Claudia Cagninelli
Le débat public sur Twitter : construction énonciative et discursive de tweets intégrant des liens URL
Claudia Cagninelli
Università di Modena e Reggio Emilia/ CY Cergy Paris Université
claudia.cagninelli@unimore.it
Résumé
Cet article porte sur les relations énonciatives et discursives s’établissant entre la partie textuelle du tweet et l’aperçu du lien URL (carte Twitter) qui y est intégré. S’inscrivant dans le domaine de l’analyse du discours, notre étude s’appuie sur un corpus exploratoire de petite taille regroupant les tweets publiés en réaction à la mort de Vincent Lambert, dernière étape d’une affaire qui a relancé le débat sur la fin de vie en France. Les données sont extraites et analysées par le biais d’un logiciel cherchant à implémenter une approche écologique, de manière à favoriser des allers-retours entre la visualisation standard du tweet et ses composantes. Notre contribution vise à analyser les différentes façons dont la partie textuelle se rapporte, au niveau énonciatif, à l’aperçu de l’URL, les effets pragmatiques associés ainsi que le rôle discursif des deux éléments dans la construction du sens des tweets.
Abstract
The public debate on Twitter: enunciative and discursive construction of tweets incorporating URL links
This paper deals with the enunciative and discursive relations taking place between the tweet textual part and the link preview (Twitter Card) embedded therein. Within the framework of French Discourse Analysis, our study is based on a small exploratory corpus of tweets published in reaction to Vincent Lambert’s death that reopened the French debate about euthanasia. The data is extracted and analyzed through a tool trying to implement an ecologic approach, so as to encourage contextual and analytical visualizations. Our contribution aims to analyze the different ways in which the tweet textual elements relate to the link preview, their pragmatic effects as well as their discursive role in the tweet meaning construction.
1. Introduction
L’essor du Web 2.0 et le développement subséquent des médias sociaux ont transformé les modalités d’interaction interpersonnelle et les pratiques langagières qui y sont associées. Dans le domaine politique, Facebook et Twitter, entres autres, sont devenus de nouveaux lieux d’échange et d’affrontement qui alimentent le débat public, tout particulièrement par rapport à des questions socio-politiques, contribuant à multiplier et diversifier les formes d’expression et de dissémination des opinions, ainsi que les formes de participation et d’engagement citoyen (CARDON 2010A, PARMELEE & BICHARD 2012, BARTON & LEE 2013, FRAME & BRACHOTTE 2015, MERCIER 2015, BRUNS 2018). Selon le sociologue Cardon (2010b), le système de micro-publication propre aux réseaux sociaux favorise en effet les échanges interpersonnels ainsi que l’extériorisation de ses propres idées, opinions, émotions. Donnant accès à la fois à la réalité sociale et à la vie personnelle des utilisateurs, le web bouleverse le fonctionnement traditionnel de l’espace public et rend plus poreuse la frontière qui séparait l’institution et les médias, d’une part, et les discours de l’opinion publique, de l’autre.
Parallèlement aux pratiques sociales, les changements entraînés par les dispositifs numériques impactent les modalités d’étudier les discours qui y sont produits, dans la mesure où leurs spécificités technodiscursives empêchent de les assimiler aux formes traditionnelles. Les productions en ligne nécessitent d’être abordées dans leur environnement natif, en tenant compte des conditions de production, y compris les aspects techniques, afin de saisir les mécanismes discursifs de construction du sens qui leur sont propres. Comme l’affirme Paveau (2017a, 2015, 2013b), l’environnement numérique ne représente pas un simple support pour les productions natives de la Toile ; au contraire, il les configure structurellement. Il faut par conséquent intégrer la conception logocentrique du discours typique des études linguistiques dans une approche « écologique » (PAVEAU 2013b) qui implique l’observation des discours numériques comme intégrés et dépendants de l’environnement technologique. La nécessité d’un changement paradigmatique dans l’analyse des données numériques est également mise en avant par Severo et Lamarche-Perrin (2018) qui dénoncent de leur côté les limites des approches quantitatives, largement favorisées par l’émergence du Big Data. En effet, ces méthodes ne peuvent pas rendre compte de la nature plurisémiotique du message ; d’où l’exigence, dans notre cas aussi, de combiner, d’une part, une approche quantitative servant de base pour rendre compte des caractéristiques structurelles du corpus d’un point de vue statistique (§3.2.2) et, de l’autre, une analyse qualitative s’intéressant à la construction du message (§5).
Dans le cadre de cet article, nous présentons une première tentative d’outiller l’analyse écologique de Twitter dans le but de dégager les relations énonciatives et discursives entre la partie proprement textuelle – y compris les technomots (hashtags et mentions) – et les « cartes » Twitter (Twitter Cards) affichant un aperçu du contenu vers lequel renvoie le lien URL (ou adresse web). Dans la première partie de cette contribution, nous reviendrons sur les spécificités techno-sémiotiques de Twitter, en donnant les raisons qui motivent le choix de nous pencher précisément sur ce réseau social. Dans la deuxième partie, nous présenterons un outil en cours de développement qui cherche à implémenter une approche écologique à l’analyse des tweets, en favorisant des allers-retours entre la visualisation standard – ou en contexte – du tweet et l’affichage analytique de ses composantes. Une réflexion théorique sur les rapports texte-image au sens large sera au cœur de la troisième partie qui situera cette étude au sein de la littérature sur le sujet, alors que la dernière partie sera consacrée à l’étude qualitative de la construction énonciative-discursive de tweets incluant un aperçu du contenu de l’URL. Dans la conclusion, nous ferons un bilan des résultats de l’analyse et présenterons de futures pistes de recherche.
2. Twitter : une space discursif significatif
Créé en 2006, Twitter est un réseau social de microblogage qui permet aux utilisateurs inscrits d’envoyer de brefs messages – les tweets – limités initialement à 140 signes et depuis novembre 2017 à 280.
D’après les dernières statistiques[1] relatives à la diffusion et à l’utilisation des réseaux sociaux (RS) selon le nombre d’utilisateurs actifs, Twitter n’est pas l’un des RS les plus utilisés au niveau mondial. Comme le montre le graphe ci-contre, il ne se classe qu’en douzième position, avec 326 millions d’utilisateurs en janvier 2019. Il s’agit pourtant d’un espace discursif remarquable pour l’analyse du débat public en fonction du type d’utilisateurs. En effet, près de deux tiers des usagers de Twitter sont âgés entre 35-65 ans ; c’est donc un public adulte qui se sert de ce réseau, à la différence par exemple d’Instagram qui est très populaire parmi les jeunes. De plus, près d’un quart des comptes appartiennent à des journalistes et 83% des leaders mondiaux sont également sur Twitter. En d’autres termes, il est possible d’y retrouver des discours produits par toutes les instances qui alimentent le débat public et qui sont également impliquées dans l’action politique selon Charaudeau – l’instance politique, l’instance médiatique et l’instance citoyenne – dans la mesure où « [i]l n’aurait […] pas de décision, ni d’action possible dans le champ politique sans prise en compte de l’opinion pour la fabrication de laquelle interviennent les médias » (2005 : 19). Twitter se révèlerait donc représentatif de la pluralité d’opinions et de positions qui s’affirment à l’égard de sujets d’intérêt commun et de questions sociales et politiques.
Plusieurs recherches en sciences de la communication et de l’information, entre autres Kwak et al. (2010), Colleoni et al. (2014), Bruns (2018), montrent la dimension sociale et relationnelle des RS et notamment de Twitter, tout en soulignant l’importance de son rôle informatif, étant donné la tendance de ses utilisateurs à diffuser et à commenter l’actualité et, plus généralement, les événements. Diverses études statistiques récentes[2] attestent que Twitter est particulièrement utilisé comme moyen d’accès à l’information, sans doute pour les caractéristiques qui lui sont propres. Selon une enquête menée en février 2019 par Statista[3], 56% des utilisateurs interviewés ont déclaré qu’ils utilisent Twitter pour s’informer. L’accès à l’information en ligne et, éventuellement sa (re)diffusion, représentent ainsi la raison la plus courante pour laquelle les gens vont sur Twitter. Par ailleurs, de nombreux médias se servent de Twitter pour diffuser, souvent de manière automatisée, les liens vers les articles publiés sur leur site, utilisant le RS comme un véritable outilde marketing (MERCIER 2013).
Massivement diffusée et partagée, l’actualité fait l’objet de discussions, de confrontations, de commentaires sur Twitter, transformant le réseau en une nouvelle arène du débat public où la prise de parole vise « à se faire entendre, […]à représenter une certaine vision du monde sur une scène publique et à afficher [son] appartenance à une certaine communauté idéologique ou de valeurs » (BADOUARD et al. 2016 : 11-12). Non seulement les utilisateurs « ordinaires » y font recours pour exprimer leurs opinions et pour engager le débat sur des questions d’intérêt public, mais aussi les représentants politiques pour faire part de leurs activités, tout comme pour intervenir à leur tour sur des questions d’actualité. Twitter constitue ainsi un médium de communication et, notamment de communication politique (COLLEONI et al. 2014), qui participe à la configuration de l’agenda de l’opinion publique et au partage d’informations médiatiques (SEVERO & LAMARCHE-PERRIN 2018). En effet, son potentiel d’expressivité répond bien aux exigences d’expression personnelle et au désir d’affirmation de soi de l’individualisme contemporain, devenant ainsi une « technologie de l’affirmation de soi et de mobilisation sociale » (MERCIER 2015 : 146), qui contribue à revitaliser à la fois la communication et l’action politique[4], de même que la participation et l’engagement citoyen (EYRIES 2015). Grâce aux RS, « [c]e qui a été l’apanage des experts professionnels du champ [de la communication médiatico-politique] est remplacé par la possibilité de nouvelles formes de relation, directes, entre les instances expertes et les publics » (BURGER et al. 2017 : 12).
Dans le cadre de cet article, nous nous intéressons à l’utilisation de Twitter comme espace discursif public de débat et de commentaire en réaction à un événement d’actualité aux implications éthiques, sociales et politiques : la mort de Vincent Lambert, devenu le symbole du débat français sur la fin de vie. Notre attention sera dirigée vers la construction discursive des tweets relatifs à cet événement qui comportent un lien URL, ceux-ci étant la grande majorité des tweets extraits (cf.3.2.2). Plus précisément, nous analyserons les relations énonciatives et discursives qui s’établissent entre la partie textuelle du tweet et l’aperçu du lien. Nous désignons par « partie textuelle » l’ensemble de la partie uniquement linguistique du tweet et des technomots spécifiques à Twitter tels les hashtags et les mentions, ou encore les émoticônes intégrés au message textuel. Elle ne comprend pas en revanche les contenus multimédias complémentaires au texte tels que les liens URL qui pointent vers d’autres sites, les photos, les GIF ou les vidéos.
3. Approche écologique de Twitter
L’extraction, la visualisation et l’exploration des données issues de Twitter posent plusieurs problèmes au niveau méthodologique et encore plus si l’on veut adopter une approche écologique intégrant une démarche quanti-qualitative. Severo et Lamarche-Perrin (2018) soulignent en effet que la facilité d’accès aux données du réseau social au petit oiseau bleu n’est qu’apparente en raison des problèmes techniques et commerciaux qui se présentent en cours de leur extraction. Ils signalent également les questions de véracité et de représentativité de ces mêmes données ainsi que les problèmes juridiques en termes de protection de la vie privée et des droits d’auteurs dont il faut prendre conscience.
Twitter met à la disposition des internautes deux outils de recherche des tweets. Le premier est la fenêtre Recherche avancée, disponible en ligne dans l’interface même du site correspondant. Cet outil permet de rechercher des tweets sur la base de plusieurs paramètres assez simples concernant à la fois les mots contenus, les comptes qui les ont publiés ou qui y sont mentionnés, ainsi que les indications spatio-temporelles, comme on peut le voir dans la figure 2. Les tweets répondant aux critères requis sont ensuite visualisés dans leur environnement natif et peuvent être saisis de manière globale, dans leur contexte, en gardant aussi la possibilité d’explorer les éléments cliquables (fig.3).
Ces données ne peuvent pourtant être retenues que par des captures d’écran qui ne sont pas manipulables et qui empêchent également la lecture dynamique et l’exploration de la dimension hypertextuelle du tweet. Les résultats de la recherche sont premièrement axés sur la pertinence selon la popularité des messages définie par un algorithme ; autrement il est possible de les afficher selon un critère chronologique à partir des tweets les plus récents. Dans tous les cas, les résultats se chargent progressivement au fur et à mesure qu’on défile vers le bas de la page, ce qui rend difficile un retour quantitatif immédiat relatif au nombre total de tweets correspondant à la recherche effectuée.
Un deuxième outil de recherche des tweets est représenté par les API de Twitter, des interfaces de programmation applicative permettant l’extraction des données du RS dans le but de les mettre à disposition pour d’autres logiciels. À ce propos, il faut toutefois préciser que l’utilisation des API est soumise à la création d’un compte développeur de Twitter, qui comporte plusieurs profils gratuits et payants (angl. standard, premium, enterprise) en fonction des filtres de recherche que l’on veut utiliser et de la quantité de tweets que l’on peut extraire sur une base mensuelle.
La recherche via l’API permet de retenir tous les tweets qui répondent aux paramètres de recherche établis ainsi que les métadonnées respectives. Les résultats sont obtenus au format JSON, un format de données textuelles qui permet la représentation de l’information sous forme d’une structure arborescente. Ce format a l’avantage d’être manipulable bien qu’il soit difficile à traiter pour des non-experts, comme on peut le constater à partir de la figure 4. Par ailleurs, il ne restitue pas la forme traditionnelle sous laquelle les tweets apparaissent dans leur environnement natif, ne permettant pas une vision d’ensemble, voire contextualisée du tweet.
3.1 Vers une exploration écologique « outillée »
Pour dépasser les limites de ces deux outils, nous sommes en train de développer, avec le support d’un informaticien[5], un logiciel qui puisse favoriser l’exploration à la fois analytique et contextualisée des tweets. Dans le cadre de cet article, nous nous limiterons à donner une vue d’ensemble de la fenêtre du logiciel destinée à l’analyse, sans entrer dans le détail de toutes ses autres fonctionnalités.
Comme le montre la figure 5, la fenêtre Recherches BDD donne accès à deux différents types de visualisation des données qui sont pourtant complémentaires, dans la mesure où ils favorisent des allers-retours entre les diverses composantes du tweet et sa forme traditionnelle en contexte. Toutes les composantes ainsi que les métadonnées des tweets recherchés sont extraites au format JSON via l’API de Twitter et sont premièrement affichées sous forme de tableau. Chaque colonne restitue un champ balisé par l’API, comme par exemple la date et l’heure de création du tweet (balise « created_at »), son numéro d’identification (« id »), le texte (« text ») et ainsi de suite. Il va de soi que chaque ligne du tableau reproduit tous les éléments d’un seul tweet. L’affichage analytique sert de base pour mettre en place des recherches permettant de filtrer les données selon les métadonnées repérées tout comme d’insérer des annotations afin de les exploiter également en tant que filtres de recherche. De même, la disposition des données sous forme de tableau favorise leur extraction dans des formats compatibles avec plusieurs logiciels d’analyse lexicométrique et textométrique afin de mener des études linguistiques de type quantitatif.
À la visualisation analytique, sous forme de tableau, des traits spécifiques du tweet sur le côté gauche de l’écran correspond, en cliquant sur la ligne respective, l’affichage de la forme standard sur le côté droit qui en assure la contextualisation ; cela permet de garder actifs tous les éléments cliquables ainsi que de repérer les liens interdiscursifs et interlocutifs. De cette façon, on pourra toujours accéder à une vision d’ensemble de chaque tweet pour vérifier et contextualiser les observations résultant des analyses quantitatives et pour naviguer entre les éléments cliquables. Le retour aux données dans leur interface native s’avère en effet essentiel pour garantir l’équilibre entre des analyses quantifiées et des études contextualisées, comme le souligne Longhi (2020). La conception de cette interface aspire ainsi à combiner deux modes de visualisation des données dans le but de favoriser une appréhension plus complexe du corpus, combinant une approche plus « extractive » et logocentrique et une autre plus contextualisante (ibid.).
3.2 Une étude de cas : l’affaire Vincent Lambert
3.2.1 Le contexte
L’affaire Vincent Lambert est un cas médical devenu ensuite une affaire judiciaire qui a obtenu un large écho médiatique en France, le transformant progressivement en un cas emblématique du débat français sur la fin de vie. Infirmier âgé de 32 ans, Vincent Lamberta été victime en 2008 d’un accident de la route qui lui a causé un traumatisme crânien, le plongeant dans un « état végétatif »[6]. Plusieurs solutions ont été tentées pour le ramener à la vie sans pourtant obtenir des résultats décisifs. Depuis 2013, son cas est apparu dans les médias et est devenu une affaire publique qui a retenu l’intérêt des médias et de l’opinion publique pendant plus de six ans. C’est en effet à cette époque queles membres de sa famille sont entrés en conflit sur les suites à donner à sa situation et qu’une véritable bataille judiciaire a été engagée. Plusieurs décisions de justice se sont succédé durant ces années, en suspendant et en validant l’arrêt des traitements jusqu’à la mort du patient, le 11 juillet 2019.
3.2.2 Le corpus
Par le biais du logiciel présenté rapidement au §3.1, nous avons constitué un corpus exploratoire d’un peu plus d’un millier de tweets dans l’intention d’analyser la relation entre la partie plus proprement textuelle du tweet et les « objets signifiants » qui y sont intégrés, comme par exemple les éléments iconiques-visuels ou plurisémiotiques tels que des photos, des vidéos, des GIF ou des liens URL pointant – ces derniers – vers des contenus externes à la plateforme, dont un aperçu peut être affiché dans le tweet via des « cartes » (cf. ci-dessous). Il s’agit, en d’autres termes, d’éléments non purement linguistiques quoique porteurs de signification que l’on peut insérer à l’intérieur des tweets. Étant donné que notre étude est censée être exploratoire et non pas exhaustive, la taille limitée du corpus nous permettra de conduire une analyse qualitative de ces relations en essayant d’endresser une première typologie. Nous ne visons pas à en restituer les fréquences, mais plutôt à ébaucher un système d’interprétation et de classification des relations caractérisant ce type particulier de tweet.
Notre corpus regroupe les tweets publiés en réaction à la nouvelle de la mort de Vincent Lambert, survenue le 11 juillet 2019. Nous avons limité notre recherche aux tweets contenant l’expression « Vincent Lambert » (pas nécessairement dans la partie textuelle[7]), publiés le jour de sa mort entre 8h08 et 16h59[8], et écrits en langue française, pour un total de 5780 tweets. Cette sélection ne représente pourtant qu’une sous-partie très réduite d’un corpus thématique plus large concernant le débat public sur la fin de vie que nous sommes en train de constituer dans le cadre de nos recherches ultérieures[9]. Des 5780 tweets extraits selon les critères indiqués ci-dessus, la plupart (4682, soit 81% du total) sont des retweets, comme on peut le comprendre à partir des indications présentes dans la balise « retweeted_status[10] », consistant pour l’essentiel (4349 sur 4682) en doublons. À la lumière des objectifs de recherche, nous avons choisi de limiter notre analyse aux tweets créés ex novo pendant le créneau horaire envisagé (1059 tweets simples et 39 retweets avec commentaires), éliminant ainsi la plupart des données dupliquées. Une fois le corpus des retweets dépouillé, nous avons observé le recours aux objets supplémentaires au texte pour réagir à l’événement. Les résultats montrent qu’environ deux tiers des tweets simples (693 tweets sur 1098) comportent en effet des objets supplémentaires au texte, dont la très large majorité (90%) consiste en liens URL vers des contenus extérieurs, seuls ou en complément d’autres contenus non-textuels (photos, vidéos, etc.). D’où notre intérêt à analyser les interrelations entre la partie proprement textuelle – que nous appellerons simplement « texte » pour des raisons d’économie – et l’aperçu du contenu du site vers lequel pointe l’adresse web insérée dans le tweet.
4. Les liens URL dans les tweets : usages et enjeux
Les liens URL représentent un élément emblématique du discours numérique et notamment de sa dimension hypertextuelle, dans la mesure où ils incarnent plusieurs de ses traits spécifiques, ainsi que le montrent divers travaux de Paveau (2017a, 2015, 2013b). Ils relèvent en effet de la dimension composite du discours numérique natif, résultant de la co-construction du langagier et du technologique, de la délinéarisation du fil du discours ainsi que de sa relationalité (cf. PAVEAU 2017a). D’après Paveau, les liens URL peuvent être définis comme des « technodiscours rapportés résumant » (désormais TDRR) car ils partagent non pas un contenu, mais son adresse web qui fait ainsi office de résumé. Il va de soi que l’URL insérée dans un tweet peut être éventuellement intégrée dans l’énonciation de l’utilisateur, si ce dernier le souhaite. Il faut toutefois rappeler que lors de l’insertion d’un lien URL au sein d’un tweet, celui-ci est raccourci à l’aide d’un service spécifique de Twitter pour ne compter que 23 caractères.
4.1 Tweets avec URL : quels modes d’affichage ?
Sur Twitter, il existe deux modes possibles d’affichage des liens URL qui ne découlent pas du choix de l’utilisateur mais des propriétés formelles du site identifié par le lien. La figure[11] 6 montre l’affichage « brut » ou « traditionnel » du lien ; on y reconnaît en effet la forme standard de l’adresse web même si elle est raccourcie automatiquement par Twitter. Dans ce cas, l’URL constitue un élément qui n’est que potentiellement significatif car l’accès au contenu auquel elle renvoie est subordonné à son activation de la part de l’utilisateur. Comme le remarque Paveau (2017b), le lien URL se distingue des autres éléments cliquables à l’intérieur d’un tweet dans la mesure où il est doté d’un signifiant et d’un référent, mais non pas de signifié ou, en tout cas, le décryptage de son sens n’est pas évident sauf si on dispose d’un bon niveau de compétences informatiques.
Depuis 2012, Twitter a introduit la possibilité d’afficher un aperçu du contenu accessible vial’URL sous forme de « cartes Twitter[12] » (angl. Twitter Cards), dont la figure 7 montre un exemple. En l’occurrence, il s’agit d’une « carte Résumé avec image en grand format » qui inclut généralement un titre, un petit résumé et une image (automatiquement sélectionnée par Twitter) – ou une vignette dans le cas de la « carte Résumé » (cf. figure 10) – constituant ainsi une sorte de condensé du contenu auquel on peut accéder en cliquant sur le lien. Ce deuxième type d’affichage est plus clairement porteur de signification, bien qu’il ne restitue qu’une information partielle par rapport au contenu du site correspondant. De toute façon, les cartes permettent d’enrichir les tweets en insérant des contenus multimédias afin de les rendre plus visibles et, par conséquent, plus attrayants pour les autres utilisateurs.
4.2 Tweets avec un aperçu de l’URL : des discours d’escorte ?
Au cours des dernières années, plusieurs travaux se sont intéressés à diverses formes de discours numériques intégrant des liens URL, entres autres Bigey et Simon (2017), Simon (2015), Rabatel (2010), en se réappropriant souvent la notion de « discours d’escorte » ou « d’accompagnement » pour désigner « un discours original qui entoure l’URL d’un article ou une unité textuelle composée de l’URL et de sa formule de partage telle que générée par les médias et qui tente d’influencer la lecture et l’interprétation du contenu mis en lien » (BIGEY & SIMON 2017 : 55). Si cette notion peut souvent rendre compte des caractéristiques des discours comportant un lien sous forme « brute », il n’est pas possible, nous semble-t-il, de l’appliquer de manière aussi générale et pertinente pour analyser les rapports entre la partie textuelle du tweet et la prévisualisation du contenu de l’URL via la carte Twitter, comme nous nous attacherons à le montrer lors de notre analyse (cf. § 5). En outre, ainsi que le fait remarquer Paveau :
Parler de « discours d’accompagnement », c’est en effet supposer que le discours source accomplit toujours une présentation ou une citation du discours cible, ce qui n’est pas le cas […]. Le discours cible est difficilement assimilable à une citation, dans la mesure où, entre autres, le lecteur a la possibilité de quitter définitivement le discours source […]. (PAVEAU 2017b : § 20)
Les cartes Twitter qui affichent un aperçu du contenu du site correspondant constituent de fait un objet sémiotique dont le sens interagit avec la partie textuelle, participant ainsi à la co-construction du message global du tweet. Il en va autrement pour les liens « bruts » dont la portée sémiotique reste en revanche obscure[13] au lecteur. Dans les deux cas, le partage du lien URL aspire à la circulation de l’information ; toutefois, pour les tweets intégrant des cartes, la prévisualisation du lien pourrait suffire pour bien saisir le sens global du message et pour éviter de se rendre sur le site correspondant, ce qui n’est pas toujours le cas pour les tweets n’incluant que le lien brut. Nous supposons ainsi que le type d’affichage de l’URL peut influencer les effets pragmatiques du tweet, tout en admettant que ceux-ci peuvent parfois se recouvrir partiellement dans les deux modes d’affichage, sans pour autant se superposer parfaitement. Le statut sémiotique différent de l’aperçu de l’URL par rapport au lien brut nous pousse à analyser les relations énonciatives-discursives qui caractérisent ce type de tweet qu’on pourrait par conséquent définir comme multimodal, dans la mesure où aussi bien la partie textuelle que l’aperçu sont dotés de sens et interagissent de façon complémentaire dans la co-construction du sens global du message.
5. Analyse
Dans les tweets multimodaux intégrant des cartes Résumé ou Résumé avec image en grand format, plusieurs types de relations énonciatives et discursives peuvent exister entre la partie textuelle du message et la carte iconico-textuelle, allant d’une relation de redondance jusqu’à un rapport de complémentarité ou d’indépendance. À partir de ce principe, notre étude se propose de répondre à deux questions : (1) quels types de relations énonciatives et sémantiques s’établissent entre la partie textuelle du tweet et l’aperçu du lien ? (2) Dans quel rapport discursif se trouvent les deux éléments ? Ont-ils un statut équivalent ou l’un est-il prioritaire par rapport à l’autre ?
Pour analyser les relations entre texte et carte Twitter, nous nous sommes inspirée du système élaboré par Martinec et Salway (2005) qui concerne les relations texte-image au sein de discours multimodaux, en l’adaptant bien évidemment aux spécificités de notre objet d’étude. Nous en résumons ci-dessous les grandes lignes. Ce système distingue entre deux types principaux de relations[14] : le statut du texte et de l’image, d’une part, et les relations logico-sémantiques entre les deux, de l’autre. Au niveau du statut, Martinec et Salway estiment que le texte et l’image se relient de la même manière que les propositions à l’intérieur d’une phrase complexe, dans le sens où ils peuvent avoir soit un statut équivalent, soit un statut d’inégalité. Dans le premier cas, le texte et l’image seront indépendants s’ils fournissent des informations qui existent en parallèle ; ils seront en revanche complémentaires s’ils se modifient réciproquement en créant une unité de sens augmentée. Dans le second cas, une relation de subordination s’instaure entre les deux si l’un modifie l’autre.
Selon Martinec et Salway, le statut d’égalité ou d’inégalité détermine en outre la direction de la relation : elle est réciproque
là où les deux éléments ont un statut équivalent, dans l’autre cas c’est l’élément subordonné qui modifie celui superordonné. Tout en partageant ces principes de fond, les spécificités de notre objet d’étude nous poussent à envisager la relation texte-aperçu en termes de corrélation ou de dépendance d’un élément vis-à-vis de l’autre, dans le sens où l’un est prioritaire par rapport à l’autre dans la construction du message. Ce sera ainsi l’élément dépendant qui sera considéré comme subordonné dans notre étude.
Au niveau logico-sémantique, Martinec et Salway font la distinction entre les relations d’expansion et de projection. Réitérant, clarifiant ou ajoutant des informations à celles véhiculées par l’autre élément, la relation d’expansion peut se réaliser sous forme d’une (a) élaboration – à savoir la répétition ou la reformulation d’informations déjà présentes dans l’autre mode ; d’une (b) extension, – soit l’ajout de nouvelles informations étant en relation avec l’information existante ; d’un (c)« enrichissement » (angl. enhancement) – c’est-à-dire de la spécification d’informations contextuelles supplémentaires. Ces trois variantes sont également repérables dans les tweets multimodaux qui font l’objet de notre analyse, contrairement à la relation de projection qui suppose un passage du mode textuel au mode iconique ou vice versa.
À la suite de Martinec et Salway (2005), nous distinguons donc deux niveaux de relations caractérisant le tweet multimodal visé par notre étude. D’un côté, sur la base des relations logico-sémantiques, nous nous intéressons au rapport énonciatif entre la partie textuelle et l’aperçu du contenu de l’URL, à savoir la façon dont les deux éléments – texte et aperçu – interagissent entre eux pour la création du sens. De l’autre côté, notre attention se dirige vers le rapport discursif, à savoir le rapport d’influence voire de modification entre ces deux éléments qui repose sur leurs statuts respectifs. Nous procédons ainsi à illustrer les cinq types de relation énonciative entre texte et carte Twitter que nous avons repérés dans notre corpus et leur rapport discursif, en analysant également les fonctions pragmatiques réalisées par les deux éléments qui co-construisent le message du tweet. Pour chaque type de relation, des tweets ont été sélectionnés à titre d’exemple.
5.1 La modalité présentative
Nous appelons « modalité présentative » la relation logico-sémantique caractérisant un tweet dont la partie textuelle constitue une reformulation du contenu affiché par la carte Twitter. Cependant, il peut arriver que la simple reformulation de l’aperçu soit associée dans le texte à d’autres éléments qui entraînent diverses fonctions pragmatiques. Comme c’est le cas dans la figure 9, où le texte du tweet reformule le message textuel de la carte en mentionnant trois éléments principaux : l’énonciateur du TDRR(« Houellebecq »), sa source (« Le Monde »), c’est-à-dire l’espace discursif où ce discours a été produit, ainsi que le sujet du discours (« l’affaire Vincent Lambert »). Toutefois, le texte ne se limite pas à apporter des informations déjà présentes dans l’aperçu tout en les formulant différemment, mais il ajoute aussi une désignation évaluative de l’énonciateur (« Mme Michu ») qui influence la façon d’aborder le TDRR, en en fournissant un encadrement axiologique.
En ce qui concerne le rapport discursif entre texte et aperçu, les deux éléments se modifient réciproquement. Comme c’est souvent le cas, la carte Twitter représente une extension de la partie textuelle grâce à l’ajout d’informations supplémentaires, véhiculées à la fois linguistiquement et iconographiquement. De son côté, le texte offre en revanche un encadrement évaluatif au TDRR ayant un impact à la fois sur l’activation du lien et sur sa réception. Étant donné ce rapport d’influence réciproque, on peut conclure que le texte et l’aperçu ont un statut équivalent.
Dans notre corpus, la modalité présentative est en outre associée à l’aperçu d’une URL à fonction complétive (fig.10). En l’occurrence, il est possible de repérer les mêmes caractéristiques mises en relief dans le cas précédent en ce qui concerne la relation énonciative. Dans le texte, on retrouve en effet quelques éléments du contenu textuel de la carte, tels que le type de discours (« avis ») et son énonciateur (« un théologien »). Toutefois, si on arrête la lecture à la partie textuelle du tweet, il n’est pas possible d’attribuer une signification certaine et univoque aux points de suspension. C’est en revanche la carte Résumé qui clarifie leur fonction : ils signalent un discours qui va à contre-courant par rapport aux convictions religieuses dominantes sur la fin de vie. En d’autres mots, la saturation du sens de la partie textuelle est déterminée par l’aperçu de l’URL, auquel le texte est par conséquent subordonné.
5.2 La modalité citative
La deuxième relation énonciative repérée dans le corpus est de type « citatif » dans la mesure où le texte reproduit de façon mimétique au moins une partie du contenu linguistique de la carte Twitter, donnant lieu à une relation de redondance (fig. 11). Il est probable que, dans la plupart des cas, ce type de texte est automatiquement généré par le site dont on partage le lien. Cependant, si l’internaute n’y apporte aucune modification, on peut présumer son accord tacite à le publier tel quel. En l’occurrence, le texte n’a aucun impact sur le TDRR qui assure en revanche une extension de la partie textuelle. Pour cette raison, nous considérons le texte comme subordonné à la carte Résumé, celle-ci étant plus significative et éloquente par rapport à la partie textuelle.
La modalité citative peut également s’accompagner d’une fonction autopromotionnelle, surtout lorsqu’il s’agit de comptes d’organes de presse (cf. fig. 12) ou de journalistes. Encore une fois, le texte du tweet n’est qu’une simple répétition d’informations déjà présentes dans l’aperçu, alors que ce dernier permet d’amplifier ce qui est anticipé par la répétition, partielle ou totale, du texte de la carte. Par conséquent, dans ce cas aussi, la carte est prioritaire au niveau sémantique par rapport au texte. Toutefois, à la différence de l’exemple précédent(11), le tweet de la figure 12 assume aussi une valeur autopromotionnelle en raison de la superposition des sources des deux discours–l’énonciateur du tweet et l’instance de productiondes contenus du site web partagé–dont le but est de promouvoir via Twitter un de ses discours publiés ailleurs. En effet, ce type de tweet entraîne un appel à l’action sous forme implicite car aucun élément langagier n’exhorte ouvertement le lecteur à cliquer sur le lien. Il diffuse pourtant un discours produit sur un autre site par la même instance de production – qu’elle en soit la source ou l’énonciateur – le rendant visible (et joignable) dans un espace nouveau.
Quand le twitteur invite en revanche de manière explicite les autres utilisateurs à se rendre sur le site qu’il partage, le tweet – et notamment sa partie textuelle – se caractérise par une fonction d’engagement, comme cela arrive dans la figure 13 qui constitue ainsi un exemple de modalité citative à valeur engageante. Dans les occurrences de modalité citative engageante, le texte du tweet inclut une exhortation directe envers le lecteur et l’invite à en savoir plus en accédant aux contenus auxquels l’aperçu renvoie. De fait, c’est cet appel explicite à l’action qui va changer le rapport discursif entre le texte et l’aperçu. Si la carte constitue un prolongement de la partie textuelle, celle-ci impacte à son tour la lecture d’aperçu et notamment l’activation éventuelle de l’URL. Pour ces raisons, les deux ont un statut équivalent.
Nous avons enfin repéré des tweets où la modalité citative assume une valeur expansive. Si la carte Résumé représente souvent une expansion du texte grâce à l’addition de contenus supplémentaires, la partie textuelle peut à son tour enrichir l’aperçu en ajoutant des contenus nouveaux et polyfonctionnels, notamment par le recours aux hashtags (fig. 14). Ainsi que le montre la riche littérature linguistique sur cette affordance technique native de Twitter (entre autres, ZAPPAVIGNA 2011, 2015 ; PAVEAU 2017A, 2013A ; MERCIER 2017, 2013 ; JACKIEWICZ & VIDAK 2014), le hashtag est devenu bien plus qu’un outil d’indexation et de redocumentation qui permet d’insérer le tweet dans un fil discursif, assurant en même temps son investigabilité. En effet, les classifications avancées par Paveau (2013a, 2017a), par Jackiewicz et Vidak (2014) et par Mercier (2017) mettent en évidence le potentiel polyfonctionnel que peut avoir ce technomot aux niveaux sémantique, pragmatique et rhétorique. Par ailleurs, il assume souvent une fonction sociale, en créant une « ambient affiliation » dans les termes de Zappavigna (2011), tout comme des communautés qui partagent les mêmes valeurs (ZAPPAVIGNA & MARTIN 2018). Ainsi, les hashtags « relient non plus tant les tweets entre eux que les twitteurs. En même temps, ils ouvrent l’échange vers l’extérieur, en laissant la possibilité à une communauté large de réagir au message en question » (JACKIEWICZ & VIDAK 2014 : 2043).
Dans l’exemple suivant (fig. 14), le hashtag permet de contextualiser le message en inscrivant le TDRR à l’intérieur d’un réseau discursif bien précis. Outre sa fonction d’indexation dialogique, il agit ici également comme un « indexateur journalistique » (MERCIER 2017 : 99) qui vise à « ‘rubriquer’ le tweet en identifiant le type de thématique, le genre de sujet dont il traite » (ibid.). Dans la mesure où la partie textuelle et l’aperçu de l’URL contribuent réciproquement à enrichir le message, texte et aperçu ont un statut équivalent.
5.3 La modalité anticipative
La modalité anticipative se distingue de la plupart des cas précédents. Elle concerne les tweets dont le texte reproduit de façon mimétique une partie du discours identifié par l’URL, mais, à la différence de la modalité citative, ce passage n’est pas affiché dans l’aperçu, il n’est accessible qu’en activant le lien (fig. 15). Il s’ensuit que le rapport entre le texte et la carte Twitter est radicalement différent des autres cas. En l’espèce, étant ainsi subordonné par rapport au texte, l’aperçu ne constitue pas un prolongement, voire un développement de la partie textuelle, mais plutôt un moyen de contextualisation ou d’attestation de la source citée.
Comme c’est souvent le cas pour toutes les modalités repérées, la forme anticipative aussi peut comporter des éléments ajoutant des implications pragmatiques supplémentaires, notamment de nature évaluative, sans pour autant changer le rapport discursif texte-aperçu. Outre les hashtags à valeur d’indexation et de thématisation, le texte du tweet de la figure 16 comporte en effet un commentaire évaluant le discours rapporté–désigné par une sorte de cataphore conceptuelle axiologique – qui constitue à son tour l’anticipation d’un passage du discours auquel renvoie la carte Twitter. Celle-ci sert essentiellement à attester la fiabilité du discours rapporté, permettant au lecteur d’aller vérifier lui-même sur le site correspondant et de contextualiser également l’extrait en retrouvant le discours complet. L’aperçu du lien est ainsi subordonné par rapport au texte qui se révèle prioritaire dans la construction du message.
5.4 La modalité introductive
La modalité introductive caractérise les tweets dont le sens de la partie textuelle est perçu comme incomplet. Ainsi que le montre l’exemple de la figure 17, le texte du tweet peut être considéré comme le segment initial d’un énoncé qui reste pourtant inachevé ; c’est justement au TDRR de le compléter. Seule la suite complémentaire de texte et carte Résumé donne en effet accès à l’appréhension du message global, résultant de la subordination du texte à l’aperçu qui en sature le sens incomplet, assumant une fonction de complétion.
5.5 La modalité réactive
La dernière relation énonciative identifiée dans ce corpus est une relation de type réactif, qui caractérise les tweets dont la partie textuelle semble être une réponse au TDRR.
En l’occurrence, le texte exprime la réaction du twitteur face au discours vers lequel pointe l’URL, dont l’aperçu est inséré comme moyen de contextualisation afin de repérer ce à quoi le twitteur réagit. Cette modalité est bien révélatrice des échanges de type commentaire et notamment des polémiques qui distinguent le style Twitter (MERCIER 2015, 2013).
Plusieurs fonctions pragmatiques ont été repérées dans notre corpus en relation avec la modalité réactive, mais nous nous bornons ici à les mentionner faute de place. Les tweets se caractérisant par une modalité réactive peuvent assumer par exemple une valeur évaluative si l’énoncé responsif inclut un commentaire axiologique, ou encore une valeur ironique lorsque la carte Résumé insérée vise à clarifier le niveau interprétatif à activer, comme dans la figure 19. Dans ce cas, la présence de l’aperçu est essentielle pour faire comprendre au lecteur qu’il ne faut pas s’arrêter à la signification littérale de l’énoncé ; c’est en revanche une lecture au second degré qui est envisagée par l’auteure du tweet.
Dans la figure 18, la partie textuelle à valeur responsive montre en revanche une orientation dialogique interlocutive, dans la mesure où le texte et la carte Twitter semblent engager un dialogue interne entre eux. Vu que le texte se configure comme une réponse au TDRR, les deux éléments pourraient en effet être assimilés à des tours consécutifs d’un échange interactionnel.
Dans tous les cas, c’est l’aperçu qui fournit la clé d’interprétation du texte déterminant la dépendance du texte de l’aperçu.
5.6 Bilan
Les cinq modalités classifiées ci-dessus ne se présentent pas toujours de manière distincte à l’intérieur d’un tweet. Il existe aussi des formes mixtes qui combinent plusieurs modalités et fonctions, comme l’illustre l’exemple suivant (20) qui associe des relations présentative et citative pour assurer une fonction à la fois évaluative et autopromotionnelle. En effet, l’énonciateur du tweet met en avant l’entretien dont il a été protagoniste et qui fait l’objet du TDRR. La partie textuelle présente non seulement le type de discours ainsi que sa source, mais elle affiche aussi une prise de position par rapport à l’objet du discours qui est désigné comme une « douloureuse affaire ». Cette désignation émotionnelle permet de véhiculer le point de vue de l’énonciateur, donnant un filtre de lecture du TDRR qui, de son côté, représente une extension du texte. Le texte et l’aperçu s’influencent ainsi de manière réciproque.
Parallèlement aux diverses modalités dans lesquelles le texte et la carte Twitter interagissent entre eux pour construire le message, il ressort de notre étude que les deux éléments jouent des rôles distincts au niveau discursif, sans être corrélés de manière constante au rapport énonciatif. Par ailleurs, dans le type spécifique de tweets multimodaux envisagés, les fonctions pragmatiques du message semblent reposer généralement sur l’aperçu de l’URL quand celui-ci est prioritaire par rapport au texte. Au contraire, dans les autres cas, c’est le texte qui tend à déterminer la valeur pragmatique du tweet. Enfin, seule la fonction évaluative semble être exclusive du texte, indépendamment de son rapport avec l’aperçu.
Sans prétention d’exhaustivité, nous ne résumons ici que les fonctions exercées par les deux éléments lors des cas analysés. En l’occurrence, la partie textuelle a assuré une fonction :
- d’évaluation – à travers l’emploi de termes axiologiques qui se réfèrent au discours de la carte, aux énonciateurs ou aux sources impliqués, manifestant ainsi une prise de position du twitteur et orientant également la réception du contenu de l’URL ;
- d’engagement – quand le texte invite explicitement le lecteur à se rendre sur le lien partagé ;
- d’expansion – grâce à la présence de hashtags pouvant avoir plusieurs fonctions sémantiques, pragmatiques et rhétoriques.
La carte Twitter affichant un aperçu du contenu de l’URL a en revanche joué un rôle :
- d’expansion – en ajoutant des informations supplémentaires en relation au texte, qui sont véhiculées aussi bien au niveau linguistique qu’iconographique ;
-
de complétion – en saturant le sens incomplet de la partie textuelle qui resterait inachevée ou en le clarifiant ;
-
d’autopromotion – en affichant un aperçu d’un discours publié ailleurs dont l’instance de production coïncide avec la source ou l’énonciateur du tweet ;
-
de contextualisation – en fournissant le contexte dialogique d’un discours rapporté dans le texte ou d’un discours auquel le twitteur réagit par son tweet, déterminant ainsi la valeur pragmatique du texte (ironique, dialogique, etc.).
6. Conclusion
En adoptant une démarche qualitative, nous avons repéré à l’intérieur de tweets partageant un lien URL les interrelations aux niveaux énonciatif et discursif entre le texte et l’aperçu du contenu de la page web associée. L’identification de plusieurs relations énonciatives a mis en relief diverses finalités pragmatiques du partage de l’information sur Twitter qui vont s’ajouter aux deux objectifs relevés par Bigey & Simon (2017), selon lesquelles le discours entourant le lien dans les tweets incite le public à visiter le site correspondant pour y lire l’article dans son ensemble et l’encourage à le diffuser à son tour.
L’analyse a en outre montré que la partie proprement textuelle d’un tweet peut souvent ne pas être considérée comme un discours d’escorte, à la différence des cas étudiés par Bigey & Simon (2017), qui s’intéressent plus largement à n’importe quel type d’URL et non nécessairement à leur insertion sous forme de cartes Twitter. Leur conception du discours d’escorte présuppose en effet un processus de circulation de l’information allant du tweet vers le site d’information ; dans ce cas, il arrive généralement que le discours entourant le lien influence le partage de l’information. L’analyse des tweets incluant un aperçu du contenu de l’URL semble en revanche dégager un processus de circulation inverse, supposant que l’action de partager l’information sur Twitter précède l’écriture de la partie textuelle du tweet, au moins dans la plupart des cas. Par ailleurs, si on présume qu’en phase de production la construction du message va surtout du partage de l’information – voire de la création de la carte correspondante – vers la rédaction de la partie textuelle du tweet, il nous paraît en revanche que l’« écrilecture » (PAVEAU 2017b) prévoit souvent un processus différent, articulant au moins deux étapes. Tout d’abord, la lecture du tweet suit normalement une progression linéaire allant de la partie textuelle vers la carte Twitter. Ensuite, c’est à l’écrilecteur de choisir s’il veut accéder au discours dans son ensemble via l’URL ou s’il préfère s’arrêter aux informations anticipées dans l’aperçu. De toute façon, il faudra enfin réinterpréter la partie textuelle du tweet à la lumière de la carte insérée et, éventuellement, du site visité, pour pouvoir saisir le message global. Cette réinterprétation repose justement sur les deux types de relations présentées dans cette étude.
Bien que non exhaustifs, nos résultats montrent qu’il n’existe pas toujours de correspondances univoques entre la relation énonciative et le rapport discursif s’établissant entre le texte et l’aperçu. Le rapport discursif semble en effet être lié aux effets pragmatiques du message qu’une même modalité énonciative peut entraîner, plutôt qu’à la modalité elle-même. Nous envisageons pourtant de conduire des analyses ultérieures à la suite d’un élargissement du corpus afin de vérifier s’il est possible de dégager des règles linguistiques plus systématiques sur lesquelles appuyer cette première typologie de relations.
Références bibliographiques
BADOUARD, Romain, MABI, Clément, MONNOYER-SMITH, Laurence, « Le débat et ses arènes », Questions de communication, n° 30 | 2016,p. 7-24, en ligne :
https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/10700 [consulté le 08/01/2020].
BARTON, David, LEE, Carmen, Language online: Investigating digital texts and practices. Routledge, 2013.
BIGEY, Magali, SIMON, Justine, « Analyse des discours d’escorte de communication sur Twitter : essai de typologie des tactiques d’accroches et de mentions », in Mercier, Arnaud, Pignard-Cheynel, Nathalie (dir.), #info. Commenter et partager l’actualité sur Twitter et Facebook, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2017, p. 55-86.
BRUNS, Axel, Gatewatching and News Curation: Journalism, Social Media, and the Public Sphere, New York, Peter Lang, 2018.
BURGER, Marcel, THORNBORROW, Joanna, FITZGERALD, Richard, « Analyser les espaces interactifs des nouveaux médias et des réseaux sociaux », in Marcel, Burger éd., Discours des réseaux sociaux : enjeux publics, politiques et médiatiques, De Boeck Supérieur, 2017, p. 7-24.
CARDON, Dominique, La démocratie Internet : promesses et limites, Paris, Seuil, 2010a.
— « Les réseaux sociaux en ligne et l’espace public », L’Observatoire, 37 | 2, 2010b, p. 74-78.
CHARAUDEAU, Patrick, Le discours politique : les masques du pouvoir, Limoges, Lambert-Lucas, 2005.
COLLEONI, Elanor et al., « Echo Chamber or Public Sphere? Predicting Political Orientation and Measuring Political Homophily in Twitter Using Big Data », Journal of Communication, n° 64, vol. 2, 2014, p. 317–332.
EYRIÈS, Alexandre, « Deux campagnes électorales dans la twittosphère. L’élection présidentielle française et l’élection générale du Québec en 2012 », Les Cahiers du numérique, 11, vol. 4, 2015, p. 75-90.
FRAME, Alex, BRACHOTTE, Gilles (eds). Citizen Participation and Political Communication in a Digital World. New York, Routledge, 2016.
JACKIEWICZ, Agata, VIDAK, Marko, « Études sur les mots-dièse », Congrès Mondial de Linguistique Française, Berlin, Allemagne, 2014, p. 2033-2050, en ligne :
https://www.shs-conferences.org/articles/shsconf/pdf/2014/05/shsconf_cmlf14_01198.pdf[consulté le 08/01/2020].
KWAK, Haewoon et al., « What is Twitter, a social network or a news media? », Proceedings of the 19th International Conference on World wide web, n° 26–30, 2010, Raleigh, NC.
LONGHI, Julien, « Explorer des corpus de tweets : du traitement informatique à l’analyse discursive complexe », Corpus, n° 20, 2020, en ligne :
https://journals.openedition.org/corpus/4567 [consulté le 08/01/2020].
MARTINEC, Radan, SALWAY, Andrew, «A System for Image-Text Relations in New (and Old) Media», Visual Communication, n° 4, 2005, en ligne :
https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1470357205055928 [consulté le 08/01/2020].
MERCIER, Arnaud, « Hashtags : tactiques de partages et de commentaires d’informations », in Mercier, Arnaud, Pignard-Cheynel, Nathalie (dirs), #info. Commenter et partager l’actualité sur Twitter et Facebook, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2017, p. 87-129.
— « Twitter, espace politique, espace polémique. L’exemple des tweet-campagnes municipales en France (janvier-mars 2014) », Les Cahiers du numérique, n° 11, vol. 4, 2015, p. 145-168.
— « Twitter l’actualité : usages et réseautage chez les journalistes français », Recherches en Communication, n° 39, 2013, p. 111-132.
PARMELEE John H., BICHARD Shannon L., Politics and the Twitter Revolution How Tweets Influence the Relationship between Political leaders and the Public, Maryland, Lexington Books, 2012.
PAVEAU, Marie-Anne, L’analyse du discours numérique. Dictionnaire des formes et des pratiques, Paris, Hermann, 2017a.
— « Des discours et des liens. Hypertextualité, technodiscursivité, écrilecture », Semen, n° 42, 2017b, en ligne :
https://journals.openedition.org/semen/10609 [consulté le 08/01/2020].
— « Ce qui s’écrit dans les univers numériques », Itinéraires, n° 2014-1, 2015, en ligne :
https://journals.openedition.org/itineraires/2258 [consulté le 08/01/2020].
— « Genre de discours et technologie discursive : tweet, twittécriture et twittérature », Pratiques, n° 157-158, 2013a, p. 7–30, en ligne :
https://journals.openedition.org/pratiques/3533 [consulté le 08/01/2020].
— « Technodiscursivités natives sur Twitter : une écologie du discours numérique », Epistémé, 9, 2013b, p. 139-176.
RABATEL, Alain, « Analyse pragma-énonciative des s/citations du site d’Arrêt sur images», Argumentation et Analyse du Discours, n° 4, 2010, en ligne :
https://journals.openedition.org/aad/806 [consulté le 08/01/2020].
SEVERO, Marta, LAMARCHE-PERRIN, Robin, « L’analyse des opinions politiques sur Twitter. Défis et opportunités d’une approche multi-échelle », Revue française de sociologie, n° 59, 2018, p. 507-532.
SIMON, Justine, « Le discours hypertextualisé : Une notion essentielle pour l’analyse du web », In SALEH I., et alii (dirs), H2PTM 2015, Le numérique à l’ère de l’Internet des objets, de l’hypertexte à l’hyper-objet, Paris, Hermès-Lavoisier, 2015, p. 3-20.
SIMON, Justine, TOULLEC, Bénédicte, « Quand les tweets avec images renouvellent le partage d’informations », in Mercier, Arnaud, Pignard-Cheynel, Nathalie (dirs), #info. Commenter et partager l’actualité sur Twitter et Facebook, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2017, p. 131-168.
ZAPPAVIGNA, Michele, « Searchable talk: the linguistic functions of hashtags », Social Semiotics, n° 25, 2015, p. 274-291.
— « Ambient affiliation: A linguistic perspective on Twitter », New Media & Society, n° 13, 2011, p. 788-806.
ZAPPAVIGNA, Michele, MARTIN, J.R., « #Communing affiliation: Social tagging as a resource for aligning around values in social media », Discourse, Context & Media, 22, 2018, p. 4-12.
[1]
Les données statistiques ressortent aux quatre sites suivants (consultés le27 janvier 2020) :
https://fr.statista.com/statistiques/570930/reseaux-sociaux-mondiaux-classes-par-nombre-d-utilisateurs/
https://blog.digimind.com/fr/tendances/instagram-chiffres-essentiels-2019-france-monde
https://www.brandwatch.com/blog/twitter-stats-and-statistics/
https://www.omnicoreagency.com/twitter-statistics/
[2]
https://www.americanpressinstitute.org/wp-content/uploads/2015/09/Twitter-and-News-How-people-use-Twitter-to-get-news-American-Press-Institute.pdf
https://www.journalism.org/2018/09/10/news-use-across-social-media-platforms-2018/
[3]
https://www.statista.com/statistics/200843/social-media-activities-by-platform-usa/
[4]
Depuis la campagne électorale de B. Obama en 2008, Twitter a montré le potentiel des RS en tant que moyens de communication, de participation et de mobilisation politique (Parmelee & Bichard 2012).Cela a été également confirmé par son rôle dans les campagnes lors de l’élection présidentielle française et l’élection générale du Québec en 2012 (Eyriès 2015).
[5]
Nous remercions Massimiliano Taglioli qui a développé ce logiciel.
[6]
Plusieurs termes médicaux et juridiques ont été mobilisés le long des années pour définir l’état de santé de Vincent Lambert. Nous retenons ici l’expression indiquée dans l’arrêt n°375081 du Conseil d’État du 24 juin 2014.
[7]
L’API extrait les tweets en fonction des mots-clés souhaités, qui peuvent apparaître aussi bien dans la partie textuelle qu’au sein de technomots ou de liens URL, comme c’est le cas de l’exemple 10.
[8]
Cette restriction d’horaire est liée à la quantité de tweets que l’on peut extraire en fonction des limitations imposées par notre compte développeur premium (cf. plus haut).
[9]
Pour la section « Twitter » de ce corpus « large » qui regroupera également d’autres genres discursifs, nous avons choisi de prendre en compte les propos publiés dans ce réseau sur l’affaire Vincent Lambert car il s’agit de l’actualité la plus récente qui, à nos jours, a relancé le débat public autour de ce sujet sensible.
[10]
Bien qu’au niveau des pratiques de production, le retweet se distingue du tweet par le fait d’être la republication d’un tweet créé précédemment, au niveau du codage des métadonnées, les retweets avec commentaires sont assimilés aux tweets simples dans la mesure où ils consistent en la création d’un tweet nouveau qui englobe le tweet retweeté, encodé avec le lien qui l’identifie.
[11]
Pour la reproduction des tweets, nous avons suivi les indications disponibles sur https://developer.twitter.com/en/developer-terms/display-requirements (consulté le 30 mars 2020).
[12]
À présent, quatre types de cartes peuvent être générées sur Twitter : la carte Résumé qui offre un aperçu du contenu du site web correspondant avec une petite vignette ; la carte Résumé avec image en grand format – similaire à la précédente mais avec une image de plus grande taille ; la carte Application qui présente une application fournissant aussi le lien direct pour son téléchargement ; la carte Lecteur (player en anglais) qui permet la lecture de contenus multimédias (vidéos, pistes audio,etc.) directement dans Twitter. Étant donné les objectifs de notre étude, nous ne retiendrons que les cartes Résumé et Résumé avec image en grand format.
[13]
Parfois, les caractères composant le lien permettent de deviner en gros le sujet du contenu vers lequel il pointe, mais ce n’est pas toujours évident. De plus, le raccourci des liens effectué automatiquement par Twitter réduit encore les possibilités interprétatives.
[14]
Nous avons traduit en français les termes du système de Martinec et Salway (2005).
Per citare questo articolo:
Claudia CAGNINELLI, « Le débat public sur Twitter : construction énonciative et discursive de tweets intégrant des liens URL», Repères DoRiF, n. 22 – Corpus, réseaux sociaux, analyse du discours, DoRiF Università, Roma ottobre 2020, https://www.dorif.it/reperes/le-debat-public-sur-twitter-construction-enonciative-et-discursive-de-tweets-integrant-des-liens-url/
ISSN 2281-3020
Quest’opera è distribuita con Licenza Creative Commons Attribuzione – Non commerciale – Non opere derivate 3.0 Italia.