Nora GATTIGLIA
Entrer en « résistance civile » contre le « mal absolu » : la construction d’un ethos écologiste et militant sur Twitter
Nora Gattiglia
Università di Genova
Abstract
In this article I will analyse how a collective ethos is created (ORKIBI 2008, 2012, 2015 ; AMOSSY et ORKIBI 2021) on Twitter by a radical ecologist collective, Dernière Rénovation. I will focus on a digital ethos (MAINGUENEAU 2015), an ethos that is both “dit” (“stated”) and “montré” (“shown”; see MAINGUENEAU 1999); an ethos that is essentially of a verbal, rather than an iconic, nature. Thus, I will analyse the rhetorical and argumentative strategies working towards a self-affirmation and a polarisation targeting an Other (ORKIBI 2008); a role that in the case of Dernière Rénovation is played by the French government. In this sense, I will focus on the creation of a plural subjectivity through the use of the “we” pronoun, used to refer both to the activists and to humankind as a whole – so to better involve a diverse public. The notion of “humankind” is thus reconfigured in other terms than a depoliticised effort to hide the differences between people and peoples (SHOLOMON-KORNBLIT 2021) and transformed in a polemic word. Furthermore, I will study the denomination of the activists and of their militant struggle, based on the collective memory of Second World War and the notion of “civil resistance”; the collective memory is also implied in the use of militant genealogies, such as the freedom riders, to justify on both the historic and ethical plan the struggle carried out by Dernière Rénovation. I will then analyse the appeal to a “traditional” authority (VICARI 2023), the Law, used to resignify the notion of “guilt” in order to contest the morale and legal legitimacy of the French executive.
Résumé
Dans cet article, j’analyse la construction d’un ethos collectif (ORKIBI 2008, 2012, 2015 ; AMOSSY et ORKIBI 2021) sur Twitter à partir d’un corpus de tweets crées par Dernière Rénovation, collectif écologiste radical. En me concentrant sur un ethos numérique (MAINGUENEAU 2015) dit et montré (MAINGUENEAU 1999), essentiellement verbale, j’analyserai les stratégies rhétoriques et argumentatives d’affirmation de soi et de polarisation ciblant un Autre en fonction de repoussoir (ORKIBI 2008). Dans le cas de Dernière Rénovation, cet Autre est le gouvernement français, accusé d’inaction. D’abord, je me pencherai sur l’analyse des personnes grammaticales pour étudier la création d’une subjectivité plurielle – un « nous » – dont le référent coïncide à la fois avec les militants et l’humanité entière, ce qui permet d’impliquer un public composite tout en transformant la notion d’« humanité », apparemment dépolitisée (SHOLOMON-KORNBLIT 2021), en mot polémique ; ensuite, je me focaliserai sur la dénomination des militants et des pratiques de lutte qui s’appuie sur la mémoire collective de la Seconde Guerre Mondiale en évoquant la notion de « résistance civile » ; elle se fonde aussi sur la convocation de généalogies militantes, comme celle des freedom riders, dont le rôle est de justifier sur les plans historique et éthique des actions directes illégales ; finalement, j’analyserai l’appel à une autorité « traditionnelle » (VICARI 2023), l’autorité juridique, dans la reconfiguration de la notion de « culpabilité » attribuée aux militants, notion qui est recadrée pour dénoncer la complicité de l’exécutif français dans la crise climatique.
I. La construction d’un ethos collectif écologiste militant
Les actions écologistes militantes se répandent en 2022 dans toute l’Europe occidentale : en Belgique, en Italie, au Royaume Uni. En France, le collectif Dernière Rénovation (désormais DR), créé en avril 2022, inaugure sa première « vague d’actions » le 6 juin en interrompant un match du tournoi de tennis de Roland Garros. La liste des actions est longue et variée : des nombreux blocages de la circulation à Paris, Toulouse et Lyon s’ensuivent à partir du 28 octobre ; s’y ajoutent l’interruption d’un spectacle à l’Opéra Bastille (28 octobre) ; la mise en berne du drapeau du Panthéon (31 octobre) ; l’envahissement de terrain lors de matchs de rugby (5 novembre) et de football (11 et 16 novembre) ; les jets de peinture sur des monuments (18 novembre), sur Matignon (4 janvier 2023), sur les ministères de l’Économie et des Finances (5 janvier) et de la Transition Écologique (6 janvier).
Il s’agit d’une période clé pour DR : peu connu avant les premières actions directes, le collectif doit se bâtir une crédibilité et une légitimité en tant que nouveau sujet politique capable de fédérer, mobiliser et représenter une collectivité se reconnaissant dans des instances écologistes. Dans cet article, j’analyserai la construction d’un ethos collectif militant écologiste à partir d’un corpus de 1345 tweets créés par DR du 6 juin 2022 au 27 février 2023. Il s’agit de tweets politiques, un genre numérique natif caractérisé par une décontextualisation partielle et une recontextualisation par le biais d’éléments technolangagiers (hashtags, hyperliens, pratiques d’adressage) qui délinéarisent l’énoncé (PAVEAU 2017), par la plurisémioticité (possible sinon toujours actualisée), et par la limite de 280 caractères[1], ce qui comporte une densité sémantique et des « petites phrases » saillantes (LONGHI 2013). Cet article se centre donc sur les stratégies argumentatives mises en place par DR pour construire une image de soi collective en tant que groupe écologiste militant dans une communication numérique native.
Dans un article fondateur, Orkibi (2008) définit l’ethos collectif comme la construction d’une image de soi « qui concerne un groupe, un ensemble d’intervenants et d’individus concernés ». C’est donc le cas des collectivités organisées, comme les partis ou les syndicats pour rester dans le domaine du politique, qui englobent des subjectivités singulières. La question du rapport entre singularité et collectivité, du rapport entre « je » et « nous », est ici fondamentale pour comprendre la parole d’une entité qui s’efforce de construire et d’afficher une voix commune. On pourra donc se demander quelle est la nature de la subjectivité collective englobante, du « locuteur collectif » (GARDIN 2002). À la suite de Benveniste (1966) et de sa discussion par Amossy (2010), on considère que le sujet se singularise par rapport à l’Autre[2] et prend conscience de soi-même dans l’interaction. C’est donc dans l’acte d’énonciation que le sujet se construit en tant que tel. La construction identitaire d’un sujet collectif pose pourtant un interrogatif : quelles sont les transformations de la subjectivité locutrice qui se produisent dans le passage du singulier au pluriel, du « je » au « nous » ? Comme le note Kerbrat-Orecchioni (2002), le « nous » pluriel n’est pas à concevoir comme une simple addition de « je » ; il s’agit plutôt de ce que Benveniste (1966) appelle une « personne amplifiée », dans laquelle il n’y a pas « multiplication » mais « extension » des « je ». Le problème se pose alors de savoir comment un groupe arrive à articuler les différentes subjectivités qui le composent dans une image de soi collective cohérente. C’est dans ce sens que la construction d’un ethos collectif ne se borne pas à une visée de persuasion – comme le voudrait d’ailleurs la rhétorique classique ; la production d’un ethos collectif revêt en effet plusieurs autres fonctions, énumérées par Amossy et Orkibi (2021) : une fonction constitutive, qui permet au collectif d’exister, en se construisant en corps symbolique au centre du processus d’incorporation (MAINGUENEAU 1999), à savoir le mécanisme d’appropriation de traits corporels attribués au garant de l’énonciation par son public, ce qui favorise l’intégration au corps symbolique de la communauté de ceux qui adhèrent au monde impliqué par l’énonciation ; une fonction identitaire, sollicitant un sentiment d’appartenance à travers la création d’images valorisantes du groupe ; une fonction de rassemblement, permettant aux individus de se reconnaître dans le tout[3] ; une fonction de positionnement, par laquelle le groupe définit sa position par rapport aux adversaires et aux alliés dans un champ donné ; une fonction de promotion, projetant des caractéristiques positives du groupe ; une fonction de polarisation, qui distingue le « nous » du groupe et un « eux » adverse ; et une fonction de réparation face à des représentations dévalorisantes du groupe.
On peut identifier dans notre corpus toutes les fonctions ici énumérées, avec des équilibres différents selon la période dans laquelle les tweets s’inscrivent : dans les premiers tweets du corpus la dernière fonction – celle de réparation d’une image abîmée – est peu exploitée du fait d’un ethos préalable (ou prédiscursif)[4] et hétéro-attribué assez faible (GIAUFRET 2015), l’ethos préalable d’un sujet étant définissable comme le statut institutionnel du locuteur, avec l’autorité qui en découle, et comme les images antérieures qui circulent autour de lui (AMOSSY 2010 ; MAINGUENEAU 2022). Cette fonction reste peu exploitée, au profit des fonctions constitutive et identitaire typiques de la phase initiale de la naissance d’une collectivité ; au fil du temps, avec la multiplication des actions et d’une couverture médiatique, le retravail de l’ethos préalable prend une ampleur plus importante – une évolution en ligne avec la nature dynamique et diachronique de l’ethos collectif, mise en évidence par Orkibi (2012), face à une circulation des discours qui se modifie dans le temps. C’est la nature transformative de l’ethos (collectif) qui le différencie d’une notion proche, l’identité (collective), dont il serait une composante. Selon Paissa et Koren (2020), « alors que l’ethos collectif est une construction discursive à tendance contingente (qui se fait hic et nunc, en fonction de l’auditoire, des enjeux argumentatifs du moment et de la situation d’énonciation socio-historique), l’IC [identité collective] est une entité plus stable, qui existe davantage per se. C’est pourquoi la part du préalable y est plus importante » (2020 : 11, ce sont les auteures qui soulignent). Pourtant, au début de la mobilisation et de la communication du groupe, l’ethos préalable de DR est encore faible du fait d’un manque d’information circulant sur le groupe. On pourrait donc avancer l’hypothèse que le discours de DR contribue à forger à la fois un ethos collectif discursif et relativement idiosyncratique, et une identité collective relativement stable.
Le corpus ici étudié a été créé dans et par un environnement numérique, ce qui amène à s’interroger sur les spécificités de la construction d’une image de soi dans des environnements technodiscursifs (PAVEAU 2017) tels les réseaux sociaux numériques (RSN)[5]. On pourra retenir à cet effet le traits caractéristiques de l’ethos numérique décrits par Maingueneau (2015) : l’affaiblissement de la scène générique au profit de la scénographie ; et une distinction entre scénographie verbale et scénographie numérique, celle-ci pouvant être iconotextuelle, à savoir formée par des images présentes à l’intérieur du « module » textuel et dans la structure de l’environnement numérique, ou « réticulaire », renvoyant à des environnements et des discours autres au sein du site[6] (ce que l’auteur appelle une « scénographie réticulaire interne ») ou à son extérieur (la « scénographie réticulaire externe »). L’image de soi qui en ressort peut être dite, ou montrée. Tout comme l’ethos individuel, un ethos collectif peut être dit, quand les caractéristiques du locuteur sont mentionnées dans le contenu énonciatif, ou montré, en ce que l’énonciation exprime du locuteur (MAINGUENEAU 1999).
Cet excursus, pour rapide qu’il soit, a pour but de circonscrire le type spécifique d’ethos étudié dans cet article : un ethos numérique dit et montré, essentiellement verbal, auto-attribué qui doit composer avec des représentations de soi adverses et des dispositions variées de la part d’un public composite et potentiellement très vaste, dans une double démarche rhétorique d’affirmation identitaire et de stigmatisation de l’Autre (ORKIBI 2008).
II. L’analyse des personnes grammaticales : un « nous » qui est l’humanité
La construction d’une image de soi passe par une structuration identitaire dont les traces se retrouvent dans l’analyse des personnes grammaticales, notamment d’un « nous » valorisé et d’un « eux » qui constitue l’image-repoussoir d’un Autre qui s’oppose. Il s’agit alors d’identifier la nature de ce « nous » qui se dessine et qui, comme on l’a vu, est à considérer comme une expansion, et non une multiplication, des singularités. Comme le fait remarquer Maingueneau (2020 : 25), le « nous », « permet d’étendre le Je en lui associant d’autres locuteurs, destinataires et non ». Si le « nous » de DR est évidemment souvent associé au collectif en tant que sujet politique, le discours montre néanmoins des oscillations fréquentes dans le réfèrent du pronom de première personne du pluriel : le référent peut à la fois être interprété comme indiquant le groupe des activistes, ou l’espèce humaine dans son ensemble, dans une extension paroxystique de la première personne du pluriel, comme le montre le tweet suivant :
Le « nous » qui arrive à coïncider avec l’humanité entière a une fonction de rassemblement. Le recours à la notion, à la fois concrète et abstraite, d’« humanité » permet l’implication des utilisateurs ordinaires, qui sont convoqués comme sujet du discours.
Dans un texte consacré au discours de l’UNESCO au sujet du patrimoine commun de l’humanité, Irit Sholomon-Kornblit (2020) décrit la notion d’« humanité » selon trois modes d’appréhension, à savoir éthique, juridique et biologique. L’idée d’une « humanité éthique », découlant de la pensée philosophique du siècle des Lumières, se stabilise dans le principe contemporain des droits de la personne, exemplifié par la Déclaration des droits de l’homme de 1946 ; la notion d’une « humanité » comme personne juridique émerge au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, avec la catégorie de « crimes contre l’humanité » : un concept, on le précise ici, étroitement lié à la perspective éthique sur l’humanité présentée plus haut ; finalement, une conception d’une « humanité biologique » dont l’unité a été consacrée par le décryptage du génome humain, avec le projet génome, débuté en 1980. Ces trois modes d’appréhension semblent coexister dans l’« humanité » telle qu’elle est évoquée dans les discours écologistes, auxquels « [l]a catégorie d’humanité est aujourd’hui fortement liée ». Il en ressort une humanité « unie par-delà les conflits » autour de la responsabilité commune envers l’environnement. Ce regroupement des êtres humains dans une entité collective est pourtant problématisée par l’auteure dans les termes d’un gommage des diversités et des conflictualités existantes ; elle correspondrait alors à une « tentative de dépolitisation ». Si ceci peut bien être le cas pour le discours de l’UNESCO étudié par l’auteure, les tweets politiques de DR montrent une démarche différente. La notion d’« humanité » est politisée dans la mesure où elle s’inscrit dans une stratégie argumentative de polarisation axée sur l’opposition entre « nous » (DR) et « eux » (le gouvernement français). Les militants écologistes (le « nous » premier) sont montrés comme les défenseurs des droits, sinon de la survie, de l’humanité (le « nous » second, englobant), alors que le gouvernement français est présenté comme le responsable de la crise climatique globale[7] :
Face à un danger qui attente à la vie humaine sur la planète, la passivité du gouvernement français conduit à se poser la question : « Le gouvernement français fait-il partie de l’humanité ? ». Il s’agit donc d’élaborer une notion d’« humanité » faussement universelle[8], utilisée de manière polémique dans le cadre d’une stratégie de déshumanisation de l’ennemi qui ne se fait pas par la projection de traits non-humains sur le sujet déshumanisé, mais en construisant un opposant qui se place lui-même en dehors et à l’encontre de l’humanité.
D’autre part, si le « nous » place l’interlocuteur dans le rôle de victime de la catastrophe climatique, un deuxième rôle est aussi rendu disponible par l’ambiguïté du référent : celui du militant qui prend sur soi la charge de protéger l’humanité. Cette deuxième posture est au centre d’un sous-corpus de tweets qui posent des problèmes de configuration des personnes sujets spécifiques.
II.2 Quand le « nous » collectif fait place au « je » des militants
Une série de tweets est consacrée aux discours rapportés[9] des militants qui décrivent les raisons de leur engagement, avant l’action ou durant (il s’agit alors de témoignages récoltés pendant des blocages). Ces tweets montrent une structure énonciative et iconique standardisée : outre une représentation de l’énonciateur cité (une photo en premier plan ou une vidéo), le tweet consiste en un texte court, se composant essentiellement des mots rapportés, qui peuvent être aphorisés à partir d’un discours qu’on retrouve dans la vidéo ; une description minimale de l’énonciateur cité introduit le discours rapporté, cette description suivant régulièrement la structure : nom du/de la militant.e, âge, profession et, le cas échéant, le lieu de l’action directe à laquelle le militant prend part et qui constitue le scénario de son discours.
Cette série de tweets transforme la configuration du « nous » collectif, en laissant ainsi entrevoir la pluralité des « je ». On passe donc d’un nous « amplifié », conçu comme l’extension des « je », à un « nous » qui se pose comme une véritable concaténation des « je ». C’est une opération dangereuse pour la cohérence du groupe, censé regrouper une multiplicité des voix dans un tout unitaire, dont l’hétérogénéité serait à masquer. Le discours de DR suit une démarche contraire : il produit une image de soi des militants unifiée par le biais d’une iconicité semblable, d’un encadrement du discours rapporté standardisé (les militants sont toujours présentés par la même formulation), et d’un contenu énonciatif des discours rapportés très peu varié en ce qui concerne la structure énonciative et les arguments mobilisés pour justifier le choix de l’activisme. Les tweets dessinent ainsi une pluralité où les singularités se perdent dans un ethos dit et un ethos montré qui se ressemblent beaucoup[10]. Ce procédé permet de « mettre en scène des corps parlants appropriés, de stabiliser la relation entre des traits psychologiques et comportementaux » – bref, de produire une « typification d’ethos » (MAINGUENEAU 2022 : 25).
Cette démarche est proche de celle décrite par Orkibi (2016), qui analyse la campagne Facebook de trois candidats aux élections présidentielles israéliennes. L’auteur montre la stratégie de communication d’une candidate (Shelly Yachimovich) qui donne la parole à des « gens ordinaires » dans des postes sur son compte Facebook. Leurs récits sont censés illustrer un « moment d’illumination » qui les a conduits à se rallier de la part de Yachimovich. Comme le note Orkibi, ces narrations remplissent une double fonction rhétorique : d’une part, la série des narrations individuelles place la communication surplombante (de campagne ou de mobilisation) dans une réalité humaine tangible et authentique, ce qui constitue une forme d’argumentum ad populum ; d’autre part, elle témoigne de la force de l’entité qui réunit les énonciateurs ordinaires dans une collectivité idéale, en délinéant ainsi un appel à la majorité. On peut ici avancer une troisième fonction, liée à la démarche d’incorporation de l’ethos du garant décrite par Maingueneau (1999). La question de l’incorporation semble prégnante dans la communication numérique, et soulève plusieurs questions : comment est-ce qu’on peut « faire corps » dans un RSN ? Quels sont les traits d’une corporalité et d’une incorporation numériques ? Quelle est la saillance, et quelle la pertinence, de la corporalité en milieu numérique ? Ces questions restent nécessairement ouvertes ; je me limite ici à suggérer que la dimension plurisémiotique des tweets et d’autres genres numériques permet une monstration des corps et des voix des militants (dans les mots de Maingueneau, une « corporalité » et un « ton ») qui va dans la direction de la création d’un « corps idéal » (MAINGUENEAU 2022) dans un environnement numérique ; une contribution importante à la construction éthotique d’un locuteur collectif dématérialisé et sans leader ni porte-parole officiel.
III. Nommer la lutte et les militants : des « citoyens » en résistance civile
À côté de l’analyse des personnes grammaticales, une deuxième étape dans l’étude de la construction d’une image de soi est l’analyse des dénominations. Puisque l’acte de dénomination n’est pas une opération objective, et que « [t]oute assignation du sens engage celui qui l’énonce, en exigeant de lui qu’il prenne position en regard de la chose » (SIBLOT 1992 : 9), je me concentrerai ici sur la manière dont les militants et les formes de lutte sont nommés du fait de leur importance dans la construction d’une identité et d’une légitimité collectives.
Les militants de DR sont toujours indiqués comme des « citoyens » : il s’agit d’un mot stratifié, porteur d’une riche mémoire discursive. Les révolutionnaires de 1789 et de 1848, les Communards, les militants socialistes de la Deuxième Internationale, les partis politiques et les milieux associatifs contemporains : tous l’ont employé, en se revendiquant d’un mot qui désigne « l’homme qui n’est plus le sujet d’un monarque mais qui, dans l’égalité, participe à la souveraineté populaire, jouit du droit de cité (et en remplit les devoirs concomitants) » (ANGENOT 1992 : 7). Le tweet ci-dessous donne un exemple de cet usage :
Dans le discours de DR, les droits et les devoirs de citoyens-militants sont présentés de manière claire. Je ne considère ici que les devoirs[11], ce qui me permettra d’éclairer les « vertus », comme les appelle Aristote, qui entrent en jeu dans la construction de l’ethos militant de DR : quels sont les comportements qu’on attend d’un bon citoyen, d’un bon militant écologiste ? Les tweets montrent que le sentiment de responsabilité à l’égard de la collectivité – qui commence par les proches et qui s’étend jusqu’à inclure l’humanité entière et les générations futures – est souvent à l’origine de l’implication à la première personne. Les militants expliquent ne pas pouvoir ignorer une obligation morale à s’engager activement dans la lutte écologiste. Cet engagement est décrit comme la source d’inquiétudes diverses (la peur d’être arrêté, la gêne provoquée par le fait de commettre une action illégale et de déranger les autres personnes), mais il reste néanmoins nécessaire pour le bien commun :
Le récit des militants ajoute au discours de DR un mode narratif qui serait autrement absente, le locuteur collectif énonçant sur les modes déclaratif ou informatif[12]. Dans cette série, DR en tant que Locuteur (collectif) semble privilégier un rôle de narrateur masqué, de metteur en scène des récits des activistes. Il organise les énonciations individuelles pour créer « une image de groupe susceptible d’entrainer l’adhésion de l’auditoire en manifestant sa crédibilité, et toutes les qualités cognitives et éthiques qui, dans des circonstances particulières, sont susceptibles d’asseoir son autorité » (AMOSSY et ORKIBI 2021 : 22). Ces qualités émergent également dans des tweets relevant du mode déclaratif, lorsqu’il s’agit de justifier les actions directes, en expliquant les raisons et les objectifs de la mobilisation écologiste. Dans ce cas, la vertu qui prime est celle de l’abnégation :
L’ethos construit par DR est celui d’un groupe de personnes qui s’engagent pour le plus grand bien ; pourtant, DR s’efforce souvent d’argumenter ses raisons et, surtout, ses pratiques. Les stratégies de lutte de DR sont partagées par d’autres groupes écologistes militants, tels Just Stop Oil au Royaume Uni et Ultima Generazione[13] en Italie. La diffusion géographique des actions, la couverture médiatique accordée aux protestations de ces groupes, par les mêmes moyens et avec les mêmes mots d’ordre, ne semblent pourtant suffisantes à légitimer des actions illégales, soient-elles relativement inédites et spectaculaires, comme dans le cas des jets de peinture sur des œuvres d’art et des palais gouvernementaux, ou plus conventionnelles, comme le blocage de rues. Il devient alors indispensable, pour DR, de bien (se) communiquer. Il s’agit d’une tâche inhérente à l’action collective, qui présuppose « un travail constant d’articulation de répertoires d’argument aux formes prises par [l’]action (Cefaï et Lafaye 2001 ; Stewart, Smith et Denton 2007) de sorte que les formes prises par les mobilisations collectives se dessinent dans la mise en relation complexe du jeu d’acteurs et du jeu d’arguments (Chateauraynaud 2007, 2011) » (ALLOUCHE 2015 : 19). Dans cette articulation de stratégies argumentatives et stratégies de protestation, l’étude des argumentaires d’un collectif et des marques doxiques dont ils sont porteurs (AMOSSY 2021) peut éclaircir la construction de l’ethos collectif. Comme le remarque Rennes (2011), bien que la notion de « réservoir d’actions » soit couramment employée en sociologie pour indiquer l’ensemble de pratiques de lutte actualisées par un groupe donné dans certaines conditions sociales, techniques et épistémiques, la notion parallèle de « réservoir d’arguments » est rare en sciences du langage. L’auteure identifie deux grandes tendances dans les études rhétoriques et argumentatives : d’une part, une tendance trans- ou a-historique qui privilégie les « structures formelles de raisonnement et d’argumentation transversales à la plus grandes variété de corps et de situations de communications » ; d’autre part, une tendance à prendre en charge l’historicité des idéologies, en rendant compte « de modes de raisonnement et d’argumentation propres à des positionnements, des arènes et/ou des genres discursifs historiquement déterminés » (2011 : 154). Les deux tendances ne se trouvent pas forcément en opposition. Si un répertoire trans-historique d’arguments a été rédigé à partir d’Aristote, puis repris et partiellement reformulé par la nouvelle rhétorique de Perelman et Olbrechts-Tyeca (2008 [1958]), on pourrait pourtant étudier l’actualisation historique de ces arguments au sein d’un genre, avec ses caractéristiques et ses contraintes, et dans le cadre d’un positionnement spécifique. Notamment, ici la question est de voir comment un collectif écologiste et militant construit un ethos collectif dans un environnement numérique, en piochant dans un réservoir d’arguments qui lui préexistent ; en d’autres termes, de voir comment ces arguments sont réactualisés.
Les formes de protestations choisies par DR relèvent de la désobéissance civile, un terme qui « recouvre un vaste répertoire d’actions » qui « partagent deux caractéristiques fondamentales. Premièrement, leur caractère illégal : il y a désobéissance à partir du moment où une loi, un règlement ou un ordre a été enfreint. Deuxièmement, leur caractère non violent[14], c’est-à-dire civil » (CERVERA-MARZAL 2020: 202). Pourtant, le choix de la désobéissance civile en régime démocratique n’est pas anodin. Si la loi est conçue comme l’expression d’un pouvoir censé représenter la volonté du plus grand nombre, toute opposition risque d’apparaître illégitime. Comme le note Cervera-Marzal, « [l]es désobéissants civils sont donc soumis à un double impératif de justification. Ils doivent d’abord, comme tout acteur politique, expliquer le bien-fondé de la cause pour laquelle ils s’engagent (…). Mais les désobéissants doivent aussi et surtout expliquer pourquoi ils servent cette cause en recourant à des moyens illégaux » (2020 : 204). Dans un tweet rapportant le discours direct d’un militant, DR nomme explicitement cette contradiction entre cadre éthique (la justice morale) et cadre légal (la justice définie comme respect des lois en vigueur) :
Il sied donc au collectif de justifier les pratiques de mobilisation choisies : pour ce faire, il s’appuie sur l’évocation de deux modèles historiques, la population entrant en « résistance civile » pendant la seconde Guerre Mondiale, et les freedom riders, les activistes pour les droits civils qui organisaient des voyages en car du Nord au Sud des États-Unis où des militants Noirs et blancs voyageaient ensemble pour revendiquer le droit constitutionnel aux transports non-ségrégués entre les états fédéraux.
Dans le premier cas, un type particulier de résistance est mentionné, notamment la « résistance civile ». Proposé par l’historien Jacques Sémelin dans Sans armes face à Hitler. La résistance civile en Europe, 1939-1943 (1989), le terme indique des pratiques d’opposition non-violente à un régime autoritaire par la population civile. DR s’empare du terme, ce qui permet de convoquer une mémoire discursive puissante, relative à l’imaginaire de mobilisation contre le nazisme : une mobilisation civique et non-violente, comme l’attestent les 141 occurrences de « résistance civile » contre les 32 occurrences de « résistance » en absence de qualification, qui renverrait à un ensemble de pratiques différentes, comprenant la lutte armée :
En même temps, le collectif cite comme des modèles exemplaires des militants ayant fait le choix de la désobéissance civile, comme les freedom riders :
Il en ressort un amalgame entre la résistance comme processus de libération contre les régimes nazi et collaborationniste, et des luttes autres caractérisées par un recours à l’action directe non-violente. L’amalgame est d’ailleurs renforcé par les nombreuses occurrences du terme « désobéissance civile » dans les mêmes tweets utilisant le terme « résistance (civile) ». De ce fusionnement de deux pratiques et de deux historicités différentes, on peut retenir deux éléments : d’abord, l’importance donnée à la non-violence sur le plan pragmatique aussi bien que sur celui de l’argumentation ; d’ailleurs, comme le souligne Rennes (2011), « [u]ne forme d’action collective (…) est toujours susceptible d’être reçue (et conçue par ses initiateurs) comme un argument dans le conflit[15] » (2011 : 157) : dans ce cas, la lutte non-violente tire sa légitimation de l’histoire et à son tour légitime les militants qui s’en emparent. Ensuite, on trouve la justification historique de l’existence du groupe et de ses actions, qui se fait par la convocation de généalogies militantes dont DR revendique l’héritage. Cette relation avec l’exemple historique des résistants et des désobéissants civils apporte des avantages sur le plan de la construction éthotique ; comme le note Paissa (2016), les exemples historiques mobilisent trois fonctions principales dont les discours qui se font sur la scène publique bénéficient : « l’axiologisation, c’est-à-dire la capacité de conférer, ou de consolider, une orientation positive ou négative à des faits, à des événements et à des personnages appartenant au patrimoine mémoriel commun ; la ‘perspectivation’, à savoir la mise en perspective des événements et de l’articulation des causes et des conséquences ; la mythopoièsis, à savoir la construction et le renforcement de mythes sociaux » (2016). La filiation revendiquée par DR d’une tradition historiquement reconnue de lutte contribue alors à renforcer la construction d’un éthos écologiste et militant qui travaille pour la démocratie, malgré l’illégalité des actions directes. Les tweets du corpus mettent en avant la conscience d’une légitimation par l’histoire :
Ce deuxième tweet fait appel à l’histoire comme source de légitimation, qui se fonde du moins en partie sur le topos de l’Historia magistra vitae (GIAUFRET 2022) ; il fait également appel à une autorité « traditionnelle » (VICARI 2023), la justice. Il s’agit d’une stratégie argumentative fréquente chez DR[16], qui représente une deuxième stratégie de légitimation dans une visée de démasquement du gouvernement, de son manque de volonté et de capacité à agir. L’autorité juridique est alors invoquée sous forme des jugements prononcés contre l’État français : il s’agit du procès connu comme « l’Affaire du Siècle ». En mars 2019, quatre associations (Oxfam France, Notre Affaire à Tous, Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France) saisissent le tribunal administratif de Paris pour non-respect des engagements de la France dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Le 14 octobre 2021, le jugement du tribunal administratif de Paris sur la question du préjudice écologique établit que l’État doit réparer le préjudice dans la date limite du 31 décembre 2022[17].
L’affirmation de DR est, en effet, imprécise : ce n’est pas l’exécutif qui a été jugé coupable pour « inaction climatique », mais l’État français. Le collectif passe donc d’une entité plus abstraite à un groupe concret d’individus qui devraient être comptables pour leurs actions, ou manque d’action. Le brouillage des référents permet une représentation négative du gouvernement, d’autant plus intéressante qu’elle se joue sur la définition d’une conduite illicite et illégale de la part de l’instance politique. La culpabilité du gouvernement, sanctionnée par les tribunaux, est mobilisée dans une démarche rhétorique de polarisation[18] qui affiche une opposition entre gouvernement et militants :
De l’interrogation directe et rhétorique avec laquelle s’ouvrent les tweets, on passe à la création d’un hashtag, #QuiEstCoupable. Le hashtag #QuiEstCoupable vit son essor autour du 8 janvier 2023, au moment du procès de cinq des activistes, accusés d’avoir perturbé le trafic. Il s’agit du premier procès contre des activistes : un événement qui met à l’épreuve le collectif, en demandant des efforts d’organisation de la défense et de la solidarité, mais qui a un potentiel de construction d’identité fort du fait du danger qui pèse sur des membres du groupe de la part de l’Autre opprimant. Cela demande également un effort communicatif de la part du collectif, visant à solliciter la solidarité d’un public composite. Le hashtag sera mobilisé dorénavant à chaque procès concernant des activistes de DR.
Un hashtag est un technomot (un élément opérant à la fois comme signe linguistique et comme élément numérique ; PAVEAU 2013) dont la fonction originale d’indexation se double de fonctions autres : notamment, dans un discours militant numérique, le hashtag peut être employé comme signe d’appartenance et comme expression d’un positionnement, au point que certains chercheurs ont parlé d’une catégorie de hashtags « militants » (HUSSON 2016), caractérisés par une visée mobilisatrice, identitaire et fédératrice. Dans les tweets de DR, le hashtag #QuiEstCoupable rentre dans la rhétorique de polarisation propre à la construction d’une image de soi en opposition à celle d’un groupe adverse ; il contribue aussi à mettre en question une notion clé – la culpabilité. Il ne s’agit pas de nier la validité du cadre du droit, dans lequel la notion de « culpabilité » tire sa signification principale ; au contraire, l’argument de la culpabilité juridique confirme la justesse des arguments de DR et persuade le public du danger représenté par un gouvernement sanctionné par la loi. Le discours se centre donc sur le référent indiqué par le mot « coupable » d’un point de vue strictement juridique, vu que les militants de DR ont été acquittés en justice ; mais aussi, en s’appuyant sur la polysémie de l’adjectif « coupable », le discours de DR convoque un jugement éthique. L’adjectif « coupable » indique en effet quelqu’un « qui a commis volontairement un acte considéré comme répréhensible » ou quelque chose « qui est condamnable » (TLFi). La conduite du gouvernement, donc, n’est pas seulement dangereuse, mais « méchante ». Si les militants se construisent un ethos de sauveurs, le gouvernement français est représenté comme faisant partie du champ adverse, celui des opposants. La polarisation se double d’une simplification des (op)positions dans un système axiologique très net qui renvoie au schéma narratif du héros surmontant des péripéties diverses pour aboutir au triomphe contre le « mal »[19] :
Encore une fois, la mémoire discursive convoquée pioche dans l’isotopie de la Seconde Guerre Mondiale et de la lutte contre le nazisme, auquel on fait souvent référence en employant le syntagme « mal absolu », ici défigé (au risque d’un effet de parodie) par le biais du superlatif renchérissant l’adjectif « absolu ».
Conclusion
En structurant une image de soi capable de réunir ethos dit, ethos montré et contenu énonciatif dans une articulation cohérente, DR construit un ethos dont les deux facettes rhétoriques, celle de l’affirmation identitaire et celle de la stigmatisation de l’autre auquel il s’oppose, se renforcent mutuellement. Les militants s’engagent pour le bien-être de l’humanité dans un surplus de prise de responsabilité et le gouvernement français abdique à sa propre responsabilité présumée : la protection de la collectivité citoyenne ; ensuite, les militants brisent la loi, mais cette infraction est présentée à la fois comme nécessaire et se plaçant dans un ordre de gravité différente par rapport à la culpabilité, sanctionnée par le droit, du gouvernement ; finalement, les militants choisissent des pratiques certes illégales, mais historiquement légitimes. En puisant dans l’imaginaire de la résistance et de la désobéissance civiles, les militants s’appuient sur des sources de légitimité. En particulier, le renvoi mémoriel à la résistance contre les régimes nazi et collaborationniste suggère une affinité entre ceux-ci et le gouvernement français contemporain, ce qui en confirme une « culpabilité » morale et la distance par rapport aux activistes-sauveurs. Finalement, en convoquant une image de l’humanité comme principale figure du « nous », DR s’efforce d’impliquer le plus grand nombre d’internautes. Au contraire de ce qui avance Sholomon-Kornblit, dans le discours écologiste militant, l’évocation de l’« humanité » ne fait pas ici « oublier à l’auditoire des tensions politiques pourtant bien réelles » (2020 : 161), mais il reconfigure ces tensions dans une division entre les militants, les sympathisants, la société en général, et un gouvernement impuissant ou non-intentionné à agir. Cette reconfiguration est d’ailleurs conforme aux enjeux d’un discours militant dont la visée identitaire et mobilisatrice est forte, ce qui impose de jouer sur le double axe de la valorisation de soi et de la stigmatisation de l’autre. Il en ressort une polarisation très forte entre le « nous » des militants, posés en sauveurs de l’humanité, modèles à la fois exemplaires et accessibles, et l’« eux » du gouvernement français.
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[1] Depuis février 2023, cette limite n’est plus valable pour les abonnements payants.
[2] On peut retrouver cette même perspective sur l’individuation du sujet dans d’autres disciplines et d’autres auteurs, comme Buber (1993 [1958]).
[3] Fonction identitaire et fonction de rassemblement semblent se superposer, du moins partiellement. D’ailleurs, la fonction identitaire pourrait être considérée comme une fonction d’ordre supérieur, réunifiant les autres fonctions, d’ordre inférieur.
[4] Pour une discussion autour des termes « ethos prédiscursif » et « éthos préalable », cf. AMOSSY 2010 : 74-5.
[5] Un numéro de la revue Itinéraires (2015-3/2016) est consacré à la question des ethos numériques. (La revue utilise la forme invariée d’« ethos » pour le pluriel). En revanche, le Dictionnaire d’Analyse du Discours Numérique (PAVEAU 2017) ne présente aucune occurrence du mot « ethos ».
[6] Dans son article, Dominique Maingueneau analyse la catégorie générale des « sites » sans entrer dans le cas spécifique des RSN.
[7] Le contenu plurisémiotique présent dans ce tweet (comme dans les tweets des figures 10 et 11) a été défini comme un « technographisme » par Marie-Anne Paveau (2017), à savoir une « production[s] sémiotique[s] associant texte et image dans un composite natif d’internet » (2017 : 305). Dans ce cas, il s’agit de contenus créés et diffusées par le compte Instagram de Dernière Rénovation. Ici, je ne pourrai traiter des hybridations et des citations croisées entre réseaux sociaux, mais il s’agit d’une direction de recherche à explorer.
[8] Une connotation polémique de l’« humanité » circule, dans les discours de certains mouvements sociaux (notamment, le mouvement Occupy aux États-Unis), se fondant sur la distinction entre 99% de la population mondiale et 1% des élites milliardaires.
[9] Ce qui amènerait à une discussion de la relation entre ethos enchâssant et ethos enchâssé, qui ne peut pourtant trouver d’espace dans cet article. Comme le constate Maingueneau (2022, entre autres), le locuteur enchâssé énonce toujours au profit de l’énonciateur citant. Pourtant, l’enchâssement peut remplir plusieurs fonctions ; dans le cas de DR, le discours rapporté des militants contribue à forger non une autorité, mais une image de soi – une fonction de la citation analysée par Doury (2004).
[10] Maingueneau (2022) souligne que cette cohérence entre ethos dit, ethos montré et contenu énonciatif est propre des ethos « compactes ». Bien que minoritaire, un ethos compact « permet d’articuler énonciation, identité et institution en inscrivant l’événement de parole dans une certaine configuration sociohistorique » (2022 : 23), d’où l’intérêt qu’il revêt pour l’analyse du discours.
[11] Parmi les droits, DR fait souvent référence au « droit au futur » ou au « droit à la vie » ou « à vivre ». Cette dernière formulation est parfois accompagnée par des qualifications qui en réduisent la portée, comme « le droit à vivre dans un monde habitable ».
[12] Le mode informatif et un effacement énonciatif sont choisis par DR surtout quand il s’agit de rapporter des actions directes. Le collectif, qui a à plusieurs reprises dénoncé une couverture médiatiques faible ou partielle, prend sur soi la tâche d’informer le public des actions conduites dans un discours dépouillé de subjectivèmes qui offre au public des faits et des images « bruts », à juger par lui-même.
[13] Il s’agit d’ailleurs de groupes qui font partie du réseaux international AK22 à côté de DR.
[14] Comme l’auteur le souligne, en citant Schock (2003), le débat est ouvert sur ce qui constitue une action violente : par exemple, la destruction d’un bien matériel serait-elle un geste violent ?
[15] On pourrait ajouter que toute pratique d’action politique peut fonctionner comme un argument quand il s’agit de sujets politiques engagés dans un conflit qui a toujours une dimension socio-discursive. À cet effet, on pourrait citer le cas des violences policières contre des manifestants pacifiques, un geste qui témoigne de la disproportion des forces et de l’injustice du sujet gouvernemental (et/ou étatique) dont la police dépend et qu’elle représente.
[16] Il s’agit surtout de faire appel à l’autorité de la science ou de la justice. La démarche d’appui sur la parole institutionnelle recouvre pourtant des visées différentes selon l’autorité convoquée : dans le cas du recours au discours scientifique, dont participent les sciences dures autant que les sciences humaines, DR prend appui sur des savoirs experts, qui montrent la nécessité d’un engagement écologiste.
[17] https://www.vie-publique.fr/en-bref/282012-changement-climatique-la-france-condamnee-pour-prejudice-ecologique (consulté le 26 juin 2023).
[18] On trouve la même stratégie dans certains tweets, comme dans ce tweet du 23 février 2023 : « Qui génère le plus grand danger ? Dernière Rénovation et ses actions de résistance civile ou un ministre du logement mettant en place des mesures inadaptées aux objectifs de neutralité carbone pour 2050 ? [6] ». Le chiffre « 6 » entre crochets indique qu’il s’agit du sixième tweet d’un fil de tweets, une séquence de tweets qui traitent du même sujet, mais qui peuvent être lus, commentés et partagés indépendamment l’un du l’autre.
[19] On remarquera dans ce tweet la même formulation que l’on trouve dans la figure 2.
Per citare questo articolo:
Nora GATTIGLIA, « Entrer en « résistance civile » contre le « mal absolu » : la construction d’un ethos écologiste et militant sur Twitter », Repères DoRiF, numéro hors-série Varia, DoRiF Università, Roma, febbraio 2024, https://www.dorif.it/reperes/nora-gattiglia-entrer-en-resistance-civile-contre-le-mal-absolu-la-construction-dun-ethos-ecologiste-et-militant-sur-twitter/
ISSN 2281-3020
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