Stefano VICARI
Discours de haine (?) dans les réseaux sociaux numériques : le cas de #commentfairepourqueleshommesarretentdevioler
Stefano Vicari
Università di Genova
stefano.vicari@unige.it
Résumé
Dans cette contribution, j’étudie la polémique autour de la question-hashtag #commentfairepourqueleshommesarretentdevioler qui s’est déclenchée en janvier 2021 dans les réseaux socio-numériques (Twitter, Facebook, espaces commentaires de la presse en ligne). À la suite d’un aperçu sur les recherches autour des discours de haine et sur la réglementation de ces discours dans Twitter, j’analyserai les caractéristiques technodiscursives (Paveau, 2017) de cet hashtag ainsi que les réactions des usagers pour montrer comment il permet de reconfigurer la relation d’autorité entre les genres.
Abstract
In this article, I will study the polemic that was triggered in January 2021 in the social networks (Twitter, Facebook, commentary space of the online press) by the hashtag #commentfairepourqueleshommesarretentdevioler. Following an overview of the research around hate speech and its regulation on Twitter, I will analyze the technodiscursive characteristics (Paveau, 2017) of this hashtag as well as the reactions of Internet users to show how it allows for the reconfiguration of the authority relationship between genders.
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Introduction
Dans cette étude, je me propose d’étudier la polémique (AMOSSY 2014) autour de la publication sur Twitter de la question-hashtag #commentfairepourqueleshommesarretentdevioler de la part d’usagers se présentant comme féministes, le 23 janvier 2021. Le but était de dénoncer et de rendre visibles les résultats d’une étude qui a montré que presque 98% des violeurs sont des hommes. La publication de l’hashtag a entraîné la suspension pendant 24 heures des comptes de la part de Twitter France, en raison du fait que les modérateurs, à la suite de nombreux signalements, ont considéré cet énoncé comme relevant du « discours de haine ».
Cette polémique rejoint mes préoccupations de recherche sous deux aspects ayant trait aux relations entre discours de haine et circulation de l’autorité discursive dans les environnements numériques. En effet, d’un côté, elle permet d’observer la manière dont les discours de haine (re)configurent les rapports de pouvoir entre les genres à partir d’observables technodiscursifs (PAVEAU 2017) ; d’autre part, elle soulève la question de la légitimité des plateformes numériques dans la limitation de la liberté d’expression de ses usagers[1].
À la suite d’un aperçu rapide sur quelques précisions terminologiques concernant les discours de haine, qui me permettra de contextualiser le débat non seulement dans le cadre plus général des recherches sur ce type de discours, mais aussi dans celui des énonciations militantes féministes dans le web 2.0 (BLANDIN 2017), je me pencherai sur l’analyse de la polémique portant sur la publication de la question sur Twitter telle qu’elle se déploie dans différents espaces du web 2.0. Mes objectifs sont de cerner (1) les caractéristiques discursives « dérangeantes » de la question- hashtag ayant fait en sorte que tant la plateforme que de nombreux usagers l’aient considérée comme un exemple de discours de haine et (2) les modalités polémiques mettant en jeu l’autorité du genre et, notamment, le rôle du discours de haine dans le rétablissement des rapports de pouvoir entre les genres.
1. #Commentfairepourqueleshommesarretentdevioler et discours de haine
1.1. Discours de haine, définitions, contextes et groupes-cibles
La notion de discours de haine est difficile à cerner non seulement en raison des multiples dimensions que ce discours peut prendre (dimensions « qui sont à la fois discursives, pré-discursives –représentations préalables – et post-discursives-orientées vers une certaine action » MONNIER et al. 2020 : 67), mais aussi en fonction de la perspective adoptée. D’un point de vue légal et juridique, selon le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, la notion de discours de haine recouvre
toutes formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’antisémitisme ou d’autres formes de haine fondées sur l’intolérance, y compris l’intolérance qui s’exprime sous forme de nationalisme agressif et d’ethnocentrisme, de discrimination et d’hostilité à l’encontre des minorités, des immigrés et des personnes issues de l’immigration[2] (WEBER 2008 : 3).
Suivant la définition juridique, sur laquelle s’appuie également la loi Avita adoptée en 2020 en France, la sanction des discours de haine se rend nécessaire à cause de l’attitude (propager, inciter, promouvoir, justifier) généralisée que ces discours pourraient induire contre des groupes sociaux particuliers, en raison de leur appartenance à différentes catégories (ethnie, race, religion, sexe, genre etc.). Néanmoins, cette définition n’entre pas dans le mérite des formes que ce discours peut prendre dans la matérialité discursive et plurisémiotique typique des réseaux socio-numériques (dorénavant RSN).
Du point de vue discursif, les chercheurs du groupe de recherche DRAINE distinguent entre discours de haine directe ou fulgurante, d’une part, et dissimulée, de l’autre (LORENZI-BAILLY et MOÏSE 2021 :10). Dans la première catégorie rentreraient tous les actes de discours s’appuyant sur une dimension pathémique, mobilisant des marqueurs de négation de l’altérité et recourant à des actes de condamnation (à savoir des formes variées de violence verbale, menace, injure, mépris, etc.). Dans la seconde, on classe toutes les formes indirectes, reposant notamment sur une mémoire des discours véhiculant des préjugés (à travers notamment le sarcasme, l’humour, etc.) largement partagés au sein d’une communauté et visant à humilier, à mépriser et à blesser certaines catégories de personnes (BAIDER et CONSTANTINOU 2019). La capacité de blesser de ces discours est alors liée au contexte plus large dans lequel ils sont énoncés et cela est montré pour au moins deux raisons.
D’abord, certains mots ayant potentiellement une forte charge insultante peuvent faire en discours l’objet d’une réappropriation, voire d’une revendication identitaire (BUTLER 1997 [2017], PAVEAU 2019), comme ce sont les cas de gouine et pédé et plus récemment de lesbians (au pluriel) dans Twitter : la charge haineuse s’estompe face à l’appropriation identitaire opérée par l’individu ou le groupe.
Ensuite, ces discours reposent largement sur des représentations sociales et des stéréotypes partagés et préexistants qu’ils contribuent en même temps à réactiver. Ces représentations constitueraient donc bien un terrain fertile, qui justifie et en quelque sorte favorise et autorise la présence de ces discours dans un espace discursif public déterminé. Ces discours répondraient ainsi à une demande sociale (FUMAGALLI 2019), exprimeraient des sentiments parfois largement diffusés au sein d’une société, bien que de manière plus ou moins tacite et ou déposée dans les énoncés de la sagesse populaire. Cela est bien visible dans les discours politiques employant certaines dénominations de catégories sociales minoritaires ou défavorisées, recourant à des amalgames visant à identifier les musulmans avec des terroristes dans les discours populistes de l’extrême droite française (FRACCHIOLLA et SINI 2021).
En effet, les recherches sur les discours de haine montrent clairement que les cibles de ces discours sont souvent des groupes d’individus qui se trouvent en situation de domination dans des contextes sociaux donnés : c’est le cas des discours homophobes (MOÏSE et HUGONNIER 2019), des discours racistes (MEDANE 2020), des discours xénophobes (BAIDER et SINI 2021) ou contre les locuteurs de langues minoritaires (RAZAFIMANDIMBIMANANA et WACALIE 2020) et ainsi de suite. Cela permet d’affirmer que
La haine s’actualise dans des discours dominants qui disent l’exclusion des minorités, des différences pour une identité commune qui se voudrait inclusive et homogène, et elle se donne parfois à voir aussi dans des retours de haine de la part de celles et ceux qui sont haï-es. (LORENZI BAILLY et MOÏSE 2021 : 10).
Et encore :
Si les cibles de la haine sont diverses (Cohen-Almagor, 2011), la majorité des cadres réglementaires proposés par des instances telles que l’Union européenne ou les États européens désignent un ensemble spécifique de « catégories » que l’on appelle souvent « protégées » (Droin, 2018). (MONNIER 2021 et al. : 10)
Les discours sexistes également, notamment contre les femmes (HUSSON 2014 et les travaux du groupe DRAINE[3]) occupent une place privilégiée parmi les études sur les discours de haine, les femmes faisant bien volontiers l’objet de discours discriminatoires et haineux, et ces études relient l’expression de la haine au rapport inégalitaire entre les femmes et les hommes au sein de la société. Autrement dit, les discours sexistes trouveraient dans le système patriarcal dominant dans nos sociétés les conditions de leur énonciation et de leur diffusion, comme on le constate surtout dans les RSN, mais aussi de leur succès du point de vue perlocutoire (BUTLER 2004).
1.2. Discours de haine et réglementation dans les réseaux sociaux-numériques : l’exemple de Twitter
Si l’on n’a pas aujourd’hui de statistiques officielles permettant de cerner davantage le rôle joué par les RSN dans la création et la diffusion de discours haineux, les réseaux eux-mêmes, les organisations de lutte contre les propos haineux, comme par exemple le British Institute of Human Rights (2012), des organisations internationales (UNESCO 2017, 2015), les institutions européennes avec des associations de la société civile et les plateformes elles-mêmes (Code de conduite EU visant à combattre les discours de haine illégaux en ligne, 2020), ainsi que des chercheurs (MONNIER et al. 2021, MONNIER et al. 2020), reconnaissent dans ces plateformes un terrain particulièrement fertile permettant aux discours de haine de se propager, au point que certains arrivent à parler à ce propos de véritable « ensauvagement du web » (MERCIER 2018) ou de « brutalisation du débat public » (BADOUARD 2018).
Vu la présence de normes réglant cet aspect spécifique dans les chartes de modération d’autres plateformes du Web 2.0 comme les sites des journaux et les forums, on peut raisonnablement croire qu’il s’agit d’un problème qui dépasse l’espace circonscrit des RSN, pour caractériser plus largement l’ensemble des outils 2.0 :
les espaces nouvellement créés ne sont pas nécessairement et naturellement des espaces de débat démocratique où chacun participe à égalité. Ils sont plutôt le théâtre de luttes de pouvoir, qui demandent à être dûment modérées pour que toutes les opinions puissent y être exprimées et reçues dans le respect des autres (LATOUR et al. 2017 : 47).
Or, bien que souvent accusés de ne pas faire assez contre les discours de haine tant par les chercheurs que par les médias, les RSN prévoient toute une série de mesures aptes à limiter ce phénomène dans leurs espaces. Ces actions peuvent être classées en trois catégories suivant les acteurs et/ou les outils impliqués : les mesures « participatives », explicites, qui présupposent une participation active de la part des internautes et font souvent l’objet d’un « contrat » que tout usager souscrit au moment de l’ouverture d’un compte ou d’un profil dans un dispositif du Web 2.0 ; les mesures « structurales », comme les services de détection automatique de contenus illicites et, enfin, celles « algorithmiques » qui reposent sur des algorithmes sous-jacents au fonctionnement des plateformes. Dans ce cadre, je me limiterai à analyser la première catégorie telle qu’elle est présentée par la plateforme Twitter sous le titre « conduite haineuse », qui assimile à de véritables comportements une liste d’actes de discours donnant lieu à une suspension ou suppression d’un compte : menaces violentes, souhaits de blessures graves, références à des meurtres de masse, insultes, qualificatifs et clichés racistes et sexistes répétés, et finalement incitations à l’encontre de catégories protégées, bien que
les personnes ne doivent pas nécessairement appartenir à une catégorie protégée spécifique pour que nous prenions des mesures. Nous ne demanderons jamais à qui que ce soit de prouver ou de réfuter son appartenance à une catégorie protégée, et nous n’enquêterons pas sur ce point. https://help.twitter.com/fr/rules-and-policies/hateful-conduct-policy
Ce point est particulièrement important pour nos propos en ce que le critère de l’appartenance à une catégorie protégée, qui est prioritaire sinon définitoire des discours de haine dans les législations et dans les travaux des chercheurs, ne l’est pas pour le réseau international qui adopte donc une perspective plus large et permet, par conséquent, de considérer comme haineux un ensemble plus vaste et hétérogène de discours, au moins a priori. Ce long discours procédural présente également des exemples pour chacune des catégories établies et notamment, en ce qui concerne les insultes envers les catégories protégées, on peut lire :
Exemple : « J’en ai plus qu’assez de ces [groupe religieux] qui se croient meilleurs que nous. Si l’un d’entre vous croise quelqu’un portant un [symbole religieux du groupe concerné], arrachez-le lui et publiez des photos ! ».
Exemple : « Quand vous vous rendez dans un magasin [groupe religieux], vous soutenez ces [insulte]. Arrêtons de donner notre argent à ces [insulte à connotation religieuse] ».
Exemple : « J’espère que tous les [nationalité] vont attraper le COVID et mourir. »
Exemple : « tous les [groupe religieux] sont terroristes ».
Ces exemples montrent bien que la charge haineuse reposerait non seulement sur le contenu sémantique de l’insulte, mais aussi sur la généralisation à l’ensemble de la catégorie. Autrement dit, ces énoncés manifesteraient une conduite haineuse contre des individus en tant que membres de groupes sociaux particuliers. Tous ces exemples présupposent donc une généralisation à l’ensemble des membres des groupes, comme le montrent bien l’emploi du démonstratif à valeur encyclopédique (GARY-PRIEUR 2011) dans les deux premiers cas et le recours au lexème « tous » dans les deux derniers. Concrètement, l’action contre ce genre de discours se fait soit à partir de signalements de la part des usagers, soit à partir d’algorithmes en mesure d’identifier la conduite haineuse et, par conséquent, permettre à Twitter de suspendre, voire, au cas où il s’agirait d’un comportement réitéré, de désactiver définitivement le compte, comme cela est arrivé dans le cas des féministes ayant partagé la question « comment faire pour que les hommes arrêtent de violer ? ».
2. #commentfairepourqueleshommesarretentdevioler: une énonciation « militante » qui dérange
Personne n’oserait soutenir publiquement la cause des violeurs : la violence contre les femmes est condamnée et constitue un acte qui va contre la morale et la loi de la plupart des sociétés contemporaines. Il s’agit de l’un de ces discours « sans adversaires » (JUHEM 2001), au même titre que les discours des causes humanitaires. Dans cet état des choses, la véhémence et la violence des tons qui caractérisent la polémique issue de la publication de la question pourraient presque surprendre, tout comme les nombreux signalements parvenus à Twitter France qui ont causé la suspension « automatique » pendant au moins 12 heures des comptes ayant relayé la question. Quelles sont donc les caractéristiques linguistiques et sociodiscursives de ce hashtag qui dérangent ? Avant d’analyser les débats qui surgissent dans les plateformes du Web 2.0, il est important d’analyser ses caractéristiques formelles et technodiscursives afin d’avancer des hypothèses concernant sa charge dérangeante et, donc, les enjeux de son énonciation par rapport à la question de l’autorité du genre.
2.1. La dimension linguistique : morphologie et syntaxe de la question
Au niveau strictement linguistique, « comment fait-on pour que les hommes arrêtent de violer ? » est une question rhétorique et, en tant que telle, elle ne présuppose aucune réponse, son but étant plutôt d’énoncer un état des faits sous le mode de l’évidence. Cette forme syntaxique est considérée en effet comme une forme d’appel à des prédiscours (PAVEAU 2006) supposés partagés par les interlocuteurs et véhicule des représentations et des savoirs comme étant évidents, la force argumentative de ce type de questions résidant dans son effet généralisant (BOUACHA 1993).
Dans ce cas spécifique, cet énoncé répond à une dénonciation d’une réalité présentée comme évidente. Cet effet d’évidence est également favorisé par l’inscription de la question dans les tweets :
Dans les deux cas, Caroline De Haas reprend la question faisant l’objet de la suppression à travers des retweets du post originaire de Mélusine. La question clôt deux textes évoquant les résultats d’une enquête sociologique menée quelques mois auparavant, dont les résultats confirmaient que presque la totalité des agresseurs sont des hommes. Elle se configure donc comme la conclusion d’un raisonnement fondé sur des données objectives (« C’est une réalité »), plutôt que comme une véritable question.
À cet effet de généralisation concourt aussi la manière dont cette question est formulée et qui, comme on le verra, fait l’objet de nombreuses critiques métadiscursives de la part des usagers. Elle permet d’opposer deux groupes « femmes » et « hommes » précédés de l’article défini pluriel « les », qui généralise la portée de l’attaque. Or, tout en renvoyant à un implicite quelque peu provocatoire qui veut que les hommes aient la tendance à violer les femmes, « [L]es hommes » ne réfèrerait ni à chaque homme ni aux seuls agresseurs, mais plutôt à un système patriarcal permettant à ces violences d’être perpétrées, et cela vaut également pour « les femmes », c’est-à-dire le genre féminin.
2.2. La dimension technodiscursive : la mise en hashtag
Seulement deux jours après la date de lancement de la question par @Melusine_2, le 23 janvier 2021, 5263 tweets contenaient le hashtag et plus de 8000 sept jours plus tard[4].
Sa rapide hashtagisation a vite entraîné la chute du point d’interrogation final tout comme la modification du syntagme verbal (de « fait-on » à « faire »). Ces deux changements permettent ainsi de rapprocher son fonctionnement pragmatique à celui d’une véritable assertion (BEYSSADE et MANDARIN 2006), dont la visée de dénonciation est encore plus évidente :
Le croisillon lui assure en effet plus de chances de passer d’une dimension publique, typique de toute production dans Twitter, à une dimension visible, fondée essentiellement sur sa répétition. Cela n’est pas étonnant si l’on considère que la viralité est favorisée par les caractéristiques de la plateforme (où l’on assiste fréquemment à des phénomènes de condensation sémantique, LONGHI 2016) tout comme par le choix de la mise en hashtag, qui rend cet énoncé plus facilement partageable, répétable et recontextualisable. Cet aspect ne va pas sans conséquences, en ce que la visibilité peut alimenter la dimension performative de certains énoncés et, dans les cas de violence verbale, elle a des retombées sur la perception de leur charge offensante et vexante. En effet, comme l’affirme Vincent (2013), en ce qui concerne les mécanismes de violence verbale en ligne (mais cela fonctionne bien dans ce contexte aussi),
la répétition qui est véhiculée dans le cyberespace franchit toutes les frontières, et c’est alors l’effet combiné de tous les témoins et répétiteurs qui pèsent sur la victime : l’agression est amplifiée par le chœur qui la reproduit, pour reprendre la métaphore de Butler » (VINCENT 2013 : 41).
Par ailleurs, cet aspect ne semble pas passer complètement inaperçu par certains usagers, comme le montre la remarque méta-technodiscursive du scripteur suivant :
En outre, selon des modalités polémiques propres notamment aux plateformes de microblogage comme Twitter, la création et diffusion d’un hashtag polémique favorise l’essor d’un contrediscours à partir d’autres hashtags et/ou de recontextualisations inédites des mêmes hashtags (voir le cas tout récent de #Proudboys), dans ce qui se configure comme une véritable bataille de hashtags (#unbonjuif vs #unbonblanc, dans PAVEAU 2013), polarisant davantage le débat. Dans ce cas, c’est le bien connu #NotAllMen qui est mobilisé pour l’énième fois par certains hommes qui rétorquent au discours féministe cette généralisation ressentie comme abusive et qui peut faire à son tour l’objet d’un défigement, comme dans le tweet suivant :
2.3. La dimension idéologique : une formule militante et polémique
Ce hashtag s’inscrit dans ce qu’on peut désormais considérer comme une véritable « énonciation militante » qui, au moins depuis une quinzaine d’années, voit les femmes dénoncer diverses formes de harcèlement de la part des hommes dans les RSN (BLANDIN 2017). Il représente un cas de prise de parole spontanée, massive et virale des femmes, qui prend toutes les caractéristiques d’une formule[5] (KRIEG-PLANQUE 2009) technodiscursive (JACKIEWICZ et VIDAK 2014).
Cet énoncé est dérangeant dans la mesure où il a pour objectif de remettre en cause la position dominante que le système patriarcal réserve aux hommes. Cela est bien montré par le fait que personne n’aurait osé susciter une polémique si ces femmes se limitaient à « sortir du silence », à dénoncer les viols et les violences subies occupant leur place de victimes « silencieuses », pour filer toutes les métaphores du silence et de prise de parole qui sont si bien répandues dans les discours des campagnes antiviolence contre les femmes, et qui jouent un rôle important dans la construction de l’état de vulnérabilité de celles-ci (VICARI 2022). Ce sont des discours où la capacité de (ré)agir des femmes est fortement réduite, sinon annulée, et dont le fonctionnement repose sur une dichotomie prédiscursive bien établie, qui voit d’un côté une victime, passive et incapable de parler, de réagir et, de l’autre côté, certains hommes agressifs, bourreaux, dont la représentation ne remet pas en cause leur position plus générale par rapport à celle des femmes dans la société. La force polémique de cet hashtag semble résider justement dans sa volonté de reconfigurer, voire de renverser, des rapports de pouvoir entre les genres, de délégitimer la place et le statut que le système patriarcal réserve aux hommes dans la plupart des sociétés contemporaines. Ce hashtag peut donc être considéré comme l’une des formes technodiscursives caractérisant l’énonciation militante des mouvements féministes de la « troisième vague », où « la technologie est loin de représenter un handicap pour les femmes : elle leur ouvre, à l’inverse, de nouvelles opportunités de renverser les rapports sociaux de sexe » (BLANDIN 2017 : 12) en facilitant « de nouvelles formes de socialisation et d’engagement, passant par un ‘like’, l’usage d’un hashtag ou le partage d’un lien » (BLANDIN 2017 : 13). Et, dans ce cas, s’il est vrai qu’un acte de discours réussit dans la mesure où une action « fait écho à des actions antérieures et accumule la force de l’autorité à travers la répétition ou la citation d’un ensemble de pratiques antérieures qui font autorité » (BUTLER 2004 : 87 ; ital. de l’auteure), le hashtag peut être considéré comme subversif de l’autorité du discours dominant autour des violences contre les femmes grâce à la reconfiguration des places respectives des hommes et des femmes qu’il opère et à la volonté de démasquer ce discours reléguant les femmes à leur rôle de victimes.
Cela est bien montré par la publication de tweets contenant également des hashtags préexistants et faisant partie de l’énonciation militante féministe, tels que #cultureduviol, #masculinitétoxique, #touscontaminés, #patriarcat ainsi que l’hashtag explicitant la raison de la généralisation #96desviolssontcommispardeshommes.
Dans tout discours d’opposition, « c’est souvent la légitimité d’autrui, de son statut, de ses actions ou de ses croyances qui est contestée » (VINCENT 2013 : 40). Il ne s’agirait donc pas d’une « sortie du silence » des victimes, mais plutôt d’une obligation à écouter/lire un discours qui se veut « systémique » et qui met en discussion une hiérarchie entre les genres qui est de nature prédiscursive, implicite. Or, s’il est vrai que, comme l’affirme Arendt (2004 [1955]), l’autorité ne peut s’appuyer que sur une hiérarchie reconnue par les membres d’une société, on comprend aisément que dans cette polémique, c’est bien l’autorité du genre masculin qui est mise en jeu et dénoncée et, par conséquent, la position subordonnée des femmes par rapport aux hommes.
À cette première strate polémique, s’ajoute celle constituée des réactions à la décision de Twitter de suspendre les comptes ayant publié cette question-hashtag, comme le montre la cooccurrence de hashtags comme #libertedexpression, #modération, #metooexcuses, #taronslabalance et des variations de la question incriminée : #commentfairepourrendretwitterplusjusteetplushumain, #commentfairepourquetubanisseslahaine, #commentfairepourqu1algorithmedeviennehumaindansalogique[6].
Cette suspension contribue ainsi à faire rapidement glisser la polémique sur la question de la censure et de la légitimité d’entreprises privées à intervenir dans le débat public et, notamment, dans la limitation de la liberté d’expression, bien que Twitter ait présenté publiquement ses excuses le lendemain de la suppression.
3. Méthodologie, corpus et objectifs
Pour la constitution du corpus j’ai suivi le critère de contrastivité (LONGHI 2018) en ce qui concerne notamment le choix des environnements numériques 2.0 dont les commentaires sont issus. En effet, puisque les caractéristiques technodiscursives (PAVEAU 2017) de ces environnements permettent de plus en plus de partager les contenus d’une plateforme à l’autre, la plupart des polémiques qui se déclenchent en ligne occupent de manière transversale les différents espaces du web 2.0. Si d’un côté, cela limite la possibilité de constituer des corpus exhaustifs et clos, d’autre part, la prise en compte des caractéristiques de chaque plateforme permet de mettre à jour des modalités variées de la polémique et notamment de « mesurer ce qui relève de l’objet de recherche, ce qui relève d’un corpus particulier (d’un discours, d’un genre, d’un style, etc.) » (LONGHI 2018 : 33). Je pense en effet que la diversification des supports permet non seulement de montrer un plus vaste éventail de moyens par lesquels les usagers participent de la création d’un cyberspace polémique, mais aussi de mieux montrer l’hétérogénéité des locuteurs et la complexité des échanges en fonction des spécificités des environnements pris en compte. Cela dit, pour cette étude je me suis penché sur les sous-corpus suivants :
– Twitter : c’est le « lieu » où la polémique s’est déclenchée à la suite du post où @Melusine_2 dénonce la suppression de son compte de la part de Twitter France. Dans Twitter j’analyserai donc, (1) les deux discussions qui s’en sont suivies sur le mur de Melusine[7], (2) celles sur le mur de Caroline de Haas, une féministe du collectif #NousToutes[8], qui compte six mille six cent abonnés sur Facebook (son compte Twitter n’existe plus), (3) la discussion à la suite d’un dessin fait par un homme @Loicsecheresse qui, à travers une comparaison avec les accidents de la route, explique et justifie le bien-fondé de la question posée par les féministes[9] et, enfin, (4), deux discussions lancées par deux journalistes de Numérama sur la question de la censure de Twitter[10], comme le montrent ces deux tweets :
Le choix d’analyser ces discussions se justifie par la variété des voix (une féministe, une féministe parlant au nom d’un collectif de femmes particulièrement actif dans le web 2.0, un homme qui partage et soutient la revendication des féministes, deux journalistes) et leur grand nombre de followers, ce qui leur garantit une certaine visibilité et cela, au moins en principe, devrait permettre une plus grande hétérogénéité de locuteurs qui interviennent dans les échanges (au total 378 tweets).
– Presse en ligne : si Le Figaro.fr et Libération.fr ne se sont pas intéressés à la question et Le Monde.fr[11] a publié un article en accès restreint pour ses abonnés (ce qui a sans doute contribué à limiter les échanges à 18 commentaires), ce sont des titres de journaux en ligne, souvent d’information continue, qui ont le plus relayée la nouvelle comme c’est le cas de 20minutes.fr[12], dont l’espace « commentaires » est libre, bien que modéré par l’équipe de rédaction. J’inclurai donc dans le corpus les échanges qui ont eu lieu dans les pages de ces deux journaux, pour un total de 96 commentaires dans 20minutes.fr et 18 dans Le Monde.fr.
– Facebook : il s’agira de prendre en compte les 95 échanges publiés à la suite d’une vidéo[13] où deux comédiennes, Camille et Justine, traitent sur leur page Facebook (qui compte 277 mille abonné(e)s) de cette question et montrent leur soutien aux féministes dont les comptes ont été fermés. La présence d’échanges fortement polémiques sur cette page s’explique par le fait que la possibilité de publier un commentaire n’est pas réservée uniquement aux abonnés, avec qui les deux filles sont susceptibles de partager goûts, intérêts, points de vue, mais aussi à tout usager inscrit sur la plateforme. Si en effet l’ouverture des espaces personnels permet une plus grande visibilité, elle exposerait davantage les propriétaires des comptes à plus de critiques et de remises en question.
L’analyse de ce corpus, qui tire son homogénéité de la thématique et des limites temporelles (une semaine depuis le début de la polémique), devrait donc permettre de mieux mettre en évidence les dimensions à travers lesquelles se développe cette polémique et, notamment, de comprendre si et comment les discours de haine reconfigurent les relations d’autorité établies entre les genres le long des échanges.
4. L’autorité du genre
Les réactions contraires à la question mettent bien en évidence un jeu de force sur les rôles respectifs entre les femmes et les hommes. Cela est confirmé par les trois moyens discursifs principaux que les détracteurs du hashtag utilisent pour le critiquer, à savoir : montrer le caractère haineux de la question-hashtag, proposer de véritables renversements de rôles et, enfin, répondre via différentes formulations relevant du discours de haine.
4.1. Le hashtag comme discours de haine
Les détracteurs du hashtag attribuent à cet énoncé des traits du discours de haine. Et notamment, ils le considèrent comme un amalgame produit à partir de la généralisation abusive (l’article défini « les » devant « hommes ») et de l’emploi présumé frauduleux des chiffres. Ainsi, pour montrer qu’il s’agirait de discours de haine, ils recourent souvent au défigement et au détournement de la question rhétorique pour montrer le caractère présumé faux du raisonnement en insérant d’autres groupes sociaux, comme c’est le cas des Arabes, des musulmans, etc.
Quel que soit le thème, l’emploi de « les » ou « des » permet la nuance ou pas. Je remarque que ceux qui passent leur temps à faire des amalgames pour les jeunes, les vieux, les noirs, les musulmans… montent au créneau quand eux-mêmes se sentent victimes d’un amalgame. (DeQuoiRêvaisTu, 1/02/2021- Facebook)
Bah disons que si je remplace le mot « homme » par une ethnie, et le mot viole par euh, agression, vol, raquette, passage a tabac. Vous allez tout de suite comprendre pourquoi ca va être censuré, et sans doute être les premieres à le faire. (Enowky, 25/01/2021- Facebook)
Aux yeux des scripteurs, ces défigements délégitiment la question féministe puisqu’ils l’assimilent à des on-dit faux, à des généralisations abusives, voire racistes ou homophobes, typiques des discussions de comptoir, comme on le voit aussi dans le commentaire suivant :
dire « les pd » c’est homophobe, dire « les noirs » c’est raciste : pourquoi a-ton le droit de dire « les hommes » ?
(Astrid Le Perrier, Facebook, 1 sept.)
Dans ce texte l’amalgame avec les discours racistes et homophobes est évident : les mots auxquels « les hommes » est comparé ont des statuts fort différents. Dans le premier cas, il s’agit d’une véritable insulte homophobe, dans le second, de la dénomination d’un groupe social minoritaire, faussement considéré comme intrinsèquement raciste ; quant à « les hommes », il réfère à un groupe social majoritaire, et sa charge connotative est sensiblement plus faible que les deux autres.
Cela dit, la plupart des détournements concernent surtout des groupes minoritaires, des points de vue de l’origine, de la religion, de l’ethnie. Ces groupes sont souvent marginalisés et font l’objet de racisme et de préjugés. Dans ce but, ces scripteurs recourent à l’analogie, même de manière explicite, pour rattacher cette question au discours raciste et de l’extrême droite :
Si j’écris comment faire pour que les musulmans ne nous terrorisent plus, est-ce que ça sera médiatiquement acceptable ? J’en doute, et c’est normal puisqu’on fait alors un amalgame. Exactement ce que font les femmes en mettant tous les hommes dans le même sac. C’est honteux.
(Apowers,1/02/2021, 20minutes.fr)
Ôoo Drey Vous ne verrez donc pas d’inconvénients à ce que soit dit régulièrement que “les” féministes sont des hysteriques, les “arabes” des voleurs, “les” noirs des faignants, “les” lesbiennes des mal fourrées, etc hein ? Les mots ont un sens. (Wiebke Lofoten, Facebook)
Cet amalgame suscite et justifie même l’expression de l’indignation et du choc de ces scripteurs, qui n’hésitent pas à recourir à des exemples inscrivant le discours féministe dans une mémoire historique et émotionnelle (DAMASIO 2001) universalisante et exacerbant l’enjeu, comme c’est le cas des Khmers rouges :
Or, ces procédés se fondent sur de fausses analogies en ce que les domaines source et cible sont profondément différents : aucune leçon ne peut être tirée ni de la comparaison des féministes avec les khmers rouges (les « crimes » dont les deux groupes sont accusés sont incommensurables), ni de l’assimilation de cette question à des stéréotypes généralisants et racistes. La portée généralisante de l’hashtag ne se réduit pas à la représentation stéréotypique d’un groupe social (les hommes) ; elle contient plutôt une dimension de dénonciation d’un système, d’une culture où les femmes occupent de manière systématique une position subalterne et, par-là, ce hashtag permet un certain renversement des rôles homme-femme.
4.2. Le renversement des rôles
Mon hypothèse concernant la performativité du techno-énoncé dans le renversement des rôles sociaux hommes-femmes est confirmée par de nombreux commentaires où ceux qui critiquent le hashtag en proposent des reformulations visant à reléguer les femmes dans leur rôle de victimes, voire à les reconfigurer en bourreaux.
Pour ce faire, ils reprennent le discours dominant qu’on retrouve également dans les campagnes antiviolences contre les femmes (VICARI 2022), et qui renfermerait les femmes dans leur rôle de victimes à protéger (« protéger au mieux les victimes ») et qui effacerait toute trace des agresseurs (« il n’y ait plus de viol »), comme dans le tweet suivant :
Une autre stratégie réside dans le recours à des hyperonymes qui limiteraient la portée généralisante de la dénonciation et qui réduiraient sensiblement les déséquilibres entre les groupes sociaux, jusqu’à les masquer. En effet, l’emploi de termes plus génériques, qui plus est en écriture inclusive, permet d’élargir le champ des bourreaux aux femmes :
La question que je me pose est comment faire pour que les violeu.r.euse.s arrêtent de violer et pour que les auteur.e.s d’agressions sexuelles cessent ces comportements ? Ce discours laisse entendre qu’une femme ne peut violer un homme, une femme ou un.e enfant… (Bulle2bain, 25/01/2021, Facebook)
Certains scripteurs arrivent même à modifier la question pour remplacer les hommes par les femmes elles-mêmes, ce qui consiste en un véritable renversement des rôles, de victimes à bourreaux :
ou ils recourent au défigement de la question, dans laquelle ils remplacent « les hommes » par « les femmes » :
Comment fait-on pour que les femmes cessent de violer ? (répondre à cette question permettra de répondre à l’autre) (200d560cXX, 1/02/2021, Facebook)
Plus de 75% des infanticides ont commis par des femmes. Comment fait-on pour les empêcher de tuer des bébés?
(Ignatiu72829890, 25/01/2021, Twitter)
Je vous propose d’essayer de vous refaire avec ce tweet : « la majorité des meurtres d’enfants sont commis par des femmes. Comment faire pour que les femmes arrêtent de tuer les enfants ? »
(FredMck1, 25/01/2021, Twitter)
Dans le même but, il peut même arriver que des scripteurs justifient ce renversement par le biais d’études scientifiques, dont ils fournissent des captures d’écran, comme dans le tweet suivant, constitué seulement de cette image, sans qu’aucune source ne soit citée :
Les réponses aux détracteurs du hashtag mettent l’accent sur le fait qu’il s’agit de la dénonciation d’un système, et non pas d’une généralisation abusive et pour ce faire recourent principalement à deux stratégies. Soit, elles thématisent et explicitent la question des rôles respectifs et justifient le hashtag sur la base de la nécessité de modifier le système patriarcal dominant :
Soit, plus souvent, elles tournent en ridicule les réponses des #notallaman à travers, notamment, la mise en mème et des dessins, dont voici deux exemples :
Yes All Men Ou pourquoi je suis devenue misandre. Et pourquoi tu ne me feras pas changer d’avis. Oui je sais, ton mec à toi est gentil. Il y a quelques temps, j’ai tranquillement posté la dernière chanson de friction-magazine.fr
(Tewtewala, 26/01/2021, Twitter)
Si les deux images ont en commun la même stratégie de représentation de la parole des hommes qui ont exprimé leur désaccord avec la question, elles se distinguent du point de vue du procédé logico-argumentatif utilisé. Le mème exploite une série mémétique très connue[14] où Batman donne une gifle à son assistant Robin à la suite d’une affirmation stupide. La disqualification de cette position autour de la polémique passe alors par l’intelligibilité immédiate de la part des interlocuteurs de l’analogie entre ce que dit Robin et le #notallmen. L’emploi du mème produit un effet humoristique issu d’une sorte de voix collective anonyme qui, d’un côté, permet de déresponsabiliser la source énonciative (ROSS et RIVERS 2017), et de l’autre, rend le message plus explicite et direct. Dans la partie textuelle du tweet, qui se situe en relation de complémentarité avec l’image, l’auteur explicite sa position en anticipant sur des objections possibles (« oui je sais… »), tout en défigeant ultérieurement le hashtag (« Yes All Men »).
Dans le second cas, le dessin apparaît tout seul et pointe la critique de la généralisation abusive. Pour ce faire, le dessinateur attribue à un homme des dires susceptibles d’expliciter le raisonnement à la base de la critique pour en montrer le mal-fondé. La visée critique est évidente non seulement grâce à la place occupée par cette image le long des échanges (une suite de commentaires critiquant le #notallmen) mais aussi grâce à l’ironie inscrite en discours à partir de la mise en avant de la présumée hypocrisie du raisonnement. En effet, la première bulle, qui introduit le discours, rappelle de très près les discours construits sur le modèle de la concession « je ne suis pas…mais », largement considéré comme typique d’un discours hypocrite. Au niveau iconique, l’homme est représenté dans le geste prototypique du monsieur je-sais-tout, avec le doigt levé et les yeux fermés.
4.3. Expression de la haine : discours sexistes et homophobes
De nombreuses réactions à ce hashtag ne se limitent pas à démontrer le caractère présumé abusif de la généralisation ou à tenter de renverser les rôles de victimes/bourreaux. Elles présentent des degrés variables de violence verbale, voire de discours de haine à l’encontre des partisans de la question-hashtag. Ces manifestations de discours de haine répondent bien à une logique de dénigrement et de déligitimation du groupe à l’origine de l’énonciation militante et relèvent de ce qu’on peut bien dénommer « cyber-sexisme », qui depuis quelques années sévit dans les réseaux sociaux, en réponse notamment à la grande diffusion de collectifs féministes dans le web 2.0 (JOUËT et al. 2017). Dans la plupart des cas, on trouve en effet des nominations insultantes de ce groupe, comme dans le tweet suivant, où la dénomination « hystériques féministes » constitue la didascalie d’un mème bien connu et utilisé pour exprimer la désillusion de l’énonciateur, sans qu’une véritable argumentation ne soit développée :
Si on peut éviter qq instants que ces hystériques hurlent leur haine des hommes sur les réseaux, c’est déjà un peu de tranquillité de gagnée… (CaptainRad, 1/02/2021 – 20minutes.fr)
Trois aspects me paraissent conférer à ces énoncés leur charge insultante. D’abord, le fait que ces noms prétendent circonscrire un groupe particulier, seul susceptible d’être porteur des revendications du hashtag, ce qui ne correspond pas complètement à ce qui se passe le long des échanges, où plusieurs hommes aussi et des femmes qui s’auto-définissent comme non forcément militantes féministes ont montré leur accord avec cette question-hashtag. Ensuite, la charge insultante dérive tant du sémantisme du lexème choisi (hystérique) que de l’effet d’évidence partagée lié à la mise en discours des nominations : dans les deux exemples « les hystériques féministes » et « ces hystériques », en effet, le défini et le démonstratif qui les précèdent n’ont aucune fonction anaphorique ou cataphorique : ils permettent plutôt d’inscrire ces nominations en discours en tant que déjà-là, en tant qu’étiquettes de groupes sociaux bien définis. Elles accomplissent donc une fonction d’essentialisation et de catégorisation à la fois, typique des discours de haine, qu’ils soient directs ou dissimulés (LORENZI BAILLY et MOÏSE 2021). Enfin, elles exploitent un stéréotype négatif associé au genre féminin, c’est-à-dire l’hystérie, qui place le discours des énonciatrices en dehors de tout domaine du raisonnable et, par là, prétendent le délégitimer du point de vue logico-argumentatif.
La réactivation de stéréotypes négatifs se retrouve également dans des propos homophobes visant la communauté LGBTQ+, comme le montrent les deux exemples suivants :
Morgane Gaudin oui MERCI…excuse nous de déranger… mais bon je pense que des propos me serviront dans mon cours d’humanité et littérature de terminale jeudi…je laisserai libre choix a mes élèves de lire mes propos a haute voix…mais rassure toi je continuerai à leur enseigner qu’une lesbienne féministe ….c’est un homme refoulé qui regrette de ne pas être naît avec une bite pour pouvoir baisée la Femme des autres...et celle là c’est cadeaux….mesdames et messieurs on peut commencer notre cours et remercions l’érudit MORGANE GAUDIN (Gael Lucas, 27/01/2021, Facebook)
Il me semble que ces militants-là sont des femmes et des gays frustrés qui crient haro sur les hommes tels que la nature a faits. Mais bon, il faut de tout pour faire un monde : descendre les uns pour se croire au-dessus.
(Desclous, 1/02/2021 – 20minutes.fr)
Dans ces commentaires, la cible du discours de haine s’élargit à la communauté entière LGBTQ+ via l’association implicite entre féministe et lesbienne/gay. Dans le premier exemple, cela se fait à travers un énoncé définitoire de ce qui est supposé être une « lesbienne féministe » contenant des mots vulgaires (« bite », « baisée ») et dénigrants. Dans le second, le scripteur prétend identifier la source du hashtag dans des militants femmes et gays dont la disqualification passe plus ou moins directement par le fait qu’ils seraient contre nature (par opposition aux « hommes tels que la nature les a faits »). Fondés sur un amalgame (féministe – gay) et sur des propos injurieux et vulgaires, ces énoncés permettent ainsi de reconduire les revendications portées par ce hashtag à un groupe exigu de personnes, disqualifiées et essentialisées sur la base de leurs préférences sexuelles et, notamment, de stéréotypes sur la communauté LGBTQ+ largement diffusés.
En guise de conclusion
En dépit de certaines affordances propres à des plateformes du web 2.0 (les hashtags sur Twitter), les modalités de la polémique telles que je les ai retracées dans cette étude apparaissent plutôt transversales à l’ensemble du corpus. Et notamment, cette polémique semble reposer sur un conflit d’autorité déclenché par la mise en discussion des hiérarchies entre hommes et femmes comme elles sont visibles dans la plupart des sociétés occidentales. C’est bien en effet la hiérarchie subordonnant les femmes aux hommes qui est basculée. Cela est montré tant par l’assimilation du hashtag au discours de haine, que par les tentatives de rétablir, voire de subvertir, bien que de manière symbolique, les rôles respectifs entre les hommes et les femmes dans de nombreux commentaires et, enfin, par la violence verbale colorant les réactions de bon nombre de détracteurs de la question-hashtag. Si celle-ci ne constitue pas un exemple de discours de haine, elle fonctionne comme générateur de discours de haine, sans doute à cause du fait qu’elle repose vraisemblablement sur un implicite culturel provocateur qui fait que les hommes plus généralement ont tendance à violer les femmes, ce qui n’est pas forcément le cas. Néanmoins, son caractère du moins dérangeant est compréhensible à la lumière de ses trois dimensions, linguistique, technodiscursive et idéologique. Ainsi, celles-ci permettent de reconfigurer le rôle de la femme dans sa critique d’un système patriarcal, à l’origine des viols dont elle est victime. C’est bien en fait cette condition de victime qui est modifiée de par cette énonciation militante dénonçant la cause systématique d’une situation inégalitaire et permise par les outils technodiscursifs du web 2.0. En effet, comme on a pu le constater, à côté de stratégies technodiscursives et argumentatives fort variées, comme les resignifications, les détournements, l’inscription en discours d’une mémoire historique, mais aussi les amalgames, les mèmes et les dessins, certains scripteurs recourent à des insultes fondées sur des préjugés et des stéréotypes de longue date, largement diffusés dans la doxa dominante et trahissant toute la volonté de disqualifier l’autre pour montrer le mal fondé de ses propos et délégitimer son point de vue.
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[1] Ce second aspect ne sera pas traité dans cette étude, qui se limitera à la prise en compte du premier volet de la polémique, centré sur les interactions des usagers autour de la question-hashtag.
[2] Je souligne dans les citations et dans les exemples analysés. Aucune correction n’a été apportée aux exemples du corpus.
[3] Voir à ce propos les ressources et la bibliographie à disposition sur le site du groupe de recherche à l’adresse suivante : https://groupedraine.github.io/ressources.html.
[4] Les tweets ont été recueillis à l’aide du logiciel Maxdqa (https://www.maxqda.com/).
[5] Selon Krieg-Planque, une formule est « un ensemble de formulations qui, du fait de leurs emplois à un moment donné et dans un espace public donné, cristallisent des enjeux politiques et sociaux que ces expressions contribuent dans le même temps à construire (KRIEG-PLANQUE 2009 : 7)
[6] Ces deux listes de hashtags ont été repérées sur l’ensemble des tweets sélectionnés via le logiciel Maxdqa.
[7] https://twitter.com/Melusine_2/status/1353283051829276678 et https://twitter.com/Melusine_2/status/1353400385713659904
[8] https://twitter.com/carolinedehaas/status/1353643329335001088https://twitter.com/carolinedehaas/status/1353012964480208896 et https://twitter.com/carolinedehaas/status/1353643329335001088
[9] https://twitter.com/loicsecheresse/status/1353600166633361410
[10] https://twitter.com/TurcanMarie/status/1353773961813909504 et https://twitter.com/A_gayte/status/1353770765561298947
[11] https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/01/26/inceste-metoogay-3919-lors-de-ses-v-ux-la-ministre-elisabeth-moreno-reagit-aux-polemiques-sur-les-violences-sexuelles_6067673_823448.html
[12] https://www.20minutes.fr/high-tech/2964871-20210131-pourquoi-twitter-suspend-regulierement-comptes-militants-feministes-lgbt
[13] https://www.facebook.com/watch/?ref=search&v=1408050486199010&external_log_id=8925f94c-ce92-48b2-aa7a-67a4f6181ad0&q=comment%20faire%20pour%20que%20les%20hommes%20cessent%20de%20violer
[14] Cette série de mèmes est répertoriée dans les bases de données de mèmes en ligne et a même donné origine à un site où tout usager peut ajouter une didascalie personnalisée : http://web.archive.org/web/20091125141040/http://www.batmancomic.info/
Per citare questo articolo:
Stefano VICARI, « Discours de haine (?) dans les réseaux sociaux numériques : le cas de #commentfairepourqueleshommesarretentdevioler », Repères DoRiF, n. 26 – Les discours de haine dans les médias : des discours radicaux à l’extrémisation des discours publics, DoRiF Università, Roma, novembre 2022, https://www.dorif.it/reperes/stefano-vicari-discours-de-haine-dans-les-reseaux-sociaux-numeriques-le-cas-de-commentfairepourqueleshommesarretentdevioler/
ISSN 2281-3020
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