension d’un graphe ou d’un diagramme, l’interprétation moderne d’un texte classique, que chacune de ces pratiques relève alors de la mathématique, de la physique, de la chimie, de la biologie, de la philosophie ou d’autres disciplines encore ? » (BONNET, NICOLAS, PAUL 2011 : 5-6)
[5] Sur ce second aspect, nous renvoyons à Mouginot (2018b).
[6] Pour information, les objectifs de l’unité d’enseignement dans laquelle s’est inscrit cet atelier du phrasé (« Oralité : perspectives didactiques », 24 heures) étaient les suivants : « 1) Rassembler des savoirs variés autour de l’oralité, des interactions orales, du français parlé et de l’enseignement-apprentissage de “l’oral” ; 2) Travailler la notion d’oralité selon une approche transdisciplinaire et pluridimensionnelle permettant d’associer les problématiques relatives à “l’oral” dans le champ éducatif à un questionnement plus général sur l’évolution des cultures langagières en France ; 3) Faire des expériences de la voix et du corps-langage en rapport avec des préoccupations liées à votre projet d’études et/ou à vos besoins professionnels. » (Brochure du cours)
[7] Nous empruntons cette formule – en élargissant son application – à Benveniste (1966 : 130).
[8] Par exemple, Kerbrat-Orrechioni écrit : « (…) la plupart des catégories grammaticales traditionnellement reconnues comme pertinentes s’appliquent mal au discours oral, l’exemple le plus évident étant la notion de phrase, dont tous ceux qui ont travaillé sur l’oral authentique s’accordent à reconnaitre qu’elle est absolument inapplicable en la circonstance (…). » (KERBRAT-ORRECHIONI 1998 : 56) On trouve dans le même temps des approches épistémologiques qui invitent à ne pas se défaire trop vite d’une telle catégorie, par exemple, chez Benzitoun : « (…) la notion de phrase, aussi imparfaite soit-elle, a sans doute encore un avenir devant elle, étant donné que l’unité censée la déposséder de sa suprématie n’a pas encore pu être déterminée avec suffisamment de précision pour faire l’objet d’un consensus et ainsi être plus largement diffusée. » (BENZITOUN 2010 : 123)
[9] À noter que cette apposition phrase-phrasé se rencontre dans plusieurs recherches en poétique contemporaine, plus ou moins convergentes, matérialisées par des formules qui se répondent : par exemple, à vingt ans d’intervalle, « la phrase comme phrasé » de Dessons (1997) et « la phrase continuée en phrasé » de Bernadet (2019 : 13).
[10] Ces questions-consignes données autour de la réalisation vocale font écho à des interrogations voisines en poétique contemporaine, par exemple, quand Marteau (2011) se demande : « Comment lit-on un texte, comment relève-t-on, par un « geste de parler » approprié, ce qui s’est écrit, c’est-à-dire ce qui s’est déposé (ou échoué) sur la page ? Phraser un texte consiste à lui donner ou lui redonner un corps : un souffle, un rythme. Ce corps est généralement entendu comme oral ou vocal ; phraser un texte, c’est donner de la voix, c’est placer sa voix. (…) » (MARTEAU 2011 : 286).
[11] Nous empruntons la formule « essais de voix » aux domaines de la poétique et de la didactique de la littérature, précisément à Rabaté (2013 : 118) et Martin (2014).
[12] Nous regrettons de ne pouvoir inclure ici les enregistrements sonores associés à ces propositions de mise en forme, le format en ligne de la revue Repères-Dorif ne le permettant pas encore.
[13] Et d’autres avec lui, par exemple, Jakobson (1963 : 248) ou Meschonnic (1999 & 2008).
[14] Formule reprise par Kerbrat-Orrechioni (1993 : 219) qui écrit que le discours est « langage mis en action ».
[15] Comme l’indique Dessons (1997 : 46), aucune notion ou catégorie linguistique ne préexiste aux phénomènes qu’elle cherche à nommer.
Per citare questo articolo:
Olivier MOUGINOT, « Un atelier du discours en français langue étrangère : éléments pour une méthodologie du phrasé en contexte de formation des enseignants », Repères DoRiF, n. 28 – Entre le théorique et l’expérientiel : l’oral en didactique du FLE. Questionnements et perspectives, DoRiF Università, Roma, novembre 2023, https://www.dorif.it/reperes/olivier-mouginot-un-atelier-du-discours-en-francais-langue-etrangere-elements-pour-une-methodologie-du-phrase-en-contexte-de-formation-des-enseignants/
ISSN 2281-3020
Quest’opera è distribuita con Licenza Creative Commons Attribuzione – Non commerciale – Non opere derivate 3.0 Italia.